Année 13 – Été
Shozaichi

Aujourd’hui promettait d’être une journée des plus intéressantes. Et encore, le jeune Sairyo n’avait aucune idée de ce qui l’attendait ! Il s’était levé de bonne heure aujourd’hui, la journée promettait d’être des plus ensoleillées et la température annoncée s’annonçait plutôt pesante. Un climat qu’affectionnait particulièrement notre petit héros qui ne souffrait en aucun cas de la chaleur. Chose plutôt étrange pour une personne ayant vécue à Ame no kuni, mais c’était comme ça après tout.

Mais ce n’était pas le beau temps annoncé qui l’excitait le plus, non… C’était plutôt le fait qu’un cours spécial serait dispensé par un expert de la sensorialité. Intéressant, Hiko était lui même un spécialiste dans ce domaine et il se demandait bien qui pouvait prétendre être un expert dans le domaine. Il s’était donc rendu, comme de nombreux autres shinobis, au lieu de rendez-vous. Se tenir informé faisait partie de ses fonctions de membre de l’Unité Spéciale Sasayaki, et il n’avait pas été difficile pour lui de trouver cet affichage mentionnant qu’un cours spécial serait dispensé.

***

L’enfant s’y attendait, il serait entouré de personnes pratiquant pour la plupart la sensorialité et il n’avait pas envie d’être sondé par les autres. C’est donc pourquoi il camoufla son propre chakra en se rendant dans l’amphithéâtre. Il portait des vêtements de ville et ne tenait pas à camoufler son identité, cela aurait été suspect. Cependant, il ne cessait d’observer les gens se trouvant autour de lui. Beaucoup de visages inconnus, des jeunes et moins jeunes s’étaient pressés dans cette salle. Hiko était resté un peu en retrait, après tout, si le cours était inintéressant, il voulait être en mesure de quitter les lieux sans être embêté par la suite. C’est pourquoi il ne s’était pas immédiatement assis.

L’entrée du « professeur » changea complètement la donne. Hiko ne s’y attendait pas du tout et fut surpris lorsqu’il vit le Tyran se présenter devant l’audience. Le brouhaha cessa immédiatement et sa première action ne fit que rajouter une ambiance pesante. Il venait d’envoyer un kunai vers un mur qui semblait vide, mais au final un jeune présomptueux venait de se faire transpercer le poignet car il était venu en dissimulant son apparence visuelle. La plupart des personnes assises furent tous ébahis, effrayés par ce qu’ils venaient de voir… Mais aussi surpris de voir que quelques uns étaient venus en voulant jouer aux plus malins.

Hiko sourit. Ils n’avaient pas un niveau exceptionnel en sensorialité apparemment. En effet, le camouflage de l’embroché était loin d’être parfait et Hiko avait senti son chakra. Dans une salle pleine à ras bords de senseurs, ne pas dissimuler son chakra était une faute évidente. C’est la raison pour laquelle Hiko avait dissimulé le sien. Mais au moins, l’entrée en matière du Tyran avait montré à tout le monde sa véritable nature et cela ne fit que renforcer ce que pensait Hiko, cet homme n’était pas bon pour le Shûkai. Cependant, sa présence l’intriguait et il était curieux de voir ce que ce dernier leur réservait. C’est donc pourquoi il décida de rester.

Il s’avança donc dans la salle, alors que le silence était toujours aussi intact. Ses pas étaient légers, et il ne faisait aucun bruit lorsqu’il alla se placer au quatrième rang, sur le côté gauche de l’amphithéâtre. Croisa ses mains sous son menton, il fixa désormais le Kamui, attendant la suite.

Hrp:

Ce type est un sociopathe! L'empereur est peut-être autre chose qu'un vieil infirme au porte de la mort après tout... Mieux encore, il a carrément embroché le poignet d'un type qui se trouvait derrière moi. La sensorialité, je connais. Enfin dans les grandes lignes. Ce ne sera sûrement jamais ma spécialité de prédilection mais il faut reconnaître que cet art est pratique. Spécialement quand on se méfie de tout et de rien. Mais le fait que ce soit ce Samui à la folie des grandeurs qui dispense ce cours me conforte définitivement dans mon choix de venir.

J'essuie le jet de sang de mon infortuné voisin qui se trouve sur ma joue tandis qu'un léger sourire apparaît sur mes lèvres. Je penche ensuite la tête sur le côté tandis que je scrute le vieux. Lui, empereur? Je l'imaginais plus grand et puis surtout mon grognon. Dans le genre imbécile heureux un peu. J'avais même imaginé qu'il puisse être le pantin de quelqu'un, qu'il n'était qu'une sorte de leurre dont on pourrait se débarrasser facilement s'il venait à poser problème. Il semble évident que ce n'est pas le cas maintenant.

C'est la première fois que je le vois et en fait je le trouve plutôt intéressant pour l'instant. Il n'a pas hésité à s'en prendre physiquement à un soldat pour démontrer sa supériorité. Le tout maintenant est de savoir s'il l'a fait par pur sadisme ou par nécessité. Est-ce qu'il a besoin de ce frisson que procure la violence? Si c'est le cas et qu'il contribue à l'extermination des non-Gogyou, il est pratique. Bref, le cours risque d'être intéressant!

*Evite quand même de te faire remarquer!* vu ce qu'il s'est passé, ça tombe sous le sens... *Ce serait con de devoir tabasser un vieux devant tout le monde!*

S'il s'en prends à moi je ne vais pas le laisser faire de toute façon. Et je vois mal ce qu'un vieillard avec un bras en moins pourrait faire si je décide de le noyer sur place. Le soucis dans tout ça c'est que je risque ensuite d'y passer. Je vais me faire lapider ou pire... Bon et bien je crois que je vais tout simplement jouer la carte de la neutralité. Comme d'habitude!

*Vas-y l'ancêtre, bouge-toi!*

J'espère qu'il sait animer une leçon parce que je me vois mal quitter l'amphithéâtre maintenant que la leçon a commencé. Je redoute de perdre du temps à écouter un vieillard divaguer sur ses souvenirs de jeunesse et ce genre de conneries...

* Espérons au moins qu'il y aura une pause pour bouffer, j'ai toujours le ventre vide... *

* Et bien voilà qui donne le ton... *

- Tu l'avais pas vue venir celle-là hein...

Ce type a l'art de capter l'attention d'un auditoire et, surtout, de la garder. Il parle bien, est doté d'une charisme évident et d'une gestuelle parfaitement étudiée. Pour l'instant il s'est contenté d'exposer des informations basiques sur la sensorialité. Mais sa dernière phrase m'a fait comprendre qu'il n'est pas là pour nous apporter quelque chose. Non, s'il est ici c'est parce qu'il compte sur nous pour lui apporter quelque chose à lui. Enfin, à l'Empire en théorie. Ce qui revient au même en fin de compte!

Si ses braves petits soldats tombent, il tombe aussi. Il n'y a rien de plus logique! Nous sommes le rempart sensé protégé le manchot qui s'exprime devant nous. Il le sait et nous le savons aussi! Aussi a-t'il sûrement décidé de s'assurer par lui-même que sa protection était assez... solide? Ca pourrait expliquer pourquoi la plus haute figure de l'Empire se retrouve ici à dispenser un cours. Est-ce qu'il n'a pas confiance en ses enseignants? Ou alors peut-être qu'il s'ennuie tellement dans sa tour d'ivoire qu'il a décidé de se mêler à ses troupes. Pour l'instant je ne peux faire que des suppositions...

Toujours est-il que la sensorialité reste un art que je tiens à maîtriser. Je crois pouvoir dire que j'ai un peu plus que les simples bases dans ce domaine mais je suis loin de l'excellence. Et pour une personne comme moi qui passe son temps à tenter de cacher sa véritable nature aux autres, la sensorialité n'est plus simplement pratique: elle devient pratiquement vitale. Je vais devoir progresser dans cette discipline quand bien même je n'en aurais pas envie. La survie est une question de nécessité, non de choix...

Je laisse mon regard vagabonder sur l'amphithéâtre tandis que je repense à ce que notre leader suprême à dit en tout dernier. Si nous ne sommes pas prêts à protéger nos semblables au péril de notre vie, nous n'avons rien à faire ici. Très bien! Je me redresse en silence mais ce mouvement attire forcément certains regards. Le seul qui compte pour l'instant, c'est celui de l'Empereur!

*Autrement dit il veut savoir sur qui il peut compter ou non! On dépasse largement le cadre d'un simple cours...*

Du moins est-ce là l'interprétation que j'en ai! J'attends encore quelques instants avant de descendre les escaliers en direction de la sortie. Avant de changer de direction pour prendre place sur une chaise libre au premier rang. Je dois bien reconnaître que si l'Empereur a réussi à capter l'attention des autres, c'est aussi mon cas. Maintenant c'est à moi de capter son intention malgré le fait que j'étais totalement opposée à une telle idée au début de ce cours.

Puisque l'Empereur semble attentif au moindre détail, jouons sur ces derniers pour se démarquer des autres. Et si cette leçon n'était rien d'autre qu'une sorte de recrutement géant? Voyons voir ce que ce vieillard peut m'apporter...

- Subtil ? Il prit un air étonné, comme s'il cherchait le sens de ce mot. Puis son faciès changea comme laissant derrière lui cette chose qu'il était apparemment incapable de comprendre, avant de surenchérir : ...essaie de voir plus loin que ce que l'on veut bien te montrer. C'est ce que ce cours cherche à enseigner...

- Excusez-moi Kakeshuou-kamui, mais une défense, aussi solide soit-elle... ça s'observe, ça s'analyse. Et ça se perce. Si nous venions à connaître à nouveau un assaut d'envergure, ce seront les forces mises en œuvre qui détermineront notre efficacité. Et dans ces cas-là, une petite souris pourrait nous passer sous le nez... Sous la table, petit coup de coude dans les côtes du jeune Sairyo. Ne vaudrait-il pas mieux revoir notre façon de prévenir les attaques extérieures plutôt que d'attendre qu'un ennemi soit à nos frontières et prêt à en découdre ?

Ce cours se révèle de plus en plus passionnant. Au-delà de l'aspect purement théorique c'est surtout l'opportunité qu'il m'offre de me faire une idée plus précise du Samui qui m'intéresse. Je comprends mieux comment ce vieux grigou a pu prendre la tête de l'Empire après avoir gravi les échelons. Enfin, comprendre... Disons que je ne sais pas exactement comment il s'y est pris pour obtenir un pouvoir absolu sur le Shûkai mais je ne crois pas trop m'avancer en disant que ce n'est pas dû au hasard. Pour évincer les deux autres chefs de section du Triumvirat à son seul profit - ou presque - il a du faire preuve d'une sacrée ruse. Et le fait qu'il ait été aidé par des bras-droit avides de pouvoir n'enlève rien au mérite qui lui revient.

Je n'ai pas la prétention d'avoir une vision d'ensemble de cette affaire mais pour ce que j'ai pu lire dans la presse ou entendre pendant la fête d'inauguration, je crois toutefois avoir une idée plutôt précise du personnage. Un type qui veut régner son partage et sans égaux. Une personne bien décidée à accomplir de grandes choses, que ce soit pour laisser une trace de l'histoire ou flatter son égo. Voir les deux... Mais le réduire au rang d'un vieil avide ne lui rend pas hommage même si j'aurai préféré qu'il en soit ainsi. C'est facile de manipuler quelqu'un quand on connait ses faiblesses. Et je ne suis pas certaine que le type en face de moi en ait...

À plusieurs reprises je me surprends à boire ses paroles en étant pourtant du pouvoir de son charisme. Je comprends pourquoi tant de gens ont pu le suivre dans ce qui reste un coup d'état malgré le nom qu'on veut bien lui donner. Et comment il a su garder ce dont il s'est emparé. Ce qui était sûrement le plus difficile. Renverser le ou les dirigeants n'est pas la chose la plus compliquée en soi même si ce n'est évidemment pas donné à tout le monde. Garder le pouvoir, en revanche...

*Tu es décidément plein de surprises, le vieux!* je me fends d'un sourire sans même le remarquer. *Quel est ton prochain objectif? T'arrêteras-tu au seul Shûkai ou ton regard se porte désormais sur le reste du monde?*

Je continue d'écouter ce qu'il explique et prends quelques notes au passage. Je n'ai pas eu la chance de naître dans une famille conventionnelle ou de suivre le même cursus éducatif que la plupart des jeunes de mon âge. Je n'ai par exemple jamais entendu parler de ces Inuzuka. Se battre avec des chiens? Sérieusement? L'idée est... saugrenue, non? Quoique elle doit sûrement être efficace sans quoi la réputation de ce clan n'aurait pas dépassé les frontières de son pays...

J'ai déjà entendu plus de choses sur les Hyûga en revanche. Leur dôjutsu est aussi craint que respecté et à juste titre je présume. Quoi qu'il en soit j'ai là une occasion en or de rattraper mon retard dans le domaine de la connaissance des clans. Et je ne compte pas m'en priver! L'Empereur poursuit ses explications en se concentrant sur la détection.

J'ai passé ma vie à me cacher, à me considérer comme une proie. Il est peut-être temps d'endosser le rôle de chasseuse pour changer. Dans cette optique je crois bien que le cours mérite toute l'attention dont je suis capable. Je continue d'écouter silencieusement sans juger nécessaire de poser la moindre question pour l'instant. Je n'ai rien contre le fait de me faire remarquer dans la mesure où je pourrais ainsi familiariser l'Empereur avec mon visage. Mais je ne souhaite pas non plus qu'il porte son regard trop souvent sur moi. Qui sait ce qu'il pourrait découvrir grâce à ses talents en sensorialité...

La porte s'ouvre et laisse entrevoir une paire de mains puis de bras. L'enfant fait d'abord un pas hésitant puis un second tandis que quelques rires moqueurs s'élèvent de l'amphithéâtre. Mais l'avantage lorsqu'on est enfermée dans un monde sans lumière c'est qu'on ne se préoccupe pas vraiment du regard des autres dans la mesure où on en a pas conscience. La cécité à parfois quelques avantages même s'ils restent éclipsés par la légion d'inconvénients qui l'accompagne. Ne prêtant donc guère attention aux quelques remarques qui s'élèvent de la foule d'élèves présent, Setsuko le laisse la guider jusqu'au centre de la pièce. Elle ne sait pas qui est le professeur qui donne ce cours mais la moindre des choses est sans aucun doute de s'excuser pour son retard.

"Excusez-moi! J'ai..." elle soupire. "J'ai eu un peu de peine à trouver mon chemin..."

Ce qui sonne comme un aveux de faiblesse reste pour autant la plus stricte vérité. Il n'était pas très enclin à la laisser participer à cette leçon sur la sensorialité. Il y a sans doute vu un moyen pour elle d'échapper quelque peu à son emprise et de s'ouvrir un peu au monde qui l'entoure. Chose qu'il ne souhaite guère. La servitude est beaucoup plus facile à imposer à une personne coupée de ses pairs. Il a fallut qu'elle argumente jusqu'à obtenir son approbation. Et il a finalement cédé lorsqu'elle a avancé qu'elle ne pouvait pas éternellement rester en retrait de ses camarades sans éveiller les soupçons. C'est l'une des trop rares victoires qu'elle a pu obtenir sur lui. Et elle la savoure à sa juste valeur comme peut en témoigner le léger sourire en coin qu'elle arbore.

*Tu vas rester plantée ici comme une idiote?* il s'impatiente. *Tu pourrais au moins avoir la décence de ne pas me faire attendre!*
*Décence... Voilà bien un mot qui sonne étrangement dans votre bouche.*
*N'abuses pas de ma patience!* quelle patience? *Ce n'est pas une sale bondée qui m'empêchera de te châtier si tu bascules dans l'insolence!*

Et il le prouve en lacérant la chaire de son dos recouvert de haillons. Elle se crispe et se redresse comme si on venait de lui donner un coup de fouet. Elle sent la chaleur de son sang qui coule le long de son échine avant d'être bien vite absorbé par ce qui lui sert de vêtements.

*Ce n'était pas mon intention Maître!*
*Les intentions m'importent peu. Au contraire des actes!*

Il lui saisit le poignet de manière imperceptible pour la mener à une place libre. Puis il rôde dans l'amphithéâtre à la manière d'un animal enfermé. Elle suit de son regard absent l'aura sombre pendant quelques instants avant de se focaliser sur la respiration du professeur. La gamine a du apprendre les subtilités de la sensorialité. Ce n'était pas un désir mais bien une nécessité. C'est le seul art shinobi capable de pallier à sa cécité. Et alors que la plupart des gens se fient à leur vue pour se repérer et se mouvoir, elle a été forcée de trouver d'autre manières de faire. L'ouie s'est rapidement distinguée comme un palliatif crédible.

Mais si ses connaissances somme tout basiques suffisaient lorsqu'elle vivait avec lui à Taki, la vie dans la capitale a vite montré les limites de ces dernières. Et démontré la nécessité de parfaire ses compétences en sensorialité. Il n'est jamais très agréable de percuter des personnes trop pressées pour remarquer la présence d'une enfant. Sans parler des multiples autre inconvénients imposées par la vie citadine. D'où la raison de sa présence à ce cours. Et si les autorités du Shûkai avaient jugé utile de traduire les annonces en braille alors peut-être qu'elle aurait pu être sur place à l'heure. Mais elle est maintenant arrivée et c'est tout ce qui compte dans le fond. Elle espère juste ne pas avoir trop de retard...

*Est-ce qu'ils peuvent vous voir?*
*Pourquoi le pourraient-ils?*
*Et bien toutes les personnes présentes doivent être des senseurs puisque le cours s'adressait à cette catégorie, non?*
*Et alors?* son arrogance est évidente. *À moins qu'ils soient versés dans les arts Mamoru ils n'ont pas la moindre chance de percevoir ma présence. Tu devrais le savoir!*
*Si! Mais...*
*Comptes-tu parler sans cesse?*

Il vaut mieux ne pas insister et garder le silence. Les démons sont comme les humains: ils ont leur bons et leurs mauvais ours. Et aujourd'hui il est clairement dans un mauvais jour. Et davantage encore depuis qu'elle a réussi à lui forcer la main. Elle l'observe passer à travers les rangées d'élèves et humer l'odeur de certains comme s'il choisissait un met particulièrement délicat. Puis elle reporte son attention sur l'origine de la voix qui dispense le cours. Il s'agit d'être une bonne élève à défaut d'être ponctuelle...