Ordre de rang S :
Hier, les alentours du village principal du Sud de Kawa no Kuni ont été totalement brûlés. Cela n'est pas sans rappeler la situation que nous avions dû affronter il y a de cela quelques temps. Est-ce un groupes d'imitateurs ou est-ce le fameux Makka qui fait de nouveau parler de lui ? Nous n'avons encore aucune certitude à ce propos mais une chose est sûre, le ou les hommes qui ont participer à l'incendie sont très puissants ! Vous êtes donc chargé d'enquêter, de trouver et de ramener le(s) pyromane(s) vivant(s) pour qu'ils puissent être interrogé par le Misuto !

Un autre matin d'hiver. Et un jour tout aussi indécis à se lever, comme à chaque hiver. Pourtant, à l'entrée des longs tunnels de Kiri, ni cette saison austère, ni la guerre approchant qui avait doublée leurs effectifs ne semblaient entamer l'humeur des gardes. Quatre hommes, ayant improvisé des sièges et une table de jeu avec quelques rondins de bois. Il ne leur en fallait pas plus pour se lancer dans une partie de carte, tout en gardant un œil distrait sur ce chemin masqué par la brume, de laquelle surgissaient tantôt des voyageurs, tantôt des commerçants, et parfois des collègues en retour de mission. Une bouteille de saké pour se réchauffer, quelques blagues salaces et des sujets de discussions tournant principalement autour de leurs petites aventures et de leur appréhension du conflit avec Konoha. La camaraderie, teintée de légèreté, pour ces chûnins. Et de temps à autre, chacun s'accordait une œillade furtive pour celui qui n'avait de cesse de les détailler de son regard précieux.

Sei n'avait pas plusieurs années de carrière derrière lui, et pourtant, cette époque lui semblait déjà loin. Ces types étaient à peine plus jeunes que lui, et pourtant, un sentiment de fraternité et de protection à leur égard l'habitait. Inexplicable, mais si intense, qu'il eussent été tenté de se joindre à eux, et de les aborder d'un ton amical, sans gène. A chaque jour qui passait, le Jisetsu prenait la mesure des liens qui unissaient les membres d'un même village, et il lui semblait que, à mesure que l'on grimpait dans la hiérarchie, ce sentiment grandissait. Lui qui avait toujours jugé les grandes tirades patriotiques comme du flan et de la stratégie de communication, se prenait à son tour à ce petit jeu. Son boulot, c'était de protéger la vie de ces gars, et de centaines d'autres, au péril de la sienne. Et, contrairement à ce qu'il avait imaginé en acceptant ce job, il le faisait avec une grande joie.

Quittant des yeux cette scène burlesque, le membre du Misutô mis en bouche une de ses friandise en tube, puis l'alluma, avant de relever la tête avec un air détaché. A sa grande surprise, l'un des gardes avait quitté la table de jeu pour venir jusqu'à lui, le regard tout aussi intimidé que zélé.

▬ Excusez-moi, mais, que faites-vous ici, aux abords du village de KiriGakure no Satô ? Pouvez-vous ahem... décliner votre identité ?

D'abord étonné, Sei eut un rictus machinal, dévoilant d'un geste désinvolte l'écusson caché sous sa veste. Les yeux du chûnin s’écarquillèrent, à mi-chemin cette fois entre le désarroi et la honte.

▬ Je... ah... vous êtes... enfin... un des membres du Misutô ?
▬ Ouaip mon gars, comme te le confirme ce badge.

Là, il flambait un peu quand même.

▬ Ah oui d'accord... ben euh... désolé...voilà... encore désolé....

Et alors que ses joues s'étaient teintées de rouge, il tourna les talons, rejoignant ses camarades la queue entre les jambes. Bizarre, l'effet que pouvait produire ce petit badge de rien du tout. Il vint à l'esprit - tordu - de Sei l'idée que cet insignifiant objet qu'il avait faillit perdre maintes dois en l'espace de quelques semaines pouvait s'avérer être un artefact très puissant dans un domaine précis : pécho. S'il pouvait ratatiner un garde comme il venait de le faire, nulle doute qu'il pouvait provoquer un effet dévastateur chez la gente féminine la plus crédule. Ni une ni deux, le Jisetsu dégaina son calepin et son crayon, pour noter une technique de drague de plus, qui, il fallait l'espérer, s'avérerait plus fructueuses que les nombreuses autres inscrites sur ces pages.

Oui, même si les responsabilités, qu'il ne pouvait désormais fuir - enfin pas toutes en tout cas - avait fait quelque peu mûrir ce garçon, il n'en restait pas moins Sei Jisetsu, et certaines sales manies allait nécessiter plus qu'une place au sein de l'élite pour être effacées. Peut-être qu'un ordre de mission marqué du sceau craint et redouté "CLASSÉ S" pourrait y contribuer. Car s'il était aujourd'hui levé de si bonne heure, ce n'est ni plus ni moins que parce que le devoir l'appelait. La paranoïa semblait avoir gagné les grands Gakure depuis les divers incendies ayant étaient déclarées sur le continent, et la nature guerrière et rancunière de Mizu no Kuni poussait ses hommes à se mettre sur la trace d'un certains "Makka". Le flair de Sei lui disait que cet homme les trouveraient de lui-même le moment venu, mais son flair, les hautes instances n'en avaient - et c'est bien normal - rien à carrer.

C'est ainsi qu'il se retrouvait sur la route de Kawa no Kuni, où un drame semblable à celui qui avait dévasté une bonne partie du Pays de l'Eau venait d'avoir lieu. Makka et son piaf putassier faisaient-ils encore joujou avec des allumettes ? Ou simple émule visant à semer le doute ? C'est la question à laquelle Sei allait tenter de répondre, à l'aide d'un ami qu'il avait quitté sur triste note, et qu'il était bien heureux de retrouver : Kiru. Quelque part, ce type lui avait sauvé la vie (à l'aide d'un regarde, ironique pour un Jisetsu, n'est-ce pas?). Chose que le shinobi du Misutô n'avait pas oublié, et qui espérait bien pouvoir lui renvoyer l'ascenseur un de ces jours. C'était une des rares fois où le fumeur arrivait à l'heure, et avant son équipier même !

En parlant de lui, il n'aurait sut tarder plus longtemps. C'est tout sourire que Sei attendait son arrivée, recrachant une gerbe de fumée sous l’œil bien moins suspicieux des gardes.

▬ Kiru...

Le rictus de Sei s'accentua lorsqu'il prononça le nom de celui qui était apparu à travers la brume. Une épée titanesque, qui grossissait une silhouette déjà imposante, voilà sous quelle forme le sabreur avait fait son apparition. Les premières lueurs éclairèrent ces traits qui étonnerons toujours le Jisetsu : un visage juvénile mêlé à une maturité sculptée dans la violence et la guerre. Les rôles étaient inversés puisque à leur première rencontre, c'est le membre du Misutô qui avait pointé en retard, avec la gueule de bois. Avec son aura écrasante, Kiru arriva à la hauteur de son camarade, entonnant les joyeuseté, le temps que chacun se prépare à un travail pénible et de longue haleine. Bras croisés, adossé à la parois dans laquelle les cavités formant le rempart de Kiri avaient été sculptées, Sei ne changea rien à son apparente flegme, et à ses mots glissés entre ses dents et sa clope.

▬ Yo. En effet, voilà longtemps qu'on ne s'étaient pas vu.

Puis il pris un air malicieux, dévoilant à nouveau l'insigne faisant sa fierté.

▬ Jettes un œil à ce truc... Il semblerait que Gabushi, chef du Misutô, me fasse confiance. J'ai plutôt intérêt à pas la décevoir d'ailleurs.

Et, surtout, il n'en avait pas envie. Sei, malgré tout ce qu'on pourra lui reprocher, avait sut prendre la mesure de l'opportunité que lui avait offerte sa cousine. Une main tendue, qu'il ne fallait pas ignorer. Il était reconnaissant de cette confiance qui lui était accordé, et avait bien l'intention de ne pas la trahir. Ses preuves, il allait avoir l'occasion de les faire dans les heures qui suivraient : car ce qui n'avait pas encore été dit, c'est que c'est bien le statut de shinobi des forces spéciales qui avait amené Sei à être choisi pour cette mission. S'il s'agissait bien là de mettre la main sur le fameux Makka, c'était une affaire de sécurité nationale. Et comme on le sait, les Samui, dont l'esprit se jumèle à celui de Kiri puisque c'est des leur qui siège en tant que Mizukage, aiment que justice soit faite.

Le binôme pris le chemin du port, où une embarcation les attendait, et alors qu'ils disparaissaient, s'enfonçant dans le brouillard, le Jisetsu leva amicalement son bras, salut adressé aux quatre chûnins. Désormais, leur calibre hiérarchique leur permettait le luxe de naviguer à bord d'autre chose que d'un cargo miteux, ce qui trahissait encore une fois le temps qui avait passé depuis leur dernière collaboration. Tant de choses à se raconter, et tout autant de pain sur la planche. Sei avait eut vent de la nomination du premier Épéiste du village caché de la Brume. Un titre ô combien précieux, qui allait même au-delà du grade de ninja du Misutô. Les rumeurs parlait aussi d'un "gosse" - pour le poste en question en tout cas - maniant une lame flamboyante et démesurée. Il n'en avait pas fallut beaucoup plus au fumeur pour comprendre qui allait pouvoir se vanter d'être entré dans la légende.

▬ Le Misutô, c'est très protocolaire et discret. Mais les Épéiste, c'est une autre histoire : plus ça fait de bruit, mieux c'est on dirait. Du coup, j'suppose que j't'éttonerait pas en te disant que j'ai appris ton entrée dans ce cercle très fermé de l'élite des bretteurs.

Le complot des épées incarné en la seule personne du Sensoo. Sa réputation allait finir par le précéder un jour. Une chose à laquelle Sei devait aussi s'atteler, comme tout bon membre du Misu'. A ce train là, son nom aurait traversé les frontières brodé sur la couverture de sur ses livres avant d'être conté à travers des exploits guerriers. Mais pour se faire un nom, Makka avait montré la plus efficace et la plus rapide des voies : attaquer les pays majeurs - et éventuellement dresser un emplumé roux aussi bavard qu'une pie ! En y repensant, le Jisetsu perdit son sourire au profit d'une mine plus neutre, alors qu'il revoyait ces flammes danser. S'il s'agissait aujourd'hui de foutre une branlée à ce type, jamais faire son boulot n'aurait été aussi plaisant pour Sei. Mais plus encore, c'était ses motivations qui l'intriguaient.

▬ Tu sais, ce type, ce Makka commence à faire un peu trop parler de lui.

Puis son regard, vague et vide, se durcit.

▬ J'étais là, au milieu des flammes, lorsque c'est arrivé. Certains y ont laissé la vie...

Une étendue d'eau glacée pour seule chemin. Ce n'était ni la première, ni la dernière fois que Sei se retrouverait en mer, hors du temps, ironie du sort pour un détenteur du kinnegan. Son regard posé sur l'horizon, il savait : il savait qu'un jour ou l'autre, c'est cette vie de voyage et d'errance qu'il choisirait. Même en pareille époque, où un amour profond pour son village commence à naître, son instinct sauvage restait intact. Il vagabonderait, un crayon à la main, un kunai dans la poche - juste au cas où ! - narrant ses récits avec plus ou moins de véracité. Le vent venu du sud vint fouetter les deux jeunes shinobis dans le dos, couvrant leurs paroles.

Kiru, aussi costaud soit-il, avait lui aussi ses faiblesses. Et l'une d'entre elle était, semble-t-il, la peur de faillir à son devoir. Un symptôme duquel Sei avait longtemps été épargné, mais qui commençait doucement à le prendre à la gorge. Lorsque le sabreur fit part de sa nomination au poste d’Épéiste, et même à la protection du village durant l'absence du Mizukage, le Jisetsu put percevoir la gratitude et le respect dans lesquels baignaient ces mots. Une situation aisément comprise par le shinobi du Misutô, puisqu'elle s'appliquait à lui aussi : à mesure qu'on leur accordait confiance et responsabilités, leur ferveur grandissait. Pour Sei, les faits étaient les mêmes, avec Gabushi.

Il avait écouté son ami attentivement, en le regardant appuyer ses dires de façon inconsciente, avec des mimiques. Puis le Jisetsu porta a nouveau ses yeux noirs sur l'or bleu, tout en expirant sa fumée.

▬ Ouais, j'comprends qu'tu soit tendu.

En temps normal, il aurait bien trouvé quel blague salace aurait brisé la dimension solennel de cet instant, mais cette fois-ci, il préférait la laisser inviolée. Peut-être parce que, quelque part, lui aussi se sentait stressé.

Le bretteur approuva la colère de Sei, ajoutant que lui aussi s'était trouvé sur les lieux de "l'attaque". Il se risqua à juger la mort de leurs semblables comme "honorable", une manie bien plus samurai que ninja, que l'on louait volontiers aux épéistes. Pour le Jisetsu, une mort était une mort, et peut-être n'était-il pas encore prêt à ériger des pertes en un sacrifice admirable. Ils étaient des shinobis, et l'honneur allait à l'encontre de l'essence même de leur nature. Un ninja est un assassin, qui a recourt à toutes les stratégies les plus vils et les plus sournoises. Il fait de l'environnement son allier, il se cache, se déguise... L'honneur est une notion abstraite pour eux. Et puis, justifier les pertes sur le motif de l'honneur était, selon le membre du Misutô, un aveu de faiblesse. Un stratège, un vrai, n'a de dernier carré que la mort : la retraite elle-même est un choix passant avant le sacrifice. Encore une contradiction avec l'honneur.

Mais il n'en dit rien. Il comprenait ce que voulait dire Kiru et, quelque part, il l'enviait de penser ainsi. Sei se faisait le serment de défendre chaque vie, car il croyait en la vie, et car il aimait la paix. Mais la vérité, c'est qu'il n'avait encore jamais foulé de vrai champ de bataille, et que la réalité finirait par le rattraper.

Un instant de calme s'installa, agrémenté du bruit des vagues se heurtant au navire. Kiri commença alors à rentrer pleinement dans la mission, mettant en avant l'étrangeté d'un acte comme celui qui venait de toucher Kawa. Leur ennemi n'avait pour l'instant frappé que les grandes nations, quelle intérêt pouvait-il trouver à s'en prendre à des pays mineurs ? Qui plus est, vu la puissance de l'assaut, face auquel les meilleurs éléments des Gakures ont laissé des plumes, il y avait fort à parier que si c'était réellement Makka qui avait mis le feu à la Rivière, cette région ne serait à l'heure actuelle qu'un tas de cendre. Tout cela ne collait pas, mais temps qu'ils n'avait pas posé pied à terre, le duo n'y pouvait rien.

▬ J'pense comme toi qu'cette histoire est pas nette. Pis les vieux flippent alors ils voient ce Makka partout. Si demain t'organise un barbeuc' dans ton jardin, ils vont venir t'emmerder en criant au complot. Entre ce type et Konoha, sont pas tranquilles les conseillers et tout.

Puis il haussa les épaules, jetant son mégot à l'eau.

▬ Mais reposons-nous avant d'arriver la-bas. J'ai comme un mauvais pressentiment...

Puis, avec un éclat malicieux dans le fond des yeux.

▬ Attends-moi là : j'vais aller vérifier si notre cher capitaine n'a pas une ou deux bouteille de saké planquées dans la réserve...