« Elle revient quand ? »

« Pour la quinzième fois, je ne sais pas, Ether. », soupira Hélios, empli de lassitude.

« D’accord.
… Mais elle revient bientôt, hein ? »

« ETHER, s’il te plait !
Tu sais très bien qu’elle ne craint rien, elle n’a pas de chakra. Rien chez elle ne peut insinuer qu’elle est membre du clan Gogyou. Ta mère sera de retour parmi nous d’ici quelques jours, une semaine tout au plus. De plus, il n’y a aucune raison de s’inquiéter, elle est en bonne compagnie, tu le sais très bien ! »

Malgré tout ce que son père pouvait lui dire pour la rassurer, la jeune femme ne descendait pas de son rocher. Du haut de cet imposant perchoir, elle espérait pouvoir voir arriver le groupe de ravitaillement dont faisait partie sa mère, Aura. Ce n’était pas la première fois qu’elle était en charge de renflouer les réserves, mais cela n’empêchait pas pour autant Ether de surveiller son retour. Depuis qu’elle était enfant, elle appliquait ce même et incessant rituel ; attendre. Combien de fois avait-elle attendu pour ne voir personne rentrer au camp ? Elle se souvenait des pleurs de certains membres de la communauté, lorsque leur proche parti en mission ne revenait pas. La gamine avait peur qu’un jour, cela ne lui arrive également. Perdre sa mère était pour elle inconcevable. Non, ses parents n’avaient pas le droit de mourir, pas tant qu’ils n’auraient pas trouvé un vrai village dans lequel s’installer sans craindre des représailles. S’ils venaient à disparaître… Qui sait ce qu’elle deviendrait. Chassant ces idées noires de son esprit, elle reprit son observation de l’horizon. La course au ravitaillement était l’un des rares instants de la vie du clan où la jeune Ether ne jouait pas et ne souriait pas. Son visage était muré dans une impassibilité qu’il était presque inimaginable d’un jour voir sur elle. Même les invitations des enfants ne la perturbait pas, au contraire, elle les refusait, chose impensable ! L’attente semblait pourtant interminable. La journée entière passa ainsi, sans que l’élémentaire n’ait bougé, hormis pour accepter de boire et de manger un peu. Lorsque la fatigue s’empara d’elle, elle récupéra un drap, une natte de paille et s’installa dans un confort sommaire sur son caillou de guet. Bien entendu, demain ne serait pas non plus le jour où sa mère rentrerait, mais elle espérait néanmoins la voir arriver d’ici la fin de la semaine. Le chemin était long lorsque l’on ne se laissait pas porter par le vent comme elle.

Le jour suivant, son manège continua.
Toujours assise en tailleur, elle grignotait une pomme en silence, observant la beauté de l’aube qui lui rappelait qu’Aura n’était toujours pas là. Après que le soleil se soit enfin levé, réveillant doucement le clan endormi, Hélios vint à la rencontre de sa fille. Malgré le temps qui passait, il ne cessait d’être impressionné par la détermination de sa fille à patienter jusqu’au retour de sa femme. Avec une grande facilité, il sauta sur le rocher de son enfant et s’assit à côté d’elle. Celle-ci ne réagit point. Pour l’embêter, il la prit tout contre lui en lui frottant la tête. Il obtint en guise de réponse un grognement étouffé.

« Papaaaa, arrêtes ! »

« Tu vas te faire des rides à force de froncer des sourcils de la sorte !
Détends-toi un petit peu. »

« Et c’est toi qui dit ça ? Vous n’arrêtez pas d’vous plaindre que j’passe plus de temps à m’amuser qu’autre chose. Faut savoir ce que vous voulez à la fin. », grommela la jeune fille.

« Non ma chérie, ne mélange pas tout…
Nous voulons simplement te protéger. Tu sais, tu n’es pas obligée de faire comme si tout allait toujours bien. Tu as le droit d’avoir des moments de faiblesse, de pleurer. Nous apprécions tous ta bonne humeur et ton sourire, car nous savons que tu te comportes ainsi pour amener un peu de joie dans notre quotidien, et cela fonctionne. Mais parfois, on se demande si tu n'oublies pas de penser à toi. »

Ether ne répondit pas.
Que pouvait-elle bien répondre à ça ? Bien sûr qu’elle était joueuse de nature, mais elle avait la désagréable impression que, si un jour elle cessait tout bonnement de sourire, tout s’écroulerait autour d’elle. C’était bien prétentieux, elle le savait, mais sourire et rire lui donnait la sensation de se protéger de tout danger et de toute tristesse. Elle restait actuellement la seule Gogyou de sa génération de leur clan. Il devait y en avoir d’autres dans le monde, mais partageaient-ils la même vision de la vie et du monde qu’eux ? Ils étaient plus ou moins pacifistes, tous ne pouvaient pas en dire autant. Elle avait entendu parler d’une Gogyou qui avait ravagé Suna. Comment pouvaient-ils espérer d’être acceptés lorsque certain des leurs assassinaient des innocents sans le moindre remord ? La jeune femme esquissa un sourire à l'intention de son père pour le rassurer.

"Ne t'inquiètes pas, j'ai des gnocchis, des cartes et vous. Je n'ai besoin de rien d'plus. Mais tu as raison, attendre ici ne la fera pas rev'nir plus vite. Maint'nant, si ça t'embêtes pas, j'vais aller me promener. Je dormirais certainement chez les moines ce soir, comme ça j'accueillerai Maman si elle rentre plus tôt. J'y resterai peut-être plusieurs jours, donc no stress."

Elle lui fit un bisou sur la joue et descendit de son perchoir de pierre, avant de quitter le clan. Pensive, elle descendit jusqu'au lac Kaze. Vérifiant qu'il n'y avait personne aux alentours, elle s'accroupit au bord de l'eau et y trempa les pieds. Elle resta ainsi une bonne demi-heure, avant d'avoir une soudaine envie. Elle fouilla parmi les rochers au pied du mont pour y sortir un autre de leur fameux radeaux de jeux, puis y grimpa sans attendre pour s'engager sur le filon qui en découlait. Aujourd'hui, c'était décidé, elle irait à Aketana pour se détendre, qu'importe si le trajet prendrait la journée et qu'elle arriverait au petit matin. Si son père l'avait cru, il n'irait pas à sa recherche et elle ne se ferait pas engueuler à son retour. En avant ! Le trajet prit deux bonnes journées et elle parvint à l'Oasis le soir du second jour. Heureusement que le courant était avec elle, et elle continua jusqu'à la côte. Mais le retour allait sûrement prendre bien de temps que plus que ça... Avec un peu de chance, elle tomberait sur sa mère. Après quelques heures de marche, elle parvint à Aketana. Le village était calme, mais encore vivant. Seuls les fêtards et les couche-tard étaient encore dans les rues, rigolant et buvant. La demoiselle les aurait bien rejoint, mais lorsqu'elle était d'humeur pensive, il était difficile de tirer quoi que ce soit d'elle. Alors qu'elle marchait tranquillement dans les rues, un garçon arpentait les trottoirs et les échoppes encore ouvertes avec entrain. Lorsqu'il s'approcha d'elle, Ether eut un mouvement de recul.

"Hé toi ! T'es une kunoichi ?"

"Plus ou moins. Pourquoi, tu veux jouer avec moi ?"

"Euuh... Non ? Je voulais te demander si...", commença-t-il avant de se faire couper par la gamine dont le visage s'éclairait enfin.

"OH CHOUETTE ! Alors attends, je sors mon paquet de cartes et..."

"Hé euh non, attends deux minutes ! On jouera ensemble si tu veux sur le chemin ! Non, en fait, je cherche quelqu'un pour..."

"Pour jouer donc ? Bah mon premier est..."

"... Oh putain. NON ! Pour faire une mission !
J'ai un avis de mission, mais je crois que tout seul, ça sera trop dur. Donc, je cherchais seulement un compagnon."

"... Une mission ? Pour moi ?", fit la demoiselle, interloquée.
"Oui mais, y'a pas mon nom dessus, je n'ai pas l'droit de la faire."

"Non t'inquiètes, il suffira que lorsque l'on rentrera sur Suna, que l'on dise qu'on l'a faite ensemble. Alors, partante ?"

Ether réfléchit quelques instants.
Une mission, sa première mission ! Ce n'était pas quelque chose sur quoi elle pouvait cracher. Faire cette mission, c'était comme faire partie d'un village, son rêve. Mais la rendre à Suna était un peu comme se jeter dans la gueule du loup, à la limite du suicide. Oui mais, si elle se tenait à carreaux et se contentait seulement de la rendre, il ne devrait pas y avoir de problème. Il était normal que les envoyés de mission possédaient du chakra. Elle n'aurait qu'à dire la vérité, elle avait accompagné ce garçon qui avait demandé de l'aide. Ce qu'elle ne savait pas, c'était que le jeune genin n'avait pas la moindre envie de faire cette mission qu'il qualifiait de "complètement nulle et ringarde", une tâche pour les "losers", et qu'il comptait l'abandonner en route pour rentrer à Suna en tout quiétude. Il comptait simplement dire qu'il avait perdu l'intitulé et avait été incapable de trouver le village en question. Bien sûr, il se ferait engueuler, punir, tout ça, mais il n'aurait pas eu à faire cette mission à la con. Ils se mirent donc en chemin.

La mission était simple; elle consistait simplement à venir en aide à un village qui avait été frappé par une tempête. Ils n'avaient plus de nourriture car leur seul moulin avait été gravement endommagé lors de la catastrophe, et le manque de vent ces derniers jours n'avait pas arrangé la situation. Du vent ? Mais cette mission était parfaite pour elle ! Elle ETAIT le vent, OUIIIIII ! La jeune femme jubilait tant elle était ravie. L'emplacement de leur boulot se situait au Nord de Tsuyu Hana, au beau milieu de l'espace aride que l'on pouvait voir sur la carte. Plusieurs jours de marche serait nécessaire, mais fort heureusement, son compagnon avait une sorte de monture étrange dont elle ne parvenait pas à déterminer l'origine même. Mais qu'importe, elle marchait, c'était l'essentiel. Ils furent donc deux à gambader vers leur mission, sans que Ether ne se doute une seule seconde qu'il l'abandonnerait d'ici quelques jours. Le temps fut long pour le genin un peu kéké. Tout son trajet fut agrémenté de charades, de devinettes et de jeux aussi ennuyants les uns que les autres. Pourquoi avait-il fallu que la seule kunoichi/ninja des environs soit une gamine aussi idiote ?! Ok, elle était plus âgée que lui, et pourtant l'on aurait dit qu'elle avait 12ans de par son comportement enfantin. Mais heureusement qu'elle était aussi naïve, ce serait plus simple ensuite de la larguer là-bas ! Pour mettre en place son plan, il les fit s'arrêter à Tsuyu Hana histoire de prendre des vivres pour les villageois désœuvrés. Une fois les achats faits, ils repartirent. Lorsqu'ils furent à moins d'une heure à pied de la mission, il prétexta avoir oublié quelque chose à leur précédente étape et repartit, non sans lui dire qu'il la rejoindrait plus tard et qu'elle ne devait pas hésiter à déjà commencer. Et plus jamais elle ne le revit. La jeune femme oublia bien vite son absence. De toute façon, il lui avait laissé l'intitulé de mission. Le garçon allait d'ailleurs bien le regretter d'avoir oublié son parchemin, mais on verra tout ça plus tard.

L'élémentaire marcha donc le temps qu'il lui restait et découvrit enfin le fameux village. Celui-ci était proche d'une cité fantôme. Tout était délabré, les maisons étaient éventrés, plus de toits pour certaines, un mur en moins pour d'autres. Les gens marchaient dans les rues d'un pas lent et triste, leurs visages étaient mornes et déprimés, tirant des planches pour réparer les dégâts. Plus loin se trouvait le moulin. Plus de toile sur son hélice, cette dernière était brisée en plusieurs morceaux par terre et des briques jonchaient le sol. Ether eut mal pour eux. Elle marcha vers l'un d'eux qu'elle aborda d'un ton enjouée.

"Bonjouuur ! ... Je suis là pour vous aider.
J'ai une mission qui semble venir d'chez vous. Y'aurait pas votre chef pas loin ?"

Le citoyen la regarda d'un air empli d'espoir et lui pointa du doigt la seule maison un tant soit peu debout. D'un acquiescement ravi, elle courut vers la bâtisse et s'y engouffra. La personne que l'on pouvait appeler "Maire" se tenait debout devant un tonneau et une planche qui lui servait de table, la sienne ayant servi à réparer un trou sur le toit. Il leva les yeux d'un air las, et dévisagea l'étrange fille qui se présentait devant lui.

"Oui, c'est pour ?
Que nous vaut votre visite, étrangère ?"

Elle sortit de son écharpe des hanches le rouleau, le déroula et lui tendit toute fière.

"J'ai une mission, enfin, un gamin de Suna m'a demandé d'la faire avec lui, il devrait arriver dans l'après-midi ou demain matin normalement, mais j'suis là pour vous aider ! C'est bien d'ça dont vous avez besoin, non ? De l'aide. Alors, j'peux vous aider ?"

"Merci mon dieu, quelqu'un a accepté ! Je craignais que, de par notre nature de modeste village des sables, personne ne daigne venir à notre secours. Mais merci, vous êtes là ! Vous avez vu l'étendue des dégâts... Il faut réparer les maisonnées, les échoppes, notre réserve, mais surtout notre moulin qui est notre seule source de nourriture. Sans lui, nos outils ne fonctionnent pas. Pas de grain, pas d'eau pour irriguer nos plantations, rien. Et dieu sait que nous avons besoin d'eau dans ce fichu désert. Nous fournir au village le plus proche devient cher, et nos hommes sont fatigués de faire le voyage sans cesse."

"Mission principale, réparer le moulin donc !
Ensuite, on s'occupera d'la réserve pour tout stocker et puis on finira par reconstruire les maisons, tout ça ! D'ailleurs...", elle déposa le gros sac qu'elle se trimballait depuis une heure, "... Voici des vivres pour au moins 2-3jours. Si on rationne correctement, y'a d'quoi nourrir le village correctement. Enfin, suffisamment pour avoir des forces pour travailler."

"Je ne sais comment vous remercier...", soupira le Chef.

"Me laisser vous aider est déjà une récompense, m'sieur !
Allez, au boulot !"

Ils sortirent dehors pour aller à la rencontre des travailleurs et leur expliquèrent la suite des évènements. Il fallait d'abord ramasser toutes les briques éparpillées, en créer de nouvelles plus récentes avec les pierres à disposition, pallier avec des planches et du sable, puis ensuite s'occuper de recoudre des toiles pour cette hélice qu'il fallait également réparer. Les tisseuses du village se mirent à la tâche, ramassant la matière déchirée et récupérant ce qu'elles avaient encore, pour travailler de leur côté. Ether s'appropria une solide brindille trouvée par terre pour accrocher ses cheveux en un chignon, elle se délesta de ses deux écharpes ainsi que de ses chaussures. Ainsi, elle était nettement plus légère pour pouvoir travailler. Elle avait l'habitude de construire et reconstruire. En tant que nomades, ils devaient sans cesse défaire et refaire leur campement, donc cette mission n'était pas la mer à boire. De plus, elle se trouvait en compagnie de villageois qui ne la chassait pas à coup de pierres, mais au contraire, acceptaient son aide. C'était tout simplement génial ! Lorsqu'elle raconterait tout ça à ses parents... Oui mais non. Leur dire ça, équivaudrait à être punie pour le reste du mois. Elle pourrait tout simplement éviter de leur dire certaines parties de l'histoire, histoire de faire passer la pilule plus facilement ? Ouais, elle ferait ça. Elle ne pouvait pas les baratiner à chacune de ses escapades... Mais avant de penser à la fin de tout ça, il fallait d'abord commencer par le début !

Le premier jour se déroula plutôt bien.
Les villageois qui s'occupaient de remettre le moulin en état avec elle, gardaient la foi. Ils faiblirent parfois, mais jamais bien longtemps. Savoir que leur appel au secours avait été entendu leur réchauffait le cœur, et leur donnait suffisamment de force pour ne pas laisser tomber au premier obstacle venu. Et des obstacles, pour sûr qu'il y en avait ! Le nombre de fois qu'il y eut des évanouissements dû à la chaleur et à la surcharge de travail... Elle ne les comptait plus ! Mais les troupes reprenaient bien vite du poil de la bête après avoir croqué une pomme et bu un bon litre d'eau. Il fallait rationner, certes, mais hors de question de les regarder mourir de soif et de faim non plus. Ether passa la plupart de la journée à récupérer des briques et à fabriquer de quoi cimenter le tout. Parfois, elle passait voir le Chef pour lui annoncer l'avancée des travaux, et lors des pauses, ils se faisaient tous de bonnes parties de Uno avec son paquet usé par le temps. Ce jour-là était l'un des rares qui éclairait son existence. Elle était dans un village, jouait aux cartes avec de parfaits inconnus - plus si inconnus que ça au final - et aider ces mêmes gens sans se faire taper dessus, ou moraliser. Quoi demander de plus ? Si pleurer de joie lui était autorisé, elle l'aurait probablement déjà fait. Mais les larmes étaient proscrites chez elle, pas question de verser une seule goutte d'eau, la vie ne devait être que joie et bonheur ! Comment était-il possible de rire avec des Normaux, des humains qui plus est ? Si son clan était principalement humain, elle ne pouvait s'empêcher de les voir autrement que ça. Ils étaient Gogyou, ils étaient différents de la race dominante sur terre.
Alors qu'ils étaient au beau milieu de l'une de ces pauses qu'elle affectionnait tant à présent, elle se surprit à tous les observer un par un. Elle les dévisageait, apprenait les différences de traits selon le visage de chacun, le rire de l'un, le soupir de l'autre. Etait-ce la sensation que l'on ressentait lorsque l'on faisait parti d'un tout, d'une communauté libre et sans contraintes ? Bien sûr qu'elle était membre d'un clan, mais jamais la sérénité n'avait fait partie de leur quotidien, alors que là... Elle avait l'agréable impression d'être en sécurité parmi ces villageois. Si seulement cette mission pouvait durer encore quelques jours... Oui, mais sa mère ne devrait pas tarder rentrer ! Son père lui avait dit qu'elle serait parmi eux d'ici la fin de la semaine, elle devait avoir fini tout cela avant son retour, pour pouvoir l'accueillir comme il se doit !

Une fois qu'ils avaient suffisamment de briques et de quoi les maintenir entre elle, il fallait s'atteler à la tâche ! Le travail des tisseuses avançait plutôt bien, à leur tour de se bouger ! Ils prirent chacun des pierres et reconstruisirent lentement l'extérieur du bâtiment. Heureusement, tout le moulin n'avait pas été détruit. Ce travail minutieux prit du temps, mais il était indispensable que tout soit parfaitement bien placé. Pas question que de l'air ne s'infiltre par les petits trous ! Malheureusement pour eux, lorsqu'ils posèrent la dernière brique, la nuit commençait à tomber. Et zut ! Bon, ils continueraient leur œuvre demain. Ils partirent tous en direction de la maison du Chef de village, seule maison possédant encore un toit, laissant une Ether désorientée. Où allait-elle dormir, sachant qu'elle ne faisait pas partie du village ? La jeune femme resta plantée là, ne sachant trop quoi faire, jusqu'à ce que l'un des travailleurs se retourne vers elle;

"Et bien... Qu'est-ce que tu attends ?
Tu ne crois tout de même pas que l'on va te laisser coucher dehors !"

Le visage de la Gogyou s'éclaira de joie et elle courut vers eux.
Cette nuit, elle dormit si bien qu'elle vint se coller à son voisin de natte, se servant de son bras comme doudou. Décidément, il lui fallait absolument trouver un village pour elle et son clan !

"Tu ne devrais pas être couchée encore à cette heure-ci ?", fit le chef avec une pointe d'amusement.

Ether lui jeta un regard joyeux, tout sourire, pour changer vous me direz.

"J'ai l'habitude d'être levée tôt. On peut faire davantage de choses !
Je réfléchissais à quelque chose. Sachant que votre moulin n'a pas supporté le choc, il serait judicieux de le renforcer. De un, ça éviterait les infiltrations et de deux, aux prochaines bourrasques de sable, il encaisserait bien mieux la chose !"

"Effectivement, ce n'est pas idiot...", réfléchit-il.

"C'est pourquoi j'ai pris tout ça.", dit-elle en désignant l'amas de foin et autres matériaux.
"Je suis sûre que l'on va pouvoir faire quelque chose de solide !"

"J'admire votre enthousiasme, c'est presque contagieux.
Mais avant ça, je vous propose de marcher avec moi quelques instants. Nous aurons bien à faire ensuite, d'abord relaxons-nous avant d'aller déjeuner."

L'élémentaire acquiesça avec fougue.
Ah ça pour sûr qu'elle avait faim ! Mais elle préférait faire attention aux vivres, ils n'avaient pas encore réparé leur principal source d'alimentation, il ne serait pas intelligent de tout lapider tout de suite. Cependant, les ravitaillements ne devraient plus trop tarder. Ils se promenèrent donc en toute sérénité, parlant de la pluie et du beau temps, mais Ether resta volontairement évasive sur ses origines. Elle était nomade, c'était tout ce qu'il fallait savoir. Quant à la raison de sa venue ici, c'était pour venir en aide à un garçon qui semblait devoir la rejoindre plus tard. Mais une journée entière s'était écoulée et toujours aucune trace de cet homme. La demoiselle commençait à douter de la bonne foi de l'inconnu. Le maire fut étonnée par tant de naïveté et préféra être clair avec elle ; cet "acolyte" ne viendrait probablement jamais. La blonde répondit que ce n'était que du pessimisme, qu'il fallait y croire, mais le chef s'entêta et lui expliqua qu'il n'était pas rare de voir de jeunes genins, frustrés par de si minables missions, abandonner ces dernières, se jugeant bien plus méritants. Ether répondit avec de grand yeux écarquillés, abasourdie. Il lui aurait donc mentit ? Mais... Qu'allait-elle faire de cet ordre de mission qui n'était même pas à son nom ? Le vieil homme la regarda une nouvelle fois d'un air surpris, puis lui annonça que c'était simple, il suffisait seulement de se rendre dans le village émetteur de l'ordre donné. Il lui demanda de sortir celui-ci, ce qu'elle fit, et lui pointa le nom en grandes lettres de "SUNA". Le visage de la gamine se crispa légèrement, oscillant entre l'excitation et l'appréhension. Alors elle allait devoir voyager jusqu'à Suna et prendre le risque de se faire attraper ? Voyant que la petite était raide comme un piquet avec un sourire embêté, il lui demanda la raison de son scepticisme. Elle lui rappela qu'elle était une nomade, n'appartenant à aucun village et qu'elle avait peur d'être arrêté pour être en possession d'un ordre de mission qui n'était pas le sien. Le chef la rassura. Il suffisait seulement de dire la vérité, de ramener une preuve de l'accomplissement de la mission, se rendre au comptoir à cet effet, empocher la récompense et repartir. Mais qu'il était possible que pendant ce laps de temps, elle se retrouve le chakra bloqué ou escortée par des gardes. Etonnamment, l'élémentaire préférait la seconde solution. Le simple fait de savoir son chakra inutilisable la rendait nerveuse.

Elle se tortura encore quelques minutes puis rangea le rouleau.
Lorsque le soleil daigna enfin pointer le bout de son nez, l'homme jugea bon de rentrer pour déjeuner et commencer ensuite à travailler. La jeune femme ne contesta pas ce plan qui lui convenait à merveille, et le suivit jusqu'à la mairie où les autres citoyens se réveillaient doucement de leur torpeur.

Une fois tous réunis dans le bâtiment, ils s'attelèrent tous à préparer un frugal petit-déjeuner.
Malgré le peu de nourriture qu'ils avaient, les villageois avaient su en tirer parti. Ether, habituée à ce genre de situation au sein de son clan, ne fut aucunement dépaysée. En revanche, elle voulut aider pour mettre en place le repas et apprit quelques habiles recettes. La femme auprès de qui elle était venue proposer son aide, Mayumi, savait comment réutiliser ce que l'on appelait plus communément "déchets". Elle récupérait absolument toutes les épluchures, pépins et tout ce que vous pouvez imaginer, séparait le tout, et parvenait à créer de petites confiseries fruitées avec un peu de pâte de blé et les épluchures. Les pépins, elle les gardaient pour pouvoir les replanter, ce qui était une parfaite évidence. La Gogyou fut fascinée par cette habilité à absolument tout recycler, elle qui ne savait pas franchement cuisiner. Une fois le déjeuner prêt, ils s'installèrent tous à même le sol, firent une prière et commencèrent enfin à manger. La gamine fit bien attention à ne pas trop prendre pour que tout soit parfaitement équitable. Lorsqu'ils eurent enfin le ventre suffisamment plein, chacun remercia son prochain et se levèrent tous pour nettoyer et vider la table, puis chacun récupéra ce qui pouvait être récupéré et le ramenèrent à la cuisinière qui saurait en tirer profit. Une fois que tout fut complètement propre, tout le monde sortit dehors, prêts à attaquer la suite du chantier.

Ether et le chef les prévinrent du plan quant à la prochaine étape de la construction du moulin.
Tous les matériaux étaient prêts, ils suffisaient seulement de se mettre au boulot. Personne ne se fit prier et ils se séparèrent pour équilibrer les tâches intelligemment. Ils furent plusieurs à se mettre à l'intérieur du moulin, dont Ether, pour consolider le cœur de l'engin pendant qu'à l'extérieur, certains d'entre eux bouchaient les moindres orifices avec du sable mouillé et sec, rajoutant parfois de la terre pour faire tenir le tout. Avec des paquets de foin, ils fourrèrent la totalité des murs, mélangeant le tout avec du feuillage et des feuilles de palmier pour empêcher sa dilapidation immédiate. Une fois assuré que tout restait en place, il ne manquait plus qu'à faire en sorte que plus rien ne bouge. Sur les instructions de la Gogyou, ils s'affairèrent auprès du bois, choisissant avec jugeote les meilleures pièces. Tout le reste de l'après-midi servit donc à construire un squelette de planches en bois pour maintenir la stabilité de la chose, ainsi qu'à donner un côté propre à l'intérieur et éviter que le vent ne s'infiltre trop entre les pierres. Lorsqu'ils achevèrent enfin l'ossature du moulin, une petite pause fut de rigueur. C'est ainsi que la demoiselle put enfin goûter aux confiseries faites par Mayumi, et autant vous dire qu'elles étaient tout bonnement délicieuses ! Tout cela lui rappelait sa mère et un brin de nostalgie la prit. Etait-elle déjà rentrée ou la croiserait-elle sur le retour ? Son père s'était-il rendu compte de son absence ou lui avait-il fait confiance ? Houlà, le retour au village promettait d'être folklorique. Ether ne s'était absolument pas rendue compte qu'elle avait relâché son comportement exubérant. Pas une seule fois elle n'avait proposé de jouer au Uno - erreur qu'elle réparerait bientôt - et elle n'avait pas assailli les gens de questions stupides.

Au final, ce n'était pas plus mal.
Personne n'avait semblé exaspéré à la simple idée de lui parler et elle écoutait davantage qu'elle ne parlait. Etait-ce ça la sociabilité ? C'était reposant alors. Peut-être devrait-elle songé à se comporter plus souvent de cette manière. Le chemin serait long avant qu'elle n'apprenne à ne plus se cacher derrière une tornade de bonne humeur, ne pas sourire à chaque seconde de la journée n'était pas grave en soi, et puis, ça lui éviterait des crampes à la fin de la soirée... Ils grignotèrent donc tranquillement leur petite gourmandise avant de repartir au moulin pour mettre en place l'ossature. Ils s'y prirent par étape. D'abord, ils installèrent la base, consolidèrent les pieds pour que rien ne se casse la gueule au bout de deux jours. Ensuite, ils disposèrent la seconde partie en grimpant prudemment sur ce qu'il y avait déjà, maintenus par leurs camarades. Mais pour la dernière partie, ils choisirent de porter Ether qui - chose étrange - était d'une légèreté sans précédent, pas plus lourde qu'une branche, à se demander si elle avait un squelette... Enfin bref. Elle put mettre en place les derniers préparatifs et c'était bon ! Elle descendit en toute sérénité et tous sortirent dehors pour laisser exploser leur joie d'avoir terminé les réparations. L'élémentaire sautillait partout, ravie d'avoir pu être d'une telle aide et de voir tous ces gens heureux et revigorés. Les tisseuses vinrent à leur rencontre, l'hélice terminée. Une fois mise en place, ils esquissèrent une danse de la joie avant de regarder avec bonheur et soulagement leur moulin, enfin remis sur pied. Après une telle journée de labeur, il était temps d'aller se reposer !

Tous réunis au sein de la mairie, ils décidèrent de faire un rapport de la situation actuelle.
Le moulin avait été réparé dans son intégralité, puis renforcé en son sein et l'hélice posé. La plupart des maisons avaient de nouveau un toit et chaque habitant pouvait à présent rentrer dormir chez lui. La seule et unique chose qui manquait, c'était le vent, un comble pour Kaze no Kuni plus communément appelé le "pays du vent" justement ! Pas une seule brise n'avait soufflée depuis la catastrophe et sans air, il était quasiment impossible de subvenir aux besoins du village. Les plantations mourraient lentement à cause de la chaleur et emportaient dans leur tombe la survie du hameau. Pendant qu'ils préparaient le repas du soir, Ether réfléchissait à une solution. Si le problème était le vent, elle était en mesure de changer la donne ! Le moulin servait autant à moudre le blé pour la farine ou les céréales, que à approvisionner le village en eau et ainsi arroser les plantes. Elle était élémentaire de vent, autrement dit, l'équivalent d'une sylphe, elle était parfaitement capable de résoudre leur problème pour permettre à la machine de fonctionner. Tout ce qu'il fallait, c'était un simple coup de pouce, inciter l'hélice à tourner suffisamment puissamment pour être lancée et continuer ainsi jusqu'à la prochaine brise. Elle était la femme de la situation. La Gogyou eut soudainement une idée qu'elle mettrait en œuvre lorsque tout le monde serait partit se coucher.

En attendant, tout le village préparait le repas du soir.
Cette fois-ci, c'était soupe avec les légumes restants pour tout le monde. Ce fut léger, mais suffisant pour passer une bonne nuit avec quelque chose dans l'estomac. Heureusement pour les citoyens, ils étaient en mesure de dormir au sein de leur maison, mais malheureusement pour l'élémentaire, elle se retrouvait seule dans la mairie. Malgré les attentions du chef, un lit où dormir, elle se sentit bien seule. Ne supportant pas attendre davantage dans le calme et le silence du bâtiment, elle se leva d'un bond et sortit dehors pour aller directement au moulin. Dans le noir, personne ne pourrait remarquer ce qu'elle ferait. Une fois en face de la construction brillamment achevée quelques heures plus tôt, elle se mit en position. Ether vérifia scrupuleusement qu'il n'y avait absolument pas âme qui vive dans les environs, fit plusieurs fois le tour du village, attendit que le moindre lampion soit soufflé pour commencer son plan. La Gogyou exécuta des gestes amples et lents en forme de cercle, comme si elle malaxait le vent, inspirant et expirant. Les jambes repliées, elle semblait danser en toute sérénité. Quant à l'utilité de tout ceci, cela ne servait en fait strictement à rien, à part la détendre à coup de taï chi. Elle ramena ses bras vers elle et baissa ses mains jointes jusqu'à son ventre tout en expirant, avant de finalement sauter sur le moulin. Elle attrapa l'hélice et la fit tourner de toute ses forces avant de métamorphoser la moitié de son corps en air, puis la partie manquante également, lui arrachant quelques gouttes de sueur, et s'engouffra dans le tournoiement crée pour accentuer l'allure. Ensuite, totalement dématérialisée, elle se servit de sa condition pour faire tournoyer à pleine vitesse l'hélice, s'engouffrant dans une spirale qui finit par lui donner des nausées. Une fois que l'élan était enclenché, elle s'extirpa difficilement de la volute avant de s'écraser contre un arbre et redevenir palpable. Ether glissa doucement contre le tronc, légèrement ankylosée.

Engourdie, elle observa néanmoins fièrement le résultat de son action ; le moulin fonctionnait. L'on pouvait entendre les craquements des graines et l'impression d'entendre de l'eau en cours de filtrage. Une fois son travail achevé, elle boitilla légèrement jusqu'à la mairie et se laissa tomber dans le lit, s'endormant comme une brique.

La jeune femme avait tellement été épuisée par l'utilisation de ses techniques de métamorphose, qu'elle ne se réveilla même pas aux aurores comme elle le faisait usuellement. Non, le soleil eut le temps de se lever en toute quiétude et de bien avancer dans la matinée. Plusieurs fois, Ether se retourna dans son lit, bavant allègrement sur le coussin qu'on lui avait prêté. Mmmh... Ce que c'était doux les futons en fait ! Elle frissonna légèrement et s'enroula dans la couette pour former un cocon de chaleur. Ce n'est que lorsqu'elle entendit des effusions de joie qu'elle commença à tout doucement se réveiller. Mais qu'était donc ce soudain boucan ? Encore somnolente, l'élémentaire se redressa très lentement avant de faire craquer ses membres encore endoloris, puis se lever. Vérifiant qu'il n'y avait absolument personne, elle se changea en un coup de vent et refit son futon, et enfin quitta les lieux. Curieuse de connaître la raison d'une telle effervescence, elle trottina pour arriver au plus vite de là où partaient les rires. Ce n'est qu'une fois arrivée sur le terrain du moulin qu'elle comprit que toute cette joie qui explosait était le résultat de son échappée nocturne. Son visage s'éclaira de satisfaction quand elle comprit que tout ça, et bien c'était grâce à elle et son implication dans la reconstruction du village. Alors qu'ils sautaient et trépignaient de soulagement, fêtant la mise en fonction qu'ils jugeaient "miraculeuse" - étant donné l'absence de vent - ils se mirent à chanter tous en cœur puis à danser entre eux. La Gogyou fut donc introduite "de force" dans la ronde, légèrement perturbée par tout ceci. Cette dernière n'avait jamais réellement dansé ou quoi que ce soit de ce genre, le bruit pouvant trahir leur présence. Il lui était bien arrivé de chanter mais seulement lors de ses déplacements en solo et uniquement des chansons d'enfant. Les fêtes d'anniversaires et autres festivités ne se fêtaient que dans un brouhaha raisonnable, alors imaginez sa surprise !

Au début, légèrement effrayée, elle y prit rapidement goût et se prêta au jeu de toute son âme. Riant avec les villageois, elle sautillait, tournait et claquait des mains, imitant les gestes de ses compatriotes. Un jour, elle ferait la même chose avec son clan et ils s'amuseraient comme jamais ils ne l'avaient fait ! L'effusion de joie dura bien une heure avant qu'ils ne se calment et décident de casser la croûte. Ether, grignotant en silence un morceau de pain perdu, comprit qu'aujourd'hui était le jour de son départ. Son travail ici était terminé et elle devait rentrer chez elle afin de rassurer ses parents, avant de se refaire la malle le lendemain pour se rendre à Suna et délivrer la preuve de l'accomplissement de sa mission. La Gogyou n'était pas pressée de quitter ces gens, d'abandonner cette sensation d'utilité auprès d'un village, mais c'était ainsi... Une fois le repas terminé, les citoyens se mirent au boulot. Moudre le grain, planter de nouvelles graines, récupérer l'eau filtrée, le quotidien de leur hameau en somme. Ether ne sut bientôt plus quoi faire. Elle se leva pour aller refaire son sac et préparer son départ. Sur le chemin, elle se fit alpaguer par de nombreux villageois la remerciant pour son aide précieuse, qu'elle leur avait porté chance pour le vent, etc... Une fois dans la mairie, ce fut le maire qui l'apostropha.

"Jeune fille, nous n'aurions jamais pu y arriver sans vous."

"Oh bien sûr que si !"

"Vous nous avez redonné de l'espoir, c'était tout ce dont nous avions besoin. Et pour ça, je vous remercie.", il lui prit la main et la serra avec enthousiasme.
"Venez avec moi, je vais signer et déposer un cachet sur votre ordre de mission."

Elle le suivit jusqu'à son bureau, légèrement nerveuse.
Une fois signé, ce rouleau serait le sien, son avis à elle et cela lui faisait un petit peu peur.
Après tout, il ne lui appartenait absolument pas à l'origine, comment allait-elle prouver la véracité de ses actes ?

Ether suivit donc le chef du village en silence, soucieuse.
Malgré l'accomplissement de sa mission, elle ne pouvait s'empêcher de stresser de la même manière que lorsque l'Ancien ou son père lui faisait cours. Bien sûr qu'il n'y aurait pas d'électrocution à la clef si elle daignait regarder une mouche voler. Ou encore pire que ça, réduite à rester l'après-midi dans une cage de pierre, seulement la tête à l'extérieur pour respirer, pour avoir osé quitter la montagne en plein milieu d'une séance. Ah, pour avoir fait des bêtises aussi ! Mais il ne fut aucunement raison de tout ça. Il s'installa derrière son bureau, s'assit sur sa chaise de paille et sortit de l'encre assorti d'une plume. Sur un nouveau parchemin, il commença à écrire. La jeune fille resta plantée là, patientant en silence. Que notait-il ? Ether trépignait sur place. Lorsqu'il posa enfin son pinceau, il roula la feuille, cacheta celle-ci et griffonna quelques mots sur la tranche avant de lui tendre. L'élémentaire accepta timidement le présent et le rangea dans son écharpe de taille. Le maire signa également l'ordre de mission avant de lui donner également, puis se mit à fouiller frénétiquement dans un tiroir de son bureau, avant d'en sortir un bracelet entremêlé de plusieurs tissus différents qu'il lui offrit chaleureusement. La Gogyou observa l'objet avec attention et releva la tête d'un air étonné.

« Qu'est-ce que c'est ? »

« Un bracelet traditionnel de notre village, confectionné par nos tisseuses. Acceptes ce modeste présent en guise de notre gratitude. »

Elle acquiesça modestement d'un signe de tête.
Lorsqu'il lui tendit la main pour la remercier, elle eut un bref moment de recul avant de regarder la main avec attention et de la serrer avec hésitation. Le vieil homme lui sourit et ils sortirent ensemble de la bâtisse. Ils traversèrent le village et elle fut de nouveau remerciée par les citoyens sur tout le chemin qui l'a mena à l'entrée du hameau. Elle s'apprêtait à partir lorsque un villageois vint à sa rencontre, tenant par les rênes une créature semblable à celle avec laquelle elle était venue jusqu'ici, des sacs contenant des vivres et de l'eau sur sa croupe. Il lui tendit et la jeune femme accepta l'animal avec reconnaissance. Ether n'aurait donc pas à réutiliser son affinité et se fatiguer en chemin ! Elle fit un dernier tour pour remercier tous ces gens de leur accueil et avoir accepter sa présence parmi eux, serra une dernière fois la main du maire et grimpa aisément sur la créature avant de faire claquer les rênes. L'animal cabra légèrement et galopa en direction des montagnes. Elle se retourna pour leur faire quelques signes d'adieux et se concentra ensuite sur la route. Le chemin du retour fut long. Etant partie en fin de matinée, elle n'arriverait sûrement pas avant la nuit au temple. Pour ne pas épuiser la bête, Ether fit de nombreuses pauses. Et lorsque la nuit tomba enfin, elle se trouvait non loin du massif rocheux. L'élémentaire ne voulut pas rentrer tout de suite et se rendit au bord du fleuve pour se désaltérer avec la bête. Ils trottinèrent ensuite jusqu'à l'entrée du temple où la jeune fille s'installa sur un rocher, accrocha son animal à une colonne.
La Gogyou patienta ainsi toute la nuit, ne quittant plus l'horizon du regard. Au petit matin, elle se rendit compte qu'elle s'était endormie et se releva dans l'immédiat. Sa mère était-elle rentrée au cours de son sommeil ? Cela faisait pas moins d'une semaine justement ! Se frictionnant le visage pour avoir meilleure mine, elle sauta sur la bestiole qu'elle décrocha au passage et se rua en direction du campement. Trop pressée de revoir sa mère, elle ne pensa pas un instant aux réactions que pourrait susciter ce nouveau compagnon et débarqua enfin sur place.

Les exclamations de surprise finirent par lui mettre la puce à l'oreille.
Et merde, sa bêbête était là... Comment allait-elle bien pouvoir se justifier ? Mais la vue de sa mère qui courait à son encontre lui fit bien vite oublier ces regards suspicieux et inquiets. Ether se jeta dans ses bras, frottant son visage dans le cou de Aura.

« Maman, tu es enfin rentrée ! »

« Ether ! Mais où étais-tu ? Nous t'avons cherché partout ! Ton père te croyait chez les moines et s'attendait à te voir arriver en ma compagnie, ce que je pensais également. Et... D'où sors-tu cette chose ? »

« … Je suis désolée, j'ai encore désobéi. », dit-elle, baissant honteusement la tête.
« Je n'étais absolument pas chez les moines... J'étais... J'étais en mission. »

« En quoi ?
Mais... Comment ? », répondit sa mère, subjuguée.

« TU AS QUOI ?!! », hurla un homme.

La voix tonitruante qui lui la fit sursauter était celle de son père, Hélios, qui venait d'entendre les derniers mots de sa fille. Il s'approcha d'elle à toute vitesse et l'attrapa par son écharpe avant de la soulever du sol. Fou de rage, de petits éclairs crépitaient de ses mains jusqu'à atteindre ses épaules. Ether n'aimait pas son paternel lorsqu'il était dans cet état car il lui faisait toujours extrêmement peur, et pour avoir goûté à certaines de ces colères, elle savait à quoi s'attendre.

« Je... Je peux tout expliquer ! »

« Il n'y a RIEN à expliquer, RIEN !!!
Tu m'as désobéi délibérément, ENCORE une fois ! Quand vas-tu enfin comprendre que c'est dangereux pour toi dehors ?!! QUAND ?!! »

« Papa... J'ai aidé des... », commença-t-telle.

« JE NE VEUX PAS SAVOIR CE QUE TU AS BIEN PU FAIRE !!!
TU AURAIS PU MOURIR, T'EN RENDS-TU SEULEMENT COMPTE ?!!! », beuglait-il à présent.

« HELIOS, CA SUFFIT !
Regardes, tu recommences encore ! », gémit Aura.

L'élémentaire de foudre cessa de hurler pour jeter un œil à ses mains dont gerbaient des éclairs de plus en plus grands. Il lâcha immédiatement sa fille et porta une main à son visage, las et épuisé.

« Excuses-moi chéri... J'ai vraiment cru qu'elle avait... Enfin, tu vois. »

« Je sais... Mais laisse-la au moins s'expliquer. », dit-elle d'une voix qu'elle voulait rassurante, tout en lui caressant l'arrière du crâne.

Il respira profondément et soupira avant de lever les yeux sur sa fille qui le regardait avec détresse.

« Vas-y, je t'écoutes. »

Une fois assurée que son père ne l'a grillerait pas sur place, Ether leur demanda de s'asseoir quelques instants afin de leur expliquer tout en détail ce qu'elle avait fait ces derniers jours. Elle n'omit aucun élément important et précisa même que l'ordre venait d'un jeune sunajin, qui avait finit par abandonner la mission avant même de l'avoir commencé, lui laissant le soin de la faire. Elle n'oublia pas de leur préciser qu'elle l'avait achevé avec brio, que le village entier lui avait été reconnaissant, qu'on lui avait signé un papier comme quoi c'était elle et personne d'autre qui avait accompli la tâche demandée, puis termina en désignant la créature, qu'elle lui avait été offerte pour rentrer plus vite chez elle, ainsi que le petit bracelet qu'elle portait au poignet. Ses parents restèrent silencieux. Aucun des membres de la famille ne s'était rendu compte qu'au fil de l'histoire de leur fille, le clan s'était rassemblé autour d'elle pour l'écouter, subjugué mais pas étonné de voir qu'Ether s'était encore carapatée pour se mêler aux Normaux.

« Voilà...
Je suis désolée de vous avoir fait si peur mais, aider ces gens fut une expérience que je n'oublierai jamais. Vous êtes bien placés pour savoir que je ne sais pas tenir en place... »

Puis elle baissa la tête, regardant ses genoux croisés.
Aura resta muette quelques instants avant de se rapprocher de son enfant et de lui caresser le visage tendrement. Elle la serra contre elle avec douceur et l'embrassa sur le front.

« Je sais.
Je m'attendais un jour à te voir faire une telle chose. Et étrangement, malgré la frayeur que tu nous as causé, je suis très fière de toi. Tu es une Gogyou du vent, ma fille de l'air, il serait inconcevable d'imaginer pouvoir te dompter un seul instant. »

La jeune femme passa ses bras autour de sa mère et renifla plusieurs fois pour éviter de pleurer. Puis releva les yeux vers son père dont le visage était devenu soucieux. Il était perplexe et en proie à une profonde réflexion. Alors qu'il s'apprêtait à faire une nouvelle remarque, il fut coupé par Alecto, l'ancien qui, malgré son grand âge, pétait décidément toujours autant la forme... Il s'approcha d'un pas déterminé et rapide, et se planta face à la gamine que sa mère avait lâché à la vue du vieillard bien conservé. La blonde resta stoïque, ne sachant point à quoi s'attendre. L'élémentaire de terre se frotta le menton tout en observant l'enfant.

« C'est bien ta fille, Hélios.
Aussi insouciante et entêtée que toi. Sauf que toi, tu as cessé de l'être lorsque tu es devenu père... »

La dernière phrase sonna comme un reproche et le grand blond le comprit très bien.
Il toisa l'Ancien avec insolence.

« Et je devrais faire quoi à votre avis ? La féliciter et la flatter d'avoir ainsi déserté sans prévenir, disparaître pendant une semaine, me mentir encore une fois ? Je suis désolée, mais ce n'est pas comme ça que j'ai élevé ma gamine. »

« La peur obscurcit ton jugement. Ceci dit, même si j'admire sa détermination à te rendre fou, elle a effectivement transgressé plusieurs de nos lois et mit le clan en danger. Pour cela, elle sera punie. »

Oh non... La jeune femme comprit que c'était le dôme de pierre qui l'attendait et ce pour le reste de la journée. Alecto ricana et Ether le suivit sans rouspéter. Elle s'installa à l'endroit habituel et attendit qu'il fasse sortir de terre les plaques qui allaient la bloquer. De par sa condition d'élémentaire de vent, la blonde pouvait aisément quitter la cage – elle l'avait d'ailleurs fait plusieurs fois pour aller piquer une pomme – mais là, elle devait accepter sa punition.

La journée fut longue, très longue.
Le soleil tapait si fort que c'était à se demander si il était pas venu prendre un thé au sein de leur campement. Lorsque vint enfin le début de soirée, Alecto revint vers elle et la libéra d'un coup de pied. Elle se rattrapa difficilement, les jambes fatiguées d'être restées debout aussi longtemps. La blonde frotta ses cuisses pour les ramener à la vie puis jeta un œil honteux à l'Ancien qui, en retour, lui sourit.

« Suis-moi, nous allons parler un petit peu. »

La jeune femme, étonnée, le suivit sans discuter. Le vieillard était connu pour être grincheux et malin... Alors pourquoi était-il aussi attentionné avec elle alors qu'elle avait délibérément désobéi et probablement mit le clan en danger ? Ether avouait qu'elle ne comprenait pas ce soudain changement de comportement envers elle. Etait-il malade ? Ils s'éloignèrent sous le regard aiguisé de Hélios, toujours aussi soucieux, et quittèrent le campement pour se rendre à l'Oasis au pied du mont Kaze. Une fois arrivés, l'Ancien s'assit au bord de l'eau et y glissa ses pieds, puis incita la gamine à faire de même.

« Tu vois ce petit coin d'eau ? Tu lui ressembles. »

« En quoi ?
Je suis Gogyou de vent, pas d'eau... », dit-elle, intriguée.

« Je sais bien, bécasse ! », il lui donna une claque à l'arrière du crâne.
« Ce que je veux dire, c'est que tu as beau avoir une attache à cet endroit, tu ne peux t'empêcher de t'évader à l'aide du courant via ce ruisseau plus loin. Tu n'es pas faite pour être bloquée sans cesse au même endroit, tu as besoin de renouveau. »

Ether le regarda avec surprise.
Est-ce que tous les vieillards et autres anciens parlaient de cette façon, de sorte à paraître sage ? La jeune femme pouffa de rire et se prit une seconde claque sur la tête, suivit d'un autre « bécasse ». Décidément, il restait hargneux le papi...

« T'as pas bientôt fini de faire l'idiote, oui ?!
Ton père était comme toi avant. Mais après avoir vu bon nombre d'entre nous mourir et suite à ta naissance, il a cessé d'être impudent pour ta propre sécurité. Il a mûrit mais au détriment de sa vie. »

« Je sais bien... Mais parfois, j'ai l'impression qu'il veut m'emprisonner. Je... J'aimerais nous trouver un village où nous installer, l'Ancien. Un vrai chez-nous. »

« Nous le souhaitons tous, ma p'tite.
Je suis sûr que nous le trouverons un jour cet endroit. »

« Oui mais... Ce n'est pas en restant cachée que nous y parviendront !
J'essaie de comprendre le comportement et le mode de fonctionnement des humains pour que l'on puisse un jour vivre avec eux, mais parfois j'ai du mal à saisir le pourquoi de leurs querelles, de leur vision des choses. C'est difficile ! Je ne sais pas comment agir envers eux. Et au final, je fais des bourdes ou j'en fais trop. Si je ne souris pas, ils le prennent mal, mais quand je souris trop, ça les dérange ! Je ne comprends pas. »

« On ne peut pas les comprendre. Aucun ne se ressemble et il en est de même pour nous. Tu apprendras avec le temps. Pour l'instant, essaie d'être toi-même, cesse de jouer un rôle. »

« Je... Je vais essayer.
Merci l'Ancien. »

« Je t'en prie. », puis il lui donna une nouvelle claque sur la tête.
« Et cesses de m'appeler l'Ancien, je ne suis pas si vieux, jeune insolente ! »

La demoiselle se mit à rire de bon cœur, malgré la douleur, et ils repartirent en direction du camp.

Ether put dormir sur ses deux oreilles cette nuit, son père lui ayant fait un câlin en silence avant de se retourner pour s'endormir. Elle aimait énormément son paternel, malgré sa surprotection envers elle. Mais c'était un père, c'était normal de s'inquiéter pour sa famille, surtout lorsqu'elle l'un de ses membres disparaissait sans prévenir pour ne revenir qu'une semaine plus tard. Ce qui effrayait le plus ses parents n'était pas en soi la mission qu'elle avait terminée, c'était plutôt ce qui allait suivre. Leur fille devait ensuite rendre l'ordre pour prouver qu'elle l'avait faite. Cela serait éventuellement un premier pas dans la vie ninja, mais à quel prix ? Se rendre à Suna en tant que Gogyou, seule et sans armes, c'était un peu comme entrer dans la cage du tigre avec la robe de Lady Gaga ! Du suicide en somme. Hélios avait réfléchit toute la nuit et les remarques insistantes de sa femme l'avait grandement aidé à prendre sa décision. Au petit matin, habitué à ce que sa môme soit déjà levée à jouer avec les enfants au Uno, il vint à sa rencontre et se fraya une petite place parmi eux. Ravis d'avoir un nouveau joueur, les morveux lui donnèrent des cartes et débutèrent une nouvelle partie. Profitant d'être assis aux côtés de son unique fille, il lui fit part de sa décision.

« J'ai bien réfléchi et... Tu es autorisée à te rendre à Suna. Je ne te crierais pas dessus à ton retour, ni te lancerais un regard désapprobateur. Même si tout cela ne me plaît pas... Mais ta mère et Alecto ont raison. Je ne pourrais pas te protéger éternellement du monde extérieur. Tu as besoin de le découvrir par toi-même. »

Ether irradiait de joie et alors qu'elle allait se jeter au cou de son père, celui-ci fit un geste d'arrêt, signifiant qu'il n'avait pas finit de parler. La jeune femme patienta donc, retenant son impatience.

« Promets-moi seulement de ne rien faire d'irréfléchi et d'être le plus prudente possible. »

« Je te le promets. Je ne mettrais pas le clan en danger, ne divulguerait pas sa position et n'avouerait jamais mon origine... Je peux maintenant ? », sourit-elle.

Son père acquiesça en soupirant et se tint prêt à accueillir Ether.
L'élémentaire s'agrippa au Gogyou de foudre et le couvrit de baiser sur le front. Elle se leva d'un bond, jetant sa dernière carte au passage attestant qu'elle remportait encore cette partie, puis courut voir sa mère. Elle lui expliqua le tout malgré le fait qu'elle soit déjà au courant, et accepta la sacoche de vivres qu'elle lui tendit ainsi que la gourde. Ses parents l'accompagnèrent jusqu'à l'entrée du campement, suivi d'une partie de la tribu et d'Alecto. Tous lui souhaitèrent bonne chance, bon courage et surtout, de leur revenir entière. Ses parents lui firent encore un câlin, l'embrassèrent de nouveau comme si c'était la dernière fois, puis l'emmenèrent à sa monture qu'elle avait baptisé Klütz pour sa drôle de tête, avant d'enfin lui dire au revoir.

« Reviens vite!
Et ne sois pas insolente, réfrènes tes ardeurs et pas une seule brise ! »

« Oui maman. »

« N'oublies pas de sourire, mais pas trop non plus, restes sobre ! »

« Oui papa. »

« Et brosses toi les dents.
Les sunajin n'aiment pas franchement l'haleine du matin en guise de bonjour. »

« Oui l'Ancien. »

Mais... AIE !
Elle se prit une claque à l'arrière du crâne. Après avoir vérifié que tout était en place dans son cerveau, elle grimpa sur le dos de l'animal et l'incita à avancer. D'un dernier mouvement de la main, elle les quitta pour se mettre en route vers Suna, incertaine de ce qui l'attendait.

Après la punition, les mises en garde de ses parents et l'inquiétude de toute sa tribu, Ether ressentait toute la pression retomber sur son crâne. Et si elle se faisait capturer ? Et si elle se faisait tout simplement tuer ? ... Non, elle ne pouvait pas mourir sans avoir trouvé un village pour son clan, elle n'avait pas le droit de disparaître ainsi. Déterminée à ce que tout se passe bien, elle claqua les rênes de sa monture pour accélérer la cadence. Le voyage prendrait bien trois jours, même à cette allure de course. La première journée passa relativement vite. Lorsque le voile de la nuit tomba et que sa bête commença à fatiguer, elle s'arrêta près d'un cactus dont elle arracha une branche à l'aide d'un peu d'air condensé. Il était bien connu qu'il y avait de l'eau dans ces plantes piquantes et elle l'offrit à son animal bipède pendant qu'elle buvait dans sa gourde. Avec quelques branchages prévus à cet effet, elle fit un petit feu, de quoi les réchauffer pour quelques heures. Le soir, le désert était incroyablement froid, de quoi geler durant un sommeil profond. Elle ne dormit que d'un seul œil, constamment aux aguets pour éviter de se faire surprendre par des bandits ou des animaux sauvages.

Ils repartirent à l'aube pour ne pas perdre une seule minute de soleil.
Ce dernier brillait dans le ciel, répartissant sa chaleur étouffante. Malgré toutes les années qu'avaient passé la jeune femme à arpenter ces terres, elle avait tout de même parfois besoin d'ombre pour se rafraîchir. Transformant son écharpe d'épaules en capuche comme les touaregs, elle profita ainsi d'une fraîcheur non négligeable. La seconde journée fut aussi ennuyeuse que la première, hormis qu'elle fut ponctuée de plusieurs bourrasques de sable et qu'elle fut ralentie par celles-ci. Elle dormit de nouveau sous un cactus et réitéra exactement le même manège. Croquant dans un fruit, elle fit griller un mince morceau de viande pour prendre des forces sur les flammèches malhabiles. Le ventre plus ou moins satisfait, elle se coucha contre la bestiole et s'endormit légèrement, toujours en alerte.

Le troisième jour lui parut interminable.
Elle n'était plus si loin, mais elle n'arriverait pas avant demain matin.
La Gogyou répéta le même manège que les jours précédents, c'est à dire, chevaucher toute la journée, faire quelques pauses, puis s'arrêter pour la nuit, boire, manger, se réchauffer et puis dormir. Et lorsque vint enfin les premiers rayons du soleil, elle reprit la route sans s'arrêter une seule seconde. A mesure que les kilomètres la séparant de Suna s'amenuisaient, son appréhension grandissait. Alors qu'elle n'avait jamais éprouvé ne serait-ce qu'une once de véritable peur depuis son départ, l'élémentaire commençait à ressentir ce que ses parents avaient bien pu subir lors de sa précédente disparition ; la crainte de tout perdre. Parce qu'elle avait voulu aider des gens, parce qu'elle avait soif d'aventures, voilà qu'elle se mettait en danger pour connaître un brin d'adrénaline. C'était en soi complètement stupide comme décision, mais elle avait besoin de bouger, de découvrir ce qui l'entourait. Ce n'était pas une vie de fuir sans cesse, la demoiselle en avait assez de vivre cachée. Bien qu'elle n'avouerait point son identité, Ether prenait néanmoins le risque d'être découverte. Suna était connue pour être devenue grandement paranoïaque depuis les attentats et autres derniers évènements. Espérons qu'elle n'en subira pas les conséquences...

Après quelques heures de voyage, les portes de Suna furent enfin visibles.
La fameuse "Voie Illusionnée", celle dont vous ne verrez jamais la couleur si vous ne connaissez pas l'emplacement exact du village. Heureusement pour elle, Ether avait apprit par cœur les cartes du monde, les cultures et tout le rantanplan. Mine de rien, la jeune fille avait été une enfant très studieuse lorsqu'il s'agissait d'apprendre des choses sur les villages des autres. A défaut de faire partie de l'un d'eux, elle avait au moins le mérite de les connaître de l'extérieur depuis les pages des livres. Lorsqu'elle arriva enfin aux portes du village, elle descendit de sa créature et se faufila parmi des commerçants s'avançant également vers l'entrée de Suna. Comment allait se passer la fin de sa mission ? Allait-elle se faire descendre juste ici, sans même avoir pu entrer, ou passerait-elle après un court interrogatoire ? Bon, finit de tergiverser, il était temps de connaître le fin mot de tout ça. Tous les commerçants furent arrêtés pour être interrogés, connaître la raison de leur venue, leur nom, etc... Lorsque se fut son tour, elle déglutit d'angoisse. La tension qu'elle ressentait était telle qu'elle aurait pu se liquéfier sur place. Le soldat lui fit signe de s'approcher et elle s'exécuta sur le champ sans rouspéter.

"Votre nom, votre village, la raison de votre présence à nos portes.", dit-il d'un air neutre.

"Ether Hashimoto, membre d'un clan nomade, sans aucun village fixe, je suis ici pour rendre une mission qui a été accomplie."

Le garde l'observa d'un air vaguement surpris.

"De quoi parlez-vous ? Les Errants ne font pas de missions. Surtout pas pour nous."

"J'ai ici un ordre de mission, regardez...", elle sortit le rouleau de son écharpe et de hanches, puis lui tendit. "Je l'ai obtenue par un jeune sunajin à Aketana qui cherchait un compagnon pour l'aider. Mais sur le chemin pour aller au village endommagé, il a prétexté avoir oublié un truc à Tsuyu Hana et je ne l'ai plus jamais revu."

"Votre discours est bien impertinent.
Vous allez prouver la véracité de vos dires face au tableau des missions.
Ne résistez pas, par précaution, nous allons vous escorter jusqu'à l'homme qui validera votre ordre, si, par ailleurs, vous ne l'avez pas volé..."

"Mais non, c'est pas vrai, je..."

"Silence !"

La jeune femme se considéra chanceuse d'être entourée de gardes plutôt que d'être privée de son chakra. Elle le suivit sans rien dire, craignant qu'un seul mot de sa part ne la discrédite davantage.

La demoiselle n'eut pas vraiment le temps d'observer les alentours en profondeur, les soldats marchant bien trop vite pour qu'elle ne puisse s'attarder. Ether put cependant profiter du voyage pour observer les maisons. Suna était si... Si différente de ce qu'elle avait imaginée. Bien qu'elle était escortée sous bonne garde, et qu'elle avait la désagréable sensation d'être en marche pour la prison du village, voir tous ces citoyens dans leur quotidien la fascinait. Regardez cet homme à sa fenêtre étendant son linge, et ces enfants qui jouent dans le sable avec un ballon de toile ! Puis cette femme avec son panier, revenant probablement du marché... Cette vie qu'elle espérait un jour obtenir, voilà qu'elle se déroulait devant ses yeux. Elle avait bien sûr déjà traversé des cités, mais ce n'était que des lieux pour les Normaux. Ici, c'était un village ninja, rempli d'Autres, vivant en plus ou moins harmonie avec des Normaux. Mais dans cet endroit, personne ne désirait la mort de l'autre, enfin, en apparence tout du moins. L'élémentaire se plaisait à s'imaginer à la place de ce boulanger ou même de ce colleur d'affiches. Elle prit même l'initiative de se voir sauter de toit en toit, voler dans les airs sans prendre le risque de se faire tirer comme un canard.
Mais tout ceci n'était qu'un triste rêve qu'elle ne verrait probablement jamais se réaliser. Les Gogyou n'étaient que des monstres aux yeux de la plus grande majorité peuplant ce monde, les sunajins assurément les premiers, tenant compte du désastre causé par la dernière Gogyou venue. Elle ne pouvait que comprendre la crainte qu'éprouvait le village à l'encontre des étrangers, mais de là à tous les traiter comme des criminels, fallait pas non plus pousser mémé dans les orties hein... Les Nukenins et autres Errants n'étaient pas tous des monstres en puissance, prêts à arracher les membres de quiconque se trouverait en travers de leur chemin. Et surtout pas elle !

Ils continuèrent à marcher, traversant diverses zones toutes aussi hétéroclites les unes que les autres, jusqu'à enfin arriver dans un quartier bruyant et vivant. Un grand tableau trônait prêt d'une grande bâtisse. Les gardes l'emmenèrent à l'intérieur. La jeune femme garda le silence, étant en présence d'un nombre incalculable de jeunes ninjas et d'hommes expérimentés. Il n'y avait absolument aucune raison qu'ils découvrent qu'elle était une Gogyou, pas la moindre. Bien évidemment qu'elle puait le chakra, mais il n'était pas catalogué comme élémentaire. Des sortes de guichets avec une personne derrière un bureau recevaient des shinobis et leur rouleau. Ether fut emmenée à part et on la força à s'asseoir sur une chaise qu'on poussa ensuite face à un homme à l'air las.

"Cette femme prétend avoir accomplie une mission."

"Je ne prétend pas, c'est vrai !"

"Silence j'ai dis !"

Son nouvel interlocuteur restait silencieux et tendit sa main pour voir l'intitulé de mission qu'elle lui tendait. Il le déroula et se mit à lire sans mot dire. Une fois sa lecture achevée, il regarda le parchemin puis la jeune femme.

"Quel est votre nom ?"

"Ether Hashimoto, nomade."

"Ce n'est pas le nom inscrit sur ce papier."

"Oui, je sais ! C'est celui d'un garçon qui voulait que je l'aide pour accomplir sa mission. Mais il est partit en cours de route et je ne l'ai jamais revu."

"Dans ce cas, je vais faire mander ce garçon pour vérifier vos dires."

Bah c'était bien beau oui, mais entre une Errante et un sunajin, qui allait la croire elle ?

La demoiselle patienta sagement, craignant soudainement pour sa vie.
L'homme de bureau lui fit signe de rester derrière le paravent, souhaitant vérifier quelque chose. Lorsque le garçon arriva enfin, il possédait cette même désinvolture qu'il y plus d'une semaine. Ether ne dit rien et ne se fit pas remarquer. Elle se contenta seulement d'écouter de derrière le paravent, attendant que le salarié ne lui fasse signe de se manifester pour défendre sa version des faits.

"Shinsuo, mon enfant... N'étais-tu pas normalement en mission ? Une histoire de moulin."

"Qui ça, moi ? Oh bah oui, je l'ai faite oui..."

"Et as-tu rapporté ton ordre de mission ?", fit-il d'un air suspicieux.

"L'ord... Euh, ouais ? Ouais carrément ! Mais c'était pas à vous, c'était à... A quelqu'un qui n'est pas là aujourd'hui tiens.", la gêne commençait à s'emparer de lui lorsqu'il se souvint l'avoir oublié entre les mains de la kunoichi inconnue.

"Alors pourquoi ne l'ai-je pas trouvé dans les dossiers traitant de ton cas ?"

"Euh... Oh, il a dû mal le ranger ! Vous savez, l'administration, tout ça... ça arrive !"

"Etrange... Car j'ai ici une jeune fille qui prétend avoir fait la même mission que toi, sauf qu'elle n'est pas d'ici."

"Une fille ?"

L'employé fit signe à Ether de sortir de sa cachette, ce qu'elle fit avant de s'approcher du duo. Le jeune Genin fut stupéfait de la voir ici présente. Comment avait-elle réussi à venir jusqu'ici ? Il pensait sérieusement qu'elle aurait abandonné l'idée, ou plutôt, n'aurais jamais osé venir à Suna étant donné sa situation d'Errante. Et pourtant... Voilà qu'elle se trouvait en face de lui ! Et merde !

"Toi ?! Je veux dire... Je ne connais pas cette fille !"

"N'importe quoi ! Tu m'as alpagué à Aketana pour de l'aide. Puis tu m'as lâché à Tsuyu ! Tu as abandonné ces gens !"

"Elle ment ! J'ai accompli ma mission. J'avais simplement perdu le rouleau et j'avais trop honte pour l'avouer. Mais je l'ai faite, tu n'es qu'une voleuse, sale errante !"

Ether n'avait pas honte de sa condition de nomade, mais voir ce garçon s'en servir comme insulte était aberrant. Comment osait-il mentir de la sorte ?! L'élémentaire eut bien du mal à conserver son sang froid, mais elle n'avait pas le choix. Exploser aurait donné raison à ce stupide sunajin. Elle resta stoïque, neutre de toute réaction.

"Tu n'as aucune preuve de ce que tu avances de toute manière !
Tu n'es même pas sunajin."

"Je ne suis peut-être pas de ce village, mais j'ai la décence d'assumer mes responsabilités. Mentir comme tu le fais n'est pas digne d'un ninja. Et contrairement à ce que tu racontes, j'ai des preuves de mes actes."

Le sunajin resta interdit.
Des preuves ? Elle avait vraiment accomplit une mission qui n'était pas la sienne ?
L'employé les fit s'approcher de son bureau et invita la jeune femme à attester de la véracité de ses paroles. Tout d'abord, elle demanda à revoir l'ordre de mission et montra la signature du commanditaire, en soi, le maire du village au moulin. L'élémentaire sortit ensuite de son écharpe de hanche le parchemin que le chef avait écrit et cacheté, puis le tendit à l'homme las. Celui-ci observa le papier sous toutes ses coutures, analysa le sceau de moyenne facture - typique des petits villages humains, faute de moyens - et brisa le cachet pour en lire le message. Il ne dit rien mais ses sourcils trahissait sa surprise grandissante à mesure qu'il avançait dans sa lecture. Une fois le tout achevé, il posa la lettre qui se roula sur elle-même et posa ses mains à plat sur la table.

"Si vous ne me croyez toujours pas, voici un bracelet traditionnel qu'ils m'ont fait en guise de remerciements. Et la créature qui est actuellement aux écuries, est la monture qu'ils m'ont donnés pour que je puisse me déplacer plus vite pour rendre ces papiers."

Il s'assit et joignit ses mains, avant de soupirer.

"Shisuo. A défaut de preuves concrètes de ta part, la jeune Hashimoto ici présente dit la vérité. Pour t'être empêtré dans des mensonges de plus en plus pitoyables, tu seras puni."

"QUOI ?! Mais c'est une errante !"

"Oui, c'est une nomade. Et cela ne change en rien tes actes et encore moins les siens.
Je vais parler à tes parents et à ton professeur de ton comportement indigne. Sur ce, tu peux disposer."

Furibond, le garçon quitta les lieux en rageant.
Après avoir regardé le genin partir, la Gogyou baissa les yeux, ne sachant trop quoi faire. L'homme sortit un papier, écrivit quelques mots, tamponna le tout et signa, avant de le tendre à la jeune demoiselle qui prit la lettre sans trop savoir quoi en faire. Le salarié se leva, invita la gamine d'en faire de même et l'accompagna jusqu'à la sortie, les gardes sur leurs talons.

"Tout est en règle, vous pouvez partir. La mission a été accomplie, c'est parfait. Voici une modeste récompense pour cela. Sur ce, ils vont vous raccompagner jusqu'à la sortie."

"C'est vrai ? Vous ne me gardez pas ?"

"Et pourquoi ferions-nous cela ? Avez-vous quelque chose à vous reprocher ?"

"Euh, non ?"

"Alors partez. Bonne journée."

Et il repartit à son bureau sur ces mots.
Ether ne chercha pas plus d'informations et suivit à la hâte les soldats qui l'escortèrent jusqu'à la Voie Illusionnée. Elle fut priée de partir et c'est ce qu'elle fit sans demander son reste. Ce qui venait de se passer était en soi assez irréel mais avait existé. L'élémentaire remonta sur son Klütz et partit à toute vitesse, désireuse de mettre le plus de distance entre le village caché et elle. La totalité du voyage retour ne suffit pas à la convaincre que ce qui venait de se passer était réel. Lorsqu'elle rentra enfin au campement, la tribu toute entière vint à sa rencontre, rassurée de la voir revenir vivante. Ses parents ne l'avaient jamais serrés aussi fort. Bien qu'ils avaient cru ne jamais la revoir, ils étaient fiers de ce qu'elle venait d'accomplir. Malgré tout, elle eut droit à une tape derrière le crâne en guise d'accueil de la part de l'Ancien... Mais AIEUH, j'ai rien dit en plus !

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