Je revois le sable chaud et le soleil battant. Je revois ces morts insensés sous cette chaleur horripilante et jonchant le sol. Je revois le sang couler de ces cadavres. La puanteur et le putride avaient enjointes ensemble le magnifique complot de me pourrir mes rêves. Les cauchemards sanglants d’une vie antérieure et saccagée jetaient sur moi des effrois et une sueur accablante chaque nuit, froide pourtant. J’avais indéniablement des problèmes de sommeil que je comblais en m’entrainant le soir, me rendant somnambule le matin venu. Le rêve reprenait ensuite lors de la journée mais qui pouvait me dire si la réalité d’autrefois n’était pas toujours présente ? Alors ces visages factices que je servais dans le restaurant n’étaient-ils donc pas des impromptus lâches et hypocrites de faire comme si tout allait biens. Il est vrai qu’en lisant les journaux j’ai vu les décisions d’investissement du village avec Kaze mais l’avenir restait incertains. Pour ma part, étais-je lâche de penser que je me contentais de ma petite vie pittoresque de genin : des missions rang C, aider au restaurant de mon père et aller sur la tombe de ma mère. Alors que certains de mes anciens camarades avaient progressé ou avait été même retenu dans le fameux groupe de Midorhato je restais à regarder le ciel en espérant toujours. Pourtant chaque soir je m’entrainais comme si je redoutais ses démons qui surgissaient dans mon sommeil. Je ne sais pas si cela me faisait progresser mais du moins cela exorcisait mon désir de faire plus. De toutes les manières je devais m’occuper du restaurant et avec l’infirmité de mon paternel j’étais le seul en mesure de gérer au mieux la boutique à ses côtés. On m’avait confié d’aller voir plusieurs groupe ou de me joindre à une formation fixe afin de progresser à côté de juunin mais au final, depuis la mort de mon ex-sensei chunin je n’avais plus personne. Je connaissais des gens de tout âge qui venait me parler mais je n’avais aucun réel ami. Pourtant ce jour fut entrecoupé d’une jeune femme qui peut-être changerait la donne.
Cette jeune genin avait eu la même formation que moi d’antan et je ne me rappelais plus son nom ou tout du moins des bribes seulement. Social et un tantinet curieux de la voir en ces lieux pour chercher un quelconque réconfort dans les plats que nous préparions chez les Nishouris je m’offrais à elle en tant que serveur.
Salutation, entrez donc. Ah mais ça ne serait pas..euuhh… Ema non ? On a appris ensemble les bases il me semble.
Je ne sais pas si elle se rappelait de moi et je devais avouer qu’au pire je m’en foutais royalement. Ma flegme était telle que tout ce qui venait à bousculer ma vie m’intéressait mais, ébranler mon cocon était bien plus délicat.
Que devient la jeune demoiselle que tu es devenue ?
Ema entra dans un restaurant au nom de Nishouri. Cela lui disait plus ou moins quelque chose. Elle connaissait ce nom, mais ne se souvenait plus où elle l'avait entendu. En entrant dans la salle principale, elle vit un visage familier se présenter à elle. Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus jusqu'à ce que celui-ci lui dise qu'ils étaient à l'académie ensemble.
Emishi!
Ema s'en souvenait enfin. Il avait grandi et changé. Peut-être était-ce dû au sort de ses parents. Ou alors il avait toujours été comme ça, mais Ema ne s'en était jamais rendu compte. Elle se courba respectueusement devant lui, afin de le saluer. Puis lui sourit.
Je suis actuellement Genin, Emishi. J'ai été intégré dans une équipe, le Midorhato. Et toi que deviens-tu? Tu es toujours shinobi ou bien tu aides ton père dans votre restaurant?
Elle aimait bien l'atmosphère qu'elle sentait dans ce restaurant. Malgré les souffrances de la famille, celle-ci allait tout de même bien en voyant toutes ces personnes qui mangeaient. Les gens étaient heureux, ce n'était pas un de ces restaurants miteux où tout était morne et sans vie, au contraire.
Tu fais du bon boulot, si je peux me permettre.
Ema s'installa enfin, à la place qu'Emishi lui avait indiqué, puis commanda... ce qu'Emishi lui ramènerait. Elle lui avait permis de lui apporter ce qu'il voulait, elle lui faisait totalement confiance. Elle l'invita aussi à la rejoindre si il avait une pause pour midi, cela lui ferait très plaisir de pouvoir partager un moment avec un ancien ami.
Elle m’avait reconnu d’un passé récent ou lointains selon les âges. Le simple fait que déjà puisse-t-elle se souvenir de moi ayant voulu être shinobis était suffisant et ravivait une blessure ferme en mon sein. Je tirais un sourire forcé, comme une grimace, à ses éloges de serveurs. Au final était-ce réellement ce que je recherchais ? Je voulais attendre que d’autres me protège moi et mon cocon mais quand je pensais à mes cauchemard funeste d’un temps ancien où nous baignions dans le sang je ne souhaitais pas que cela arrive à d’autre. Pourtant même si une once de désir était palpable en moi je ne pouvais pas renier ma famille et le restaurant.
Dorénavant je suis avant tout serveur. Je remplis aussi quelques missions rang D pour le compte du village si ça peut aider.
Le Bonheur et le malheur s’entremêlent. On ne sait pas si nous sommes chanceux ou malheureux. Il y aura toujours plus malheureux pour vous remettre en cause. Je n’avais pas le droit de me plaindre ou d’émettre le souhait de faire plus. Pourtant le soir je m’entrainais comme si un jour peut-être m’améliorais-je ? Etais-je si horrible d’en vouloir à mon père pour ses blessures estropiées ? Tant de questions qui me tourmentaient et m’enchainaient à ce statut quo indéfiniment.
Je lui apportais un okonomyaki avec quelques yakitoris supplémentaires, cadeau de la maison. L’odeur de la nourriture était toujours aussi alléchante. Elle attendit sagement la fin de service alors que le soleil fut haut pour que je vienne la voir. Sa patience était une vertu fascinante et la jeune femme aux cheveux d’un brun éclatant avait bien changé de la petite fille que j’apercevais en cours. Elle était arrivée en plein cursus mais n’avait eu aucuns soucis à l’aide des professeurs à devenir bien meilleur. Voilà donc qu’elle était dorénavant au Midorhato, ce qui ne faisait que confirmer mes dires. Peut-être un tantinet curieux je ne pus m’empêcher lors de notre conversation sur ce point :
Alors le Midorhato c’est comment ? Tous des genins d’exception ?
Dorénavant je suis avant tout serveur. Je remplis aussi quelques missions rang D pour le compte du village si ça peut aider.
Ema ne pouvait s'empêcher de penser que cette phrase cachait une douleur de ne plus faire parti des shinobis de son village. Elle aurait bien voulu en parler avec lui, mais celui-ci travaillait, et ne pouvait se permettre de bavarder trop longuement avec la clientèle, malheureusement. Son plat arriva, avec un supplément vraiment aguicheur. Ema sourit, il n'avait pas changer, Emishi était toujours aussi attentionné et gentil. Elle n'avait rien à faire cet après-midi qui devait l'empêcher d'attendre le jeune serveur. Peut-être une ou deux corvées, mais cela pouvait largement attendre. En plus, le soleil était magnifique et le vent de Suna plutôt agréable. De ce fait, elle l'attendit tranquillement.
Il venait de finir son service. Ema eut un petit sourire lorsqu'il sortit de ce restaurant. Il avait l'air... mieux. Plus radieux.
Alors le Midorhato c’est comment ? Tous des genins d’exception ?
Emishi l'avait rejoint. Elle était assise sur un petit muret près d'un chemin allant vers le restaurant. Celui-ci s'assit à côté d'elle. Le soleil était encore haut dans le ciel et illuminait la place entière.
Le Midorhato? Et bien... Cela fait que peu de temps que j'y suis, mais je sais déjà que les genins qui y sont feront d'excellents shinobi pour le village. Notre sensei est vraiment impliqué et droit. Je m'y sens bien.
Ema voulait rajouter quelque chose comme : tu aurais pû y entrer également, mais se ravisa. Elle ne voulait pas tourner le couteau dans la plaie, après tout, elle avait déjà sentie comme une sorte de malaise, elle ne voulait pas en rajouter plus.
La jeune femme était éblouissante et calme, d’un ton serein et emplie d’amitié. Il n’était pas difficile de percevoir mon ressentiment et ma déception de ne pouvoir continuer mes études de shinobis. Je n’avais connu que ça avant d’arriver à Suna et il m’était difficile de m’extraire de ce monde pour n’être qu’un serveur puis futur restaurateur. Je ne dénigrais pas ma fonction mais je ressentais comme le manque et les années perdus. J’avais effacé mon passé pour une paix factice au cœur d’un village en qui fut par deux fois en guerre. Il n’y avait rien que j’y puisse faire mais revoir Ema me donnait du baume au cœur. C’était comme raviver une flamme du passé et une nostalgie d’antan. Nous étions tous déjà plus âgé quand nous arrivions à l’académie et d’un parcours souvent diffèrent. J’étais originaire du nord du pays du vent, je servais de soldat à mon clan qui fut décimé par ceux de la foret. Chacun avait son propre parcours et avait vu de ses yeux conscient les guerres perpétuelles des shinobis. La guerre aura eu des conséquences sur nos vies. Pour certains c’est la perte de leur proche, pour d’autre la perte de leur âme et d’autre encore de leur motricité. Rien n’est immuable en ce monde et les souvenirs de ce cauchemar réel resteront gravés en nous. Il n’y a rien que nous puissions y faire et il serait ainsi à jamais.
La belle jeune femme, amie et confidente m’attendit jusqu’à la fin de mon service. J’y voyais là une gentillesse sans borgne. Pour ma part avais-je pris soin de faire en sorte que son repas se passe sous la manière hospice avec des compléments à ce dernier. Ce genre d’acte de bonté, je ne pouvais l’offrir qu’aux gens que je connaissais et dont mes yeux d’un regard profond m’avaient attesté sans jamais me tromper de la véracité de leurs actes envers moi. Je regardais ses cheveux bruns éclatant et son sourire me donnait du baume au cœur. Je me demandais quelle aurait pu être nos avenirs respectifs si nous n’avions pas été shinobis. Si j’avais pu être né en aristocratie je ne me serai jamais posé ces questions. Il n’y avait que peu de chose à dire sur la situation actuelle.
Mon père est toujours incapable de marcher. L’opération coûterait bien trop cher mais il paraitrait que ce serait possible avec des techniques d’iroujutsu très puissantes. Du coup je continue de l’aider avec mon cousin et quelques salariés.
Je regardais le ciel. Il était d’un bleu sans nuage et il n’avait rien à cacher. Bien au contraire les épis de lumières étaient luminescents et baignaient nos visages dans ce champ d’orge continuellement. Nous sommes dorénavant des sunajins et nous nous épanouissons dans la lumière et la chaleur de notre environnement. Il n’en a pas toujours été ainsi pourtant. Je regardais la jeune femme et me relevait.
Vient marchons. Ça sera mieux que de rester assis.
J’avais besoin de bouger et de marcher dans Suna. C’était bien plus intéressant et nous pourrions apercevoir le monde en mouvement. L’homme qui regarde la foule sera bien plus émerveillé que celui qui regarde ses pieds. Nous parlions ainsi le long des chemins et traversions le centre-ville. Les paroles étaient fugaces et les langues se déliaient, j’eu même un éclat de rire à l’approche d’une situation comique. Cela faisait longtemps que je ne riais plus autant. Je n’avais jamais ri trois fois par jours à ce que je sache : serais-je malade ? Mais je me sentais bien en la compagnie de la jeune femme. Ceci durait une heure ainsi et j’avais l’impression que nous étions des jeunes des plus communs et que nous n’étions jamais né ici, dans un village maudit par le destin. Cette illusion me berçait et j’aurais aimé qu’elle puisse continuer ainsi.
C’est quoi ce que t’écoutes en ce moment comme musique ?
Je n’avais rien à dire de plus intéressant que cela mais pourtant c’était des paroles de curiosités et qui démontraient l’intérêt qu’il était possible de porter à une autre personne. Cela faisait maintenant quelques années que ne nous étions pas vu et je me demandais bien des choses quant à son sujet plus que sa position de shinobis, c’était la jeune demoiselle que je voulais connaître.
Et tu connais plein de monde maintenant du coup ? Il ressemble à quoi ton sensei, c'est qui?
Des techniques d'Iroujutsu... Cela devait coûter cher. Ema connaissait plutôt bien le monde médical étant donné son passé où elle avait aidé les infirmiers et ninjas médecins durant la guerre, mais elle n'avait pas vraiment la notion des valeurs de chaque jutsus. Mais Emishi venait de confirmer sa pensée. Il devrait certainement vendre le restaurant pour arriver à payer l'opération, mais le fait est que le restaurant est la seule chose qu'il leur restait à chacun d'eux, du coup, le dilemme était clair. C'était dommage, Ema avait toujours cru que dans un pays aussi magnifique que Suna, les gens s'entraidaient. il faut croire qu'elle se berçait de douces illusions. Elle sourit tristement, ne sachant que répondre à ces paroles. Il avait l'air tellement triste et il ne pouvait rien faire pour changer cette situation. Ema avait énormément de compassion pour le jeune homme. Elle aurait voulu être ce médecin ninja qui lui aurait fait l’opération gratuitement et avec plaisir, cependant, la jeune kunoichi n'avait aucun talent pour la médecine.
Viens marchons. Ça sera mieux que de rester assis.
Oui, c'était une bonne idée de marcher. Peut-être que d'autres sujets de conversation nous viendraient pour éviter de rester plonger dans les soucis d'Emishi. Bien que cela ne dérangeait pas Ema, cela devait vraiment peser pour le jeune garçon. Il lui fallait une bonne dose de fraîcheur, un brin de nouveauté. Et c'est ce que les deux amis firent, le long des rues de Suna. En tant que shinobi, il était aussi important de se lier avec des membres du village et de créer des relations durables. C'était en quelque sorte une motivation de plus pour se battre et ne pas se sentir inutile et perdre son nindô.
C’est quoi ce que t’écoutes en ce moment comme musique ?
Ema n'avait jamais vraiment pensé à ce qu'elle aimait comme musique. Néanmoins, elle adorait les vieilles chansons traditionnelles que sa mère chantonnait à l'occasion, ou encore les berceuses de son enfance. Cependant, Emishi ne s'attendait sans doute pas à ce genre de réponses.
Hm... J'aime beaucoup les musiques traditionnelles avec les instruments aigüs. Je les trouve reposant. dit-elle, sans grande conviction.
Et tu connais plein de monde maintenant du coup ? Il ressemble à quoi ton sensei, c'est qui?
Je connais quelques personnes effectivement. J'ai rencontré Ogami Toshiro avec qui j'ai fait ma première mission Genin. Il utilise lui aussi le Shôton, ce que j'ai trouvé vraiment amusant, car je n'avais jamais rencontré quelqu'un utilisant ce pouvoir. Mais le sien n'est pas exactement de la même couleur du mien. Cela dépend sans doute de la personnalité. J'en sais rien, en tout cas, c'est une personne que je respecte. Il m'a même sauvé une fois... raconte-t-elle, rêveuse. Il y a aussi mon Sensei, Kibô. Il est imposant. Il est mon grand frère. J'ai beaucoup de chance d'avoir été pris dans le Midorhato.
Ema hésita un moment à poser cette question, mais se lança tout de même.
Je sais que pour le moment, tu ne peux pas, mais penses-tu un jour pouvoir continuer dans la voie de shinobi ?
