- Ah. Et le rendez-vous de 14H, il est parti aussi vers l’infini et au-delà ?

J’étais plutôt satisfaite des équipes en place et du travail qu’ils fournissaient lorsque Miko a été promue Hokage. Le temps avait passé, les semaines s’étaient enchaînés, et à l’approche de l’automne, le personnel était devenu de moins en moins compétent : confusion dans les rendez-vous, annulation imprévue, retard, dossier non-envoyé ou envoyé à de mauvaises adresses, notes de service non-transmises. Et, à mon premier étonnement, je commençais à perdre patience. Non pas que j’étais devenue une rigide imbuvable (hem, j’ai entendu le gros beauf du fond dire « Olala on ne devient pas ce qu’on est déjà mouarf mouarf ». T’es pas drôle, beauf du fond), mais le fait est qu’à chaque problème qui survenait, je devais les gérer avant que Miko s’en aperçoive. Et pour moi, parce que ça me retomberait dessus (de toute façon, même ce séisme à Ki m’était retombé dessus, allez comprendre pourquoi. Comme si j’avais des actions chez Tremblements de Terre et fils), et pour le pauvre employé qui avait fait la bourde. Et je commençais à en avoir marre de couvrir des incompétents et de courir dans tous les bureaux du palais pour que tout se déroule pour le mieux.

L’agenda de l’Hokage indiquait aujourd’hui une entrevue importante avec une émissaire du Shukaï et seigneur de guerre de je ne sais quel pays obscur. Ça en jetait sur le papier, sauf que ça allait rester sur le papier, car selon une autre information (qui n’a donc pas été liée avec ce rendez-vous), cette émissaire avait quitté le village quelques heures avant les missionnés au pays du Bois. J’avais perdu tout sourire pour la personne en face de moi, lui prenant les dossiers des mains.

- Vous allez premièrement programmer une réunion de tout le personnel du palais pour ce soir, 17H30. Présence obligatoire, même si c’est une demi-heure après la fin de la journée de la majorité des employés. Et comme apparemment il faut tout vous dire, n’oubliez pas de les PREVENIR qu’il y a une réunion et qu’il serait de bon ton qu’ils évitent de penser qu’elle soit facultative. Suis-je claire ?

A ma grande surprise, je n’avais pas crié, ni même haussé la voix. J’avais gardé un ton doucereux, à la limite de l’aimable, ce qui, combiné à ce que je disais et à ce que je voulais, rendait le tout assez… Flippant. D’ailleurs, le silence régnait, et l’employé en face de moi se contenta d’acquiescer vigoureusement la tête. Je retrouvai mon sourire bon enfant juste suite à ça, et lui adressai chaleureusement.

- Bien ! Et convoquez-moi cette, heu…

J’ouvris le dossier des sorties dudit jour de départ du seigneur de guerre du pays de… heu… Peu importe, et cherchai rapidement le nom de la chargée de sortie.

- Inuzuka Fea. Au plus vite. Et pas dans le bureau de l’Hokage. Dans la salle de réunion à côté. Merci.

Reclaquant le dossier dans un léger vent (que c’est bien dit), je tournai les talons pour me rendre dans ladite salle. J’avais fait tout ce que j’avais à faire dans le bureau de Miko, nos emplois du temps étaient bien différents et je n’avais aucun intérêt à rester dans ses pattes aujourd’hui. Elle avait sûrement des tas de trucs à faire. Sans doute. Elle est Hokage, quand même… Non ? Vous croyez qu’elle se fout de moi et me refile tout à faire ? … Naaaaaaaaaaaaaaaaaan… M’enfin, j’irais vérifier, juste au cas où…

La matinée passa, j’avais déjà envoyé une dizaine de courriers quand on frappa à la porte de la salle dans laquelle je me trouvai.

- Entrez ?

- Ah oui entrez. Bonjour, désolée de vous déranger.

Je refermai le dossier que j’étais en train de traiter et l’invita à s’assoir sur une des chaises présentes dans cette salle, son chien sur ses talons. Ca y est, la fascination me reprenait : ce lien qui unissait un Inuzuka à son chien était tellement incroyable ! J’aurais pu passer des heures à les étudier, à les regarder s’entraîner… Mais primo j’avais autre chose à faire, et secondo ce serait un peu bizarre, quand même. Genre le ninja est sur le terrain d’entraînement, il se bat contre un mannequin de bois, perfectionne ses techniques, s’épuise à la tâche… Et derrière, un peu en retrait, t’as une pauvre pimbêche qui fait le poteau, des étoiles plein les yeux à regarder plus ou moins discrètement le chien et son maître. Ce serait incongru (et je trouve aussi que ce mot n’est pas assez utilisé dans notre riche langue, oui monsieur).

Bref donc, la brave dame s’assit. J’allais entamer directement la raison de sa convocation, mais… Mais en fait, je ne savais pas vraiment si elle me connaissait ou pas. Je commençais à rouler ma petite bosse (ça aussi, je trouve que c’est une expression trop peu à la mode), mais tout le village n’était pas censé me connaître, surtout ces ninjas sans histoire qui ne font que ce qu’on leur demande sans s’intéresser à la politique du village ou qui ne sont pas… Entreprenants. Certains shinobis se contentaient de remplir – avec plus ou moins de talent – les missions qu’on leur donnait, sans se mêler des affaires politiques. Le fait que je sois assistante (larbin pour les intimes, bras droit pour ceux qui ont la foi, comme moi) de l’Hokage n’était peut-être pas forcément une évidence pour tous. Alors je devrais peut-être me présenter… Mais d’un côté, si elle me connaissait parce que ma sulfureuse et incroyable réputation me précède (*rire de l’audience*), alors cette formalité de présentation serait peut-être vue comme un signe maladroit de modestie, et je passerais une pour personne imbue d’elle-même. Olala QUE FAIRE ?????? (Là vous vous dites « Quelle chance j’ai de partager tes aventures internes, Mizuki. C’est profond, pertinent, plein de sens. C’est toujours un plaisir ». Merci, le plaisir est pour moi.)

- Je suis Mizuki. Mizuki Aburame, et je suis l’assistante personnelle de l’Hokage.

Pas de grognement du chien, pas de regard indiquant « Je te sais faussement modeste »… Bon ça va. Je lui adressai un sourire et mis ma jambe sous mes fesses, l’autre pendant dans le vide. Je décalai deux-trois dossiers pour en sortir un dans une pochette blanche sur lequel était écrit « Registre de sortie ». Je l’ouvris à la bonne page, sortis la feuille dont il était question et lui tendis.

- Je vous ai demandé de venir aujourd’hui à propos d’une sortie que vous avez autorisée il y a quelques jours de cela. Une certaine Yuki Samui, qui se présentait comme une émissaire du Shûkai qui devait s’entretenir plus ou moins urgemment avec Hokage-Sama.

Je laissai un léger temps pour lui laisser le temps de consulter le registre et pour potentiellement essayer de se souvenir de cette jeune femme.

- Le fait est qu’elle est repartie à peine quelques jours après être arrivée, malgré ses demandes insistantes lors de son entrée et tout un mystère qu’elle faisait. Pour une seigneur de guerre et une émissaire, je trouve que c’est assez… Rude et impolie, vous ne trouvez pas ?

Je souris une nouvelle fois, inclinant cette fois-ci légèrement la tête, faisant basculer dans le même mouvement ma queue de cheval.

- Pourriez-vous me dire quelles raisons ont poussé Mademoiselle Samui à quitter le village ?

Plus qu’à espérer que Fea Inuzuka est de celle qui remplit leur devoir, et pas de ces ninjas qui, parce qu’ils sont assignés à la porte (et que cela peut-être fastidieux) s’autorise du laisser-aller, surtout lors des sorties…

Citation :

J'espère pouvoir revenir dés que la situation du pays du bois sera plus stable ! Ce dont j'étais venue parler avec Aburame Miko était malgré tout assez important pour l'alliance de pays neutre ! Pouvez-vous lui présenter nos respects ! Je me chargerai de lui envoyer une lettre pour la bonne forme pour m'excuser de mon départ précipité et la remercier de ces quelques jours d'hospitalités ! Je ferais le nécessaire pour revenir au plus vite !"

- Ne vous en faites pas, personne ne vous reproche rien. A la fenêtre, s’il vous plaît… Pour la cigarette.

Quel étrange personnage. Je lui souriais toujours, mon expression ne trahissant aucunement ma surprise de me retrouver face à cette Jônin originale. Nul doute qu’elle était bien meilleure que moi, dans tous les domaines, et ça se sentait. Une signature chakratique bien plus haute. Mais quelque chose dans son comportement m’intriguait. Un mystère l’entourait. Comme si… Comme si elle avait la place de son Ninken, comme si elle réagissait comme le chien qu’elle élève.

- Le contexte n’excuse pas vraiment tout, Fea-senpaï. Yuki Samui est peut-être une émissaire, une seigneur de guerre ou peu importe son titre, il serait incroyable que le sort d’un pays repose entre ses simples mains. Son départ précipité pour Ki, seule, n’a rien de compréhensible.

Je la remerciai d’un signe de tête en lisant ses derniers mots. Que de paradoxes. Comment est-ce qu’une affaire importante a-t-elle pu être éclipsée par un séisme ? Pire : elle attendrait que la situation se soit stabilisée pour revenir, comme si de rien n’était. Et avait le culot de remercier Konoha pour son hospitalité. On lui avait donc offert le gîte et le couvert, sous prétexte qu’elle était une personne imminente et importante, et au final, elle aura été purement et simplement inutile, profitant de la gentillesse de Konoha et partant dès qu’un oiseau avait pété un peu trop fort du côté du Pays du Bois. C’était irrespectueux. Si les affaires avec Miko étaient vraiment urgentes, alors elle aurait fait en sorte d’attendre son entretien avant de partir du village. Je soupirai.

- Merci en tout cas de vos informations. Et ne vous en faites pas, vous n’avez rien fait de mal, au contraire.

J’ignorais pourquoi Fea semblait autant s’auto-flageller ou craindre d’une quelconque remontrance, mais c’était le cas. Elle s’était excusée plus de fois qu’il ne le fallait – parce qu’il n’y avait pas d’excuses à faire. Yuki n’avait pas à être retenue au village. A Konoha maintenant d’agir en conséquence lorsqu’elle reviendrait. Mais l’Inuzuka me semblait toujours mystérieuse, comme si quelque chose la dérangeait. Je lui adressai un sourire chaleureux : c’était assez étrange d’avoir autant cette impression d’influence sur quelqu’un de plus gradée que soi. Même si je travaillais en étroite collaboration avec l’Hokage, j’étais Chûnin, et Fea était Jônin.

- Puisque vous êtes là, vous voulez peut-être parler de quelque chose en particulier ? Que vous auriez voulu dire à Hokage-Sama ? Une remarque, une critique ?

C’était aussi mon boulot de transmettre les problèmes à Miko. Je ne prétendais pas pouvoir les régler, bien au contraire, mais je savais que j’étais relativement bonne en écoute, et surtout je ne craignais pas l’Hokage. Pas le moins du monde. Et j’avais l’impression que c’était malheureusement le cas pour tout le monde. Je les comprendrais jamais. Tata Miko n’a rien de dangereux… Enfin, je suis peut-être pas très objective. Toujours est-il que Fea semblait déjà tenir une distance avec moi, parce que je travaillais avec Miko… Alors si elle avait des critiques à lui faire directement, ce serait peut-être plus facile de le faire via une intermédiaire…

Les trois élèves d’Inuzuka Fea. Il fallait que je fasse un léger effort mental pour me souvenir de qui ils étaient. Si elle en parlait, c’était forcément qu’elle avait inscrit son équipe à l’examen. Puis, ça me revint. Une Hayashi au prénom d’opéra, un Hyô dont on entend très peu parler et, comme elle venait de me le rappeler, une Gogyou. Si ma mémoire était bonne, Yell avait déjà été acceptée, restait le cas des deux autres qui n’avaient pas encore été réglés – ou s’ils l’avaient été, j’avais zappé. Ce qui ne serait pas étonnant, en fait, vu tout ce que je vois défiler par jour. Mais ma principale tâche actuelle étant cet examen, je pouvais considérer que si leurs cas avaient été réglés, je m’en souviendrais. Je m’enfonçai dans le fauteuil, regardant l’Inuzuka.

-Vous avez donné des arguments en faveur de Yell Riba. J’entends bien. Pourquoi Mahogani Hayashi et Shikazu Hyô devraient figurer parmi les figurants à cet examen ?

Car c’était là ma principale mission et ce qui la rendait ardue : inscrire tous les Genins à cet examen et génocider la moitié des gamins de moins de 13 printemps est une chose, savoir comment l’on s’y prend en est une toute autre. J’avais déjà eu cette discussion, mais oui, l’examen a pour but de montrer sa puissance aux autres nations. Et ce n’est pas inhérent à Konoha : toutes les nations font ça, impliquant donc que ce sont les meilleurs Genins qui sont envoyés. Si, de notre côté, on veut faire nos malins à envoyer tous ceux qui le souhaitent juste, on peut rapidement se retrouver avec un pugilat plus qu’un évènement. Les risques de mort sont réduits parce que, d’une part, on s’arrange dans l’organisation pour que ça n’arrive pas, mais parce qu’en plus, on fait en sorte que ceux qui concourent puissent se défendre face à des dangers imprévus et imprévisibles. Je ne connaissais pas personnellement Shikazu et Mahogani, mais, de mémoire, ils n’étaient pas les genins les plus anciens, ni les plus aptes à survivre à des assauts non-contrôlés des ninjas des autres villages. Peu de missions, peu de moments où ils se sont illustrés… Leur senseï était du coup la plus apte à savoir ce qu’ils valaient, puisqu’elle passait beaucoup de temps avec eux, et que c’était son job de les connaître sur le bout des doigts. Si elle me disait qu’il fallait les envoyer, qu’ils étaient prêts et aptes, qui étais-je pour lui refuser ce droit ?

Vint ensuite le sujet sur la gouvernance de Konoha en l’absence de Miko. J’arquai un sourcil : était-ce la première fois qu’un Hokage quittait le village pour une mission, diplomatique ou non ? Konoha ne se targuait plus de conseillers depuis très longtemps, et les bras-droits accompagnent bien souvent leur Ombre. Dès lors, le village a toujours été administré seul, sans personne pour être à sa tête à ce moment, sans tête d’affiche. Mais… Pensait-elle qu’un village de cet acabit n’était régi que par elle et moi ? Pensait-elle réellement que Konoha pouvait tourner aussi bien qu’il ne tourne qu’avec deux personnes à sa tête et gérant tout ? Bien sûr que non. Miko était chef de guerre et avait un droit de regard sur tout ce qui concernait le village. Elle devait approuver tout ce qu’il s’y passait, prenait parfois en charge certains dossiers : mais l’administration existait bel et bien au sein du village de le Feuille. Des hauts fonctionnaires étaient présents, eux-mêmes qui se chargent d’élire un nouveau Kage quand le précédent s’en va. Konoha sera géré de la façon la plus commune qui soit durant l’absence de l’Hokage : il n’y aura évidemment pas de révolutions, pas de grands changements… Mais Konoha ne s’arrêtera pas de vivre parce que son Hokage est parti.

- Ne vous en faites pas ! Des gens très bien formés pour s’occupent de faire tourner le village en son absence !

- Si les inscriptions ne se faisaient qu’à la gloire et à la réussite, l’examen n’aurait aucune valeur, vous ne croyez pas ?

L’examen était fait pour mesurer ce que vaut un shinobi dans un contexte particulier, dans une situation donnée, avec des attentes bien précises et surtout avec le moins de variables possibles. Bien entendu, on avait à faire à de l’humain, et comme à chaque fois qu’un humain est étudié ou examiné, il y avait toujours une part d’aléatoire, puisque chacun réagit différemment. Mais c’est justement cette réaction qui fallait étudier : était-elle en accord avec le grade de Chûnin ? Et si le Genin a déjà montré à maintes reprises qu’il valait plus que son rang, en accomplissant avec brio toutes les missions qu’on lui avait confiées, en servant Konoha de toutes ses forces : alors à quoi bon l’examiner ?

- Quant à vos deux autres élèves, j’y réfléchirais, maintenant que vous avez exposé votre point de vue.

Je me levai, indiquant que l’entretien était terminé. Je ne pouvais de toute façon pas répondre à plus de ses attentes sur l’examen. Et si elle n’avait pas eu plus de questions… L’Inuzuka quitta la salle, moi sur ses talons. Je la saluai une dernière fois avant son départ, déposant le compte-rendu de l’entretien à l’accueil. Fea n’avait rien à voir avec Takeo. Elle était bien plus étrange, bien plus distante, bien plus énigmatique. Comme si, au fond, sa cigarette n’était pas faite que de tabac. Sisi, je vous jure. Sa façon de parler, son impression de domination. Elle avait peut-être passé trop de temps avec son chien. Enfin bon, elle restait plus gradée et sans doute plus puissante que moi. Il devait sans doute y avoir une raison au fait qu’elle soit une Jônin de Konoha. Sans compter qu’au vu de son attitude, on pouvait compter sur elle pour protéger les valeurs de la Feuille dès qu’il le fallait.

17H25. J’avais passé ma journée à finaliser les inscriptions pour l’examen Chûnin. Pas mal de monde, finalement, allait être envoyé dans le désert de Kaze. Mais bien plus encore allait rester ici, à leur grand désespoir, car participer à un évènement de cet envergure est toujours flatteur et intéressant. Et il permet surtout d’être promu : ne pas y aller est une preuve que vous ne méritez même pas de proposer quelque chose à faire valoir pour être Chûnin. Pour certains, jeunes ninjas, ce n’était pas grave, voire normal. Pour d’autres, qui était devenu shinobi il y a un peu plus longtemps, la sentence est difficile à accepter. Dans cinq minutes, la réunion avec le personnel du palais allait débuter. J’arrivai dans la salle de réunion – la plus grande du palais – où tous m’attendaient. Et croyez-moi, vu le peu d’efforts qu’ils faisaient récemment, je n’allais pas les louper…

D’ailleurs, le fonctionnement du palais fut bien mieux après cette petite entrevue générale. Coïncidence… ?