J’avais terminé toutes mes réserves d’alcool la veille. J’ai pris une journée à m’occuper de mes animaux encore une fois avant de prendre la décision de réellement retourner au monde des fous. Dans les îles, c’est moins compliqué. Oui, il y a du banditisme, des criminels, des fous, mais c’est pur, simple. Et, ça dépend grandement de l’endroit où l’on se trouve. J’ai personnellement acheté une maison dans un coin qui est sécurisé. Les villageois sont armés et se sont engagé plusieurs mercenaires et soldats.

Par contre, lors du chemin jusqu’au port, je dois me défendre contre plusieurs vagues d’adversaires. C’est toujours comme ça, chaotique et pur à la fois. C’est ce côté simple qui me manquera de la région. Au lieu de quoi, je vais me lancer corps et âme dans mes projets de paix et de restructuration. Il faut le dire, mon exil de quelques semaines fut réellement productive pour les moments où je n’étais pas saoul. J’ai pris de grandes décisions!

Au moment même où je passe la grande porte du port, une alarme résonne. J’entends la foule s’agiter et cette clameur me sort de mes songes. Je me dirige en vitesse jusqu’à la source du bruit et y découvre un début d’incendie. Malgré le temps brumeux et pluvieux, un feu qui ne peut être que criminel s’est déclenché.

Je passe un regard scrupuleux sur tous les villageois présents, mais n’y découvre personne qui ne sorte terriblement de la moyenne quant à son agissement ou ses expressions. Le regard concentré, je m’avance et regarde en vitesse par les fenêtres et les portes pour voir si je peux trouver une victime à sauver puisque les flammes sont déjà trop hautes pour que je ne puisse les éteindre aisément sans avoir à détruire les bâtiments d’un coup de sabre.

Dans ma main droite, je tiens Déshonneur, Froideur et Fin. J’utilise leurs fourreaux pour déplacer les débris. Cherchant en vitesse un moyen de ralentir le feu ou bien de venir en aide aux plus dépourvus. L’odeur du bois et de la chair brûlée commence à se lever et je ne comprends pas pourquoi je n’entends aucun cri. Toute la foule reste devant ce funeste spectacle sans agir, sans réellement d’expression, ce qui m’étonne aussi.
Inquiet, je m’approche d’un civil et lui demande l’origine de l’incendie. Il hausse les épaules et retourne son attention à la scène sinistre. Ce fumet étrange et dégoûtant m’importune réellement. Le seul point positif que je vois est qu’il me coupe la faim.

*Il y a des gens qui brûlent, présentement, c’est certain, mais pourquoi n’y a-t-il pas de hurlements?*

L'archipel de Mizu. C'était un endroit rempli de paradoxe. On pouvait y trouver la vie comme la mort. La violence et la douceur et j'en passe. Depuis mon arrivée, c'était la deuxième attaque que je subissais. Comme la première fois, mes opposants avaient mordu la poussière. Enfin, dans le contexte, j'étais sûrement celui qui mordait le plus. Deux bandits ont tenté de me prendre en embuscade, mais grâce à mes talents de Monjara, des bêtes de fils avaient faits leur apparition sur le champ de bataille. Leur fameux avantage numérique venait d'être balayé et j'allais être sans pitié. Je détestais ce genre d'individu qui braconnait le premier venu. Ces personnes ne méritent qu'une chose, la mort. Cependant, je n'allais pas les tuer en vain. Au contraire, j'avais prévu d'honorer leur dépouille. N'ayant pas mangé depuis quelques jours, un repas des plus merveilleux m'attendait ! Je me retirai dans une petite grotte afin d'allumer un feu et faire cuire ma succulente viande. Bien entendu, je ne possédais pas les outils nécessaires pour cuisiner convenablement ces deux corps, mais je faisais avec les moyens du bord.

Mon périple à Mizu m'avait conduit dans un endroit où les habitations se font très rare. De ce fait, je n'avais quasiment rien mangé depuis des jours. N'étant déjà pas un partisan de la nourriture dite « classique », si en plus, je ne peux même pas la manger, mon estomac ne suit pas et de ce fait, mes pulsions s'activent. Depuis ma discussion avec une certaine personne, je ne pensais qu'à une chose, manger de la chair fraîche. Je me devais de profiter d'être loin de Kumo pour accumuler le maximum de nourriture. En effet, faisant partit du trio de choc de Kumo, je me dois d'être irréprochable. Traquer et tuer à l'intérieur de Kumo devient de plus en plus difficile et de moins en moins conventionnel.

Dans tous les cas, mon repas était prêt et je me faisais un plaisir de le déguster. Cependant, le crépuscule montrait le bout de son nez et je me devais de trouver un village au plus vite. Par chance, un village civil se trouvait non loin d'ici. Je pris une chambre dans l'auberge la plus proche et m'écroulai littéralement. Lorsqu'on désire dormir à la belle étoile dans cette région, il faut clairement toujours rester un peu éveillé.

Une alarme. Voilà ce que j'entendais alors que j'ouvrai doucement mes yeux. La panique semblait omniprésente dans ce petit village. On pouvait entendre des cris, des pleurs, etc. Je m'habillai rapidement et descendis afin d'observer. Beaucoup de villageois restaient plantés à regarder le feu se propager. Seul un homme aux cheveux blonds et aux nombreuses épées tentait de faire quelque chose. Il essayait de dégager des rochers afin d'aider les potentiels survivants. Cependant, plusieurs choses ne collaient pas. Une fine pluie tombait sur le village et cela semblait improbable qu'un feu se déclenche ainsi. De ce fait, le départ de ce brasier est voulu et c'est ce qui m'inquiète. De plus, l'endroit enflammé semblait désert vu le silence qui s'en dégageait. Tout semblait louche, mais le temps des questions n'était pas maintenant. Je me plaçai face aux villageois et entamai un petit discours.

« Messieurs ! Nous devons intervenir au plus vite. Chercher le point d'eau le plus proche et trouver un récipient quelconque. Il faut à tout prix empêcher le feu de se propager ! »

J'essayai tant bien que mal de trouver une solution et je devais compter sur chaque villageois. Néanmoins, je misai tout sur l'homme aux longs cheveux blonds. Il semblait vouloir aider et j'étais comme lui. Je me tournai ainsi vers cet homme.

« Nous devons arrêter ce feu au plus vite et secourir les survivants, s'il y en a. Je peux compter sur vous ? »

*…En propulsant mon Aura? Non, c’est dangereux pour les gens à l’intérieur et ça sera certainement dommageable pour les habitations. Me hâter à l’intérieur et libérer les gens? J’ai de forts risques de les blesser quand même et je ne sais réellement pas si ça sera fonctionnel comme méthode! Détruire un mur en le tranchant? Le surplus d’air pourrait faire augmenter les flammes!*

Alors que je passe l’inventaire de toutes mes idées très rapidement, un homme s’approche de moi et, par sa parole, arrive à contrôler avec aisance la foule. C’est seulement lorsqu’il se trouve qu’à quelques pas que je ne le vois, étant trop concentré à ma tâche vitale. L’homme possède des vêtements d’un goût similaire au mien et un style qui me rappelle la finesse des grandes familles du Fer lors des banquets.

Les habitants se lancent donc à la recherche d’eau au même moment où il s’interroge sur mes véritables motivations. De la tête, je lui fais signe que je suis de son côté avant de prendre la parole.

« Je ne peux pas détruire un mur de peur de faire plus de mal que de bien. S’il y avait une simple petite brèche, je pourrais courir à l’intérieur et secourir vraiment facilement les survivants, mais toutes les options que j’analyse semblent avec un contrecoup très risqué. »

Faisant confiance au nouvel arrivant simplement parce qu’il tente d’aider, je pense à une manière de faire qui pourrait bien être une solution efficace à court terme.

« Si je savais où se trouve les égouts, je pourrais faire une fissure dans le sol. Nous aurions accès à de l’eau facilement, par la suite, mais les dégâts à la ville seraient considérables. »

J’attrape Froideur d’une main et la glisse doucement hors de son fourreau.

« Vous avez une autre idée? Les civils n’aiment pas, généralement, que nous brisions leur ville. »

*Des fils? Qu’est-ce que…?*

Je secoue la tête. Nous vivons dans un monde bien étrange dans lequel les hommes possèdent des capacités très surprenantes! Celui-ci, en l’occurrence, semble pouvoir invoquer des fils sous une forme humanoïde.

Revenu à moi, prêt à l’action, je hoche de la tête pour confirmer mon implication. Les bâtiments sont en flammes et, pourtant, il n’y aucun bruit. Incertain, encore, de la bonne voie, de la bonne méthode, mon sabre se retire par lui-même de son fourreau. Inconsciemment, mon corps s’est mis à agir. C’est l’habitude de mettre ma vie en danger, d’aider ceux qui sont dans le besoin, qui a pris possession de moi.

La lame pénètre la porte la plus près et je bondis vers l’arrière sitôt la fissure créée. Une sorte de petit explosion prend place, mais ça ne dure qu’une seconde après laquelle le feu reprend son lit. Regard concentré, je glisse mes cheveux sous mon veston et m’élance à l’intérieur sans la moindre hésitation additionnelle.

Autour de moi, il y a des dizaines de jets de flammes qui montent un peu comme des plantes grimpantes rougeâtres et beaucoup plus actives. La chaleur est insoutenable, mais là n’est pas le plus gros du problème.

« Ah, non! »

Je comprends aussitôt pourquoi il n’y avait pas de cris!

Je reviens à l’extérieur, fumant, le regard plein de rage.

« Ils étaient déjà morts! »

En me retournant vivement, je retire mon sabre de son fourreau tout en lui infusant mon Aura. Cette manipulation envoie une vague puissante qui déchire et tranche tout ce bois qui servait avant à loger des êtres vivants. Je détruis simplement les édifices sans me poser d’avantage de questions.

*De toutes façons, si nous n’agissons pas, les flammes atteindront les autres bâtiments.*

En rangeant mon arme, je m’approche de l’invocateur de fils.

« J’ai vu, à l’intérieur, un tas d’humains. Je crois que quelqu’un les avait tué et a mis le feu pour cacher des preuves. »