Tsukiko avait retombé une famille aux abois il y quelques heures. Cette dernière avait été dévalisée de ses quatre ou cinq mois d’économies – économies aptes à rembourser les créanciers – par un petit groupe de voleurs. Ayant été elle-même une voleuse à une époque, lorsqu’elle n’était qu’une gamine des rues, et qu’elle avait trainé une famille équivalente dans la boue, elle voulait se rattraper aujourd’hui en sauvant une autre famille, et non en la détruisant.
 
Cependant, et voilà la tâche la plus ardue, la famille était inapte à dire si les voleurs étaient des bandits de passage ou encore un petit groupuscule bien établi à Yu no Kuni. En effet, avec toutes ces thermes, allant des plus riches aux plus modestes, les maisons à cambrioler étaient nombreuses… Par où devrait-elle commencer ?
 
« Rechercher dans les environs, peut-être bien » conclut-elle. Peut-être avaient-ils laissé des traces de pas ou le moindre indice, indiquant une quelconque direction. Si la tâche semblait « banales » et « faciles » à priori, elle n’en était absolument pas aussi évidente que cela. Comment était-elle censée savoir quand la brindille a été déplacée ? Si ce bois a été fumé il y a longtemps ou pas ? Si ces indices appartenaient à nos fameux bandits ou à de simples amoureux de passage ?
 
« Et merde … J’aurais peut-être dû être plus attentive à mes cours de pistage » conclut-elle, en soufflant encore et encore. Si elle était « nulle » pour pister, elle n’en restait pas moins douée pour entendre et sentir une présence, et aussitôt se mettre au garde à vous, prête à se défendre. Sa méfiance n’allait que grandissant lorsqu’elle vit que le nouveau arrivant était un homme « masqué », au regard sombre et à peine visible.
 
- En voilà un masque original … Cependant, je te conseille de l’enlever. Par politesse, mais également pour ne pas trop effrayer la jeune fille perdue dans ces bois que je suis, ne put-elle s’empêcher de dire avec un faux petit sourire désolé.
 
N’importe qui verrait que la demoiselle était tout sauf une demoiselle sans défense perdue dans les bois. Son arc et son carquois étaient sur son dos, un ou deux Kunais étaient visibles à sa ceinture et son bandeau de Sunajin au niveau de l’avant-bras était bien en vue, tel un phare indiquant que la blonde était plus qu’apte à tuer le moindre danger. Si le symbole de Suna pouvait la protéger de certains petits voyous, cela pouvait également attiser la haine de certains. Un bandit civil, c’était possible de s’en sortir sans grand dommage, mais un bandit ninja, c’était une toute autre affaire.
 
« Alors, simple civil, bandit ou alors nukenin … allié, neutre ou ennemi ? »
 
- Je m’appelle Tsu’, et toi ?
 
« Tsu » n’était pas vraiment un mensonge, n’était-ce pas le diminutif de son prénom après tout ? Pourquoi s’embêter de donner son nom totalement ? Pourquoi se présenter à un parfait inconnu qui oubliera sûrement ? Pourquoi précisément perdre son temps avec un étranger ? Parce qu’il pouvait être le Bandit, ou alors l’Indice qui allait l’y conduire.

Kawaguchi Tsukiko ne pourra jamais deviner que derrière ce masque se cachait Saibogu K. Notsuu, l’ingénieur à la langue assez peu pendue rencontré dans le temple de Shukaku. La voix avait changé – peut-être seulement étouffée par le masque -, les cheveux étaient bien trop longs – sans parler que les chevelures grisonnantes n’étaient guère « rares » - et son regard avait une inexpressivité « étrange ». Deux petits trous noirs sans aucune lueur, sans espoir, sans joie, sans haine …
 
« Espère-t-il impressionner ? » se demanda la petite blonde. Avant les deux dernières attaques sur Suna, elle aurait pu être impressionnée mais dorénavant, elle ne l’était plus. Toute personne portant un « masque » si « visible » portait automatique l’étiquette de « danger ». Et tout danger avait à être éliminé, ou alors à être appréhendé. Elle patientait donc, attentive au moindre écart de cet étranger.
 
Cependant, un événement inattendu se produisit. Une grande ombre s’abattit sur les deux protagonistes. On aurait pu croire à un petit nuage joueur avec le soleil mais rien de tel, c’était – aussi fou que cela puisse paraître – un oiseau « géant », frôlant les deux mètres, soit plus grand que n’importe quel homme et femme de cette planète. D’ailleurs, cette « chose » venait-elle du Yuukan ? Etait-ce un Kuchyose ? Cela devrait être une invocation car il était impossible qu’un tel volatile puisse exister…
 
Encore une fois, ses pensées furent interrompues par la présentation étrange du « garçon » - en supposant que c’était bien un garçon sous ces amples tenues ou encore masque inexpressif et asexué -. Il se disait s’appeler « N ». Une telle présentation ne monta que d’un cran supplémentaire la méfiance de la jeune fille.
 
- Belle invocation, conclut-elle. Et sacrément docile.
 
Une pensée pour ses propres Kuchyose perdues, et elle eut un pincement de cœur. Ils étaient ingérables et insupportables mais ils avaient été d’excellents amis. De grands amis. D’agaçants amis. Elle avait dû dire adieu dans l’unique but de retrouver toute sa puissance perdue, et évoluer par ses propres moyens, sans s’appuyer sur la moindre aide, sans être à nouveau « enclavée » par un ou deux êtres.
 
- Shinobi de Konoha ou de Kumo ? finit-elle par demander. Ou alors es-tu un « errant » ou « déserteur » ?
 
Un simple « humain » ne pouvait pas faire cela, soit contrôler une bête de cette taille. Et ce n’était pas une bête comme une autre. Son allure, son aura, son regard et même son plumage, tout semblait pointer le fait qu’elle était « exceptionnelle ». Enfin, il portait un masque qui pouvait être la marque de fabrique d’une unité spéciale d’un des deux villages dans les alentours ou encore celle d’une organisation mercenaire ou criminelle. Dans le premier cas, elle se devait de faire profil bas pour ne pas créer un quelconque stupide incident diplomatique – surtout qu’elle désirait faire profil bas -. Dans le second cas, s’il n’était pas le coupable qu’elle recherchait, peut-être s’arrangeront-ils pour trouver ce dernier. Les criminels se connaissaient entre eux, n’est-ce pas ?
 
- Qu’importe à bien y réfléchir. Shinobi ou criminel, je ne suis pas ici pour chercher des ennuis ou des amis. Je suis de passage et … Je me suis arrêtée devant une famille à l’agonie, mise à la porte, parce qu’une bande de voleurs leur a volé toutes leurs économies.
 
C’était la sincère vérité, et si la bête qui accompagnait ce « N » sentait ses pulsions de cœur ou quoi que ce soit, elle sentirait bien que Tsukiko ne mentait pas et n’avait aucune volonté d’attaquer. Elle était peut-être sur les nerfs, mais uniquement sur la « défensive », prête à contre attaquer à la moindre « attaque ».

- Je souhaite les retrouver.

- Il est difficile de m’effrayer.
 
Etre méfiante et être tétanisée par la peur étaient deux choses complètement différentes. Le premier obligeait la personne à prendre sa retraite, ou à ruser, pour se sortir de quelques situations périlleuse. Le second était un sentiment primaire qui s’éveillait automatiquement, sans contrôler, devant un danger. Dû à ses nombreux entraînements ou même épreuves – forcées ou coup du destin- elle apprit à ne plus craindre l’homme. Soit c’était une discussion amicale, soit c’était un combat à mort, elle avait bien assimilé ces simples principes.
 
« Et tout humain est mortel » se disait-elle, ne portant plus vraiment cas à sa pauvre vie. Si elle mourrait, qu’importe. Elle n’avait guère de grands projets humanitaires ou incroyablement louables ou héroïques pour un idéal ou pour un village … Rien qui la maintenait concrètement debout. Elle n’était plus qu’un automate qui avançait comme on l’ordonnait, empruntant continuellement les routes les plus dangereuses et les plus suicidaires pour parvenir à la Vérité. Certes, elle abandonnait des personnes derrière mais qu’était-elle pour beaucoup ? Une simple Kunoichi qu’on remplacera, la Bâtarde de son clan qu’on oubliera bien vite ou encore l’Amie précieuse mais embêtante dont on se souviendra quelques années avant de l’enterrer définitivement. La vie allait continuer.
 
Cependant, accepter l’idée de « mourir » ne signifiait pas se « laisser faire » pitoyablement. Elle se battra jusqu’au bout et férocement. Elle avait suffisamment confiance en ses capacités pour au moins offrir un peu de fil à retordre à ses ennemis.
 
- Pas besoin d’être timide avec moi, ne put-elle s’empêcher de dire sincèrement, étonnée un tantinet par le ton hésitant de cet homme masqué. Mais également par ce port de "masque".
 
Elle tourna la tête en direction de la Montage. Soit, si tel était la destination. Le risque était que ce mystérieux homme soit l’un des comparses, et que ces derniers soient aptes à maîtriser quelques arts « Shinobi ». Si tel était le cas, sa tâche se compliquerait un tantinet.
 
« M’enfin, d’ici là, peut-être en apprendrais-je un peu plus sur lui … » se dit-elle.
 
- Allons-y, dit-elle soudainement. Toi et ton oiseau pourraient m’aider. Promis, vous aurez droit à un petit salaire.
 
Et reprenant son séreux, elle se mit en position, concentra son chakra afin de se propulser à une vitesse affolante entre les arbres … pour s’arrêter soudainement. Est-ce que cet homme pouvait maîtriser les bases d’un Shinobi ? Il y avait une grande différence entre le pratiquant du dimanche et le professionnel au corps entraîné pour. Un regard vers lui, et un regard vers le ciel, et elle conclut qu’il valait mieux marcher. D’une, elle prendrait son temps pour apprivoiser cet environnement nouveau et inconnu pour elle. De deux, elle pourrait connaître un peu plus son « bavard » compagnon de voyage.
 
Elle ne disait rien dans un premier temps, marchant un tantinet à l’aveuglette, observant un peu le maître et l’oiseau. Elle ne saurait dire exactement « quoi » mais quelque chose était différent pour cet « oiseau ». Etait-ce un Kuchyose ? Voilà un doute qui se creusait au fur et à mesure.
 
- Est-il possible que … ton compagnon fasse une reconnaissance des lieux, pour nous avertir d’éventuels pièges ou rôdeurs ?
 
Et au retour, le Kuchyose fera son rapport. Un Kuchyose … ça parlait, n’est-ce pas ?
 
« Espérons qu’il est plus bavard que le maître » se dit-elle.

La blonde se contenta d’arquer les sourcils devant la révélation de cet homme mystérieux. Il prétendait ne pas avoir parlé longtemps, sous-entendant par là qu’il menait une existence sacrément solitaire, presque d’homme de caverne. Elle ne saurait dire si cela le lavait de soupçon entièrement, ou si cela le rendait que davantage suspicieux.

« Je m’en sortirai … J’ai vu pire » se disait-elle. Elle soupira donc, ne rajoutant rien, continuant à avancer prudemment. Elle aurait préféré utiliser la voie des airs mais elle doutait être d’une grande discrétion en pleine journée, dans un ciel d’un grand bleu.

Finalement l’oiseau revint vers son maître pour … faire son rapport. Elle avait un mal fou à comprendre le lien entre la bête et l’humain, tentant de comprendre si c’était un Kuchyose ou non. Ce n’était pas un oiseau banal au vu de son regard intelligent, de sa taille ou de sa grande fidélité vis-à-vis de son maître et encore moins un Kuchyose au vu de son silence perturbant ou encore de ses actes encore bien trop « animaux ».

- Pas beaucoup sur les voies peut-être … Où que soit le ou les repères, il peut y avoir quelques complices supplémentaires. Soit … allons-y.

Se débarrasser d’un ou deux sbires n’était guère difficile, et encore moins quand ils étaient seuls. Ils suffisaient simplement que la demoiselle approche plus ou moins discrètement, et plonge une seule pauvre seconde son regard dans celui de l’homme pour l’endormir. Si en théorie le sommeil ne durait que quelques secondes – les désavantages des Genjutsu – cela lui laissait suffisamment de temps pour aller assommer manuellement sa victime, et le traîner dans un lieu plus ou moins discret – au cas où un ou deux sbires souhaiteraient faire un tour supplémentaire.

Elle s’était demandé si elle allait les interroger mais elle se retint. D’une, elle n’était guère seule, de deux elle était censée – un peu – représenter Suna et trouvait cela de mauvaise idée de faire preuve de trop de violence sur sol étranger. Elle avançait un tantinet à l’aveuglette en somme.

« Je me note : me débarrasser du bandeau lors de quelques expéditions solo » se promit-elle, comprenant le désavantage de ce fameux bandeau dans certaines situations.

- Bien, il y a un plan des plus simples. Je vais envoyer un clone allait demander un ou deux comptes au sujet de l’argent que je recherche. Soit, miracle, ils sont hommes d’honneur et on repart tranquillement, soit ils se la jouent bourrin et à ce moment on crée un grabuge suffisamment pour attirer un maximum dans une zone plus ou moins piégée. Pendant qu’ils seront occupés, je récupère ces fameuses économies familiales.

Plan qui lui semblait aller. Elle regardait maintenant l’homme masqué.

- Tu fais partie du plan ou pas ? Ou alors as-tu une meilleure idée?

Il pourrait être l’un des leurs mais, égoïsme ou non, elle était certaine de pouvoir faire face. Il ne dégageait aucune hostilité ou danger – si ce n’est l’oiseau, mais ce n’était qu’un oiseau aux yeux de Tsukiko.