Mizu no Kuni
Année -11 – Automne


À cette époque, il n'était encore qu'un petit garçon, innocent, dont les seules préoccupations étaient de vivre au jour le jour, profitant de la présence de ses parents et s'amusant comme il pouvait avec ses quelques jouets, souvent en compagnie des autres enfants du village. Sa famille résidait dans un petit village aux extrémités de l'archipel du Pays de l'Eau et, par chance, elle n'avait jamais été confrontée aux désastres que pouvaient laisser sur leurs passages, les guerres de clans, qui faisaient rage dans ces temps-là. Chaque habitant redoutait l'instant où, par un jour de malheur, ils allaient être mêlés à ces conflits qui risquaient de prendre avec eux la vie de leurs familles, amis et simples connaissances. C'est pourquoi le village entier avait inconsciemment adopté une attitude qui faisait d'eux des personnes discrètes, gardant tout de même leur naturelle générosité et sagesse.
Les enfants, qui ne comprenaient pas grand-chose aux tourments qui alimentaient les journées sanglantes de leur Pays, se contentaient de jouer ensemble. Ils semblaient créer autour d'eux un petit monde rempli de gentillesse, faisant attention à ne rejeter aucun de leurs semblables, même si ces derniers traînaient des yeux d'une couleur rappelant le sang, et Kurasa ne fut pas une exception.

Bien qu'il soit accepté par les autres, il préférait rester le plus clair de son temps avec sa petite famille, prenant toute l'affection que pouvait lui donner ses parents. Son père, Tenbatsu Jin, était un humble marchand ambulant qui, malgré ces temps de guerre, trouvait le moyen de ramener suffisamment d'argent à son foyer pour qu'il puisse vivre tranquillement. Les revenus que lui rapportait sa profession, bien que modeste, suffisait à sa petite famille et en particulier à sa femme qui ne rencontrait aucun problème pour payer tout ce dont ils avaient besoin dans leur ménage. Tenbatsu Ayaka, sa mère, est restée, depuis la naissance de son seul enfant, mère au foyer et ce statut lui suffit amplement, estimant qu'elle a déjà bien assez de travail dans son rôle de mère, elle ne compte pas reprendre le boulot avant que son fils n'atteigne la dizaine d'années et qu'il soit capable de s'occuper de lui tout seul. Par le passé, elle eut l'occasion d'exercer plusieurs métiers, pouvant être aussi bonne cuisinière dans un restaurant, vendeuse dans des petites boutiques, ou encore, infirmière compétente dans quelques petits villages. C'est d'ailleurs grâce à ce dernier métier qu'elle aura l'occasion de faire la rencontre de Jin, alors qu'il s'était blessé assez gravement au niveau du torse, provoquant, jusqu'à aujourd'hui, quelques problèmes respiratoires...

Leur petite routine tenait solidement et tout ce dont ils avaient à se soucier était de bien éduquer leur enfant. Étant totalement contre l'idée de tuer d'autres êtres humains avec pour seul excuse l'opposition de clans, mais, vivant malgré tout dans le contexte de la guerre, ils mettaient un point d'honneur à ce que leur garçon poursuivent les idéaux qui sont les leurs, c'est-à-dire vivre dans la voie de la paix et de la non-violence. Voilà leur seule inquiétude, depuis maintenant cinq années, depuis la naissance de leur seul fils. Seulement, à mesure que les mois passaient, la vie devenait de plus en plus rude, et même si le village n'avait encore jamais été attaqué par quel que clan que ce soit, les répercussions que pouvaient avoir la guerre, sur leur vie, commençaient doucement à se faire sentir. La bonne humeur et l'harmonie qui régnait au sein de la famille étaient toujours présentes, mais, les revenus étaient rentrés dans une chute libre depuis quelque temps et le métier de marchand ambulant du patriarche ne semblait plus suffire.

Le peu d'argent qu'il pouvait obtenir servait uniquement à obtenir de quoi manger, boire et s'habiller convenablement, ne pouvant se permettre aucune folie. Les parents de Kurasa ne pensaient pas qu'un jour, ils allaient devoir compter le moindre sous qu'ils comptaient dépenser pour savoir si celui-ci ne était pas plus utile dans un autre domaine. En plus de cela, le sixième anniversaire de leur enfant approchait à grand pas puisqu'il ne restait que deux semaines...

Comme un heureux signe du destin, un jour, Tenbatsu Jin reçoit la requête de deux bons hommes venus jusqu'à son village. Ceux-ci lui proposent un contrat lui garantissant une récompense qui convenait parfaitement à sa situation, une grosse somme d'argent qui allait permettre à sa famille de vivre de nouveau tranquillement pendant quelques longs mois. En plus, la mission qui lui était donnée était plutôt simple, il avait juste à leur rapporter un objet qu'ils convoitaient, il n'en connaissait ni la nature, ni son utilité et de toutes les manières ce n'était absolument pas son objectif. Le seul point noir de cette proposition fut la destination, il devait se rendre au Pays des Vagues, ce qui lui faisait une sacrée trotte et ce qui lui ferait certainement manquer l'anniversaire de son fils...
Cela méritait réflexion et les hommes promirent au marchand qu'ils allaient revenir d'ici trois jours pour entendre sa réponse.

Kurasa voyait bien que la situation dans laquelle vivait sa famille préoccupait ses parents, et depuis que ces deux hommes étaient venus voir son père, il observait chez lui une mine souvent soucieuse et plongée dans ses pensées, ce qui n'était pas souvent le cas. Trois nuits de suite, il put apercevoir ses parents discuter ensemble, à la seule lumière d'une bougie. Il ne savait absolument pas sur quoi portait la conversation et il ne voulait pas risquer, se faire, remarquer en train d'écouter aux portes, c'était un bon garçon et il était supposé dormir à ces heures.
Les trois jours et trois nuits étaient passés et alors que le gamin aux yeux rouges jouait comme d'habitude dans le village, sous les yeux des personnes âgées, assis paisiblement à l'extérieur de leurs habitations en attendant que les journées passent, son père vint vers lui affichant un sourire, qui paraissait étrangement triste. Il portait sur son dos un sac bien rempli, prêt à partir en voyage et pourtant le gamin ne remarqua rien d'anormal, il avait l'habitude de voir son père beaucoup plus chargé que ça lorsqu'il partait exercer son métier de marchand ambulant.
Cependant, cette fois-ci, c'était différent, et Jin annonça à son fils qu'il allait partir faire un petit voyage. Cela tombait mal puisque Kurasa avait clairement en tête son anniversaire qui état dans une dizaine de jours et ça l'embêterait énormément que son père ne soit pas là. Afin de le rassurer, ce dernier lui promit qu'il allait revenir très rapidement et qu'il allait apporter avec lui une grosse surprise, certainement le meilleur cadeau qu'il lui aurait offert ! Cette annonce avait redonné sourire au petit garçon qui voyait maintenant son père s'éloigner de lui petit à petit.
Il ne savait pas à ce moment-là que, la prochaine fois qu'il allait voir son père, sa vie allait prendre une toute autre tournure...

Tenbatsu Jin était parti depuis quelques heures de son village, laissant derrière lui sa femme et son fils, dans l'espoir de revenir le plus vite possible pour ne pas manquer l'anniversaire de son garçon. Sa mission était simple et il ne voulait pas chercher plus loin, il devait juste ramener un objet qui se trouvait au Pays des Vagues et dès lors, à son retour, il gagnera une grosse récompense, mettant sa petite famille à l'abri de tout problème économique pendant des mois. Cependant, ses espoirs étaient minces, en tant que marchand ambulant, il avait une idée de la distance qu'il allait devoir parcourir et il était sûr, sans pour autant vouloir se l'avouer, qu'il n'allait pas pouvoir être de retour à temps. Surtout en temps de guerre où les voyages devenaient plus dangereux et inévitablement plus long si on décidait de prendre un chemin discret et à l'abri des conflits. Il allait vraiment devoir ramener le meilleur des cadeaux pour que son enfant lui pardonne de cette absence, et, dans son malheur, cette perspective lui faisait un peu rire et lui redonnait du baume au cœur.
Heureusement, il avait en sa compagnie les deux hommes venus lui soumettre la requête et il apprit, auprès d'eux, que l'objet qu'ils recherchaient n'était pas pour eux, mais, pour leur chef. Jin espérait que le véritable commanditaire de ce contrat n'était pas en réalité un chef de clan, ce serait un coup du sort très dérangeant pour lui que de participer, de près ou de loin, a tous ces conflits alors qu'il était un pacifiste convaincu. De toute façon, il était déjà trop tard pour rebrousser chemin étant donné qu'ils étaient déjà arrivés à la frontière de leur île, prêt à embarquer sur un bateau en direction de Nami no Kuni.

Il leur fallut une semaine de navigation sans arrêt pour parvenir jusqu'à la petite île du Pays des Vagues. Le marchand se demandait bien ce qu'il allait pouvoir trouver, sur ces terres, qui allait pouvoir intéresser un meneur d'hommes pour qu'il lui promette une si grosse récompense. L'ambiance et les paysages qui régnaient dans cette petite contrée procurèrent une sensation étrange au père de famille, qui vivait déjà depuis très longtemps dans un climat de conflit dans son Pays de l'Eau. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'à son retour, et grâce à la grosse somme d'argent qu'il aura obtenu, il fera tout pour emmener sa famille dans un autre pays pour leur promettre un avenir beaucoup plus paisible, moins risqué, loin des visions terribles des conséquences de la nature humaine...
Sans plus attendre, et n'ayant pas le temps de faire un peu de tourisme, les deux hommes qui l'accompagnaient, l'escortèrent jusqu'à un temple bien caché dans la flore de l'île. Il avait remarqué que ses deux gardes du corps avaient obtenu de nombreux passe-droits, jetant parfois des regards complices à certaines personnes ou s'isolant quelques instants avec des chefs de village afin d'avoir une conversation qui relevait d'un ordre privé à tel point qu'il n'avait pas le droit de les approcher de plusieurs mètres. Jin avait un sens de l'observation développé et il sentait bien que quelque chose se tramait et ses doutes allaient se révéler exact lorsque, quelques heures après leur arrivée à Nami, il tomba sur un étrange trésor, cœur de son contrat.
Cependant, il décida de rester silencieux, remplissant sa fonction de transmetteur attendant d'en savoir un peu plus sur ce mystérieux objet. Ce dernier avait la forme d'une sphère et semblait dégager une puissance mystique, il n'en avait jamais entendu parler et la force qu'elle renfermait avait tendance à l'effrayer. Ce genre d'artefact ne devrait jamais tomber entre les mains d'un seul Homme, voir, elle ne devrait jamais exister.
À la sortie du temple, les deux personnes qui étaient en sa compagnie depuis le début de son périple lui indiquèrent de se rendre au port de Nami et de laisser toutes ses affaires derrière lui, n'emportant que le trésor qu'il venait de découvrir dans son sac. Il n'avait d'autre choix que d'obéir mais, il ne put s'empêcher de demander à quoi allait bien pouvoir servir cet objet, ce a quoi un des hommes répondit que c'était la clé pour changer le destin de Mizu no Kuni...

Il prit le bateau une nouvelle fois, cette fois-ci pour revenir dans son pays natal, afin d'accomplir la dernière étape de son périple. Pendant la dizaine de jours passée dans son embarcation, il eut le temps d'observer cet intriguant trésor qu'il transportait et qui l'effrayait de plus en plus. Peut-être aurait-il dû rester auprès des siens, attendant que la situation s'améliore plutôt que de se lancer dans cette aventure qui devenait de plus en plus dangereuse, lui faisant rater l'anniversaire de son seul enfant...
À son arrivée, deux nouvelles personnes l'attendaient et étaient chargées de l'escorter auprès du commanditaire de cette mission. Il ne prit pas beaucoup de temps à rejoindre le lieu où résidait ce dernier, et il avait une habitation plutôt bizarre puisque cet homme qui était encore un inconnu vivait dans une immense grotte, creusée au pied d'une montagne, avec le reste de son groupe, qui constituait une armée d'une trentaine de personnes, voir plus !
Jun Masao était son nom et à la vue de cet orbe qu'il convoitait tant, un sourire démoniaque se dessina sur son visage. Ce fut le signe de trop pour Tenbatsu Jin qui, avant de remettre l'objet à son supposé futur propriétaire, s'élança dans un discours sur la paix et les conflits de clans qu'il estimait stupide, rappelant au passage que, selon lui, un objet renfermant une telle puissance ne devrait jamais être remise entre les mains d'un Homme. Rapidement, et sous les yeux ébahis de la foule, il jeta violemment l'objet, le brisant en des centaines de morceaux, provoquant par la même le courroux de Jun qui ordonna de le saisir !

Jin avait agi selon ses profondes convictions et ne regretterait en aucun cas son choix. Seulement, sa décision avait provoqué une immense colère chez le chef de clan, qui comptait faire de ses prochaines heures des moments effroyables...

Une vingtaine de jours étaient passés depuis le départ de son père et il n'avait toujours pas reçu un quelconque signe de vie. Il était tout naturel pour un enfant d'éprouver de la tristesse et de l'inquiétude lorsque qu'un de ses parents est anormalement absent pour une durée aussi longue que celle-ci, même pour le Kurasa de l'époque, ayant encore, en lui, l'innocence des jeunes enfants. Il savait bien que son père était parti en voyage pour accomplir un contrat et pourtant, tout ce qu'il avait retenu des paroles de son père, avant qu'il parte, était le fait qu'il allait revenir très rapidement et avec un énorme cadeau, le meilleur qu'il ne lui avait jamais offert ! Cependant, le temps passa et il n'eut toujours aucun signe de Tenbatsu Jin, à tel point qu'il se fit remarquer par son absence lors de l'anniversaire de son fils. Le gamin fêtait sa sixième année d'existence et alors qu'il était habitué à être entouré de ses parents, cet événement se déroula différemment cette fois-ci et au lieu de rester dans un cadre familial plutôt privé, c'est accompagné de ses quelques amis du village qu'il souffla ses bougies. L'expérience fut bonne, les jouets tombaient et l'oublie de l'absence de son père semblait lui donner de la joie pendant quelques instants. Seulement, alors que la fête battait son plein, il ne put s'empêcher de glisser à Ayaka, sa mère, ses inquiétudes et exprimer son regret de ne pas avoir l'occasion de passer une si belle fête en présence de son paternel. Celle-ci avait l'habitude de prendre son rôle de mère très à cœur et elle s'exécuta une nouvelle fois en rassurant son petit garçon, en lui promettant que Jin allait revenu très vite et qu'il faudrait qu'il soit en forme pour fêter son retour. Ce sourire si naïf se dessina de nouveau sur le visage du mioche et il repartit jouer avec ses copains de plus belle. Sa patience avait été mise à rude épreuve, mais, il ne savait pas encore que le jour où il reverrait son père deviendrait sûrement la pire journée de son existence...

C'est au vingt et unième jour que le premier drame de sa vie eut lieu. Kurasa et sa mère étaient tranquillement chez eux, passant la journée à s'occuper comme il le pouvait, l'un jouait encore avec les jouets qu'il reçut récemment pour son anniversaire, tandis que l'autre remplissait son rôle de femme au foyer en travaillant sans cesse, faisant les tâches ménagères, comptant plusieurs fois par jour l'économie de la petite famille et s'occupant de son enfant lorsqu'elle avait elle aussi besoin de réconfort. Il était encore que l'après-midi de cette dramatique journée et le ciel étaient déjà remplis de sombres nuages, annonçant probablement une tempête dans la soirée ou la nuit.
S'accordant une pause bien méritée, la mère se tenu près de son enfant, attendant que son eau se mette à bouillir pour s'offrir un de ces délicieux thé qu'elle aimait tant siroter. C'était un des seuls plaisirs qu'elle se permettait malgré la situation financière difficile de la famille.

Tout à coup, une femme dans la cinquantaine débarqua en trombe dans sa maison et, l'air paniqué, s'adressa à Ayaka et lui dit de venir très vite et, sans pouvoir terminer la phrase, elle lui signala que c'était concernant son mari. Écoutant l'air de rien, l'information fit mouche dans les oreilles du petit garçon, qui s'empressa de sortir de sa maison pour aller voir son père, malgré la tentative de la dame de l'en empêcher. À la vue de l'expression sur le visage de l'habitante du village, la mère du petit garçon comprit très vite qu'il y avait un problème et, malgré la précipitation, elle n'oublia pas d'éteindre le feu qui faisait bouillir l'eau, avant de se rendre, elle aussi, à l'extérieur de sa demeure pour voir ce qui se passait.
La joie pouvait se lire sur le visage de Kurasa, qui courait à toute allure vers un groupe de personnes, le lieu où il imaginait être son père, sans même prêter attention aux habitants du village qui se tenaient autour de lui. Il ne put voir leurs expressions faciales qui exprimaient pourtant de la peur, de l'inquiétude, de la panique et parfois ils étaient marqués de larmes. Alors qu'il arrivait au niveau des nombreuses personnes regroupées, le spectacle qu'il avait à présent sous ses yeux n'était absolument pas ce qu'il attendait, lui provoquant un choc terrible. L'ascenseur émotionnel était si terrible que son visage se décomposa en une fraction de seconde...

Jin, son père, se tenait un peu plus loin que ce regroupement, allongé par terre, recouvert de blessure et saignant à de multiples endroits. Personne ne bougeait, personne n'osait aller l'aider, car juste derrière Jin, une dizaine d'hommes, armés jusqu'aux dents menait la garde et empêchait quiconque de s'approcher. Kurasa n'en avait que faire des menaces et il déchira la foule pour tenter de rejoindre son père, suivit par sa mère quelques secondes plus tard, mais, les deux membres de la famille se virent rejeter violemment en arrière.
Ces hommes appartenaient à Jun Masao, le chef de clan qui avait commandité un contrat visant à récupérer une arme mystérieuse à Nami no Kuni, et l'un d'eux se détacha du groupe et semblait tenir un rôle de lieutenant, son nom était Hachirou Kudō. Sa description physique et son attitude lui donnaient l'impression d'être un soldat impitoyable. Il était plutôt grand, les traits de son visage étaient carrés, il portait des cheveux courts, dont les mèches étaient déjà grises, malgré son âge qui devait se situer dans la trentaine, et le détail qu'on ne pouvait pas louper était cette importante brulure au niveau de son œil gauche. Pour ne rien arranger, il affichait un sourire des plus démoniaques alors qu'il prit la parole...

Il expliquait pourquoi le marchand se retrouvait dans cet état, révélant alors les actes de Jin et ce qui s'en suivit. Il prit un malin plaisir à décrire le lynchage qu'il avait fait subir au père de Kurasa, ne manquant aucun détail. Une pluie de coups de pied, de coup de poing, parfois même l'utilisation de barre en métal avait semblé nécessaire à ces brigands, pour que la correction soit bonne, s'assurant que la leçon soit retenue. Cela avait duré plusieurs heures, pendant lesquels le marchand était tombé plusieurs fois inconscient et pourtant, ce ne fut pas cela qui arrêta ce qui semblait être rien de plus qu'une exécution. Ils attendaient qu'il se réveille pour lui faire vivre le même enfer, jusqu'à ce que ses gémissements de douleur ne satisfassent plus le sadisme des Hommes de Jun Masao.
Puis, alors qu'il allait entamer de nouvelles explications ou alors des menaces à l'encontre du village et de ses habitants, il jeta un œil sur les deux personnes qui avaient tenté de venir en aide à l'homme blessé. Il comprit tout de suite quelle relation ils avaient avec le marchand, son sourire diabolique ne fit que s'agrandir et il ordonna deux de ses hommes à saisir, puis ramener auprès de lui le gamin, qui affichait un visage rempli de haine, et de larmes, depuis le petit discours de Kudō.
C'est peut-être à cause de ce visage, de ce regard, que la suite des événements ne fut que plus terrible...

Il attrapa violemment le gamin par les cheveux et le força à le fixer dans le blanc des yeux. Ayaka tenta bien de protéger son enfant, mais en vain. Elle se fit encore repousser avec violence. Son visage ne cessait de se recouvrir de larmes, et sa panique atteint un sommet inimaginable, exprimant une peur logique de voir son enfant subir le même sort que son mari...
Le regard de Hachirou Kudō était effroyable, mais les paroles qu'il exprima à Kurasa à ce moment-là étaient encore pires. Il lui expliqua personnellement que c'est à cause de l'acte pacifique de son père, alors qu'il est faible, qu'il s'est fait battre par tout un clan et que son village allait subir un sort tout aussi terrible voir plus. Ses mots visaient à dire que la voie de la destruction, de la violence était le seul pour devenir plus fort, pour asseoir sa domination sur l'autre, que jouer les héros n'apportent au final rien de bon et il comptait bien le lui prouver dans l'instant qui suivrait, même si c'était avant tout pour satisfaire un sentiment à la fois sadique et très égoïste !
La seconde d'après, il jeta un regard à ses Hommes et leur ordonna de mettre le village à feu et à sang en guise de punition. Cette annonce provoqua une panique générale, ce qui n'empêcha pas les brigands de passer à l'action, emmenant avec eux des torches, afin de brûler toutes les habitations, et des épées, au cas où certains villageois seraient assez fous pour oser leur en empêcher.
Alors que le massacre commençait, le gamin continua de fixer le visage du bourreau de son père, tentant d'imprimer le moindre trait pour le reconnaitre plus tard. Il se jurait intérieurement, qu'un jour, il aurait sa vengeance !

Le feu se répandait dans toutes les maisons, les gens couraient partout en cherchant un abri, leurs familles, ou parfois de l'eau pour éteindre les flammes comme ils le pouvaient. Certains gisaient sur le sol, tué par quelques coups de sabre tandis que d'autres étaient piégé par les flammes, destiné à mourir de manière atroce. Leur monde s'écroulait, ce petit village qui n'avait encore jamais connu les horreurs de la guerre se fit toucher de pleins fouets à cause d'un acte peut-être trop héroïque pour que Tenbatsu Jin puisse le porter sur ses épaules. Il avait probablement changé le destin, à sa manière, de Mizu no Kuni mais au prix de combien de vies ? Les brigands commençaient à partir, riant du chaos qu'il laissait derrière eux.

Au milieu de cet Enfer, Ayaka et Kurasa restaient aux côtés du père de famille, tous pleuraient face à ce désastre. N'oubliant pas son passé d'infirmière, la mère du jeune enfant inspecta les blessures de Jin, mais, elle se rendit rapidement compte qu'il n'y avait plus rien à faire. Il avait perdu trop de sang, des os étaient brisés et ce qui pouvait arriver de pire était que, lors de son lynchage, quelques cotes avaient été brisées et avaient perforé ses poumons. Lui qui avait déjà des problèmes respiratoires, cette blessure lui était probablement fatale à l'heure qu'il est. D'ailleurs, ce dernier le savait bien...
Une main était tenue par celles de sa femme, l'autre main caressait la joue de son fils et effaçait les larmes qui coulaient sur celle-ci. Malgré ses souffrances, il souriait de voir les êtres qu'il aimait le plus, dans ce monde de brute, être auprès de lui pour ses derniers instants. Parler était quelque chose de très difficile vu son état, et user ses forces ne ferait qu'accélérer sa mort, cependant, il ne pouvait pas rester silencieux alors que ses yeux allaient se fermer pour la dernière fois...
Il commença par s'excuser auprès de Kurasa pour avoir manqué son anniversaire, en plus il n'aura jamais l'occasion d'offrir cet énorme cadeau qu'il lui avait promis. Puis il se tourna vers sa bien-aimée et la remercia d'avoir été là pour lui pendant toutes ces années et lui demanda de veiller du mieux qu'elle pourrait sur leur enfant. Il y avait une chose qu'il ne devait surtout pas oublier, il devait passer un message à son jeune garçon, un message qu'il aurait aimé pouvoir lui inculquer au fur et à mesure de sa vie. Il lui dit, de la voix la plus ferme qu'il pouvait offrir, qu'il ne fallait jamais céder à l'appel de la haine et que seule l'entente entre tous les hommes étaient la voie la plus juste et noble à suivre ! Il répéta tout l'amour qu'il avait pour ces deux êtres, puis, dans un dernier sourire, il rendit son dernier souffle et quitta ce monde...
Un cri retentit et semblait pouvoir être entendu à des kilomètres à la ronde, c'était un hurlement de désespoir, un appel à l'aide, un cri qui exprimait l'envie de voir le supplice que vivait le Pays de l'eau s'arrêter !

Il ne leur restait plus rien, tout ce qu’ils avaient construit pendant des années était parti en cendres. Quelques heures après cet événement dramatique, la pluie se remit à tomber sur Mizu, comme elle l’a toujours fait et comme elle le fera certainement toujours. La mère et l’enfant se tenaient par la main et se retrouvaient à présent sur des routes qui leur étaient inconnues, ils se contentaient de marcher droit devant eux, sans dire un mot. Ils allaient maintenant devoir survivre comme ils le peuvent, à travers les contrées dangereuses du Pays de l’Eau…