Tard la nuit... À ce moment-là les terrains d'entraînements sont déserts ou presque. Les bonnes gens dorment et le village se nimbe dans les ténèbres. C'est le moment que nous préfèrons de la journée, celui où l'on a le moins de chances d'être dérangés et qui nous permet de savourer le silence à sa juste valeur. C'est également la nuit qui a notre préférence pour nos sessions d'entraînement à la nécromancie. Comme je l'avais rapidement appris, les personnes avec un certain sens moral haïssent ce genre de pratiques et se montrent parfois très agressives voir tout simplement terrorisées. De notre côté nous trouvions cette pratique utile mais surtout gratifiante. Elle vous rappelait que la mort n'était qu'un passage et non une fin en soi. Était-ce si différent que la croyance que certains plaçaient en une entité supérieure et toute puissante alors qu'au fond les deux seules forces qui méritaient le respect étaient la vie et sa jumelle, la mort...
Trois pairs de bras et de jambes supplémentaires firent leur apparition sur la surface de notre corps pour nous aider à repousser la vague de cadavres qui nous attaquait. La pression se faisait forte mais nos membres combinés nous permettaient de bloquer leurs corps et éloigner leurs mâchoires de nos chairs. La situation était pourtant sous contrôle et il ne s'agissait pas d'un entraînement conventionnel. Ce soir c'était la curiosité qui nous dominait et non le désir de puissance. Nous voulions simplement savoir ce qu'une personne ressentait lorsque elle goutait à une attaque de zombies. Mais nous ne pouvions nous empêcher d'apprécier ces défunts même si c'est nous qu'ils prenaient pour cible cette fois-ci.
- "Ça suffit!" clama-t-on, nos voix se mêlant l'une à l'autre. "Retournez à la terre et attendez notre appel!"
Les cadavres s'exécutèrent, guidés par nos seuls volontés! Nous rabattîmes alors notre capuche et remontâmes notre foulard sur le bas de notre visage avant de tourner les talons. Des bruits de combats résonnaient un peu plus loin dans la nuit et nous nous approchâmes de leur origine. Il s'agissait d'un garçon qui s'entraînait également avec des... marionnettes. Presque naturellement nous éprouvâmes une forme de sympathie pour ce dernier. La nécromancie et le Kutsugu étaient des arts assez semblables sur le principe puisqu'ils nous inculquait le contrôle de l'inanimé. Nous pliions à notre volonté une chose ou une personne morte. Nous n'avions que rarement vu l'un de ces artistes à l’œuvre et notre curiosité fut évidemment piquée au vif...
*Parlons-lui!* proposa Envie.
*Nous pourrions peut-être nous inspirer de certaines de ses techniques pour notre compte!* suggéra Colère. *Après tout ça pourrait nous rendre plus performants en combat.*
*Nous n'avons pas besoin d'un manieur de poupées pour apprendre quoi que ce soit! Nos serviteurs remplissent déjà merveilleusement bien les tâches que nous leur imposons!* coupa Orgueil.
*Nous allons lui parler et nous verrons rapidement s'il peut se révéler utile ou non!* décidai-je. *De plus nous pouvons bien sacrifier quelques minutes de notre emploi du temps...*
Nous fîmes donc quelques pas dans la direction du marionnettiste et restâmes silencieux jusqu'à ce qu'il nous remarque. Nous continuâmes alors de l'observer manier son pantin avec une dextérité impressionnante et un regard brillant. Ce n'est que lorsqu'il décida finalement de s'arrêter que nous décidâmes finalement de prendre la parole.
- "Ne t'arrêtes pas!" fit-on sur un ton mêlant supplique et autorité. "Manies encore un peu ton pantin pour nous! Ça nous plaît!"
Comme si ce dernier point était une explication suffisante pour imposer à l'inconnu de poursuivre quelque chose dont il n'avait pas envie. Mais son avis ne nous importait que très peu à vrai dire...
- "Nous te disons de continuer!"
Cette fois le ton était plus incisif et exprimait de manière assez clair notre impatience. Nous avions encore très envie de voir un semblant de confrère manier sa marionnette. Et il valait mieux qu'il le fasse s'il ne voulait pas devenir la nôtre...
