Kyu Goren était porté disparu pour le petit homme. A Mizu no Kuni, il avait soudainement annoncé qu’il avait à faire une mission de la très haute importance et bien trop dangereuse, et donc que le gamin n’y avait pas encore sa place. Cependant, quelle qu’en soit l’issu de la mission, il fallait qu’il continue sa formation de ninja. Kiseki n’en pouvait qu’être plus d’accord, et il était des plus excités à l’idée de quitter – enfin- ce bout d’île pour explorer d’autres régions, et découvrir donc de nouveaux poisons.

« Yamanaka Hiro … Tiens, Yamanaka, ce fameux clan qui maîtrise les esprits ». Il avait appris l’existence et la spécificité de ce clan suite à une expédition aux côtés de Goren, à la poursuite d’un serpent démesuré, capable de parler et sous une certaine emprise apparemment. Mission qui fut passionnante et instructive. Il avait pu en retirer un poison.

« Et un de plus dans ma bibliothèque ! » s’était-il félicité joyeusement. Malheureusement, il manquait cruellement d’un laboratoire avec du bon matériel. En quittant la clinique familiale, il n’aurait pas pensé faire face à ce genre de problème « technique ». EN effet, comment était-il censé analyser quoi que ce soit sans avoir le matériel ou l’environnement adéquat ? Tester sur des animaux était en soit une bonne alternative mais elle avait des limites.

Beaucoup de limites. Il fallait maintenir en vie, il fallait vérifier manuellement le rythme cardiaque, la tension ou encore les conséquences chimiques et ainsi de suite passaient sous trappe … Tant de choses qui pouvaient être analysé et qu’il n’avait pas pu.

Bien triste.
Et son apathie allait grandissant en voyant le paysage de Ta no Kuni défiler sous ses yeux. C’était adorable, mignon, calme et agricole … et chaleureux. Tout le contraire du bordel constant et nauséeux de Nami no Kuni ou de la Brume glauque de Mizu no Kuni. Qu’était-il censé dénicher de « mal » la dedans ? Tout respirait la santé ! Pas de poisons, pas de maladie viscérale …

« Au pire, j’en découvrirai moi-même. De nouvelles souches … ».

Il ne fallait jamais attendre que la maladie frappe à la porte et se déchaine. Il fallait découvrir avant tout le monde et le destin lui-même. Mieux vaut prévenir que guérir … n’est-ce pas ?

Son voyage prit finalement fin – dans un charriot – et il arriva à destination. Une auberge à l’apparence modeste … qui en cachait bien des choses. Alcool et filles furent au rendez-vous pour l’accueillir et à bien regarder, il se faisait tard. Certains n’hésitaient pas à lancer des regards interrogateurs sur le petit bonhomme.

- Dis moi mon garçon, où sont tes parents ?
- A Nami no Kuni. Bien, si vous permettez, j’ai des affaires, dit-il en relevant ses lunettes, ignorant la plantureuse demoiselle – il n’avait que dix ans et ne jurait que par les bêtises et les poisons !- et commençait à regarder autour.

Un mercenaire … C’était beau de dire un « mercenaire » mais comment était-il censé le reconnaître dans une Auberge où l’argent, l’alcool et les filles coulaient à flot ? C’était la planque parfaite pour le bon petit mercenaire lambda.

- Bonjour, je recherche Yamanaka Hiro. Est-il là ? demanda-t-il à l’aubergiste. Ce dernier le lorgna longuement, lui imposa de rester assis sur son tabouret dans un coin, loin de la clientèle, et s’en alla.

Il avait rejoint un homme entre temps, parlé avec et fit un signe de tête en sa direction. Bien bien … Il s’approcha, sans aucune timidité mais avec une grande assurance, et se présenta, avec un ton de voix presque … aristocratique.

- Bonsoir cher Yamanaka. Je me présente, Sana Kiseki, futur et grand médecin. Vous avez donc pour mission de superviser mon entraînement pendant que mon maître doit se charger de quelques affaires urgentes.


Il tendit une copie du parchemin où Goren confiait la mission à Hiro – une originale pour lui et une copie pour le gamin – ainsi qu’une petite bourse d’argent pour payer la première période. Tout l’argent n’avait pas été donné par la brute évidemment et une grande partie venait des économies données par ses parents.

- Le compte y est. Je m’en suis chargé personnellement.

Goren, ce n’était pas un futé des jours. Et surtout, Kiseki ne lui confierait pas sa bourse. C’était un rapace !

Je venais de me mettre au pieu, accompagné de quelques filles qui avaient passé quelques bonnes heures en ma compagnie, en cette fade journée. Ozaï n’était pas encore rentré, mais je ne me faisais pas de soucis à son sujet. Il allait bientôt rentrer, je n’en doutais pas. Quand à moi, j’avais profité des plaisirs de la vie avec ce harem qui s’était offert à moi. Alors que j’étais partis en début de matinée pour réfléchir et repenser à nos projets de groupe avec le Jisetsu, j’avais à peine eu le temps au final. Les femmes, elles savaient me faire tourner la tête et me détourner de mes priorités. Entre elles et la boisson, je cumulais des vices dignes des pires barbares. Pourtant, je n’étais pas exactement de ceux-là. Je n’étais pas du genre à foncer dans le tas, j’avais pris l’habitude d’élaborer. La finesse et la fourberie me caractérisaient de plus en plus.

Je n’étais couché que depuis une quinzaine de minutes à peine, quand j’entendis frapper à la porte. Une autre fille qui voulait se joindre à nous ? Je n’étais plus à ça près. Qu’elle entre donc. Alors que je m’attendais à ce qu’elle ouvre, j’entendis frapper une nouvelle fois à la porte. Tout en râlant un coup, je me levais pour aller voir. Peut-être était-ce Ozaï qui frappait là, dans un excès de politesse de sa part. Toujours était-il que je me levais, et j’allais ouvrir. A mon grand étonnement, c’était l’aubergiste que je trouvais là. Il voulait me voir, on m’attendait soit disant. Mon acolyte ? Non, en réalité, l’homme me glissait à l’oreille qu’il s’agissait d’un gamin. Je restais étonné, alors que le gosse venait se présenter à moi. Il connaissait, étrangement, mon nom, et me donnait le sien. Face à mon regard interloqué, il continua de parler. Il déclarait que je devais l’entraîner à la place de son maître, avant de me tendre un parchemin et une bourse pleine.

Je déroulais la missive et prenais quelques instants pour la lire. Tout s’éclairait rapidement, c’était Goren qui m’envoyait ce gamin. Il avait visiblement quelques soucis à régler et me confier cette mission quelque peu atypique. Je ne m’attendais pas à quelque chose du genre de la part d’une brute comme Goren, mais en échange d’argent, je n’étais pas farouche à l’idée d’accepter le contrat. De l’argent facile après tout.

La gamin, Kiseki, avait un air plutôt nonchalant, presque aristocrate, mais respirait l’inexpérience. Je me demandais déjà comment avait-il pu arriver vivant jusque là. Bref, ce n’était pas mon problème et il se faisait déjà tard.

«Très bien. Il se fait tard, et j’ai eu une journée plutôt… mouvementée. Enfin, assieds-toi là, on va discuter un peu. »

J’indiquais au gamin d’un signe de tête une table un peu écartée. L’auberge était presque vide mais je voulais préserver notre conversation des oreilles indiscrètes. Je me retournais ensuite vers l’aubergiste.

« Amène nous une pinte et pour le gosse… Tu veux quoi gamin ? »

Ce fameux Yamanaka Hiro n’était pas un homme « étranger » pour le petit homme. Il avait fréquenté à plusieurs reprises des bandits et mercenaires se prélassant entre les bras d’une ou plusieurs femmes – voire d’hommes, mais dans ce dernier cas, c’était discrétion et silence à coup de menace ou d’une bourse d’or garnis !- et donc, il n’en avait guère peur. Il était à son aise dans cet environnement de débauche et d’immoralité. C’était la nature humaine dans toute sa splendeur, aisée à comprendre, aisée à manipuler.

- Je ne souhaite qu’un verre d’eau je vous prie, répondit-il.

Même s’il avait fréquenté ce genre de personnes et ce genre d’établissements, son langage n’en n’avait pas souffert. Ses parents avaient été des plus pointilleux sur l’éducation du bambin et le moindre écart de conduite conduisait à des punitions qu’il n’appréciait guère. Interdiction de sortir, de lire, de jouer, de s’amuser … juste nettoyer encore et encore toute la clinique !

Une plaie.

Lorsque le mercenaire revint, Kiseki trouvait qu’il était judicieux de se présenter proprement et correctement. Il semblerait que son professeur n’est pas tout expliqué dans sa missive, et mieux, il semblerait que ce liseur de pensées n’ait pas lu la lettre à son intention. Soit elle avait été perdu, soit il l’avait ignoré.

- Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, je suis Sana Kiseki, fils de deux médecins dont la clinique est établie à Nami no Kuni. Suite à quelques recherches et rencontres, j’ai été fasciné par le chakra. Une énergie spirituelle des plus puissantes et intéressantes, donnant droit à plusieurs possibilités. Des corps démesurés, des lectures d’esprit ou encore … des poisons ou maladies plus efficaces. Mon but est de connaître les secrets de cette énergie, d’en percer les mystères, et d’être, un jour, la figure la plus éminente en médecine.

Lorsqu’il eut terminé son petit discours, il releva du bout des doigts ses lunettes. Un vieux tic qui lui donnait la sensation d’être une grande personne respectable.

- Kyu Goren s’est chargé de m’enseigner l’art du Shinobi, et surtout l’art de manier mon chakra. Malheureusement, et comme dit tout à l’heure à nouveau, il semble être soudainement occupé par quelque chose. Il a donc trouvé judicieux de confier ma formation à votre … groupuscule.

Leurs commandes arrivèrent. Kiseki se tut jusqu’à ce que la personne qui les servait disparaisse.

- J’ai accepté d’être son élève à la condition qu’il ne m’empêche pas d’établir une bibliothèque recensant tous les poisons et virus que ce monde peut comporter. Je souhaite connaître les plaies de ce monde, et les maîtriser … peut-être. Ainsi, j’accepte l’entraînement mais j’exige une ou deux heures dans la journée pour mes recherches personnelles.

Il n’avait aucune honte à parler de sa fascination pour les poisons et maladies. Il était plus amusant de voir les effets ravageurs de ces derniers plutôt que les effets curateurs. Lorsqu’on était malade, on pouvait souffrir uniquement, mourir ou alors subir des dommages réversibles ou irréversibles des plus fascinants. Guérir … on ne faisait que guérir !

- Au niveau de mes talents. Pour le moment, je ne maîtrise que l’art des sceaux. Appris par mes propres moyens ! dit-il fièrement.

Les sceaux avaient été l’art le plus simple à apprendre en auto-dictat. Les illusions étaient complexes, les éléments nécessitaient de solides bases en chakra et le combat au corps à corps n’était clairement pas pour lui du haut de ses dix ans même s’il semblait déjà prédisposait dans cet art avec une véritable endurance dû à des footings quotidiens avec son père. Quant aux autres multiples arts… ils étaient mystérieux.

- Goren m’a actuellement appris à utiliser les bases du chakra. Il semble vouloir m’orienter vers le corps-à-corps … le Taïjutsu si je ne me trompe pas. Sinon … Je ne sais pas. Ai-je oublier de dire quelque chose monsieur Yamanaka ?

Normalement non.

- Je vous laisse parler. Je suis à votre disposition pour de plus amples informations, et je me ferais une joie de répondre à certaines de vos questions. Ensuite, si vous voulez bien, je souhaiterai savoir comment nous allons nous organiser.

Il était amusant l’enfant avec sa petite voix fluette non muée, son visage encore rond et ses yeux brillant de naïveté et de malice. C’était encore un gamin derrière ces belles paroles.

J’invitais le gamin à s'asseoir face à moi et à commander ce qu’il voulait. Il gardait son air noble, presque hautain, en commandant un simple verre d’eau. Je devais faire d’un homme un gamin qui buvait de l’eau ? J’étais déjà mal parti. J’hésitais un instant à lui faire commander quelque chose de plus viril, puis me résignais rapidement en pensant à la discussion que je devais avoir avec lui. Il nous fallait du sérieux, et voir ce gosse complètement saoule m’aurais simplement fait perdre mon temps, rien de plus.

Je le laissais se présenter à moi, me déballer tout un tas d’informations dont je ne me souciais guère. Je retenais l’essentiel : un jeune shinobi, débutant, initié par la brute qu’était Goren et dont je devais m’occuper maintenant. L’aubergiste le coupait dans son monologue en venant nous servir nos commandes. Kiseki se tut, puis reprit ensuite. Il avait déjà acquis de bons réflexes auprès de son précédent maître, à ce que je voyais, les bases étaient posées. Tant mieux, je n’avais pas spécialement envie d’inculquer les rudiments à un gosse dont je n’étais même pas sur de la valeur. Il disait s’intéresser aux poisons, et au fuinjutsu. Je le laissais finir, bien que j’eus très vite envie d’abréger sa longue tirade, puis je lui répondais, d’un ton tout ce qu’il y a de plus neutre.

« Tu exiges ? Écoute gamin, je vais être clair avec toi tout de suite : t’as rien à demander, t’auras ce que je veux bien te donner. Goren veut que je fasse de toi un homme et un guerrier, donc tu te plieras à mes règles. Sinon, tu peux partir tout de suite, personne ne te retiens. »

Mes yeux se plongeaient dans les siens, et mon regard devait lui glacer le sang. Mon expression avait viré du sérieux naturel que j’ai à la sévérité dont je sais faire preuve. J'enchaînais, enfonçant le clou.

« Cependant… Je ne pense pas que tu fasses long feu seul. Ce monde est bien plus dangereux que tu ne le crois. Alors réfléchis-y bien. Mais rassure toi, tu pourras partir à tout moment, si tu n’es pas à la hauteur. »

Qu’il se rassure ? Une bien bonne blague, en réalité. J’allais certainement lui faire vivre un enfer, il se pourrait même que je le pousse dans ses derniers retranchements, qu’il frôle la mort, que ce soit à lui de l’éviter. Mais je pouvais lui garantir une chose.

« Malgré tout, n’oublie pas une chose : quand tu sortiras de là, tu seras bien plus fort que tu ne l’as jamais été. Et si tu es à la hauteur de mes espérances, tu seras capable de survivre, seul. »

Mon discours était dur, mais j’allais instaurer les règles dès le début. Qu’il sache à qui il à affaire.

« Es-tu donc prêt à subir mon enseignement ? »

Le petit homme n’était pas effrayé par les propos ou les réactions du Yamanaka. Il était plus qu’habitué aux gros bras avec leur grosse voix qui aimait imposer un semblant d’autorité et de rôle. Dans ces cas-là, que faisait le petit homme ? Il se contentait de relever les lunettes et d’écouter d’une oreille discrète la leçon de morale. Cependant, dans tout le discours, quelque chose l’avait fortement intéressé : être fort. Devenir fort.

S’il devenait fort, il n’aurait plus à trainer comme un gentil toutou derrière les adultes. S’il était plus puissant, il pourra battre à plâtre couture l’aveugle qui accompagnait Goren et qui avait humilie son petit cœur de garçon fier. Surtout … il serait libre de parcourir le monde comme il l’entendait, sans subir les aléas du voyage qui prenaient la forme de brigands, bandits, accidents naturels ou non…

- Très bien. J’accepte de me plier, encore, à des règles si cela peut me permettre de sillonner le monde seul, librement, comme je le souhaite.

Son plus grand désir était d’arpenter le monde à la recherche de toutes les plantes ou animales ou molécules ou virus meurtrières comme salvatrices. Il voulait que son nom résonne dans toutes les villes et les villages, qu’on l’admire pour son génie, pour sa patiente, pour sa grande connaissance …

Patiente car il en faut un bon petit paquet dans un monde aussi vaste et varié avec des corps aussi différents les uns des autres. Enter l’homme qu’on ne pouvait pas empoisonner et la dame qu’on ne pouvait pas couper …

Génie car il ne se contenterait pas d’accepter une seule vérité. Il voudrait connaitre les limites des différentes structures humaines, leurs avantages, leurs compositions, leurs structures … plus il s’enfonçait dans ce monde Shinobi et plus il était dévoré de curiosité. Par exemple, il était des plus curieux de connaitre le fonctionnement d’un Yamanaka. Comment son chakra ou ses gênes pouvait-il lui conférait le droit de lire et de contrôler les pensées d’autrui, voire les esprits. Etait un phénomène mécanique ou alors un phénomène d’un tout ordre ?

Il étudiera. En même temps que ses entrainements, il tentera de comprendre ce don naturel des plus originaux et des plus mortels.

D’ailleurs lisait-il actuellement dans l’esprit du brun ? Entendait-il les questions curieuses du gamin ? Voyait-il tous les schémas qu’il imaginait ou se rappelait d’anciens livres ? Etait-il au courant de la volonté du petit a vouloir acheter des livres sur l’esprit humain ainsi que quelques documents scientifiques sur le cerveau humain ?

Contrôler son propre esprit … en voilà une tâche ardue.

- Une seule question au sujet du financement. Goren ne financera pas et guère besoin de prévenir mes parents pour de telles futilités. Je propose de vous accompagner dans quelques missions ou en réaliser une ou deux tout seul.

Il était clair qu’il ne pourrait pas survivre longtemps seul dans un si vaste monde … et il était las de courir de tuteur en tuteur. Il était plus que temps de « grandir », soit gagné sa vie et ses moyens d’étudier.

- Et le salaire doit être équitable. Si je veux être un grand médecin, j’ai besoin de matériels … et donc également d’argent. Je promets de trimer deux fois plus voire trois fois plus si j’arrive à obtenir le matériel nécessaire en temps voulu.

Avant de dire marché conclu, il devait savoir à quoi s’attendre.

- Et donc si c’est bon, je dis marché conclu.

Et il tendit la main pour sceller ce nouveau partenariat.

Mon discours avait fait mouche. J’avais frappé dans le mille lorsque j’avais parlé au gamin de devenir fort, de pouvoir arpenter le monde seul, sans danger pour sa vie. Sans même lire dans son esprit, mon intuition m’avait guidé sur la bonne voie, visiblement. Il avait des projets ambitieux, il avait certainement du potentiel, et il avait assurément du cran. L’entraînement que je lui ferai subir serait rude, mais il aboutira à exploiter les pleines capacités du gamin. J’avais déjà concocté quelques exercices pour lui en faire baver, car je voulais m’assurer d’une chose avant de le rendre plus fort : qu’il ait le mental. D’une part pour que je ne perde pas mon temps, et d’autre part pour qu’une fois entraîné, je conserve un fidèle allié. Il serait fâcheux que mon “élève” me cause du tord une fois qu’il en aurait l’occasion…

Vint ensuite le moment de parler rémunération. Il m’avoua qu’il allait être difficile pour lui de me payer directement, et que Goren n’allait certainement pas mettre la main au porte-monnaie si facilement. Mais avant que je n’eus le temps de lui répondre, le gamin renchéri. Il me proposait d’effectuer des missions à notre compte, afin de financer sa formation. L’idée ne me déplaisait pas, j’y trouvais mon compte moi aussi. De plus, plus le temps s’écoulait, plus le petit Kiseki m’intriguait. Mon instinct me disait de le former, une opportunité se présentait à moi.

Le gosse n’oubliait pas de me rappeler ses objectifs et de me demander du matériel pour y parvenir. Après tout, soit. Mais pas immédiatement.

« Tu auras tout ce dont tu as besoin. Mais pas tout de suite. »

Il m’avait tendu la main pendant ce temps, en signe d’accord. Je lui faisais part de la suite des opérations, qu’il sache à quoi s’attendre.

« J’ai d’abord besoin de te tester. J’ai besoin d’un important retour sur investissement, et je veux m’assurer de ta fiabilité avant de casquer. Ta no Kuni sera notre point de chute à long terme, mais nous allons bientôt partir pour un autre pays. Tu viendras avec nous. »

Je restais froid avec le gamin, je me devais de conserver l’âme et la rigueur d’un chef. Cette situation, discuter et négocier avec un enfant, était nouvelle pour moi. Je ne savais trop comment m’y prendre, et heureusement que Kiseki avait déjà un discours d’adulte, ce qui avait grandement faciliter l’échange. Je finissais mon verre devant lui, puis m’allumais un nouveau cigare. J’attendais une réponse de sa part, en lui tendant à mon tour la main.

Il aura donc tout ce qu’il désirait – ou dont il avait besoin – mais pas tout de suite. Kiseki soupira longuement, et leva les yeux au ciel. Il semblerait qu’il fallait qu’il devienne un « gros bras » pour gagner leur confiance, et surtout !, sa propre liberté.

- Un autre pays ? Pourquoi pas. J’espère que la faune et la flore ainsi que les êtres vivants seront plus intéressants que Ta no Kuni, se contenta-t-il de répondre.

Il avait découvert de très merveilleux spécimens à Mizu no Kuni – des objets d’étude qu’il se devait d’étudier très rapidement, tous scellés dans des parchemins bien différents – et il espérait continuer de découvrir une multitude d’autres durant ses nombreux voyages. Il espérait également rencontrer d’autres esprits brillants en médecine afin d’échanger d’intéressants propos tant sur les remèdes curatifs que sur les maladies anciennes comme nouvelles.

- Je maintiens quand même ma demande pour mon matériel voire mon propre local par la suite. Je vous serais davantage utile pour des choses comme des petits poisons ou encore de petits remèdes. Si je développe ces connaissances rapidement, je pourrais faire davantage de dégâts, comme davantage de biens … Alors que si on me limite à de simples apprentissages de mouvement de combat, je serais qu’un ninja parmi tant d’autres !

Le petit voulait briller. Et il allait prouver dès cet instant qu’il pouvait faire de petits miracles.

- Donnez-moi une tâche à accomplir, à cet instant. N’importe laquelle, je trouverai sûrement un moyen de m’en sortir. Ne me dites pas comment, dites-moi juste le résultat.

Il y avait effectivement une grande différence entre exiger de « mettre KO » et l’exiger en précisant « via des coups physiques violents ». Les deux avaient une même fin, mais deux moyens très différents. Le premier laissait place à l’imagination, le second n’offrait guère de choix. Cependant une petite bagarre était l’exemple classique. Les tâches pouvaient être variées : distraire telle personne, rendre malade telle personne, séduire telle demoiselle … etc.

Il avait suffisamment de poisons, de petites « maladies en sachet » comme la diarrhée ou la constipation ou la grippe ou tant d’autres embêtantes comme mortelles, de petits remèdes comme de « potions magiques » pour mettre certaines personnes dans certains états. Il avait vraiment de quoi … occuper la galerie entière.

- Je vous laisse réfléchir. Je vais tout d’abord me changer, dit-il en s’époussetant.

Il se dirigea vers la chambre qu’on lui avait assignée, après accord d’Hiro, prit une bonne douche chaude, s’habilla plus convenablement pour l’établissement soit un T-Shirt, un pantalon en toile noir et des sandalettes en bois. C’était peut-être drôle mais c’était bien plus « normal » que la cape noire de croquemort tout poussiéreuse qu’il avait porté plusieurs jours.

- Bien, quel est votre défi ?

Kiseki venait, en levant les yeux au ciel et en soupirant, d’accepter mes conditions. Les négociations étaient closes et l’entraînement débutait immédiatement. Je préparais déjà un prochain voyage vers le Shozaichi, mais je gardais pour le moment la destination secrète aux yeux du gamin, afin qu’il reste concentré sur ce qui l’attendait. Il me mettait au défi de le mettre au défi, situation plutôt ironique en somme. Je l’invitais à aller se changer, le temps que je réfléchisse à un premier test, histoire d’évaluer ce qu’il avait dans le ventre. J’envisageais déjà de le remettre à sa place, le faire retomber sur terre, après l’avoir entendu plein d’ambitions. La motivation était un grand atout, mais mêlé à ce qu’on pourrait prendre pour de l'orgueil ou de la surestime de soi, le retour à la réalité pourrait se montrer douloureux.

Après quelques minutes, il revint vers moi. J’étais sortis à quelques pas de l’auberge, afin de le diriger vers un coin d’entraînement de fortune. En tenu de combat, le jeune garçon me demandait quel allait être son défi. Il était impatient, j’allais vite le calmer.

« Tu disais ne pas vouloir être un ninja parmi tant d’autres, c’est ça ? Mais t’estimes-tu digne de faire partit du “haut du panier”, comme on dit ? Crois tu avoir le talent pour être désigné comme l’élite ? Tu as une grande confiance en toi, mais n’oublies pas que pour le moment, tu n’es qu’un gamin, pas meilleur qu’un autre. »

Mes mots étaient durs. Je cherchais à le déstabiliser mentalement, tout en lui faisant passer un message bien clair : il était encore faible. Il avait l’air intelligent, rusé, et c’était tout à son avantage. Il lui fallait bien ça pour compenser sa fragilité physique. Je me devais de lui faire prendre conscience de ses faiblesses, et l’inciter à démultiplier sa vigilance. Il était encore trop jeune pour se sentir autrement qu’invisible.

« Le monde shinobi regorge de secrets dont tu n’as pas idée, mais aussi de subtilités que tu te dois de maîtriser. As-tu connaissance des différents arts ninja ? Sais-tu les différencier, les reconnaître ? Nous allons vérifier ça. »

A peine terminais-je ma phrase que je passais à l’offensive. J’envoyais un genjutsu que j’appréciais particulièrement, d’un regard sur le gamin. Un violent mal de tête devait s’emparer de lui, de quoi le plier en deux de douleur. J’attendais de voir sa réaction. Allait-il se rendre compte qu’il se trouvait dans un genjutsu ? Arriverait-il à en sortir ? J’en doutais, mais je me taisais et regardais.

Yamanaka Hiro tentait de le déstabiliser en rabaissant le jeune homme du rang de petit génie médical à simple gamin parmi tant d’autres. C’était une peine perdue car la plus grande force de ce petit être était son extraordinaire confiance en soi.

- Si je suis un enfant parmi « tant d’autre » maintenant, je ferais alors des efforts pour être le « meilleur » ou encore « l’exceptionnel ». Je ne suis pas stupide mais surtout, je ne suis pas « banal ».

Il ne voulait pas être un autre médecin de pacotille ou encore un de ceux qui étaient à tout jamais condamné à guérir les mêmes maux dans une petite clinique dans une île perdue ou dans une grande métropole. Il voulait être le « Génie », celui qui s’était aventuré là où personne n’avait mis les pieds jusqu’à maintenant, avoir une vision bien plus novatrice que ses congénères et défier les lois même de la science, de la nature et du Divin lui-même.

Il voulait montrer à quel point il était « fort » et « génial ».

Etait-ce la fougue de la jeunesse ou alors une maladie sournoise jouant des tours à l’esprit, menant les hommes et les femmes sur la route de l’enfer et de la déchéance ? Pour le moment, personne ne pourrait se prononcer, préférant prétendre qu’il n’était qu’un enfant et qu’il changera en grandissant. Effectivement il changera dans dix ans mais en bien ou en mal ? Tel était la question.

Yamanaka Hiro enchaîna sur une question sur les différents arts ninja.

- Effectivement j’ai lu. Il y a l’art des sceaux, que je commence à maîtriser … il s’arrêta soudainement, pris d’une fulgurante maux de crâne. Il y a également l’art des illusions, le Genjutsu, l’art des invocations, le Kuchyose, l’art de la maîtrise des éléments, le Ninjutsu … , continua-t-il d'une petite voix.

Il finit par s’arrêter une seconde fois, incapable de se concentrer avec cette migraine inhumaine et insupportable, lui donnant des nausées tant la douleur virait à l’insupportable. Directement, sans tarder, il sortit une petite boule de papier et y concentra son chakra. Aussitôt une petite pharmacie se dressa sur la table soit une boîte de médicament d’antidouleurs, contre les nausées, contre les troubles respiratoires soudain et tant d’autres petits désagréments.

Il prit les antidouleurs, fit disparaître sa pharmacie mobile, et but du médicament. Malheureusement rien ne se passait. La douleur était toujours présente.

« Je vais me créer un sceau d’antidouleurs directement, bien plus efficace que quelques éléments chimiques qui prennent du temps à réagir ».

- J’ai mal au crâne ! finit-il par dire, abdiquant devant cette migraine lancinante. Je vais me créer un sceau anti mal de crâne instantané ! promit-il d’une petite voix. Crier lui donner mal au crâne, entendre crier lui donner mal au crâne … même parler.

Il voulait sortir de l’auberge mais il se refusait. Il avait l’impression qu’il allait perdre contre « quelque » chose et il se refusait cela.

- Ce n’est qu’un mal de crâne, dit-il, têtu comme une mule, devenant pâle de seconde en seconde.

Une des employés s'étant pris de sympathie pour la petite bouille de l'enfant entendit la supplique de l'enfant et finit par apporter toute une suite de boissons ou encore de nourriture aidant, soit-disant, à arrêter les maux de crâne.

- Offert par la maison mon pauvre garçon. Et va te reposer, tu iras mieux ainsi.

Mais Kiseki se refusait, tentant désespérément de garder la tête haute ou encore fixer Hiro avec un air de gagnant.

- Une illusion est capable de donner des maux de crâne impossible à guérir ? s’étonna-t-elle. Cela défie toute logique médicale et scientifique ! annonça-t-il subitement.

Son petit regard s’était illuminé d’une étrange petite lueur. Il était à la fois curieux qu’un art ait pu supplanter ses talents comme énervé d’avoir été si « faible » face à une telle situation. Il aurait dû comprendre que quelque chose clochait, qu’il n’était pas lui-même, que ce mal de crâne était d’un tout autre niveau ou type et adapter ainsi son diagnostic. Plus que jamais, il était décidé à accepter l’enseignement de cet homme.

- Très bien ! Je reviens ! dit-il, allant accepter ce qu’on lui offrait de si bons grâces.

Il se remplit son petit estomac, but pas mal d’eau et revient bien vite, trop vite, devant Yamanaka Hiro. Aussitôt, il se tint prêt pour apprendre le nouvel art. Cependant, avant que le blond ne puisse dire un mot, le petit brun s’était exclamé. Il avait eu une idée et était prêt à la soumettre à ce compagnon, ou chef plutôt.

- J’ai lu quelque part qu’on pouvait se défendre des illusions grâce aux sceaux ! Il faut perturber le chakra apparemment … Donc, si je prends en compte que ce type de ligne apporte un petit boost supplémentaire et que celle-ci dirige directement le chakra, donc je pourrais …

Et il se perdit dans un long et complexe schéma. Il mit environs une petite demi-heure pour obtenir un sceau plus ou moins correct – à son sens. Il le montra à Hiro, fier de son chef d’œuvre. Devant l’expression du liseur d’esprit, Kiseki comprit qu’il parlait là à un Païen en terme sceau.

- Testons-le ! Les sceaux, ce n’est jamais sûr que cela marche tant qu’on ne le teste pas ! Si le sceau marche, je n’aurais qu’à ajouter quelques cercles supplémentaires ici pour monter en puissance, et ainsi devenir de plus en plus insensibles au Genjutsu ! déclara-t-il fièrement.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il s’était posté devant le Yamanaka, et était prêt à poster son sceau dès qu’un mal de crâne faisait son apparition. OU tout autre mal non identifié et non curable dans l’immédiat.