La salle était faiblement éclairée. Le problème venait surtout des fenêtres, qui n’existaient tout simplement pas. Pour cause, le petit manoir avait été creusé dans le sol. L’obscurité était ici naturelle. Mais avec l’aide de quelques petites bougies, le lieu retrouvait un peu d’harmonie, un peu de chaleur. Une chaleur dont les Hommes auraient bien besoin. Mais maintenant que les Furyous n’étaient plus considérés comme une menace, serait-il faux de dire que le monde entier avait retrouvé un peu de cette chaleur ? Probablement pas.

En plein milieu de la pièce siégeait un grand et majestueux piano en marbre blanc. Ses contours étaient fins, et le son qui en ressortait était si magnifique qu’il pourrait embellir n’importe quelle mélodie jouée par n’importe quel pianiste. Et si celui qui jouait actuellement n’était pas le meilleur, il était persuadé qu’un jour, il le deviendrait. Le piano était une passion qu’il avait trouvée depuis longtemps, et qu’il affectionnait plus que tout.

Une silhouette pénétra par le couloir, et marcha lentement, se calquant sur le tempo de la mélodie jouée. L’homme debout se caressa le visage, puis posa sur l’arrière du piano quelque-chose. Un masque d’une teinte presque identique au marbre de l’instrument. Le pianiste continuait de jouer, calmement.

« Tiens donc, tu es venu m’écouter ?
─ Tu as indéniablement progressé. »

Le musicien esquissa un sourire qui disparut très vite. Ses doigts continuaient leur route sur les douces touches qu’il avait en face de lui. Une mélodie un peu jazz continuait de vivre. L’invité lui, restait debout.

« Le monde n’a plus d’ennemi commun qu’il se met déjà à bouger. Je ne pensais pas qu’ils seraient prêts à entrer en conflit aussi vite.
─ C’est ça ton problème. Tu as toujours été persuadé qu’un homme ne peut pas changer.
─ Et toi le problème est que tu penses que n’importe qui peut changer. L’Homme ne peut pas changer, ni le Shinobi. Pas sur le long terme. »

Les deux hommes ne s’étaient pas regardés une seule fois. L’un se contentait d’écouter, tandis que l’autre continuait de jouer. Un plaisir sonore qui accompagnait cette visite, attendue des deux côtés.

« Peut-être, mais il n’empêche que le fait que les autorités civiles et les shinobis eux-mêmes se préparent à un conflit à plusieurs étages ne faisait pas partie de tes prévisions. Que vas-tu faire ?
─ Ai-je le choix ? Je vais faire comme je l’ai fait avec les Furyous : attendre. Je n’ai aucune utilité à prendre des risques quand les shinobis eux-mêmes s’entretuent. »

L’homme debout fit volte-face, et marcha jusqu’à ramasser son masque. Sa main caressa à nouveau son visage.

« Toi j’imagine que tu vas te lancer dans ton projet ? Ne te fais pas tuer, n’oublie pas que c’est à moi que revient ce droit.
─ Même si c’est le piano qui me prend le plus clair de mon temps, je fais en sorte de ne pas me rouiller dans les autres domaines. »

Derrière son masque blanc, l’homme esquissa un sourire. Il s’enfonça alors dans le couloir, puis grimpa les marches. Dans la salle, l’ancien moine continuait de jouer du piano. Sa mélodie n’était pas finie. Au contraire, elle ne faisait que commencer.