Dehors le soleil illuminait les ruelles de la cité. Mais les rayons avaient du mal à passer au travers des vitres teintées du bureau de « la Loi ». Un bureau simple, ordonné et donc peu lumineux. Mais tant qu’il pouvait voir et faire ce qu’il avait à faire, cela convenait parfaitement à l’intéressé. Hôritsu avait de toute façon une tâche à exécuter, un travail à accomplir : si chacun procédait ainsi alors la société dans laquelle il était ne pourrait que fonctionner et s’étendre.

Une étendue très marquée et remarquée dans les derniers mois. Si l’Alliance avait mis du temps à officiellement se « lancer », elle s’était développée à vitesse grand V. L’homme aux longs cheveux blonds pouvait en témoigner : il avait rejoint le Shûkai dès ses débuts et avait pu voir par ses propres yeux et participer à son expansion. La dernière avancée en date était d’ailleurs politique et diplomatique. En effet, le Shozaichi avait vu sortir des shinobis de renom pour rendre visite aux grandes nations. Son Capitaine s’était d’ailleurs rendu à Kumo, le village caché des Nuages, avait lu le membre de l’Odâ dans un des derniers rapports qu’il avait lu.

C’était d’ailleurs une des conséquences de cette visite diplomatique qui avait conduit Tsuhiro à attendre quelqu’un dans son bureau aujourd’hui. Il s’agissait d’un dénommé Oterashi Yanosa, Nukenin de Kumo qui avait commis plusieurs crimes dont il ne se souvenait malheureusement – ou fort heureusement ? – plus. Lorsqu’il ce dernier rentra, il put voir un bureau propre où tous les documents et dossiers – même ceux ouverts – étaient méticuleusement ordonnés. Hôritsu était pointilleux comme peu de gens l’étaient, en plus d’avoir une mémoire quasi sans faille. Pour lui, vivre dans une société régie par des lois complètes et justes était une chose primordiale, tout comme celle de vivre dans un ensemble saint et propre. Ordre, respect, symétrie, propreté : ces mots lui convenaient parfaitement.

« Bonjour Oterashi Yanosa, asseyez-vous. »

Les deux hommes pouvaient être perçus comme du même acabit, et c’était donc aussi bienvenue que nécessaire pour celui que l’on surnommait « la Loi » de préciser la raison de la convocation qu’il avait donnée.

« Je suis mandaté par Samui Kakeshuou, Capitaine de l’Odâ, pour vous informer que suite à des négociations avec Kumo, vous ne faites plus partie de leurs Nukenins recherchés et ciblés. »

Sa voix était restée aussi neutre que l’expression de son visage, le tout dans une cordialité ni mesurée ni exagérée mais tout simplement accoutumée.

L’homme préféra rester debout, pour « éviter de choper une crampe », une drôle de manière de voir les choses. C’était presque ridicule pour quelqu’un qui était un expert en Taïjutsu et avant, un barbare sanguinaire, d’avoir peur d’endormir ses muscles. Mais si certains auraient pu rire ou simplement sourire de l’ironie situationnelle, Hôritsu était resté de marbre, indifférent à toute idée qui pouvait lui passer par la tête. Il se contenta de regarder le dossier qu’il avait sous les yeux et de parfois le lever pour l’adresser à l’Oterashi.

Ce dernier ne fut que peu surpris de la nouvelle, voire même pas du tout. Pour lui, il semblait n’y avoir aucun doute : Kumo avait déjà réglé son cas depuis longtemps. Et il l’appuya avec des mots démontrant une indifférence sans gêne. C’était plutôt triste à voir et « la Loi » accueillit ces commentaires presque comme un rejet des efforts fournis par son Capitaine. Oui chacun devait faire son travail et ce dernier devait être reconnu, d’autant plus par les siens. Mais le dénommé Yanosa lui semblait avoir vu l’affaire réglée bien avant, et ne montrait aucune gratitude. Le terme paperasse était peut-être une provocation, une maladresse, un mot couramment employé pour lui ; Tsuhiro n’en tint pas rigueur. Mais il avait du mal à accepter l’indifférence totale de son interlocuteur.

Alors que ce dernier se retournait, la porte se ferma d’elle-même. Le membre de l’Odâ referma sa paume droite et replaça son bras correctement.

« Si notre Capitaine m’informe de cela alors qu’il était parti pour Kumo, c’est que votre situation avec le village caché des Nuages n’était pas pleinement régularisée. Samui Kakeshuou a négocié la non-prise en compte de vos faits antérieurs et cela vient d’être fait. »

Il prit une plume d’oie et la trempa dans de l’encre avant d’écrire quelques mots dans son dossier. Malheureusement il y avait une deuxième explication au comportement adopté par le membre du Buki. Et elle était plus compliquée que la première…

« A moins que votre cas était déjà réglé avec Kumo, mais vous n’en avez fait mention nulle part ? »

Son regard quitta les feuilles de parchemin pour s’en aller vers celui de l’ancien Nukenin. Il reposa sa plume.

Il s’était retourné, et aussitôt quelque-chose se voyait dans son visage : il avait senti un malaise. Il n’était pas forcément mal à l’aise lui, mais il avait rejoint Hôritsu dans un cadre qui était sorti du commun. L’un avait voulu annoncer quelque-chose et avait insisté sur l’exactitude des faits tandis que l’autre avait maladroitement ou pas sous-entendu que cette affaire avait été inutilement réglée de façon officielle. Si Yanosa avait prononcé une phrase plus droite et s’il avait eu quelqu’un de différent que « la Loi » et son côté mortellement pointilleux, la conversation se serait sans doute arrêtée. Mais chacun avait ses traits particuliers et qu’importe combien en avait le membre de l’Odâ une chose était sûre : il n’était jamais dans la retenue. Son visage était pleinement fermé, ses soucis d’exactitude et du détail étaient presque maladifs et il était hors de question de terminer une conversation de travail sans qu’elle soit parfaitement saisie, comprise et classée des deux partis.

Des remerciements, c’était ce qu’il avait cru comprendre de la situation ? Dire qu’un merci ne pouvait satisfaire Hôritsu serait un mensonge, quoique cela dépendait du contexte et surtout de la personne qui l’adresserait, mais il n’était pas là pour recevoir la moindre récompense autre que celle d’avoir fait et de faire son travail.

Il s’en alla vers un autre point sensible, à savoir une accusation, qu’il atténua en simples soupçons. C’était un point de vue qui se tenait. Mais pour l’intéressé, c’était tout simplement…

« Mon travail consiste, dans le cas présent, à compléter votre dossier sur vos relations avec votre ancienne patrie. C’est aussi dans mes habitudes d’envisager toutes les possibilités. Je continue de le faire en ce moment-même, mais auriez-vous préféré que je vous les cache ? Si vous n’avez rien à vous reprocher, contentez-vous simplement de suivre la procédure. »

Si la procédure était représentée ou incarnée par une femme, elle aurait sans nul doute était l’épouse du jeune blond. Mais au-delà de ça, c’était au travers de phrases professionnelles du genre que les gens pouvaient entrevoir à quel point le personnage était atypique et nullement disposé à changer de direction dans sa vie.

« Et en ce moment, la procédure pour vous devrait être de ne pas sous-entendre que votre situation n’était pas régularisée. Je ne sais ni ne ressens rien sur votre relation avec Kumo. Mais je ne peux pas vous laisser partir pensant que votre situation avec ce village était rétablie depuis quelques temps. Officiellement, elle ne l’était pas. Elle vient de l’être. »

Ses yeux n’avaient pas quitté ceux d’Oterashi Yanosa. Et il n’espérait plus qu’une chose : que le message était clair et qu’il était passé. Aucune méprise à son égard, aucun sentiment de toute manière. Il aurait été aussi pointilleux et insistant si on n’avait pas rangé ses dossiers par ordre alphabétique.