Une nuit sombre, un bar, une bouteille et des doutes.

-  Allons Capitaine,  si vous continuez une escorte sera nécessaire ...

Il se contenta de le regarder, son regard avait quelque chose d'absent, vide. Personne ne savait pourquoi, mais il enchaînait les verres et avec la même fougue. Se contentant simplement d'allumer une clope de temps en temps entre chaque verres.
Il regarde droit devant soit et n'écoute même pas les brouhaha l'entourant. Seul sa bulle compte, son espace, tout en lui n'est que silence comme en mode veille. Pourtant le geste frénétique de son bras vers sa bouche semble naturel,  automatique. Habitude ou simple crise d'excès ? Difficile à juger au premier regard.
Perdu dans cette foule, il semblait seul et triste comme un vieux Capitaine à la ramasse. Pourtant sa femme et son fils l'attendait  chez lui, alors qu'est ce qui lui faisait peur ?
Un homme s' approcha du comptoir et encore la dénomination était faible, il s' agissait plus d'un colosse qu'un simple homme. S' approchant du bar il prit la bouteille du Capitaine assez confiant, sûrement trop. Ou alors stupide de ne pas connaître son visage, cependant la discrétion de notre homme jouait aussi dans ces facteurs.

- Pose ça.

Pas un mot de plus, pas de regards. Il n'en n'avait pas besoin, il le savait. Le massif, ria. Erreur.
Suoh attrapa se leva et attrapa sa tête,  il la plaqua contre le bar en plein dans les verres qui traînaient par la. Le choc était violent, mais ça ne le sonna pas. Il rétorqua avec un magnifique revers que notre protagoniste se prit en pleine face. Ça secouait un peu, mais il avait vu pire. Le colosse revint à la charge, seconde erreur. Suoh bloquant le coup de poing qui lui état destiné fit sortir de la vapeur de tout son corps qui s'infiltra dans celui de son adversaire, la douleur était horrible. Le géant se transformait en souris se tordant de douleur sur le sol, sous les yeux du Capitaine droit comme un i devant son opposant, appréciant le spectacle rare, mais jouissif. Une voix se fit entendre :

- Suoh !

Sa tête se tourna et le barman le regardait avec de gros yeux. Cet homme d'une quarantaine d'années était l'un de ses pois fidèles amis. leur relation s' était développée au fil du temps, comme les verres. Le Capitaine décida alors d'arrêter tout cela et revint prendre sa place au bar comme si de rien n'était.  Le brouhaha avait laissé place à un silence plutôt pesant, seul le liquide que ce versait notre homme dans son verre se fit entendre. Comme au début le regard se figea une fois de plus, l'alcool se chargeait du reste. Une goutte rouge tomba sur le bar, elle venait de sa joue ...

Depuis sa première grosse cuite, Setsuna avait appris à apprécier l'alcool et la légèreté qu'il insufflait à ses consommateurs. Que ce soit après une longue journée d'entraînement, pour étouffer le mal du pays qui la consommait de temps à autre ou plus simplement pour se changer les idées, ces breuvages se montraient redoutablement efficaces. Cette fois encore elle avait décidé de s'octroyer un peu de repos après avoir rempli la mission nécessaire pour passer les épreuves d'examen Chûnin en compagnie d'Asuna. Les choses ne s'étaient pas vraiment passées comme prévues et elle attendait toujours une réponse pour savoir si elle avait rempli les exigences fixées.

La plupart des gens s'accorderaient volontiers sur le fait que consommer de l'alcool à deux jours de ces fameuses épreuves n'était pas la meilleure chose à faire. Et la noiraude était plutôt de leur avis à vrai dire. Mais la vie ne se limitait pas un entraînement complexe et ininterrompu. Le plaisir était aussi essentiel que l'effort pour rester équilibré et elle comptait bien se lancer corps et âme dans l'un comme dans l'autre. Et visiblement elle n'était pas la seule à penser ainsi puisqu'un autre membre des forces du Shûkai était également au bar, de dos. Il portait l'un des uniformes des officiers de haut rang de l'Alliance sans qu'elle puisse voir son grade réel puisque son bandeau rouge était hors de son champ de vision. Setsuna se contenta donc de l'observer en sirotant la bouteille de vin qu'elle avait commandé.

Elle était sur le point de rentrer chez elle quand une altercation éclata entre ledit officier et un soulard visiblement désireux de chercher les ennuis. Une bagarre de bar comme il en existait des centaines mais dont l'épilogue fut imprévisible. Après un échange de coups, de la vapeur s'échappa du corps de l'officier et enveloppa l'indélicat. À en juger par ses cris, la douleur que ce dernier ressentait n'était de loin pas enviable. Setsuna ne put s'empêcher de se lever même si elle savait qu'il était inutile - voir dangereux - de réprimander l'officier pour ce qu'il faisait. Le barman, quant à lui, ne se gêna pas pour intervenir. Ce qui calma le Shûkaijin qui revint prendre place au bar.

La noiraude saisit sa bouteille et vint enjamber le colosse toujours au sol avant de prendre place à côté du vainqueur. Elle lui adressa un vague regard avant de se servir un nouveau verre de vin et le porter à ses lèvres. L'alcool commençait à embrumer son esprit et elle se demanda un instant pourquoi elle était venue s'installer près de lui. Peut-être que l'uniforme qu'ils portaient, bien que différent, leur faisait un point commun. Après tout, ils servaient le même idéal et la même ligue de nations. Y avait-il besoin de plus pour entamer une conversation.

- "Je vous avertis tout de suite que je n'ai pas envie de m'en prendre à votre bouteille! Inutile donc de me... heu... vaporiser! Je recherche juste un peu de compagnie et une bonne discussion pour l'égayer!"

Elle se fendit d'un léger sourire avant de reprendre une gorgée de son précieux breuvage avant de recommander une deuxième bouteille. En attendant sa commande, la jeune femme posa finalement sur le bandeau de l'homme à ses côtés et marqua un temps d'arrêt en voyant le symbole du capitaine du Buki. C'était la première fois qu'elle voyait l'un des chefs de section et elle les avait toujours imaginés austères et infréquentables. En tout cas, jamais elle n'avait pensé en voir un dans un bar. Et encore moins en train de mettre une correction à un civil gêneur...

- "Moi c'est Setsuna!" reprit-elle après quelques instants d'hésitation. "Une de vos nouvelles recrues! Mais rassurez-vous je ne compte pas vous importuner avec les examens, le travail ou quoi que ce soit dans ce genre-là! Je ne viens pas non plus à ce bar dans l'espoir d'obtenir des faveurs de vous ou quelque chose comme ça! Vous êtes le capitaine Suoh c'est bien ça?"

Elle se sentait un brin stupide de se justifier alors qu'il ne lui demandait rien. Mais c'était plus fort qu'elle: elle imaginait sans peine l'intérêt qu'il devait susciter auprès des jeunes recrues et le travail qu'il avait sans encore devoir s'occuper des questions des recrues. La noiraude posa un instant son regard vermeille sur les cheveux rouges de l'homme en se disant que cette couleur n'était vraiment pas banale. Le capitaine était de corpulence fine mais athlétique et devait la dépasser d'une bonne tête en taille. Souhaitant ne pas paraître trop insistante dans son regard, elle le détourna rapidement pour reporter son attention sur son verre puis la bouteille que le barman venait de lui apporter. Elle le remercia d'un signe de la tête et avec quelques ryos avant de remplir à nouveau le sien.

- "C'était impressionnant la façon dont vous avez maté cet imbécile tout à l'heure! Je n'avais jamais vu un jutsu pareil auparavant mais je n'ai pas non plus la prétention de tous les connaître! De quel art shinobi s'agit-il?"

Quitte à parler, autant que ce soit éducatif... Elle espérait simplement ne pas saouler l'officier avec ses questions. Vu l'heure, il avait peut-être simplement envie d'avoir la paix. De toute façon elle n'allait pas tarder à être fixée...

Il regardait dans le vide, tout semblait flou.

"En fait, il n'y avait plus rien autour de lui, c'était juste son verre et lui. Comme un diner en amoureux ou bien même des retrouvailles, plutôt sordide un peu. Mais bon, c'était le moyen pour lui de se ressourcer de penser à autre chose, d'opublier un instant tout les stress de la vie. Il se fichait bien de se faire bien voir ou non, il dirigeait l'armée, pas la paperasse. C'était un homme un vrai, ceux forgés dans la pierre et à l'éducation par les coups. De nombreuses fois il fût brisé et il s'est sans cesse relever. Même au fond du trou à proprement parlé, il eut toujours la tête haute. Qui peut lire ça dans un regard si vide, personne. Il paraît peut-être absent et pourtant il est là, quant on le pense disparut, il réapparaît, quant on le croit flanché, il redouble d'effort. Telle est la volonté de se capitaine et c'est surement pour ça qu'il n'est pas prit à la légère au sein de cette Alliance. Il n'a pas imposé son respect, il l'a prouvé. Voilà bien deux choses distinctes. Un geste rapide et furtif, le gosier le démange et vint très vite être satisfait. Ça fait du bien par où ça passe.

- Moi c'est Setsuna ...

Bon d'un côté, le regard n'était pas vraiment amical. Mais, ce n'était pas le moment de déranger notre protagoniste, après tout il était bien là, seul, avec sa bouteille. Néanmoins, le visage qui se présentait à lui semblait docile et à la fois guerrier. Une jeune femme, les cheveux noirs et tombant. Elle ressemble à une petite brise qui dissimule une tempête, ferait-elle partie de ces femmes trompeuses et croqueuses d'hommes. Si c'était le cas, il n'était pas intéressé, il avait déjà une femme et un enfant et s'en plaisait déjà bien assez. Et puis Suoh n'était pas de ceux là, à se faire draguer par la première inconnue, il était plus renfermé, plus discret à la tendance à ne jamais s'ouvrir. Il écoutait alors la jeune femme, celle-ci semblait surprise par le jutsu et se recommanda même une bouteille. Au moins il n'était pas le seul à vouloir oublier ce soir. Ça le faisait rire intérieurement, mais il ne préférait pas en parler, du moins pas tout de suite. Il se contenta de la regarder dans les yeux et de lui répondre tout en souriant, sarcasme ?

- C'était du Fuuton, de la vapeur, c'est très efficace contre ceux qui ont des coups de chaud comme lui, plutôt drôle n'est-ce pas ? Arf, demain il ne s'en souviendra plus et je ne suis pas rancunier. Chanceux ce type !

Il ria un petit coup tout en regardant le barman, du genre "Je sais j'aurai du me taire". Le gérant soupira et repartit à ses occupations, quant à notre homme il continuait d'observer la jeune femme du coin de l'oeil. Sa tête était revenue à sa position initiale c'est à dire face au bar. Il ne regardait pas derrière lui, non par crainte d'affronté les visages, il voulait surtout préserver ses faux sourires. Il n'aimait pas ça, faire semblant de, ou de paraître parce que. Ces mots et ces façons d'agir ne correspondaient pas avec Suoh, le Capitaine était de ceux qui était dur, franc et honnête. Si il n'aimait pas, alors il n'aimait pas. Pas besoin de faire semblant pour plaire, on n'arrive jamais à rien avec ça, si ce n'est être second. Tandis qu'il observait la jeune femme il fut intrigué par sa silhouette et ses bras, un regard furtif pour essayer de comprendre ses facultés, plutôt bien dissimulées, il fallait l'admettre. Soupirant un coup, il reprit la parole, d'un ton plus amical cette fois, quitte à parler autant le faire jusqu'au bout.

- Tu sais le plus triste, c'est que lorsqu'on boit on oubli. Comme si ce qu'on appréciait n'était qu'éphémère dans notre esprit et du coup la réalité, plus triste, nous frappe en pleine face. Et toi t'oublies quoi ?

Il ne dit pas un mot de plus et se contenta de faire signe à son ami barman, il lui fallait une autre bouteille.

J'écoute le capitaine m'expliquer la nature de sa technique tout en versant du vin dans mon verre vide. Il me sourit mais je n'arrive pas à définir s'il est sincère ou s'il s'agit simplement d'une expression de façade. Je sourcille quelque peu lorsqu'il me demande en une pure question rhétorique si c'est amusant. Je prends alors quelques instants pour lever mon verre à mes lèvres et en vider une partie avant de savourer la légère brûlure de l'alcool dans ma gorge. Je ne suis plus aussi certaine de moi et encore moins de la pertinence de mon idée de venir m'installer à côté de lui. Mais c'est trop tard pour reculer. Il est le parfait exemple de la force tranquille, assurée. Mais je ne sais que trop bien qu'il faut se méfier de l'eau qui dort et des ravages qu'elle peut causer lorsqu'elle se déchaîne. Pourtant pourquoi devrais-je m'inquiéter? Ne servons-nous pas - bon, à différent niveau il est vrai - le même idéal, la même nation? Ne sommes nous pas une famille d'après ce qu'il y a marqué sur les affiches de recrutement? Si j'aimerais y croire, je ne suis pas assez stupide pour me laisser berner par la propagande...

- "Amusant ce n'est peut-être pas le terme que j'utiliserais... Mais je suppose qu'il est effectivement chanceux, oui!"

Je ne le contredis pas vraiment mais je n'abonde pas non plus dans son sens. D'ordinaire plus réservée et réfléchie, j'aurais sûrement tout simplement évité de répondre à ce que je considérais comme une question piège. Mais l'alcool avait cette faculté de vous faire oublier la retenue et développer l'honnêteté. Mais je suppose qu'une simple divergence de point de vue ne peut pas me porter préjudice. Ou, plutôt, je l'espère... J'ai un peu de peine à tourner mon regard vers lui et je comprends alors que je le crains tout de même un peu. Mais seul un fou ne serait pas sur ses gardes lorsqu'il s'adressait à l'un des responsables du Shûkai. Ces shinobis n'étaient pas seulement intelligents, ils étaient également puissants. Et la puissance mérite d'être respectée...

Le ton du capitaine changea lorsqu'il reprit une nouvelle fois la parole. Il semblait plus amical. Peut-être qu'il avait apprécié ma réponse ou tout simplement compris que je n'allais pas tomber dans la flatterie et que je n'étais pas là pour obtenir une quelconque faveur. Je me détendis quelques peu et reportai mon attention sur le fond de mon verre comme pour éviter de croiser le regard que je devinais de temps à autre posé sur moi. Je vidai le reste du contenant d'un geste sans doute un peu trop rapide et fis une petite moue lorsque mon organisme protesta avant de simplement l'ignorer. L'esprit ne commandait-il pas au corps? Je réfléchis ensuite aux paroles de l'homme avant de tenter une esquisse de réponse. La question qu'il m'avait posé était pourtant simple et la plupart des gens auraient sans doute répondu sans sourciller. Dans mon cas...

- "Ce que j'essaie d'oublier? Je n'en suis moi-même pas sûre..." lâchai-je sur un ton proche du murmure, le tout sans quitter le fond de mon verre du regard. "La réalité peut-être! Ou la peur de ne pas être à la hauteur des objectifs que je me suis fixés, celle de perdre mes idéaux ou mes repères! Parfois je..."

Je marque une pause le temps de réfléchir à la suite de ma réponse. Je n'ai pas envie de me faire passer pour la dépressive de service alors que d'ordinaire je garde tous mes sentiments pour moi. Mais l'homme à mes côtés doit avoir une plus grande expérience de la vie, un plus grand vécu que moi. Et si je dois me confier à quelqu'un, ne vaut-il pas mieux qu'il s'agisse d'un inconnu? J'oscille un instant entre la peur de le saouler et le besoin de parler et j'opte pour le second choix.

- "Parfois je me demande si je ne suis tout simplement pas en train de me perdre moi-même! Avant je me fiais à mon instinct, j'avais une foi absolue en mes convictions! Mais je me rends compte aujourd'hui qu'il ne suffit pas d'avoir la volonté et que le monde ne se divise pas simplement entre les gens bons et ceux mauvais! Et... ça me fait peur! Non en fait ça me terrifie! C'était nettement plus simples quand je pensais que tout était soit tout noir, soit tout blanc. Et que je n'avais pas conscience qu'il y avait toute une palette de gris entre ces deux extrêmes..." je lâche un léger soupire désappointé avant de me fendre d'un léger sourire laconique. "C'est stupide hein?"

Là encore ma question n'est que pure rhétorique. Pourtant j'espère qu'une éventuelle réponse du capitaine me permettra d'y voir plus clair ou, du moins, de m'aiguiller sur une réflexion qui m'échappe encore. Je reverse un peu de liquide ambré dans mon verre vide et le porte à nouveau à mes lèvres. Je sais très bien que l'alcool n'est pas une solution et un piège dont il peut être difficile de m'extirper. Mais jusqu'à présent je n'ai pas encore trouvé d'alternative crédible aux questions qui me rongent. Peut-être parce que je n'arrive pas à trouver les réponses...

- "Et vous alors? C'est le plaisir de l'ivresse qui vous a mené ici ou le désir d'oublier? Un mélange des deux peut-être?"

Je me rappelle alors quelque chose qui m'a échappé jusqu'à alors: Suoh est l'époux de Sahori, ma coéquipière. Je mentirais si je disais que j'étais en bons termes avec elle mais notre relation s'améliore sous la tutelle de Yuki. Ce n'est pas d'elle que j'ai obtenu cette information mais bien par mes propres recherches. Mais je ne compte pas aborder ce sujet puisqu'il relève de leur vie privée. Et puis, je m'en fiche un peu à vrai dire...

- "Ne le prenez pas mal mais vous me semblez jeune pour porter de telles responsabilités! Si je vous compare au père Kakesh... à Kakeshuou-sama, par exemple!" je soupire et me réprimande silencieusement pour ce manque de tact. L'alcool n'a décidément pas que des avantages. "Je suis consciente pourtant que le grade de capitaine s'obtient au mérite et non par faveur alors... Comment avez-vous fait pour l'obtenir si rapidement?"

Je n'étais pas dans mon assiette mais mon ambition se révélait toujours aussi ardente. Si je pouvais obtenir quelques précieux conseils d'un aîné, j'aurais tort de m'en priver après tout. Et puis si l'attention était focalisée sur cet homme ça me permettait de n'avoir pas à répondre à des questions que j'espérais et redoutait en même temps...

Il écoutait sa voix douce et apaisante.

Elle suivait bien niveau alcool la petite. Suoh ne cessait de la guetter du coin de l'oeil, il observait surtout la vitesse à laquelle descendait les verres de la jeune femme, plutôt tenace. Mais, un moment où l'autre elle allait arriver à un point de rupture, ça c'était sur et notre héros le savait. Lui ? Il avait l'habitude, il était un abonné, cependant regnier le fait qu'il commençait à être soûl serait vraiment stupide. A la fin de sa bouteille il serait venu le moment de rentrer.  Mais, place à la discussion ! Il écouta la jeune femme, elle doutait sur ses ambitions, sa voie à suivre. Suoh souriait, il n'avait pas connu de tels problèmes lui qui s'était fait seul. À quatorze ans il était déjà un mercenaire respecté de tous dans son domaine, le don d'être silencieux l'avait beaucoup aidé. Il voyait en elle de l'innocence et surtout une envie de bien faire et de réussir.

- Ce monde n'est pas beau et il ne le sera jamais. Blanc, noir, gris, le mal sera toujours présent et c'est à nous de le contenir, de l'éliminer. C'est notre rôle. Et pourtant on vous nomme seulement Genin ou je l'espère Chuunin dans un avenir proche, on vous donne un nom et des fonctions. Mais en vrai, nous sommes tous des héros ou des soldats. Au bon vouloir.

Il avait dit tout cela d'un ton très calme et une certaine vérité s' y était glissée naturellement.  En tout cas, ces mots ne sonnaient pas faux. Il savait tout ça et il ne considérait aucun de ces hommes comme de vulgaires soldats,  pour lui ils étaient des héros. Et pourtant pour eux c'était normal, pas besoin de remerciement, monde égoïste n'est ce pas ? Puis la jeune femme demanda pourquoi lui buvait. Cela fit un petit tilt dans sa tête,  il se déconnecta un moment, tout se mélangea. 

*Flashback*

La scène se déroulait dans la chambre d'un diplomate de Shimo no Kuni.  Nous sommes dix années en arrière, Suoh se trouve juste au dessus du lit de l'homme. D'un seul coup il s' approche de l'homme, sa main se dirige vers son visage et de la vapeur s' en dégage.  Elle pénétre dans les narines de l'homme et en quelques secondes son pou s' arrête.  Mais, un petit garçon rentre dans la chambre,  il semble terrifié et à la vue de Suoh et de son père inerte, il se met à pleurer. L'assassin s' enfuit,  honteux de son acte. Tout redevient flou, la scène semble lui échapper.   

*Flashback End*

Il semble reprendre conscience au bout de quelques secondes, il n'est pas tombé ou quoi que ce soit, juste une petite absence. Reprenant une gorgée, puis une deuxième et une troisième.  Il expire durement, tout en se raclant la gorge. L'alcool ne l'a pas laissé indifférent.  C'était peut être le verre de trop, néanmoins la bouteille est terminée désormais.  Se retournant une fois de plus vers la jeune il reprend la parole d'une voix un peu plus discrète,  comme perturbé. 
 

- Je tente de fuir des démons qui ne cessent de me suivre ... L'alcool, ça aide.

Il semble serein,  c'est alors qu'elle souhaite savoir comment il a pu accéder à un tel rôle de Capitaine. Si elle savait ... Dans le fond il n'allait pas vraiment mentir, mais s' expliquer sur les détails ne serviraient à rien et la découragerait sûrement à s' entraîner dur. Suoh avait du se battre dans une arène et au péril de sa vie pour prétendre à se rôle.  Il n'était que de la chaire à canon choisit par les seigneurs. Sa puissance l'avait même fait affronter Kakeshuou. Drôle de coïncidence, elle qui en parlait quelques secondes auparavant.
 

- J'ai toujours eu de grandes capacités et de grands pouvoirs sans vouloir me vanter. Ce n'est pas mon genre de parler de mon ascension à ce rôle.  Mais, il faut surtout savoir survivre et se battre. C'est la clef. Je suppose que tu dois déjà le savoir, le Buki c'est l'armée.  Crois moi,  on ne m'a pas choisi par hasard.  Et il serait surtout temps pour nous de rentrer !

Il sourit et descend de sa chaise. Il titube légèrement et tend sa main à la jeune pour l'aider à descendre. De l'entraide, ils allaient en avoir besoin ...

J'écoutai le capitaine m'expliquer les raisons qui l'avaient poussé à pénétrer dans ce bar. Ainsi donc il cherchait à fuir ses démons... Je lui scrutai du regard sans vraiment savoir si cette réponse avait un sens caché ou s'il n'y avait pas besoin de lire entre les lignes. L'alcool m'embrumait l'esprit et mes capacités d'analyses et de déductions s'en retrouvaient sérieusement altérées. Et si je faisais tout simplement fausse route en tentant de percevoir autre chose dans ses propos qu'une simple vérité? Et si j'essayais une fois de faire confiance à un inconnu, sans retenue? Je baissai finalement le regard sur mon verre avant de prendre une nouvelle gorgée avant d'acquieser en silence. Les raisons qui nous avaient poussé à venir noyer nos pensées dans l'alcool n'étaient certes pas similaires mais nous avions un but commun en venant ici: fuir nos démons respectifs.

Je réfléchis alors aux propos qu'il m'avait tenus quelques instants plus tôt sur le mal et la façon dont nous devions le contenir. Ses paroles sur les héros et les soldats m'avaient offert une nouvelle perspective même si je n'étais pas certaine de saisir tous les tenants et aboutissants de ses paroles. Je notai précieusement ses mots dans un coin de mon esprit et me promis d'y réfléchir à tête reposée dès le lendemain. Quoi qu'il en soit je me sentais un peu mieux. Suoh n'avait pas tenté de me rassuré mais bien de m'ouvrir les yeux sur certaines facettes de la vie. Si je n'avais pas besoin de mots réconfortants j'avais en revanche un ardent désir de comprendre. Et il venait indéniablement de m'offrir un champ de réflexion plus à même de m'aider à accepter le monde dans lequel je vivais. Et pour cela, bien que je me gardai de l'exprimer, je lui en étais reconnaissante...

Je l'écoutai ensuite m'expliquer les raisons de son accession au grade de capitaine du Buki. Il s'était montré quelque peu évasif à ce sujet mais d'un autre côté je me doutais bien qu'on ne pouvait pas résumé une telle histoire en quelques phrases. Et puis il m'avait donné les clefs essentielles: la survie et la combativité. Ho bien sûr Yuki-senseï s'était déjà chargé de m'inculquer ces notions mais un avis complémentaire faisait le plus grand bien. Je pensai tout d'abord que Suoh avait une haute d'estime de lui-même mais je ne doutai pas un seul instant qu'il me disait la vérité. C'était ainsi, il y avait dans ce monde des personnes naturellement douées pour les arts shinobis et il devait en faire partie. Je ne ressenti pas de jalousie, ce genre de sentiment était réservé aux faibles qui pensaient que tout leur était dû. Non, c'était plutôt un semblant d'admiration qui se frayait un chemin dans mon esprit alors que je posais une nouvelle fois le regard sur lui.

Quelques instants plus tard, lorsqu'il me tendit la main en arguant qu'il était temps de rentrer, j'hésitai quelques longues secondes avant de faire le moindre mouvement. N'avais-je pas essayé de me convaincre de lui accorder ma confiance un peu plus tôt, comme si je m'infligeais moi-même une sorte de test? Alors pourquoi est-ce que j'hésitais encore à saisir la main qu'il me tendait? Cela ne m'engageait à rien après tout et j'étais certaine qu'il n'était pas intéressé par moi. Il avait un petit garçon, une femme formidable - oui, j'étais obligée de le reconnaître malgré l'inimitié qui me liait à Sahori - et certainement de nombreuses raisons d'apprécier sa vie. Alors pourquoi est-ce que j'avais tant de peine à joindre ma main à la sienne? Pourquoi est-ce que j'avais autant peur d'un simple geste comme celui-ci?

- "Oui ce serait plus sage de quitter ce bar avant qu'on ne soit même plus en mesure de retrouver nos demeures respectives..." approuvai-je en décidant d'écouter la raison et non le désir. "Allons-y!"

Je levai la main et me forçai à la déposer dans la sienne avant d'y prendre appui pour retrouver le sol ferme. Quittant mon tabouret et me redressant, je constatai alors les effets néfastes de l'alcool. Un vertige m'envahit et mon environnement sembla tournoyer un bref instant sur lui-même. Je fus donc obligée de fermer les yeux pour stabiliser le tout avant de les rouvrir. Je me sentais un peu renaître, comme si ce simple geste de confiance avait fait céder des barrières que je m'étais évertuée à dresser tout au long de ma courte existence. Mais après tout n'étions-nous pas une famille? N'étions-nous pas des frères d'armes? Ne devions-nous pas apprendre à nous entraider les uns les autres, nous qui portions fièrement un uniforme représentant des idéaux de paix et de fraternité?

- "Ouais, c'est carrément plus sage!" confirmai-je avant de retirer ma main de la sienne.

Nous quittâmes alors l'établissement après avoir payé notre ardoise au barman qui nous souhaita en retour une excellente soirée. De retour dans la rue, je savourai un instant la caresse du vent sur mon visage et fermai les yeux comme pour mieux en profiter. Puis je posai le regard sur l'officier en me demandant si c'est réellement la fin de la soirée ou s'il avait dans l'idée de marcher un peu dans la capitale, calme à cette heure-ci. Dans tous les cas nous étions pratiquement voisins et habitions dans des quartiers qui se chevauchaient. Ainsi donc nous avions encore quelques minutes pour converser, le temps de rejoindre nos lits respectifs.

- "Ça va vous paraître étrange ce que je vais vous demander mais est-ce que vous accepteriez à l'occasion de m'affronter lors d'un entraînement? Ma senseï ne nous ménage pas vraiment lors de nos sessions en équipe mais maintenant je connais ses techniques et ses capacités. Elles sont bien au-delà des miennes, évidemment. Mais il n'empêche que je sais plus ou moins à quoi m'attendre lorsque nous nous affrontons. Sans parler des liens inévitables qui lient une senseï à ses élèves. J'aimerais m'évaluer à nouveau contre un adversaire supérieur à moi et inconnu, histoire de voir ce que je vaux. Je suppose que c'est encore le meilleur moyen de me rendre compte du travail qu'il me reste à accomplir. Et une excellente piqûre de rappel contre l'autosatisfaction!"

Je n'attends pas vraiment qu'il accède à ma requête. Sans parler de ses responsabilités, il a certainement d'autres chats à fouetter qu'une Genin. Je n'ose même pas imaginer le nombre de demandes de ce genre qu'il doit recevoir de la part des hommes et femmes du Buki. Alors une membre du Shûkai qui n'est même pas assignée à l'une des sections... Mais je suis une fervente adepte du dicton qui ne risque rien n'a rien!

Nous arrivâmes finalement devant chez moi et je marque un temps d'arrêt pour lui signaler qu'il est temps de se séparer. Je ne sais pas vraiment ce que je ressens à son encontre, s'il me fait peur ou si je l'apprécie. Je ne suis pas non plus certaine qu'une amitié soit en train de naître ou si c'est plutôt le respect que je lui porte qui se manifeste. Il est de toute façon trop tôt pour le dire. Et puis l'alcool fausse à nouveau mon jugement...

- "Bonne nuit capitaine!" fis-je en effectuant - maladroitement - le salut réglementaire. "Je ne sais pas vraiment si ce fut un plaisir mais en tout cas c'était très instructif!"

L'air était frais, le silence appréciable.

Dans son ensemble, la soirée fut agréable et l'alcool y avait beaucoup contribué. Les compagnons de beuverie venaient à peine de quitter le bar. La petite brise qui caressait leur visage rougis par l'alcool semblait divine, c'était une caresse céleste. On aurait pu s'y endormir à tout moment, juste en se laissant bercer par ce simple courant d'air rafraichissant. Suoh en savoura chaque instants tout en levant la tête vers le ciel pour observer ce ciel étoilé. Les étoiles tournaient un peu dans sa tête, surement dû à la boisson. Il alluma une clope d'instinct, d'un simple claquement de doigt et elle faisait du bien. C'était un poison dont il ne pouvait se passer, une friandise qui vous tue à petit feu. Dans le fond ce n'était qu'un vice de la vie auxquels nombreux avaient succombé, faible pour certains, addicte pour d'autres. Notre héros jonglait entre les deux, incapable d'arrêter pour le moment. Il tourna alors la tête, elle venait de lui parler, c'était une demande un peu spéciale en fait, digne d'une guerrière. Elle désirait l'affronter, un entraînement plutôt spécial, c'était peu banal. Le Capitaine sourit quelques instants, cela semblait lui plaire.

- Pourquoi pas, mais je ne te ménagerai pas, prépare toi et surtout ne me déçois pas. Rare sont ceux contre qui j'accepte de combattre amicalement, néanmoins si tu arrives à me surprendre, je ferai en sorte que ces entraînements persistent dans le futur.

Il lui sourit un peu, plongeant ses iris rouges dans les siens, tout comme lui. Au moins, ils avaient une particularité en commun ces deux là, c'était d'ailleurs surprenant, il ne s'était même pas posé la question avant. Suoh espère que la réponse lui conviendra, il l'imagine même déjà en train de se battre, dommage qu'il soit sous alcool, en effet une petite démonstration ne lui aurait pas déplu. C'est ainsi qu'ils reprirent la route, il allait la raccompagné jusqu'à son domicile, oh non n'allez pas croire qu'il désirait attiré ses faveurs. Son coeur battait déjà pour une autre, mais il avait apprécié le personnage, le charisme que dégageait cette femme. Comme un vieil ami, mais avec une douceur féminine, c'était ça qui était intéressant. Ainsi, ils ne tardèrent plus vraiment à arriver chez la jeune femme. S'arrêtant devant la porte, elle fit un salut plutôt maladroit et drôle à voir, pas facile quant on est bourré. Suoh rigola un peu avant de prendre la parole :

- Bonne nuit Setsuna, à demain !

Il repartit en riant, il se sentait léger, il avait hâte de se battre. En fait, il avait pas mal de projets pour cette petite, mais il fallait d'abord qu'il juge sa puissance. En tout cas si elle se montrait à la hauteur, il ferait en sorte d'en faire une vrai guerrière, il était temps pour le capitaine de former des vrais soldats. Plongeant dans les ténèbres des ruelles, il sifflait, s'amusait tout seul carrément. Heureusement qu'il était tard parce que s'il avait été aperçu dans un tel état ... Mon dieu quelle réputation il aurait eut après, alcoolique, ivrogne de Capitaine qui ne pense qu'à picoler. Dans le fond il s'en foutait un peu, mais il avait une femme et un enfant, donc une certaine image à préserver. Grimpant sur les toits, il partit en direction de ses quartiers, très vite une ombre le rejoignit, c'était Shin, accompagné d'Akishi qui se fit entendre au loin. Eux aussi étaient de retour, ils ne cessaient de le regarder, il prit les devants :

- Je m'ennuyais, fallait bien que je m'occupe.

Les deux sourirent un instant, le pas s'accéléra et tout s'enchaîna ainsi. Quelques minutes plus tard il était enfin arrivé dans sa chambre, se déshabillant il prit place dans le lit. Sa femme dormait déjà, elle se reposait avant une épreuve bien complexe, L'Examen Chuunin. Suoh lui déposa un doux baisé avant de fermer les yeux, de rêver, sans se soucier du lendemain.