Milieu de l'année 10, après le message envoyé par Monwa...

Une pie volait dans le ciel, au travers de nuages qui étaient ses compagnons de route les plus fidèles. Après plusieurs pirouettes dans le ciel, elle se décida à baisser d’altitude jusqu’à découvrir une des nombreuses plaines du pays. Elle exécuta un pic avant de redresser et de planer au-dessus de la terre battue. L’oiseau se posa tranquillement sur l’épaule d’un homme, lui-même assis sur un rocher. Ses jambes étaient croisées, et ses avant-bras se reposaient sur ces dernières. Si l’oiseau n’avait pas été un animal intelligent, il aurait pu douter de l’aspect vivant de ce sur quoi il s’était posé. Howaito avait tout d’une statue vivante. C’était tout à fait naturel : il priait.

Il n’aimait pas particulièrement la prière à l’état religieux, mais il avait été bercé pendant dix ans dans ces apprentissages et du coup, il s’en servait souvent lorsqu’il en avait besoin. Sa prière était nécessaire, vu le message que le dénommé « Monwa » avait décidé d’envoyer, apparemment, à tous les shinobis. Voilà plus d’une demi-heure qu’il restait les yeux fermés, captant à la fois tout ce qu’il y avait autour de lui mais s’en étant presque détaché.

Rassuré, il rouvrit les yeux et poussa un léger soupir de soulagement. L’oiseau reprit son envol. Le regard du Moine Blanc accompagna ce dernier.

« Ne t’inquiètes pas, tu ne craindras jamais rien, toi. »

Ensuite, il se mit en marche, sans trop savoir où son voyage allait l’emmener. Durant son apprentissage, chaque moine se devait d’effectuer des voyages plus ou moins longs, afin de découvrir des cultures, des paysages, des états d’esprits. Mais il y avait aussi un exercice physique. S’accommoder aux longs trajets, à comprendre qu’il n’y a rien d’inutile. Au bout de dix ans, toutes ces méthodes avaient été parfaitement inculquées dans l’esprit du Gekei, que certains voyaient comme l’un des plus puissants et sages moines de sa génération. Du moins, c’était le destin qui lui était promis…

Il ne tarda cependant pas à tomber nez à nez avec un homme qui selon toutes les apparences était en train de s’entraîner. Comme à l’accoutumée, Howaito resta totalement impassible et n’hésita pas à approcher de l’inconnu qui réclamait l’identité d’autrui sans donner la sienne en premier.

« Un simple étranger, et toi, qui es-tu ? » dit-il avec la voix la plus sereine et posée imaginable.

Cet homme avait l’air perdu, aussi lorsqu’il avoua avoir eu quelque récents moments difficiles, Howaito n’eut pas le moindre mal à le croire. Mais comme il s’en doutait, c’était en partie ou totalement à cause de cette sorte d’appel que Monwa, chef de l’armée des Furyous, avait lancé à nombre de shinobis. Cette question que le dénommé Yanosa avait posée au moine allait permettre aux deux hommes d’être fixés sur la réalité et le contexte de ce qu’ils avaient tous les deux entendus. Cet appel avait été réel, et tous les shinobis l’auraient donc partagé. Il soupira.

« Oui je l’ai reçu. Et apparemment, il l’a bien fait entendre à tous nos confrères shinobis. Ce Monwa et ces Furyous ont l’air puissants… »

Il esquissa un sourire, puis il regarda calmement autour de lui, jaugeant une nouvelle fois l’environnement dans lequel il s’était introduit. C’était réellement un bon endroit pour s’entraîner, surtout au Taïjutsu. L’air était frais, et il y avait de quoi accomplir plusieurs types d’exercice. Yanosa était-il un adepte du corps-à-corps ? Sûrement.

Le Moine Animal fit quelques pas sur le côté pour s’asseoir sur une herbe plus plate et plus calme. Il croisa les jambes comme s’il allait prier, mais ne le fit pas. Il resta simplement dans une position qu’il appréciait. Son rictus s’adressa directement à l’étranger.

« Mais Monwa n’arrivera pas au bout de son projet, ne t’inquiètes pas. »

Sur quoi il ferma les yeux et repensa à ce qu’il avait vu dans sa prière adressée à Maskine et directement liée à l’appel qu’il avait ressenti hier. Monwa et les Furyous allaient blesser l’humanité et le monde, mais ils n’arriveraient pas au bout de leur projet initial. Quelque-chose allait tout bouleverser. Peut-être qu’ensuite les choses iraient mieux, mais elles pouvaient aller dans le pire. Il n’en savait rien, et les prédictions avaient leurs limites et même si Howaito était rationnel, il avait décidé de croire en cette prière pour ses bons présages.

Et puis, les shinobis, les samouraïs, les moines, les Hommes… ils ne pouvaient se laisser faire indéfiniment. Il faudrait du temps, voilà tout. Le temps qu’ils s’apprécient réellement… peut-être comme il allait le faire avec Yanosa ? Même s’il avait les yeux fermés, il restait disponible, et il espérait que son interlocuteur l’eut remarqué. Après tout, s’il avait voulu mettre un terme à cette discussion, il se serait contenté de s’en aller. Mais ce n’était pas dans ses habitudes de laisser un homme aussi rapidement surtout lorsqu’il semblait un peu… perdu.

Rassuré et terrifié, voilà l’état d’esprit multiple qu’arborait l’inconnu. Il était clair qu’il avait subi un traumatisme, mais jamais le jeune moine aurait pu se douter de ce qu’il en était réellement. L’homme qu’il avait en face de lui avait affronté le chef des Furyous. Yanosa avait vu et combattu Monwa. C’était à peine croyable, et c’était aussi pourquoi ce n’était sûrement pas un mensonge. S’il avait voulu mentir sur quelque-chose d’aussi « gros », il ne l’aurait pas fait de cette manière, et surtout il aurait cherché à en retirer profit. Non là il disait simplement la vérité : lui et ses compagnons avaient été balayés. Mais ce n’étaient sûrement que des shinobis qui avaient été là au mauvais moment et qui s’étaient alliés face à la menace. Car oui, Yanosa avait tout d’un solitaire. Etait-ce parce qu’il était perdu ? Sans doute.

Pourtant il se décrivait comme un guerrier de sang, un barbare. Mais qui était-il vraiment ? Cette étrangeté dans son comportement était-il justifiée par un passé oublié ou perdu ? Avait-il perdu la mémoire ou sa force ? C’était si original que ça en devenait presque glauque. Un amnésique ne se souviendrait pas de ce qu’il était avant… à moins qu’on lui ait tout expliqué ? Un résumé bien difficile à faire, mais une hypothèse validée à plusieurs reprises : Yanosa regrettait ce qu’il avait été autre fois et était surtout perdu. Howaito pouvait-il lui faire confiance ? La question ne se posait pas pour un homme qu’il venait de rencontrer, et de toute façon ce n’était pas dans son accoutumance de boire les paroles des autres.

« Ils sont très puissants, c’est une fatalité. Mais as-tu compris ce qu’il se cache derrière cette histoire de « pacte de serviteur » ? Une faiblesse. »

Il allongea son index droit et le pointa vers le ciel. Durant sa prière il avait eu le temps de réfléchir à tous ces problèmes. Ce n’était d’ailleurs pas le comportement d’un moine typique, mais Howaito n’était pas de ceux qui restaient cloitrés à ne vouloir se mêler que du strict minimum.

« S’ils sont si puissants que cela et qu’ils peuvent nous écraser, pourquoi essayer de semer la discorde parmi les shinobis ? Veulent-ils réellement sauver des vies ? Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir fait ce choix avant, et pourquoi avoir détruit le village de Kiri ? Mais surtout… »

Détachant son regard de celui de son interlocuteur, le Gekei abaissa son doigt pour pointer son bras gauche. Il releva ensuite ses pupilles.

« En quoi se graver un « F » serait une preuve de fidélité ? La plupart de ceux qui feront le choix du « F » le feront non pas par loyauté, mais par peur. Certains tenteront même de les trahir. Alors soit tout cela n’est qu’un mensonge, qui montre qu’ils ont juste besoin de semer la confusion parmi nous ; soit ils veulent montrer en épargnant les Serviteurs qu’ils tiennent leurs promesses et s’en serviront pour nous duper. Car s’il y a bien une chose dont je suis sûr, c’est qu’ils ne s’arrêteront pas une fois leur objectif atteint. »

Un souvenir revint dans la mémoire du moine, lors d’un de ses passages à Hi no Kuni. Raiu no Kenji, ou plutôt celui qu’on surnommait Meteora. Monwa en avait parlé dans son message, et le monde entier connaissait déjà ce qu’était devenu l’ancien Kazekage.

« Gogyou Makka a voulu réduire l’humanité à l’état de poussière. Meteora a toujours voulu assassiner les Hommes en leur volant leur visage. La nature même d’un Furyou est le combat contre le shinobi. Cette armée des Furyous n’échappe apparemment pas à la règle, vu les massacres dont elle est déjà l’auteure. »

Il n’y avait apparemment aucun prétexte pour sourire, mais c’est bien un rictus qui se fit une place sur le visage détendu de l’ancien résidant de Mizu no Kuni. Howaito se tourna plus précisément vers le dénommé Yanosa.

« Mais tu sembles perdu l’ami. Même un aveugle le sentirait. Tu peux me raconter ça plus en détails ? »

Curiosité, autre trait de caractère de l’homme-bête, qu’il considère comme tout sauf un défaut. Le savoir est la force.