Arekushi… le pauvre garçon. Je commençais à m’habituer à sa présence, à sa voix. Il avait une incroyable capacité à se mettre en travers des ennuis et à faire preuve de bonne volonté. Ces deux traits font de lui un disciple que je ne suis pas près d’oublier. Mais comment diable a-t-il pu se faire capturer. Je ne peux pas croire que j’ai encore perdu un élève entre les mains du sukai. Comme quoi ce sale village va vraiment tout me prendre dans la vie. Oh et puis je ne sais même pas pourquoi je continue de l’appeler Shukai, il est clair que c’est de Kiri que l’on parle. L’alliance des pays neutres n’est qu’une façade, une illusion. C’est Kiri qui veut se reconstruire, elle a juste décidée de se faire plus d’alliés désormais.

Je pense un peu trop fort en marchant dans le sable. Il faut dire que cette ambiance paisible de grains de terre s’envolant de dune en dune est particulièrement apaisante et propice à la méditation. Il ne m’est pas facile de m’y soustraire et de ne pas tomber pendant ma marche dans l’introspection de ma propre vie. Car il faut bien l’avouer, mon disciple me manque un peu et bien qu’avec lui, je n’avais encore qu’une relation prof élève et pas vraiment quelque chose de concret, je ne peux m’empêcher de me dire que je lui dois quelque chose et que rester dans ce désert sans rien faire pendant que le shukai le fait prisonnier doit paraître immoral en temps normal.

Mais je me stoppe dans mes réflexions lorsque, me trouvant sur le sommet d’une dune de sable, je remarque une oasis et une silhouette près de celle-ci. De loin je ne peux que supposer le sexe de la personne s’abreuvant de l’eau mais je pense bien qu’il s’agit d’une fille. J’ai jusque là rencontré bon nombre d’individus intéressants dans ce désert, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas en rencontrer davantage. Je commence à marcher en direction de l’oasis.

Pendant le temps que je mets pour passer du point A au point B, je me rends compte de l’impression que je dois donner aux gens qui me voient pour la première fois. Un homme tout vêtu de noir se rapprochant de ces derniers, une capuche sur la tête et des sabres sonnant à la ceinture, je ne dois pas avoir l’air très amicale. Néanmoins, je crois avoir cerner la meilleur manière d’établir instantanément le contact avec des tiers. Toujours se montrer différent de ce que l’on est vraiment dans un premier temps. Ensuite, tout vient naturellement, selon la nature de la rencontre.

J’arrive près de l’oasis, la jeune femme s’y trouvant me remarque. Pour ne pas l’effrayer ou susciter son hostilité, je rabaisse ma capuche et libère ma tignasse blonde et mon visage d’adolescent balafré. Je baisse la cadence de mes pas et commence doucement à lever mes mains en l’air, les laissant bien en évidence. Lorsqu’enfin je me trouve à distance plus ou moins proche –suffisamment pour que la jeune femme puisse entendre les mots sortant de ma bouche- je prends un ton amical.

« Je ne suis pas une menace, je viens simplement voir ce que fais une jeune femme comme toi dans le désert. J’entends par là, il doit bien y avoir une autre raison que celle de boire de l’eau pure dans une vraie oasis. »

Je baisse alors les mains et plonge mon regard dans le sien.

« D’ailleurs je m’appel Yusuke Katano, je suis shinobi. »

L’invitation explicite de ma nouvelle connaissance me fait sourire en coin. Bien qu’elle paraisse profonde d’esprit, elle n’en ait pas moins sympathique. Et il faut dire que dans le désert, seule comme ça, il faut un sacré cran pour rester sympathique et ne pas devenir une salope hargneuse. Dieu m’en ai témoin, je n’ai que trop côtoyé les petites filles pleurnicheuses et les femmes hargneuses. J’ai donc choisis de ne gratifier de ma compagnie que les gens qui se donnent un peu de mal pour ne pas rendre ma vie plus pénible qu’elle ne l’est déjà.

Nous finissons de ranger et ramasser certaines de nos affaires et commençons à marcher vers la destination de ma jeune interlocutrice. Au début, nous ne sommes pas très bavards, je prends le temps de regarder le désert, de me mettre dans l’ambiance d’une conversation sérieuse. Les grains de sables me permettent de me concentrer un peu mieux lorsque je les vois virevolter de dune en dune. Je romps cependant le silence au bout de quelques minutes, la raison de ma présence étant principalement cette fameuse conversation dont j’ai exprimé le désir de poursuivre.

« Alors Nozomie, tu dis aider autant que tu le peux… tu es une shinobi de suna donc ? »

J’attends sa réponse et enchaine presque instantanément :

« Tu sais, j’ai connu pas mal de gars qui voulaient œuvrer pour la paix. Les connaître fut instructif mais m’a obligé à creuser quelques tombes. Aujourd’hui il ne me reste que leur souvenir et l’amer goût de leur vie jetée au feu. »

Quelques instants mon regard se perd dans l’immensité du désert. Je contemple le paysage et oublie où je me trouve. Mes jambes d’elles mêmes suivent le rythme que je leur ai imposé depuis le début de la marche et je n’ai plus à me faire du soucis pour le reste de ma vie. Je retombe dans l’introspection de ma vie et plus précisément dans les souvenirs que j’ai avec Shord, Demon et d’autres grands shinobis que j’ai côtoyé… Tous ne sont pas morts mais la plupart n’ont jamais pu apprécier la fin de leur vie comme ils auraient pu.

Soudain un bruit me sort de ma torpeur psychologique. Quelque chose se déplace sous le sable. Je sens une présence, pas vraiment du chakra mais quelque chose autour de nous. Bien que mon interlocutrice ne s’en rende pas tout de suite compte, je lève la main et exprime mon désir de silence pour pouvoir mieux prêter attention au bruit. Mon interlocutrice s’arrête net sur place et je fais de même, posant mes mains dans le sable en m’accroupissant. Les vibrations se font plus puissantes. La chose se rapproche. Soudain trois scorpions géants sortent du sable en face de nous, comme pour nous défier. Les pauvres bestioles font à peu près le double de la taille d’un chien normal mais demeurent tout de même menaçant.

Sans prêter plus d’attention que cela à ma partenaire qui je l’espère aura la maturité d’esprit nécessaire pour rester sur place, je fonce en dégainant l’un de mes sabres et tranche en deux le premier scorpion. Je balance mon sabre sur le deuxième comme un kunai et alors que le troisième passe dans mon dos, je me retourne pour lui balancer une technique raiton en attrapant le dard qui voulait me transpercer. La pauvre bête est carbonisée mais au moins, je suis indemne.

Reprenant légèrement mon souffle, je récupère mon sabre, et me rapproche de ma compagne de voyage, un air grave imprimé sur le visage.

« Ces trois là étaient les mômes, j’ai bien peur que la mère ne va pas tarder à arriver. »

Je regarde quelques secondes ma compagne de voyage, elle sent tout comme moi que le pire est à venir. Certes j’ai exterminé ces trois petits scorpions avec une facilité déconcertante mais affronter un véritable scorpion géant du sable, c’est autre chose. Autrement plus vorace et puissants que leurs petits, les scorpions adultes ont également la particularité de recouvrir chacun de leur membre d’une puissante couche de fer. Il doit surement s’agir là d’une particularité de leur métabolisme mais cela veut surtout dire que je ne pourrais pas lui trancher chacun des membres aussi facilement que je le voudrais.

Enfin, des profondeurs du désert sorti tout d’un coup l’énorme bête. Je suis aux aguets et m’apprête à esquiver la moindre attaque hostile. Mais à ma plus grande surprise, c’est Nozomie qui est prise pour cible en premier et je dois dire que la jeune fille se débrouille plutôt bien. Elle esquive magnifiquement bien le coup de queue de la créature et profite d’un moment de re-stabilisation de cette dernière pour lui balancer le dard de sa progéniture en pleine figure. Quant à moi, assistant avec délectation à cette scène tout en assurant mes arrières, j’esquisse un petit sourire, fier de voir que je ne rencontre que des individus d’exception dans ce désert.

Le dard perce la peau du scorpion et la bête pousse un cri strident. Elle est désorientée et semble perdre son équilibre petit à petit. Malheureusement, je crains que l’effet de ce fameux poison ne soit trop lent et que Nozomie se fasse malencontreusement touché avant que le monstre ne meure. Sans réfléchir plus que ça, j’insuffle mon chakra dans mes deux sabres et crée un éventail de cendre. Je balaye ensuite l’air en face de moi dans la direction du scorpion, mon nuage de cendre fond alors droit sur lui et je peux entendre sa peau brûler tandis que petit à petit, il cesse de bouger.
Le silence revient, Nozomie est un peu essoufflée, j’ai quant à moi une petite goutte de sueur qui perle sur mon front. Je m’approche d’elle et pose ma main sur son épaule.

« Tu sais te débrouiller en situation périlleuse, et bien que tu ne sois pas shinobi, tu sais te battre. »

Je la gratifie d’un léger sourire en coin et je tourne les talons, nous devons nous remettre en route. Nous continuons donc de marcher pendant un petit moment avant que je ne me remette à parler, une question me turlupinant depuis un bon moment m’oblige en effet à rompre le silence.

« As-tu des attaches quelques part dans ce monde ? Ou es-tu l’une de ces personnes qui le parcourent en se recherchant soi-même ? »

Précis, concis et clair, voilà les trois mots qui explicitent mes phrases et les expliquent au public. Je n’ai que faire des longs discours et des cérémonies. Lorsque l’on veut quelque chose, il faut se donner les moyens de l’obtenir. Et j’ai particulièrement envie d’en apprendre plus sur Nozomie. La manière dont elle se bat, son idéologie, tout me donne envie de mieux la connaître et peut-être de me rapprocher d’elle sur un plan professionnel. Mais il est encore trop tôt pour s’aventurer sur ce terrain. La conversation doit évoluer.

Que de discours et point de solution. Mais la jeune Nozomie n’est pas une politicienne, je le sens quand elle parle. Ses paroles ne sont pas trempées dans le mensonge et elle ne cherche pas à me leurrer ou à me manipuler. Elle n’a pas besoin de tout ça. Ou du moins, elle ne connaît pas encore suffisamment ses pouvoirs de persuasion pour vouloir les utiliser tout de suite. Non… je sens en Nozomie une profonde naïveté mais surtout un désir puissant de ne pas vouloir sombrer. Elle n’a pas envie de se laisser consumer. Elle pense que de l’autre côté, il y a quelque chose d’horrible, de repoussant. Mais la jeune fille n’y est jamais allée et c’est surtout ça qui fait qu’elle fera certainement tout pour rendre ce monde meilleur.

Mais le mal est là, je le sens au fond d’elle comme je peux le sentir au fond de l’âme de chaque personne qui m’entoure. Il est partout, tapi dans les cœurs et dans les esprits. On voit quelque chose que l’on désire et pendant une fraction de seconde on se dit que l’on pourrait simplement le voler ou tuer son actuel propriétaire. Mais notre cerveau rejette l’idée immédiatement, la trouvant immorale et ne respectant pas les conventions sociales qui disent que le meurtre est interdit et que le vol est un larcin. Moi je connais ça, je sais aussi ce que ça fait de passer de l’autre côté. Je sais que le passage est traumatisant mais qu’au final, on ne se retrouve pas dans une situation plus médiocre qu’au départ. Bien au contraire, on apprend à regarder les choses avec une perspective différente, une nouvelle manière de contempler le monde et ses lois.

Je regarde Nozomie avec insistance, elle a finit de parler mais je sens que l’idée que j’ai planté dans son esprit germe peu à peu. La plupart d’entre nous errent sans but précis et ne revendiquent aucune de leurs actions. Ils se contentent de vivre dans la société comme des moutons dans un troupeau. Mais la vie est trop courte et certains s’en rendent compte. Voilà pourquoi ils apparaissent comme des marginaux. Mais ils ne le sont pas réellement…

« Que ferais-tu alors si quelqu’un te les prenaient alors, tes parents adoptifs ? »

Je contemple l’effet qu’à ma question sur Nozomie, je sais que j’ai touché un point sensible et je sais également que cette question peut enfin faire avancer la conversation à mon avantage. Le seul truc que j’ignore encore est dans quel camp se trouve réellement Nozomie. Elle est certes une pacifiste active mais j’ai au fond de moi l’intime conviction qu’il y a plus que ça à retirer de cette fille. Quelque chose de plus enfoui et de plus puissant. Une force ou une volonté de se débarrasser d’un monde pourri jusqu’à la moelle.

« Ma question semble te troubler… je vois bien dans tes yeux qu’il y a quelque chose contre quoi tu lutte au fond de toi. Fais moi confiance, je sais de quoi il s’agit. Quelque part, je crois que je peux t’aider… »

Je ne finis pas ma phrase, je suis trop occupé à me demander ce qui se serait passé si j’avais moi-même eu un mentor capable de s’occuper de ma propre noirceur. Shord s’en occupait à un certain moment mais il est mort et ma haine a explosé d’un coup. Je suis alors devenu le tranchoir fantôme de Kiri et un renégat de renom. Je n’ai pas eu le choix mais je suis tout de même parti et me suis engagé dans une vie de banditisme international. Comme quoi le destin est parfois bien étrange.

« Mais la véritable question est : as-tu vraiment envie d’être aidée ? »