C'était plus une affirmation qu'une question. Se fut une des rares phrases qu'elle donna durant ce court entretien. L'impresario entra. L'homme à la théière ! Il n'avait plus rien d'hautain mais sembla bien plus affable; il la jaugea en cet instant.
« Je ne vais pas vous répéter la demande déjà faite, mais Isaura tient énormément à ce bracelet. C'est un cadeau d'un homme influent dont je me dois de taire le nom. Perdre ce bracelet serait catastrophique pour ma Pauvre Isaura. Vous devez le retrouver à tout prix, même s'il faut vous octroyer une prime supplémentaire. »
Une pièce de théâtre. Voilà à quoi l'on pouvais s'attendre. Un impressario survolté, une chanteuse à l'aspect cadavérique, il ne manquait plus qu'à placer le ou les fautifs. Saori se devait de réussir.
« Faites entrer les artis … le personnel s'il vous plait ! »
La femme de chambre entra ainsi que le majordome. Ce dernier, très droit, tête haute, se tenait d'un côté du divan, et la femme, toute rondelette avec un visage rondelé, de l'autre côté. Tout ce petit monde attendant une réponse de la jeune kunoishi.
Kimiko commença la première à parler, avec force description, elle détailla point par point son récit. Comment elle avait rangé le bracelet de Madame dans son coffret à bijoux, et était parti se coucher par la suite. Se fut le tour de Soshi qui en fit de même. Tout cela cadré si bien, raconté avec une précision parfaite. Comment mettre en doute tout ce petit monde. A travers ces différents récits, Saori observa chacun avec minutie.
Kimiko, l'air jovial en apparence, n'arrêtait pas de frotter sa main sur le tissu de son tablier aussi blanc que le visage de sa maîtresse, peut être un tic ou toc selon.
Soshi lui cligna à plusieurs reprises les yeux. Étonnant pour un majordome aussi stylé. Un sacerdoce que l'on accepte de père en fils bien souvent.
L'impressario sembla plus impatient s'inquiétant de l'heure qui tournait, son regard ne cesse d'observer la chanteuse.
Un monde factice ! Rien ne sembla vrai, chacun ayant son propre rôle à tenir. La jeune enquêteuse soupira et se lança.
« Très bien, je vois que chacun est bien consciencieux, un travail impeccable en vérité. Soshi vous me dites n'avoir pas quitter la cuisine puisque vous supervisiez le repas du soir. Dans ce cas, dites moi d'où vient cette terre sur vos chaussures ? Ne serait ce pas pour confier votre vol à un complice placé dehors ? »
En disant cela, la jeune fille s'était levé et se planta devant l'homme ainsi incriminé. Elle adopta un regard à la fois suspicieux et accusateur.
« Je suis en effet sortit car j'avais entendu du bruit au dehors. A cette heure si tardive, je me suis demandé quel était ce raffut. Il arrive que les groupies se pressent ici afin de voir Madame Isaura. Mais je vous jure que je n'aurais jamais volé quoi que se soit !! »
Kimiko avança d'un pas une main sur le cœur sur le point de dire un mot mais s'abstint devant le regard fugace de Soshi.
« Oui je vous crois mon ami. J'ai effectivement pu voir des traces dans le jardin à mon arrivée. On aurait dit une bataille car l'herbe se couchait à certains endroits. Puis des pas allant rapidement vers la muraille, les vôtres s'arrêtant à l'entrée. Non la coupable est bien évidemment la femme de chambre !! »
La jeune femme ainsi désigné poussa un cri strident avant de s'effondrer sur le sol. Elle hoqueta avec force larme et baragouinant des mots incompréhensibles. N'y tenant plus, Soshi perdit son flegme légendaire et s'agenouilla devant sa belle.
« Ne pleure plus tout ira bien, je m'occupe de tout !! » Se relevant, il fit face à tous et avec une voix forte déclara :
« Kimiko et moi, nous nous aimons et allons nous marier. Madame a toujours interdit les effusions de sentiments, rien ne devait venir la perturber sinon nous serions châtiés. Nous sommes des travailleurs de qualité, après cela, aucune maison n'aurait voulu nous employer. »
Saori comprit les bribes de mots entendus plutôt lorsqu'elle était au toilette. Un amour contrarié, 2 cœurs en détresse ne voulant que s'aimer. La scène était belle, grandiose, digne d'une pièce de théâtre. La chanteuse, imperturbable, ne bougea pas d'un cil. Tournant la tête vers l'impressario, elle sourit. Ainsi donc il était au courant de cette amour. Il avait un cœur finalement. Il ne fallait jamais juger à la première impression mais toujours donner une chance. Cette affaire n'était donc qu'une simple mascarade afin de cacher à la Lady l'histoire en présence.
« Je suppose que ce bracelet devait permettre à nos deux tourtereaux de disparaître sans vague puisque j'étais là pour endosser tout cela ? Je perds l'affaire, cela devient ma faute ... »
Saori n'eut pas le temps de finir sa tirade que l'impressario lui coupa la parole.
« Je n'aurais jamais permit cela, il était hors de question que quiconque perde quelque chose, j'aurais fait réapparaitre ce maudit bracelet. Isaura n'aurait rien dit comme d'habitude. Kimiko est ma demi-soeur, sa mère m'aimait lorsque je perdis la mienne et je me devais de l'aider. »
Puis tournant la tête vers le fond de la pièce
« Soshi emmène ma soeur et attendez moi je vous rejoins ». « Fais moi savoir ta décision rapidement Isaura ». Ainsi fut son dernier mot à la chanteuse avant le départ de Saori tout en lui remettant une enveloppe, il sortit.
La jeune kunoishi remis le bracelet à la chanteuse.
« Le destin est parfois si taquin. Il arrive que l'on se perd dans les méandres de la vie, rien ne peut être définit à l'avance. Certains vous disent ce qu'il faut faire, que c'est pour votre bien, il est difficile de vivre à travers les autres sans pouvoir exprimer son moi intérieur, et d'autant plus lorsque l'on a été privé d'une chose essentiel : l'amour, le vrai, celui qui vous étreint le cœur, vous donne la liberté de partager avec l'autre. Ouvrir son cœur est une belle rédemption. Il ne faut pas attendre d'être aigrie et commencer à vivre réellement avant que la mort ne vous emmène. »
Saori se dirigea vers la porte et la referma. Mais ce qu'elle vit la fit sourire. Isaura baissa la tête et pleura. Une enfant en détresse à qui l'on avait enlevé trop tôt son innocence et sa joie de vivre. Aujourd'hui le soleil brille ! L'espoir était permit.