Pour une fois que la journée se présentait presque sans ennui, j'aurais dû me douter que c'était de mauvaise augure. Comme un présentement alors que tout semblait si tranquille, trop justement, je n'aimais pas ça d'autant que ces derniers jours, plusieurs soucis trottaient dans ma tête, trop de choses à gérer, je ne savais plus où donner de la tête. Chaque jour était consacré à une, le temps de mettre de l'ordre était long très long et aujourd'hui j'en arrivais à la case Demon, le disciple. Le petit con aussi qui avait osé...

Amère, mais pas furax, ma colère était passée. Rappelons que la dernière fois qu'on s'était vu je voulais le tuer... Là, juste le taper... au mieux... Pourtant tout ça allait vite se mettre de côté au profit de l'affection, car au fond là était ma faiblesse, cet esprit de conservation de ma « famille ». L'heure de faire la paix ? N'allons pas jusque là, mais au moins une trêve, pour cause, on murmurait et mes oreilles avaient perçu que le Jisetsu faisait des siennes. Un sourire et un geste pour arrêter la patrouille venu réglée le problème, lui qui était mien au final et me voilà à leur place m'engoufrant dans ce bar. Je me doutais de ce que j'allais trouver.

Les états d'âme, je ne les connaissais que trop bien et ce n'était pas le hasard qui m'amenait ici, dans ce bar miteux. De loin certes, mais néanmoins je viellais au grain, voilà pourquoi je m’installais au bar, jambes et bras croisés en suggérant au barman de la fermer et me servir aussi.

~ Tiens, tiens, une envie de sake toi aussi ? Quelle vilaine chose te mine, racontes à maman...

Mon sourire était carnassier et je le regardais de côté avec un air des plus hautains, rien de nouveau. Être dans un bar pour moi était une mauvaise idée ça finissait toujours mal, pas sûr qu'il avait besoin d'une bagarre ou que le lieu explose aujourd'hui... Qu'importe, c'était le lieu qu'il avait choisi et pas sûr que Tenzö validerait, non, pour rire oui, pour déprimer il gronderait. Alors je le ferais pour lui. J'avais belle mine tient...

~ C'est pas sérieux tout ça que ça à foutre que casser de la vaisselle dans un bar ? Et si on allait s’entraîner plutôt ?

Encore que, lancé une confrontation au milieu du bar ne me gênait pas, pas la première fois...

~ Cela fait longtemps sinon, quoi de neuf ?

Un tour de passe-passe, il jouait au magicien avec la bouteille et je m'en amusais gentiment, des progrès, une belle maîtrise, c'était bien alors je souriais combien même il pouvait être virulent. Je regardais la chaîne, bien des choses avaient changées depuis le jour où je l'avais brisé, elle était un peu à mon image, fragmentée.

~ C'est bien ce que je te disais l'autre fois, les morts ne sont jamais là quand tu as besoin de présence.

Et il montait un cran plus haut, à la limite il avait du cran pour me parler comme ça, aucune envie de le tuer pourtant, je lui arrachais la bouteille des mains d'un geste vif, rapide, il n'était pas le seul à avoir des tours de passe-passe.

~ Quelle mauvaise foi... Genre tu ne voulais pas le faire avant lui. Qu'importe, pas sûr qu'il apprécie et pour que tu conserves tes doigts, je répondrais pour lui, lui qui rejoins mon lit chaque soir. Qualifie ça comme tu veux.

C'était bas, cruel, malsain, son jeu, un dans lequel je n'aurais pas dû rentrer, mais Tenzo était un sujet sensible, qu'on ne s'y détrompe pas, je n'étais pas fâchée. J'agitais ma tête en soupirant, quelle vulgarité, franchement. Pourquoi tant de haine ? Je connaissais la réponse, la frustration, la déception, probablement le même résultat avec un coup d'un soir comme il disait. Je n'avais pas connu, alors je ne jugeais pas, sur deux pioches, deux sangsues.... Je devais être poisseuse, mais là n'était pas la question. J'haussais les épaules, dans la vie on ne récoltait que ce qu'on semait, j’acquiesçais qu'il ne me devait plus le respect pour le manque de ce dernier que j'avais envers son maître. Il ne pouvait pas comprendre, mais je lui souhaitais de connaître un jour. N'empêche, Tenzo sur le tapis encore et toujours, un jeu dangereux qui viendrait certainement à bout de ma patience. Une respiration et je soufflais longuement du nez...

~ Passionnante ta vie, mon tour dans ce registre je suppose ? Bah tu as fait le tour pour moi il me semble non ?

Mes mains se rejoignaient et mon regard perçant se voulait sérieux.

~ Comprend bien que ce n'est plus Tenzo le maître de cette citée, que nos passe-droits d'antan sont terminés. Crois moi, tu ne veux pas avoir à faire avec Hattan.

Mes doigts témoignaient encore de son manque de tact en cas de conflit ou d’insoumission... Ici c'était un village de loups, des prédateurs, il s'attendait à quoi ?

~ Allons allons, si tu voulais de la tendresse et des jolies histoires fleur bleue, il fallait choisir Konoha ! La vie n'est pas si terrible ici, arrête de te plaindre et te lamenter, ton senseï détestait ça... Tu te souviens ? Kaguya Tenzo qui te le rabâchait mille fois... ?

La vie c'était du donnant/donnant, pas toujours en prime un retour équitable, la vie quoi....

~ On peut se disputer ou faire une chose plus constructive que de simple mot. Enfin, je dis fini les passes droits... Encore que, peut-être que tu as des vues sur le Kage toi aussi, son genre tu crois? M'enfin toi qui es si si sûr de toi...

Le sourire était mesquin de la provoque...

~ Dis le tout de suite si je t'emmerde !

Qu'on ne s'y détrompe pas, l'air était amusé, bien sûr que je l'emmerdais, c'était une évidence, tout autant que je ne laisserais pas filer une perche pareille... Comme au bon vieux temps. Un qui me manquait, celui où je le tyrannisais lui et son maître, où je mettais à mal l'autorité du Senseï en laissant passer du zèle au disciple, c'était tellement amusant. La complicité ? Quel moment c'était effacé ? Quand Tenzö nous avait quitté ? Alors c'était tout ce qui nous relié ? Pourtant, je me plaisais à lui souligner...

~ Il est devenu ton maître parce qu'il t'a rencontré à travers moi ! Je te rappelle !

Lui qui croyait que je le trompais, possessif et je souriais. Finalement, tout n'était qu'une question de point de vue, Demon et moi regardions souvent le mauvais. Il allait et je le sentais dans ces ballets d'attitude changeante, il couvrait des mots pour cacher une vérité, ce n'était pas la confrontation qu'il cherchait, mais elle qui le protégeait. Et l'expression de son visage ne m'échappait pas quand il reprenait sa bouteille, le même idiot compliqué que son maître, père et fils ? Ça leur allait bien, j'étais la mère alors non ? Relevée alors je poussais un soupir en faisant le tour de sa place mes bras passaient par dessus ses épaules et ma main, la seule faite encore de chair le poussait en arrière contre moi. L'affection, un luxe chez les shinobis difficile à trouver, encore que il fallait savoir parfois se contentait simplement de ce qui était donné. Le souci des hommes alors, en vouloir toujours plus ! Mise au point...

~ Les enfants veulent toujours plaire à leur maman non ? Comme il l'idéalise un peu trop souvent avant de se décevoir méchamment en découvrant qu'au fond, elle n'est qu'humaine.

C'était ça la vérité entre nous en vrai. Il m'avait mise sur un piédestal qui n'était pas le mien, avait trop espéré, c'était leurré, c'était réconfortant en un sens pour moi, mais terrible pour lui et je comprenais, pas pour autant que je me sentais responsable. Une leçon de la vie au mieux pour lui. On devait tous passer par là, ça ne changeait rien au fait, que contrairement à ce qu'il pensait...

~ Je ne nie pas que j'ai eu quelque envie de meurtre à ton encontre, il faut dire, que tu as cherché ma fureur, bien qu'au final, si la situation avait été différente, je ne me serais pas emporté à ce point. Notre souci, je crois, reste que notre affection est bien aussi grande, mais différente. Tu es comme un enfant à protéger et corriger pour moi... Et toi, comment tu me vois ?

Je n'avais pas quitté ma place, ni le cadeau d'une douceur offerte gratuitement, c'était une mise au point.

Je savais que je l'emmerdais, c'était le but, alors il me décrochait un sourire carnassier. J'écoutais patiente et tolérante, un luxe rare généralement réservé à Tei' mon petit frère. Je savais ce que je perdrais aujourd'hui malheureusement, encore une lourde à payer pour mes erreurs, ça faisait beaucoup, mais j’acquiesçais. C'était dans l'ordre des choses après tout.

~ Pas comme si on contrôlait ce genre de chose de toute façon... Vouloir n'est pas pouvoir n'est-ce pas ?...

Calme, à l'excès même, pas comme si je ne comprenais pas loin de là, mais il avait raison sur ce qu'il disait c'était ce que je voulais entendre, car c'était ça le fond de notre problème, un que je voulais réglé, mais un que je ne pourrais résoudre sans casse... j'en étais désolée, mais je ne pouvais céder à tout le monde... La vérité était que j'aurais voulu le faire à personne, les hommes étaient des créatures étranges, que je ne comprenais pas la plupart du temps.

~ Aimer différemment ce n'est pas ne pas aimer tu sais. C'est sûr que si tu bannies ça, car ce n'est pas ce que tu voudrais, tu pourrais le considérer ainsi. Mon affection pour toi ne sera jamais celle que tu sembles vouloir aujourd'hui, j'en suis désolée, crois moi. Tenzö aurait ri pour ça...

Je crois... Créature horrible que j'étais souvent n'empêche, ça il ne le voyait pas ? Alors il fallait lui montrer. Dernière tendresse entre nous avant la cassure, car je savais qu'elle serait là à la fin de mes mots, à la fin de mon choix, à la fin de cette vérité.

~ Tenzö est mort. Son âme, mais pas son corps visiblement. Mais bientôt j'irais volé ce souffle de vie moi-même.

Dit sèchement alors qu'il s'était détaché et m'ignorer pour boire, moi pas une seconde je ne l'avais quitté du regard, oui je tuerais son maître, j'en avais fait la promesse, car il n'était nullement question qu'il meurt dans le déshonneur d'une maladie ou au fond d'un trou à rat. Il le ferait dans mes bras. Ce n'était pas que lui que je tuerais bientôt, le môme était en perdition, il lui fallait une rage de vivre, d'avancer, bientôt j’espérais il se ferait grandir pour me faire mentir. En vain. Il fallait éliminer ce qu'il nommait faiblesse, elle n'avait pas lieu d'exister il perdait son temps et le temps c'était si précieux, pire il gâchait l'affection qu'il aurait pu donner. Avec un calme déconcertant, je patientais face à sa réaction.

Le rire, amer et fou, celui d'une âme qui est à bout, ça pouvait se sentir et la suite était sans surprise, entre amour et haine qu'un pas si facilement franchissable, il riait et moi je souriais, même si le cœur n'y était pas. Ce rire là n'était pas communicatif, il parlait, enfin il grognait plutôt et j'écoutais en buvant patiente, peut-être pour contenir le fait que j'étais pressée que ça en finisse, il ne disait pas faux, probablement une des seules personnes dans ce monde à me voir telle que j'étais vraiment, un monstre d’égoïsme. Cependant quant il évoquait ses yeux, les miens se faisaient surpris, je ne voyais pas où il me renvoyait, quel utilité pour moi ? Cependant, mon regard se faisant perçant, était-il conscient qu'il venait de m'inspirer, alors ces choses là étaient possible à prendre... ?

~ Intéressant...

Bien sombre pensée alors que je chassais qu'une nouvelle gorgée presque accablée un instant d'y avoir pensé, réfléchit à lui arracher ses trésors pour les faire miens... Monstre. Mais comme c'était de circonstance, une menace et un tour de passe-passe, cette fois c'est moi qui riait, avant d'applaudir silencieuse un temps pour que le bruit raisonne dans la salle. Me tuer moi ? Il avait un but pour avancer, une tâche que je rendrais particulièrement ardu, cela jusqu'à ce qu'elle me serve, une belle mort non ?

~ Toi ne te fou pas de moi, de monstre, tu n'es que l'illusion, moi je suis réelle, la différence éternelle entre toi et moi.

Je le voyais comme un monstre et sentais autour de moi une aura des plus macabre, elle faisait vibrer mon âme malsaine, réveillait les vieux démons d'un passé qui se voulait enterrer, ce n'était de toute évidence pas le cas. Un jeu de l'intimidation ? Amusant à souhait, une aura noirci me recouvrait moi, une liquide sombre et étrange qui reflétait toute lumière sur lui créant une tapisserie étrange dans laquelle je disparaissais. De monstre à monstre. De mon cou naissait ce dernier qui bientôt me faisait aussi grande que la hauteur de la pièce, des tentacules plantées au sol, deux, trois autres s'agitant comme des serpents qui subitement sortaient les crocs dans un tranchant. Bras et jambes croisés, sereine, on ne voyait plus mes traits sous cette couverture, il aurait vu sinon ce regard prenant qui voulait le dépouiller pour avoir ôsé, voilà ce qu'il aurait à tuer, la différence aujourd'hui ? Le respect que j'avais... Sans quoi...

~ Il va mourir de mes mains, c'est une garanti, alors commence à grandir pour parvenir à ma fin... Un aperçu du chemin à faire te dit ?

Une tentacule éclatait le bar jusqu'à profondément le sol en s'abattant juste à côté du jeune homme, on avait deux choix pour finir ça... Je tranchais pour lui, maintenant il savait à quoi il s'attendrait, un cadeau qu'il ne croit pas.

~ Au moins les choses pour nous sont claires maintenant non ? Commence tes deuils.

Je sentais un courant d'air sur mon visage faisant voler mes cheveux en me laissant glisser à nouveau au sol et atterrir avec tact. J'étais redevenu normale.

Spoiler:

Une étreinte, je me laissais faire, un goût d'adieu, encore une fois l'échec, encore que... Mes bras aussi l'avaient serrés un instant, pas comme si je ne comprenais pas, j'avais la même flamme au fond du cœur qui m'animait, silencieuse, mais je n'en pensais pas moins, pour vu que ça lui réussisse. Pour une fois faire preuve de patience m'avait servi, il avait l'intelligence de savoir quand s'arrêter et un fin rictus au bord de mes lèvres marquait mon appréciation, un adieu et combien même ça me semblait dérangeant, je gardais l'allure fière.

Il s'éloignait et je ne disais rien, combien même mes lèvres avaient bougé pour faire un son, aucun, pourtant plus les pas se succédaient et plus je sentais que c'était le moment ou jamais. Mais que dire ? Le retenir pourquoi ? Je n'avais rien de bon à lui offrir, rien de ce qu'il pourrait désirer, mais si Kiri n'avait rien pour lui, le monde serait-il différent, mes bras se croisaient, il me contemplait et moi je faisais de même, un visage neutre les premiers instants.

~ Les fleurs fanent une fois couper de leur racine Demon, on les remplace et elles sont souvent mises à l'eau avant de poser leurs graines. A bientôt morveux, sache que, ma porte ne sera jamais fermée pour toi, ou que tu sois, quoi tu fasses, je saurais comprendre.

Peut-être que prendre l'air lui ferait du bien et ce sourire si étiré cachait un déchirement, je devais me soumettre à l'idée de le laisser se débrouiller seul. Néanmoins, quelques pas et mon bras s'accrochait au sien pour l'escorter vers la sortie, non ce n'était pas fini, pas tout à fait encore.

~ Tu sais, qu'importe la place que tu donnes aux gens, il y a une vérité que j'ai apprise à mes dépends, quoi qu'il arrive, ils t'y laisseront un vide en disparaissant, ta chance à toi, ton deuil sera fait avant ma mort prochaine.

La porte et un geste de la main pour éloigner les oreilles qui avaient été trop curieuses, des amis, des frères même qui grimaçaient, mais ne faisaient pas de commentaire, il venait d'avouer à demi-mot sa désertion à la chef du Misuto tout de même... Qu'importe, ce n'était pas à elle heureusement pour lui qu'il avait eu affaire, mais à la femme de son mentor, à ce propos, alors que nous entamions un bout de la rue, je me devais de l'informer lui, plus que n'importe qui d'autre.

~ J'étais sincère Demon, je ne peux pas laisser Tenzö dans cette cage à Konoha, ni même une quelconque maladie le prendre dans le déshonneur, j'irais le retrouver, d'une façon ou l'autre et je prendrais sa vie. Tu as le droit de m'en vouloir pour ça et de me le faire payer, en aucun cas tu ne sauras m'arrêter pourtant.

Sourire en coin, je venais de le lâcher au croisement, dernier regard perçant, air espiègle, qu'il garde ma vraie image jusqu'à la revoyure. Un geste de la main pour salut et me voilà talon tourné et subitement une moue contrariée à l'abri de son regard, une sensation qui tiraillait : l'échec.

Encore...