Namiko avait oublié les réunions. Bien qu'il ne faille pas à son devoir de gradé, ce n'était pas un fanatique des discussions à tout bout de champ sur tout et n'importe quoi. Peu bavard, le shinobi s'était contenté d'écouter. Déjà, après cinq années d'absence, il remarqua qu'il y avait pas mal de nouvelles têtes. D'ailleurs, l'inverse marchait aussi, beaucoup avaient remarqué sa présence. En temps normal, l'eisei-nin ne passait déjà pas aperçu avec son style et son accoutrement atypique. Mais là, un ninja qui sort de nul part dans une réunion de gradé, c'était anormal.
Kuroishi s'était contenté d'écouter les divers intervenants. Cela lui permettait aussi de se mettre un peu à jour concernant les affaires du village. Cinq années d'absence ça ne se rattrapait pas en quelques jours. Le principal sujet de conversation portait sur la bataille qui venait de se dérouler au pays de la Neige. A priori, ce n'était qu'une partie de la guerre car celle-ci était loin d'être terminée. Le médecin n'était pas encore tout à fait rétabli, mais le Raikage lui avait déjà indiqué qu'il comptait sur lui pour les prochaines échéances. Namiko avait plus d'expérience que la plupart des shinobis présents à la réunion. Plusieurs fois il avait protégé Kumo, que ce soit dans le village ou en dehors. Malheureusement, beaucoup de ses anciens coéquipiers avaient disparus, la vie d'un shinobi ne tenait qu'à un fil. D'ailleurs, si lui même n'avait pas été médecin et par conséquent un expert de la survie, il aurait sans doute connu le même sort qu'eux. A présent, une nouvelle épreuve s'avançait devant lui. Et comme à son habitude, il ne laisserait rien ni personne toucher à un cheveux d'un kumojin.

Pendant une bonne partie de la réunion, Namiko n'avait pu s'empêcher de remarquer qu'un des spectateurs le reluquait avec insistance. Celui-ci était resté silencieux jusque-là. Le jeune homme avait un style assez courant dans le monde shinobi. Un kimono foncé, tout simplement. Physiquement, il ressemblait un peu au médecin, mais dans une optique moins sombre, les piercings en moins. Le jônin ne put s'empêcher de sourire intérieurement, cela l'amusait toujours quand quelqu'un s'attardait sur son apparence. Kuroishi ne l'avait pas encore rencontré, il faut dire que depuis son retour il n'avait pas rencontré beaucoup de monde. Il passait beaucoup de temps avec sa famille, et l’hôpital. Il n'était pas encore en mesure de partir en mission mais ses connaissances étaient restés intactes, la présence d'un ancien chef eisei-nin était toujours appréciable auprès du personnel.

La réunion se termina. Namiko ne comptait pas spécialement faire de vieux os ici étant donné qu'il ne connaissait personne. Tandis que certains commencèrent à discuter en comité restreint, le jônin commença à quitter la pièce lorsque quelqu'un l'interpella. C'était le shinobi qui l'avait observé avec attention juste avant. Déjà, celui-ci le vouvoyait, c'était plutôt étrange. Mais ce qui marqua le plus le médecin, c'était son nom. Un Seki. Il n'avait pas rencontré de Seki depuis Raiken. Et surtout, peu savaient l'héritage qu'il lui avait laissé. Le dénommé Zennosuke lui proposait un verre, dans un bar, afin de faire connaissance. Namiko n'était pas contre, après tout il recommençait un peu une nouvelle vie sociale à Kumo. A première vue, il ne savait pas trop comment prendre son invitation. Autant il n'aimait pas les gens directs, autant sa formulation était très distinguée. Le médecin approuva de la tête.

- J'accepte ton offre, collègue. Cela fait longtemps que je n'ai pas bu un verre. A ce moment, sa phrase n'avait un sens que seul lui pouvait comprendre.

Rapidement, ils quittèrent les lieux pour rejoindre un bar non loin. Celui-ci était également le QG de plusieurs ninjas de Kumo, pas très glorieux. Bien qu'il soit remarquable, Namiko n'aimait pas se faire remarquer. Ainsi, il prit une table isolée en faisant signe au serveur en passant. Il scruta rapidement les personnes présentes. Le lieu n'était pas très fréquenté à cette-heure-ci, tant mieux. Jusqu'à maintenant, il n'avait pas encore dit un mot. Son hôte le suivit et prit place avec lui.

- Mon nom est Ryukuu Namiko. C'est normal que tu ne m'ais pas vu, j'étais, on va dire absent pendant ces cinq dernières années. Une petit rire jaune s'échappa de sa bouche. Au passage, l'eisei-nin ne s'était pas embêté, il le tutoya directement. Hormis avec le Raikage, il met tout le monde sur le même plan. Lorsque j'étais en fonction je n'ai pas souvenir de t'avoir croisé également, tu es promu depuis peu non ? D'ailleurs, tu es un Seki ? J'ai bien connu un membre de ta famille. Si je te dis qu'il est probablement le plus puissant Seki qui ait existé, je pense que tu vois à qui je fais allusion.

Namiko avait mis les pieds dans le plat. Quand il était rentré au village, il savait déjà que ce sujet serait sensible. Là, il avait un Seki sous la main, c'était le moment de tester la température. Raiken avait déserté le village, c'est la version que tout le monde connaissait. Mais Namiko le connaissait trop bien pour savoir qu'il y avait une raison à cela. Les deux garçons avaient des caractères très différents, mais une seule chose les avaient rapprochés : leur dévotion pour la protection de Kumo. C'était trop suspect pour que l'histoire en reste là, sans explication. A ce moment, le serveur passa.

- Je prendrais un thé.

Namiko ne fut pas vraiment surpris par la réaction et les propos de Zennosuke. La plupart des ninjas auraient réagi de façon excessive en entendant quelqu'un insulter de la sorte la mémoire d'un ami, mais le médecin n'était pas de ce genre. Sa profession et son caractère lui avaient appris à maîtriser ses émotions. Il lui arrivait très souvent de se retrouver dans des situations périlleuses et son devoir lui interdisait de céder à ce genre de comportement. Des familles comptaient souvent sur lui dans ces moments et il fallait prendre sur soi. C'était une qualité qui n'était pas donné à tous et c'est souvent ce qui faisait la différence entre un eisei-nin et un shinobi disons classique. Le jônin se contenta d'écouter sobrement son interlocuteur.

En tout cas, bien qu'il soit déserteur et ait, aux yeux de tous, jeté le déshonneur sur son clan, Zenno le connaissait. Raiken était peut-être devenu un sujet épineux, il n'en reste néanmoins un des plus puissants shinobis que Kumo ait connu. Namiko se remémora quelques moments passés à ses cotés. Leur rencontre à l'académie où il vit en lui un ninja au potentiel exceptionnel. La première mission qu'ils effectuèrent en duo sur la place du marché. Une bande vagabonds orphelins qui volaient un marchand d'oranges à l'aide d'un singe qu'ils avaient dressé et que le Seki, par sa bonté, avait décidé d'aider. Jusqu'à leur point d'orgue, la destruction du culte de Mishirame. C'est à ce moment, que mené par le légendaire Yashira Mugen, ils firent leur entrée dans la cour des grands. Une mission de longue durée qui les poussa dans leurs retranchements, tant au niveau de leurs capacités de shinobi que de leurs qualités humaines. Et enfin, ce fameux don qu'il lui avait fait. Malheureusement, Namiko fut kidnappé avant sa désertion et ne put rien faire pour contrer cela.

Cependant, même Raiken était un déserteur aux yeux du village. Namiko trouvait certains propos de Zenno ridicules. Autant il pouvait ressentir de la colère à cause des conséquences de son départ, autant vivre dans le déni en refusant de dire qu'il fut le plus puissant de son clan c'était enfantin. D'ailleurs, le médecin trouvait étonnant qu'aucun membre de sa famille eut des doutes sur les raisons de son acte. Toute personne qui connaissait bien le bonhomme aurait eu la même impression que Namiko. Un goût amer. Une enquête bâclée. Peut-être était-il plus simple d'en faire un monstre plutôt de lutter face à l'opinion publique ? Si c'était le cas, l'honneur des Seki n'était qu'illusion. A ce propos, Zenno insistait beaucoup sur l'image, le nom et la stature de son clan. Un point qui dérangeait souvent l'eisei-nin. Sous couvert d'un code idyllique à suivre, il arrivait souvent aux clans d'agir stupidement selon lui.
Le Seki ne semblait pas aussi borné qu'il en avait l'air puisqu'en fin de compte, il demanda au soigneur ce qu'il savait.

- Raiken était un jeune homme bon, parfois impulsif car il voulait trop bien faire. Il avait le coeur sur la main et il n'avait d'yeux que pour la grandeur de Kumo. Voilà pourquoi je suis sceptique sur les conclusions de sa désertion. Contrairement à ceux qui parlent, je le connaissais. Je n'ai pas la réponse concernant ses agissements, mais si j'avais pu faire quelque chose, il m'aurait peut-être écouté. Il devait probablement avoir une idée en tête, peut-être un danger dont il n'a voulu parler à personne. Namiko avait donné quelques pistes. Il ne s'était pas trop étendu car il était assez intelligent pour comprendre qu'il n'allait pas le convaincre en quelques minutes.

Le jeune homme tourna la cuillère au fond de sa tasse. Une effluve vaporeuse s'échappait de celle-ci. Il approcha l'objet de sa bouche et souffla un peu avant d'en boire une gorgée. Le liquide brûlant parcourra sa gorge et lui fit faire une légère grimace. Il reporta son attention sur Zennosuke.

- Je ressens un chakra intéressant se dégageant de toi. Namiko commença à parler à de mi-mot de son héritage Tu sembles être un shinobi haut gradé également. J'avais une équipe avant, tu as une équipe ? Quoiqu'en ces temps de guerre, tu dois surement être envoyé ailleurs. De par son expérience, le médecin en savait quelque chose sur la vie d'un shinobi en temps de guerre...

Zennosuke semblait avoir compris son message. Le jeune médecin était curieux de voir la réaction d'un Seki en apprenant que lui aussi pouvait matérialiser son chakra. Namiko but une gorgée de son thé. Puis, il regarda son nouvel ami en souriant. Là, il dévoila la paume de sa main et démontra son don. Le fluide blanchâtre commença à quitter ses pores pour monter lentement vers le haut. Cela ressemblait à de la fumée. De la fumée sans feu. Pendant quelques secondes, il s'amusa à le tortiller pour lui indiquer que ce n'était pas une simple technique qu'il avait développé. Autour d'eux, quelques clients du bar regardaient l'eisei-nin qui, pour une fois, se montrait un peu en spectacle. Ce n'était pas dans ses habitudes de faire cela mais au moins il n'y avait aucun doute pour Zennosuke.

- Je fais bien plus que le ressentir. Raiken m'a fait le cadeau le plus précieux qu'un Seki puisse faire. Tout comme toi, je peux matérialiser mon chakra. Grâce à des recherches poussées en médecine j'ai pu copier le gêne qui vous confère ce mystérieux pouvoir. D'un coup il ravala son chakra et regarda Zennosuke. Mais rassure-toi, je suis le seul dans ce cas, et pour honorer la mémoire de Raiken, je serais le dernier.

Les propos de Namiko étaient clairs. La science avait des possibilités infinies, et s'il l'avait souhaité il aurait pu propager ce don. Pire, si Kuroishi avait eu un mauvais fond, il aurait très bien pu commercialiser son savoir. Nul doute qu'un don comme celui-ci devait se vendre à prix d'or sur le marché noir. Le pouvoir des Seki était connu dans le monde entier et beaucoup de nukenins seraient prêt à tout pour détenir leur talent. Néanmoins, ce n'était pas dans les intentions du jônin. Ce bien était le sien et ce serait bafoué leur amitié que de trahir sa confiance. Le kumojin était un homme d'honneur.
Zennosuke avait, comme le médecin s'en doutait, une équipe de jeunes shinobis. C'était le meilleur moyen de transmettre le savoir. C'était une tâche que Namiko prenait au sérieux. D'ailleurs le Seki avait l'air de penser la même chose. Tout comme lui autrefois, il avait une garçon et une fille. Mais comme Kuroishi le pensait, l'ordre du jour, c'était la guerre !

- Non je n'ai pas encore récupéré tous mes moyens. Là où j'étais, j'ai eu vent des événements concernant la guerre. Le Raikage m'a indiqué qu'il comptait sur moi, mais pas pour le moment. Un médecin en méforme ne sert à rien sur le champ de bataille. Je dois me préserver pour la prochaine échéance. Le front me manque. Il rigola un peu. Peut-être nous battrons-nous côte à côte ? Par contre pour l'équipe nous avons à peine aborder le sujet. Avant mon absence, je venais d'avoir une équipe. Malheureusement je n'ai pas eu le temps de leur enseigner beaucoup de choses. J'ai appris en revenant qu'ils avaient disparus. Il marqua un petit silence. Mais je suis prêt à apporter mon expérience, dès que je serais sur pied. En temps de guerre, il faut former nos jeunes genins.