Grande étendue de terre, parsemée de nombreuses rivières et d’un climat tempéré, on eut pu espérer que le Pays des Rivières avait bâti sa réputation sur ses paysages, et l’inspiration que cela donnait aux peintres romantiques et expressionnistes. Situé entre le Pays du Feu et le Pays du Vent, cette terre insouciante aurait dû s’embraser pour disparaître sous les conquêtes et les combats de coq. De tout cela, il n’en était rien. De façon tout à fait étrange, Kawa n’avait rien gardé de ses intérêts : ce pays était une puissance indépendante et sans grande menace, ce qui rendait son autonomie complètement inutile ; et ses paysages ne pouvaient cacher ce qu’elle était devenue. Une terre abritant tout gabarit de cancrelats et de nuisibles, sans parler des nombreux commerces illégaux que cela avait poussé. Vente illicite de produits dangereux, marché noir, prostitution. Ces lieux étaient d’une misère sans pareil, à tel point qu’un littéraire eut présenté le Pays des Rivières comme la représentation du monde : en ville, on est en enfer, avec tous les vices qui pullulent ces bâtisses ; en campagne, on est au paradis, avec l’espoir de profiter de cette paix naturel sans être dérangé … .

Envoyé en mission par équipe, Kyu Shord et Kakeshuou Samui avaient fait un long voyage pour se rendre sur place. La mission qui les y conduisait était de taille : mettre à bas un réseau de prostitution qui menaçait de s’étendre sur plusieurs nations, et qui était déjà fermement implanté sur le Pays des Rivières. De quoi pleurer. Ou être ivre de rage ; car notre Lion des Neiges n’avait pas démordu de ses opinions politiques sur les changements récents au cœur de son village d’origine.
Il avait bien vu que les choses changeaient. La prostitution, communément appelé « le plus vieux métier du monde », était un fléau qui nous frappait tous et partout. Aucune chance de pouvoir lutter contre une endémie aussi virulente et sans véritable système de frein. Mais le pire dans cette histoire, c’était le soudain virage à 3000° que venaient de prendre certaines autorités, Kirigakure no Sato en tête ! Légaliser la prostitution ! Pour « mieux la contrôler », d’après les responsables ! Mon cul en forme de patte papillote, oui !! Tout cela générait surtout un intéressant profit sur lequel les hautes strates voulaient mettre la main ! De grandes chances également que cela permette des accès moins clandestins pour certains hauts dignitaires jouant jusqu’à présent avec leur réputation s’ils se faisaient prendre ! La légalité entraînait donc ce que l’on pouvait craindre de plus sournois : augmentation en flèche, conditions déplorables pour ces esclaves du sexe, et regard aveugle de la part des autorités. Pour cela, Kakeshuou Samui comptait bien un jour faire rendre gorge à ceux qui avaient choisi une telle ignominie … .

Une fois arrivés sur place, nos deux compères s’étaient séparés. Afin de se renseigner, certes. Mais aussi pour passer inaperçu et se fondre progressivement dans la masse. Il faudrait à un moment infiltrer ce trafic pour mieux le détruire de l’intérieur. Le vieux schnock avait déjà fait ça, une fois : avec un serpent géant … . Je vous passe les détails.
Après plusieurs heures, le duo avait repris son unité, chacun ayant choisi un accoutrement qui lui paraissait plus prometteur et agréable. De son côté, Kakeshuou avait opté pour une tunique sombre, teintée de bandes blanches aux bouts des manches et des plis, le tout accompagné d’un effet cape en gros accompagné de symboles anciens et stylisés. Le tout avec un sugegasa sur la tête. Pour un ensemble le faisant passer pour un homme important, voire un seigneur de terres féodal. Idéal pour se faire passer comme client dans un premier temps. Et, à constater du déguisement de son partenaire, nos deux hommes paraissaient sur la même longueur d’onde. Quant à son nom … nous verrons bien plus tard, ce n’est pas la priorité.

Shord avait entamé la mission, et émettait quelques hypothèses. Loin d’être idiotes. Mais qui montrait une certaine absence des faits du monde. De son côté, durant le temps écoulé entre leurs séparations et leurs retrouvailles, le vieux briscard avait profité de sa visite pour également avoir recours à sa paire d’yeux. Et il avait déjà remarqué certains éléments qui, clairement, ne rentraient pas dans le tableau. Shord avait réservé une chambre à l’hôtel et proposait d’attendre la nuit. Pas bête ; mais une perte de temps. D’une légère tape sur le bas de la manche gauche, Kakeshuou coupait court à toute discussion et initiait un signe de tête discret en direction d’une ruelle, certes à l’écart de l’avenue, mais toujours fréquentée.
De là, un homme d’une corpulence assez épaisse pour se confondre avec celle d’un hippopotame fit son entrée et se déplaça la bedaine, non sans difficulté, pour arpenter la ruelle. Sans vraiment d’esclaffer ou prétendre à quoi que ce soit, son sourire était assez évident pour montrer qu’il était en attente de quelque chose et qu’il savait qu’ici, il obtiendrait satisfaction. Les mains d’abord repliées sur son ventre de gros balourd, il laissa sa main droite tomber sur ses hanches et continua sa ronde. Une petite main frêle s’abrita dans sa paume grasse, et l’enfant qui devint soudain son accompagnateur emboîta le pas, sans demander son reste. Résultat = un sourire d’autant plus large et pervers sur les lèvres de ce gros porc !

~ J’ai observé cette manœuvre depuis notre arrivée. Visiblement, pour certains clients réguliers, le simple fait de passer dans la rue permet d’avoir accès aux services décris … . Il faut croire que la prostitution infantile est tellement répandue qu’elle n’a plus besoin de se cacher, désormais … .

Les deux hommes ne pouvaient faire grand-chose, si ce n’est observer en silence ce spectacle de l’horreur. Allez savoir ce qu’allait faire ce maudit vicelard ! Nul doute que ce n’était pas la première fois ! Et certainement pas la dernière ! Mais que pouvaient faire les deux chargés de mission ? Leur but était d’infiltrer le mouvement, pas de punir chaque violeur pédophile récidiviste ! Cette mission allait être des plus compliquées … .
Le regard, habituellement froid de notre homme des Glaces, était cette fois-ci davantage teinté de dégoût et de tristesse. Sans quitter cette image des yeux, il interrogeait son compagnon d’arme.

~ On les suit … on intervient … ? C’est toi qui dirige cette équipe … .

Le responsable de mission exposait l’idée. Qui n’était pas mauvaise. Ne risquait-on pas de mettre trop de temps ? Après tout, il est vrai que rien ne limitait cette mission dans la durée, mais s’il fallait consacrer davantage de temps à cela, les enfants continueraient à subir les mêmes atrocités pendant plusieurs jours, plus qui sait ! Dans ce genre de situation, notre quinquagénaire tendait plutôt sur l’affirmation par la force. On rentre dans le tas, on frappe tout le monde et il en ressortira bien quelque chose. Mais Kakeshuou était bien conscient que cela ne pouvait marcher. Lorsque l’on craint pour son business, on sort de sa tanière toutes griffes dehors et on défend fièrement son terrain de chasse naturel ! Mais lorsque l’on était appuyé sur un lit d’or, profitant de nombreux appuis et de cachettes pour rester à l’abri le temps que la tempête passe. Quelques semaines plus tard, l’odieux trafic recommencerait, avec une touche de nervosité et de méchanceté en plus en raison de « l’attente » des clients.

Il n’y avait donc pas beaucoup d’issues possibles. Le plan n’était, en fin de compte, pas si mauvais. Le tout était d’y parvenir correctement. Tout d’abord, accepter certaines conditions qui n’étaient pas nécessairement à son goût. Un allié indétectable ? Pourquoi pas … . A enlever dès la mission finie ! Et si ce n’était pas le cas, shampoing pour noyer la bestiole ! Notre ami du Clan Samui avait déjà une sainte horreur de ce genre de bestiole, il ne tenait pas à la garder plus longtemps que nécessaire. Ensuite, suivre la cible … certes ! Mais il faudrait procéder minutieusement. De toute évidence, nos compères étaient de parfaits étrangers dans le secteur ! Il serait difficile de passer inaperçu si deux inconnus se frayaient un chemin de la sorte, avec une allure suspecte dès le premier abord.
Posant une main sur le torse de son partenaire, Kakeshuou faisait comprendre à son ami qu’il s’occuperait de la première étape.

~ Suis moi à distance avec ton araignée. Ensemble, nous serions repérés immédiatement … .

Et sur ces mots, le Chûnin de Kiri laissait ses pas le guider au milieu de la foule. Slalomant entre les passants, évitant les marchands, notre homme gardait une attitude posée, sans chercher à faire de vague ou à marquer sa présence. Restant discret, observant les environs tel un touriste, l’ancien n’en perdait pour autant pas de vue le duo obscène qui progressait dans la rue bondée. Conservant la main de l’enfant, notre gros lard continuait sur son avancée, l’air joyeux et disposé à se faire plaisir sur cette belle journée. Immonde porc, je te ferais rendre gorge et tu comprendras ce que la sodomie signifiait à l’aide de mon bandeau ninja ! Le goût du métal saura t’élargir les horizons, mon grand, fais-moi confiance pour cela !
La promenade se poursuivit sur une centaine de mètres. Une petite trotte, sans trop de fatigue. En tout cas, suffisamment pour le phacochère suant comme bête en chasse. Décidant de s’asseoir un instant sur un banc innocent, il fit s’asseoir le petit garçon sur ses genoux, le sourire béant et baveux. Gros dégueulasse … non mais j’hallucine. Et tout le monde laisse faire … . Dire que l’on voulait faire de ces pays une ligue indépendante. Quelle mauvaise blague, quand on voit comment se développe l’économie des pays concernés !

Détournant le regard, le Lion des Neiges camouflé portait son « intérêt » sur un étoffe sur un étalage. Ce n’était pas du mauvais produit, mais il n’était guère là pour ça. Et le discours aguicheur du patron n’eut aucun impact sur son activité réelle. Un pan de tissu de sa tunique semblait d’un coup tiré vers le bas ! Un passant qui voulait lui demander le chemin, ou un chieur qui cherchait la bagarre ?! Posant un regard inquiétant sur l’individu qui venait le déranger en pleine occupation, notre vieux briscard était sur le point de lui coller une claque. Mais le regard inquiet de l’enfant retint son geste, et notre homme resta dubitatif. Était-ce pour ce fameux commerce, que l’enfant l’avait accosté ? Il pensait donc que ce grand personnage était un client … ?
Prenant la main de l’enfant, sans dire mot, Kakeshuou Samui reporte son regard sur le client visé. Il vient de reprendre sa route. Avec cet enfant à la main, le Shinobi de Kiri n’aura aucun mal à se faire passer pour un de ces trop nombreux pervers désaxés. Et dans un profond mutisme, les quatre protagonistes avancent.

Ce dessin pour le moins pittoresque finit à l’entrée d’un motel. Grimpant les escaliers avec une force insoupçonnée dans ce tas de graisse, le client semblait peu à peu pousser le gamin, incitant ce dernier à faire les derniers pas et à se rendre directement dans une chambre, certainement payée d’avance et sans histoire. De son côté, Kakeshuou Samui était resté à l’entrée des lieux, afin d’observer les us et coutumes. Ce n’était pas une fois dans l’antre de la bête qu’il fallait se faire repérer par une question de manque d’habitude. Shord le suivait-il toujours ? Espérons-le. Car si les choses tournent mal, il faudra un soutien d’urgence pour se tirer de ce mauvais pas.

~ Suis moi mais ne fais pas de bruits …

Espérant établir une sorte de complicité avec son accompagnateur mineur, le vétéran se hissait sur les marches menant à l’étage, et prenait position près de la porte empruntée par la cible. Resté ici, sur cette balustrade, n’était pas la meilleure façon de rester discret ; mais étant donné la mentalité des gens ici présents, nul doute que personne ne viendrait lui faire grief de ses tendances sexuelles … .
Des bruits plus pressants et plus secs, voire même des ordres. Il était certainement temps d’intervenir !

~ Bon, c’est parti !

La porte s’ouvrit sèchement, pour dévoiler un spectacle que nous ne décrirons pas ici. L’enfant n’était pas encore soumis aux sévices, mais les marques sur son corps en disaient long sur le parcours qu’il avait du suivre jusqu’à ce jour. Le gros tas n’eut pas le temps de se remettre de sa frayeur. L’instant d’après, une main géante se saisissait de son visage immonde, et sa face horrible de gela comme les couilles d’un nudiste sur la banquise. Pétrifié dans une grimace sans nom, le gros balourd retomba lourdement au sol, laissant Kakeshuou avec les deux gamins.

~ Calme-toi, je ne te ferais rien. Tu vas parler avec quelqu’un, rien de plus … .

Ayant neutralisé le premier danger, notre homme avait procédé à une inspection de la chambre, pendant que son collègue entrait en action. Il devait s’assurer que ces lieux ne dépendaient pas du trafic. Après tout, il pouvait y avoir des caméras, ou des « murs vides », ces cloisons cachées qui permettaient de dissimuler des secrets. Toquant contre les parois, à la recherche d’un défaut, d’une mauvaise surprise, notre quinquagénaire prenait en compte tous les éléments qui pouvaient lui paraître suspects. Se rendant dans la salle de bain, il alla jusqu’à briser le miroir, pour vérifier que ce n’était pas un sans tain. Mais tout semblait normal. Restait une autre possibilité : qu’ils soient suivis, pour une simple question de contrôle de la marchandise. On ne pouvait se permettre que l’enfant soit sacrifié, tant qu’il représentait une source de revenus. C’était la logique la plus complète du proxénète ; sur laquelle on pouvait mettre à égale valeur l’idéologie d’un usurier : on peut abîmer un client, mais on ne le tue pas, sous peine qu’il ne rembourse pas ses dettes … .

Mais la présence de Shord était suffisante. Si ce dernier n’avait rien repéré, il n’y avait rien à craindre. De retour dans la pièce principale, Kakeshuou Samui portait son regard sur le jeune garçon paralysé, puis sur sa cible désormais givrée. Sale cochon ! Nous verrons ce que nous faisons de toi la prochaine fois. Mais crois-moi, cela m’étonnerait que tu puisses introduire quoi que ce soit … où que ce soit ! Cà, c’est un engagement personnel, dans lequel je mettrais tous les moyens possibles et à ma disposition. Revenons à l’essentiel. Le premier enfant victime de maltraitance était sous la surveillance et l’examen de Kyu Shord, pendant que le deuxième enfant restait sur le pas de la porte. L’air agacé, notre vieux bourru saisit le bras de l’enfant et le tira à l’intérieur, avant de fermer la porte de façon sèche, sans la claquer. Ne nous faisons pas remarquer ; attirer l’attention ne ferait gagner aucun point.
Le garçon qui avait abordé notre vieux Chûnin dans la rue se plaça contre un mur et n’en bougea plus. Il eut un mouvement de stupeur et d’effroi en observant la tête du misérable individu pris dans l’iceberg. Il n’avait probablement jamais vu cela. Mais qu’avait-il bien pu voir dans sa pitoyable existence … . Certainement ce que certains adultes n’avaient jamais vu auparavant ; et même beaucoup trop. Restant de marbre, Kakeshuou Samui ne pouvait s’empêcher d’avoir un sentiment de pitié pour cet être dont la vie était déjà perdue.

Devant les recommandations de son chef d’équipe, le soldat de l’ombre resta impassible. Il réfléchissait de son côté : était-ce vraiment une bonne idée ? Après tout, tellement de facteurs étaient encore inconnus. Il devait important de maîtriser les rares éléments en possession de l’équipe de choc. Accompagner ces enfants à l’hôtel ? En soi, c’était trop difficile. L’homme accompagné d’un enfant réapparaîtrait avec deux ? Dont l’un qui n’était pas avec son client habituel ? Et si les membres du cartel réalisaient cette faute ? Qu’est ce qui était vraiment en jeu ici, la survie de ces enfants et leur confort, ou la réussite de la mission ? Pour notre homme, la réponse était – naturellement – la seconde option. Après tout, il était soldat. Il se devait d’exécuter les ordres. Des sentiments ? Il en avait, assurément. Mais sa responsabilité ici était de placer des priorités. Et dans cette pièce sordide, il avait pris une décision. Peu importe le nombre d’enfants qu’il faudrait laisser souffrir, c’était dans l’intérêt d’un plus grand nombre, une fois que le pays serait débarrassé de ce commerce immonde.

Non. En l’occurrence, il fallait rester uni. Ces deux enfants seraient certainement un poids, mais il allait falloir vivre avec. Pour l’instant, notre groupe ne pouvait se séparer. Et, autant être honnête, Kakeshuou Samui ne tenait pas à être mis à l’écart, pour une simple raison de baby-sitting.

~ Je ne peux pas faire ça. Les enfants sont certainement contrôlés d’une façon ou d’une autre. Si je les emmène, ca va faire du remue-ménage. Et on ne peut pas se permettre de tirer la sonnette d’alarme maintenant, alors que nous n’avons rien … . On va devoir rester ici un instant … .

En discutant, il avait tendu la main vers le premier enfant déjà malmené. Il avait délicatement ramené cet enfant au deuxième, et l’avait fait asseoir à côté. Un regard rassurant (faux, bien évidemment !). Et une pression rapide et efficace au centre de la nuque, sur le flanc. D’abord choqués, les deux bambins tombèrent dans les vappes, et s’étalèrent l’un sur l’autre, sans bruit. Se relevant, le regard froid et sévère de notre Chûnin était revenu à ses bonnes habitudes. Il portait son attention sur le responsable de la mission.

~ Et je ne suis pas nounou … . On a une affaire à régler, ici. Pour l’instant, il n’y a pas besoin de sortir d’ici … .

Dans cette affirmation, notre homme avait rejoint la porte. Un simple tour, et le verrou assurait maintenant la tranquillité et l’incognito pour le temps nécessaire à la suite des opérations. Ils avaient des informations à obtenir ! Et il était hors de question de perdre du temps.
Après avoir assuré leurs arrières, Kakeshuou Samui retourna vers la cible prioritaire de cette journée. Apposant sa main sur la boule de glace, un flux délicat de chakra vint caresser la surface. Peu à peu, la glace perdit de sa solidité et de sa force, s’égouttant peu à peu. Le visage retrouvait des couleurs, et des tremblements agitaient maintenant l’homme. Lui collant une claque sans ménagement, le vétéran se redressa et se dirigea vers la fenêtre la plus proche.

~ Fais parler cette merde. Je m’assure que l’hôtel n’est pas sous surveillance … .

Ayant à disposition du temps et de l’espace, notre homme se laissait porter au gré de la réflexion. Autant profiter de cet instant, rien ne pouvait garantir de la suite. Et de son côté, Kakeshuou Samui avait bien l’intention de prendre tout le temps nécessaire pour résoudre cette histoire. On ne pouvait tolérer qu’un enfant soit soumis à un tel calvaire et laisser de côté ces faits comme négligeables pour passer à l’étape suivante. Ainsi, lorsque le gros tas fut livré à ses soins, le Lion des Neiges n’en fit cure pour rien au monde : les promesses de torture ne tenaient pas de son engagement personnel. Réglons la question de façon simple : un mouvement ample et léger en direction de la nuque du gros porc, et la cicatrice enfla, s’ouvrit pleinement et laissa le sang s’échapper comme une vague souhaitant s’écraser sur la plage. Convulsant pendant quelques secondes, plaçant machinalement ses mains sur sa gorge épaisse, mais il n’y avait rien à faire : le cadavre resterait là jusqu’à ce qu’une malheureuse femme de chambre tombe – encore une fois ! – sur sa mortelle et lugubre dépouille. A vrai dire, qu’y a-t-il de plus à plaindre ? Le cadavre, … ou CE cadavre ? Passons, ce n’était pas la première préoccupation du Chûnin.

Restait à voir quoi faire des enfants. On ne pouvait les renvoyer dans le système. Maintenant qu’ils étaient endormis, le mieux était peut-être de les laisser là ? Autant ne pas prendre de risque. Une fois sortis, la porte serait verrouillée et les gamins prisonniers. Le sale pervers fut mis dans un placard, en espérant que les merdeux n’iraient pas tuer le temps en jouant à cache-cache. On avait maintenant champ libre pour l’étape qui suivait.
Camouflé sous ce déguisement d’enfant prostitué, Kyu Shord espérait certainement infiltrer les lieux de façon plus sereine. Serait-ce aussi simple ? Pourquoi ne pas tenter l’expérience. Mais il fallait éviter que tout cela ne dérape. Trouvons donc un moyen pour que le chef d’équipe soit intercepté et emmené par les hommes de service plutôt qu’il ne retourne sur le chemin de la clientèle. Après tout, le regarder être réservé et attrapé par un client au ventre grassouillet pouvait être comique ; mais il est des sujets sur lesquels on ne peut se permettre de rire.

~ Élaborons un plan simple. Nous retournons à la « rue marchande ». Je fais clairement comprendre que je reviendrai te chercher : cela paraîtra suspect pour les gardiens des lieux de ne pas voir l’enfant revenir avec le client habituel. Ils me feront suivre, et de ton côté, ils voudront t’interroger en tant qu’enfant. On en profite pour les neutraliser et obtenir plus d’informations. Je vais dépêcher un clone pour observer cette fameuse boîte aux lettres. Peut-être pourra-t-il remonter la pyramide de son côté … .

Un hochement de tête des deux côtés, et une main sur la poignée de porte. C’est parti. Le duo nouvellement composé repart du motel, après avoir indiqué à l’hôtelier que la chambre restait réservée et occupée ; et que quiconque oserait pénétrer verrait ses couilles sur la proue d’un navire en partance pour le Pays de la Neige accompagnées de la tête de l’hôtelier. De quoi persuader et laisser les bambins tranquilles. Une fois cela fait, les deux personnages prenaient leur envol pour arpenter ces lieux sinistres, où régnaient débauche et perversion. Mon Dieu que d’infamie en ce bas monde. Comment font les religieux pour concilier pratiques rituelles et observation d’un monde en déroute ? Enfin, il faut croire que les heureux sont aveugles … .
Retrouvant la malheureuse place de standing du gamin, Kakeshuou poussa rapidement son compagnon sous Henge et dit suffisamment fort qu’il reviendra le tirer de là sous peu. Assez pour que certains regards se portent sur lui. Parfait, le décor était en place. Sur ce, un œil méprisant sur la foule en train de vivre ses petites affaires, et le Chûnin d’âge bien mûr tourna les talons et prit le départ. Nul doute qu’il n’irait pas bien loin. Sans grande discrétion, une petite troupe de trois à quatre hommes observaient sa démarche, et attendait quelques secondes avant de le suivre. Ne va pas trop loin, ducon prétentieux : on va voir ce que tu veux faire avec la marchandise. Et pendant que Kakeshuou Samui quittait les lieux en ombreuse compagnie, Shord sous son apparence de bambin restait là … . Sous peu, deux hommes viendraient le chercher, lui intimant l’ordre de les suivre pour le mener ailleurs. Un plan bien réglé pour l’instant.

Ayant parcouru une cinquantaine de mètres, le Chûnin à la chevelure de Lion des Neiges avait suivi un trajet préalablement établi. Il s’agit qu’en tournant ici à droite, il serait dans une impasse : occasion rêvée pour ces hommes. Ces derniers, en voyant le quinquagénaire prendre cette rue, se réjouirent et pressèrent l’allure. Cette fois-ci, ils le tenaient. Tournant violemment, ils étaient prêts à se jeter sur lui. Mais le premier eut la surprise d’être accueilli par un genou en plus nez, le faisant voler en arrière et s’écraser la tête contre le mur voisin. Les autres sous le choc ne semblaient pas avoir le temps de réagir promptement aux premières attaques. Agitant kunaïs dans tous les sens, le vieux soldat de Kirigakure no Sato déchira les ligaments au niveau des talons des deux premières personnes à portée, afin de leur faire perdre l’équilibre. Dans leur chute, un coup de pied violent pour le premier dans le ventre l’envoya au fond de l’impasse. Le second fut ramassé et frappé assez fermement pour lui faire perdre connaissance. Mais on ne peut pas toujours s’en sortir sans heurt. Le quatrième lascar, qui avait eu l’intelligence de prendre ses distances, portait un premier pain au visage, puis un second au ventre du combattant. Kakeshuou put certes prendre un peu ses distances, mais il n’avait guère le temps : voilà une troisième droite qui se pointe et le prend au dépourvu. Cette fois-ci, l’ancien recula nettement et tomba dans un amas de cartons et boites vides. Les agresseurs se relevaient péniblement, revigorés par l’action spectaculaire de leur collègue. Ce n’était qu’un vieux, ils pourraient largement gérer cette affaire ! L’attaque surprise n’était rien ! On allait lui faire payer, à ce crouton !
Mais c’est un peu présumer de vos forces et de votre avantage, jeunes gens. Car le vieux briscard s’extirpait déjà des décombres et, bien que sali par la crasse et par les coups, il était prêt à repartir à l’assaut … .

De son côté, le clone errait dans les rues, sachant quelle direction prendre mais effectuant volontairement quelques détours. Il ne devait que repérer et suivre ; et en aucun cas se faire remarquer. Il avait déjà localisé la boîte aux lettres, mais ne tenait pas à tout saborder. Ayant d’abord l’air d’un simple passant, il décidait cette fois-ci de se poser au bar non loin, qui lui donnait pleine vue sur les activités en cours. Ayant commandé un saké, c’était le seul qu’il s’accorderait … d’autant qu’il ne le boirait probablement pas.
De sa position, il ne pouvait que constater le trafic abject et sa rentabilité. Par pitié, dites moi que cette boîte aux lettres n’est pas la bonne, ou qu’elle concerne les réclamations pour les autorités locales … . Bien trop de gens viennent y glisser des enveloppes. C’en devient à vomir, à chaque fois qu’une nouvelle silhouette s’approche furtivement du lieu pour y mettre une nouvelle liasse. Qui aurait cru que de pareils paradis sexuels pouvaient être aussi librement tolérés sur Terre … .

Mais voilà qui est plus intéressant. Fier sur son kimono, chignon en tête, et sabre aux hanches, un jeune samouraï se rapprochait vers midi des lieux, et débusque une clé. La boîte aux lettres ouverte, il récupérait son contenu, jetait un œil aux enveloppes et dissimulait le tout dans ses vêtements épais, avant de refermer le tout et de reprendre sa route. Bien. Il est temps de suivre la cible. Toujours affublé de son sugegasa, le sosie de Kakeshuou se leva discrètement, et se mêla à la foule, suivant pas à pas la route que prenait l’individu. Mène moi à ta planque : il est temps de faire avancer les choses et mettre fin à tes atrocités !

Ayant mis au pas les malfrats qui l’avaient suivi jusque dans la ruelle, le Chûnin s’était allégé de quelques poussières et traces de coups, avant de se remettre en route. Il savait que le temps était le grand problème du plan. S’il intervenait trop tard, il y avait de fortes chances qu’ils soient soit dépassés, soit que l’un d’entre eux se trouve en danger. Et il fallait à tout prix éviter cela ! Reprenant sa route, le quinquagénaire espérait bien remettre la main sur son partenaire. Mais le petit combat dans la ruelle l’avait retenu assez longtemps ! Voilà qu’il se trouvait dans une rue bondée, sans voir dans quelle direction aller ! Pariant sur un autre avantage, le Ninja se jeta vers les sommets et espérait profiter des hauteurs pour entrevoir son camarade de mission. Mais avec cette foule, quel pari insensé ! Zut, la situation commençait à être des plus compliquées !
Une légère piqure ramena le combattant à la réalité. Bien sûr, l’araignée de son partenaire ! En agissant ainsi, et malgré la distance, les deux hommes pourraient agir de concert et maintenir le cap dans cette mission délicate. Désormais, les choses allaient pouvoir s’accélérer. Il était hors de question de se débarrasser de ce déguisement : si l’homme était entraperçu par des membres de l’organisation, ils auraient du mal à mettre un terme à cet odieux trafic. En revanche, il fallait accélérer le pas. Décidant de valider la voie des airs, Kakeshuou Samui prenait son envol et parcourait les toits et les surfaces plates pour s’orienter vers l’ouest. S’il comprenait bien, son allié devait être dans cette direction. Ne restait plus qu’à être là à temps … .

De toute évidence, les festivités avaient déjà commencé lorsque le Chûnin fut enfin dans la place. Chose étrange, il paraissait clair que c’était bien son supérieur qui avait entamé les choses ! Pourquoi pas après tout … . Et puis, s’il avait agi ainsi, c’était certainement en raison de contraintes qui le poussaient à prendre les devants. Entre le risque de se faire repérer, et la nécessité d’éradiquer cet odieux trafic, les solutions possibles ne sont de toute façon pas immenses. Autant s’y mettre à fond et aller jusqu’au bout. Débarquant dans la place comme un cheveu sur la soupe, le Kirijin refermait rapidement la porte derrière lui pour ne rien laisser transparaître, et passait immédiatement à l’action. Son chef de mission était en danger, la lame de vent n’allait pas tarder à frapper ! En une fraction de seconde, l’exécution d’une technique des plus classiques chez les Samui donna naissance à un pieu de glace assez épais et long. Se plaçant sur la trajectoire, Kakeshuou bloquait le coup, et repoussait l’assaut. Passant en dessous de la garde du premier, il lui assainit un coup de poing dans les côtes, et retournait au second.

~ Cadeau, crétin !

Ayant glacé son poing droit, il y faisait apparaître des pics de glace, créant ainsi une arme plus redoutable que le poing américain ! Frappant une première fois au visage, puis une seconde fois dans le thorax, le vieux Lion des Neiges enchaînait les coups, couvrant sa glace et le sol de sang. Il ne s’arrêtait qu’après s’être assuré que l’homme était à terre. Et se retournant rapidement, il projetait son pieu de glace en direction du patron. Ce dernier tentait de prendre la fuite, mais c’était chose futile dans la situation présente. Où que tu ailles, je suis prêt à te poursuivre et à te faire vivre le calvaire que tu mérites, crois moi sur parole !! L’arme de jet alla se ficher dans le bras gauche de l’homme, le clouant au mur dans un beuglement bovin de souffrance. Hé oui, mon grand ! Dis toi que tes gamins endurent ce genre de douleur ailleurs chaque jour, et que c’est autrement plus douloureux !
Se rapprochant de l’homme, le quinquagénaire lui saisit la mâchoire, pour faire taire ses gémissements. Son acolyte de mission avait certainement fini l’autre garde du corps pendant ce temps. Mais Kakeshuou Samui ne voulait plus se demander ce qui était fait ou pas. Cette fois-ci, il en avait marre. Il s’était déjà retenu la première fois ; mais cette fois-ci, il était hors de question de faire de demi-mesure. Ces malfrats auraient la punition dûe à toute ordure de leur espèce !

~ Ferme là, connard ! Où je te jure que ce bras sera le moindre de tes soucis dans les prochaines minutes ! Tu m’entends, dis !?! menaçait le vieux briscard en lui cognant la tête contre le parpaing.
~ Oui, oui oui ! Pitié, pitié, pitié ! Je vous dirai tout, pitié ! Je ne suis qu’un homme d’affaire ! …
~ Un homme d’affaire ?!? La tête renouvela le BANG contre le mur peu à peu rougi. Je t’en foutrai du commerce ! Il reste combien de planques comme celle là ?!? Où mettez vous les gamins, et où est votre chef ! PARLE !
~ Il … Ya que deux planques ! Le local pour les gosses lors des « temps de pause », et le bureau du patron, avec la compta’ ! J’vous jure que c’est tout !
~ TA GUEULE !! OU EST LE CHEF ?! OU ?!!??
~ A l’hôtel de ville ! C’est le maire ! C’EST LUI LE CHEF DU TRAFIIIC ! hurlait le marchand de chair, terrorisé de peur.

Sous cette révélation, le membre du Clan Samui était un instant resté sous le choc. Quoi, le chef des lieux ? Celui qui dirigeait cette bourgade était le haut responsable de ce trafic d’êtres humains ? Décidément, la morale avait pris ses vacances sur la lune, et avait abandonné ce monde à la désolation et au chaos le plus total. Intérieurement, les dernières barrières qui auraient pu retenir notre ami du côté de la morale s’effondraient, le laissant libre de toute logique, pourvu qu’elles mènent à la destruction de l’ennemi et au retour à l’ordre. D’abord regardant dans le vide, ce vide fit place à une rage incommensurable. Les veines sur son front étaient sur le point d’imploser, mais ce qui n’énervait par-dessus tout, c’était ces piaillements de la part d’un homme s’étant vautré dans le stuque et la luxure, et qui ne pouvait désormais s’empêcher de brailler.
Le vétéran des guerres kiriennes se rapprocha de l’homme, le regard toujours mauvais, et questionna d’une voix un peu plus basse.

~ Où est le local pour les enfants ? Allez, réponds !
~ Il … il est … au sud de la ville, c’est un hangar désaffecté … Pitié ..
~ Merci … et voilà pour ma pitié !

Arrachant le pieu du bras de la victime, Kakeshuou Samui le poussait en avant de son pied. Le gros tas s’affalait par terre, dans un couinement de truie, alors que le sang ne cessait de couler. Mais c’était certainement le cadet de ses soucis. Car, bandant son bras, et œuvrant de toutes ses forces, le Ninja de Kiri projetait une nouvelle fois son arme de glace. Le pic perforait le tissu au lieu point nommé, rentrait dans la chair et traversait de part en part le corps du gérant. Lui offrant ainsi un aperçu de ce que ses esclaves mineurs devaient endurer jour après jour depuis longtemps. Les attributs gratifiés d’une nouvelle décoration, l’homme hurla à la mort – car c’était bien la mort qui l’attendait avec ce présent ! – et se mit à gémir péniblement, incapable de bouger. Alors qu’est ce qui te faisait le plus mal, sale porc ? Le trou de balle sanctifié ou les bourses piercingués ? Même pas la possibilité de revenir sur ton choix, ça c’est un cadeau de la vie ! Et de ton trépas en l’occurrence.
Crachant sur son dos, preuve de son infinie bonté et de son éternel mépris, le Chûnin de Kiri se tournait vers son compagnon de mission. Ils savaient désormais qui était le grand patron, et où étaient stockés les gosses. Avec un peu de chances, les choses seraient plus aisées achevées. Le tout était de savoir comment procéder.

~ Alors, que fait-on ? Tu as une stratégie en tête ?

Mais le temps de poser cette question, son esprit était déjà ailleurs. Il venait de subir un choc interne ; comme un signal d’alerte envoyé par un comparse.

Ayant suivi l’homme de la caisse pendant déjà plus de dix minutes, le clone de Kakeshuou Samui avait presque parcouru toute la ville ! Sa cible était prévoyante ! Elle n’allait pas droit au but … . Après tout, si certains essayaient de détruire le réseau, d’autres pouvaient toujours vouloir l’intégrer ou le faire chanter. Prendre ce genre de précaution était tout ce qu’il y avait de plus naturel … .
Le choc fut certainement grand quand le sosie du quinquagénaire fut face aux faits. Après de longues minutes de marche, voilà que l’individu pénètre … dans l’hôtel de ville, où se trouvent les plus hautes autorités du village !! Ils seraient donc de mèche ?! Il fallait avertir les autres le plus rapidement possible. Car on peut lutter contre l’antimonde ; mais plus difficilement lorsqu’il est aussi proche du pouvoir et de l’autorité suprême des lieux.

~ Õla, l’ami. Tu cherches à faire quelque chose ?

Pas le temps de contre-attaquer ou de réagir à temps. L’homme vêtu de vêtements sombres qui se trouvait derrière son dos plaquait une main brûlante sur sa gorge, brûlant la nuque et les cordes vocales. Avec cette grippe venue de l’Enfer, le clone ne tarda pas à montrer ses blessures … et éclata dans un petit nuage de fumée, preuve de sa destruction.
Il restait encore des adversaires de taille à vaincre dans cette bourgade … .

Maintenant que les choses étaient devenues claires, ne restait plus qu’une mission : passer à l’action et tenter de raisonner tout ce beau monde, à coup de morale dans la gueule ! Ayant traversé la ville d’une traite, comme lors d’un marathon, les deux combattants s’étaient retrouvés devant le bâtiment, et l’avaient toisé un instant. Prévoyant les différentes finalités de cette opération, le chef d’équipe avait fait appel à deux arachnides pour nous épauler. Intéressant ! Non seulement cela serait d’une grande aide pour attraper les malheureux cherchant à fuir, mais c’était aussi l’occasion de faire fuir la populace à la vue de telle horreurs. Double intérêt, super ! Passons à la suite des opérations.
Shord Kyu ayant pris les devants, son élan fracassait la porte, pendant que son Ninjutsu prenait en charge le menu-fretin à l’entrée. Le temps que le Chûnin de Kiri ne le rattrape, le leader de l’expédition prenait déjà la direction des étages supérieurs, afin d’en découdre avec le principal responsable des lieux. Soit : de son côté, Kakeshuou Samui se chargerait du rez-de-chaussée, où les cris des urbains avaient déjà mis les gardes en alerte, mais l’entrée fracassante du Jônin les avait persuadés d’intervenir. Ayant pris position au centre même de la salle, le quinquagénaire se voyait en joyeuse compagnie d’une vingtaine d’hommes encostumés, tous prêt à en découdre. Pas mal, bel effectif de défense. Cependant, j’y vois personnellement deux défauts. Le premier, votre patron est déjà en danger ; avoir laissé passer mon collègue sera la cause de votre renvoi. Le second, vous n’êtes que des sous-fifres avec une expérience de combat de la taille du Q.I. d’une huitre, et je compte vous tabasser jusqu’à ce que mort s’en suive (et mort s’en suivra) ; ce sera la véritable raison de votre renvoi.

~ Allez, lancez-vous, sales gosses ! Je vais vous montrer qu’on joue pas dans la même catégorie !

Sur cette provocation, les men in black, émoustillés par cette remarque venant d’un grand-père en âge de la retraite, se jetaient sur l’individu à plusieurs. Objectif : en finir le plus vite possible, et lui faire ravaler ses paroles. Ferme-là papi, et prends cher !! Mais lorsque l’on est attaqué par de la masse, il est des solutions bien simples de contrer à la masse populaire. Prenant le choix des airs, Kakeshuou se donnait un bref élan pour s’éjecter vers le plafond, passant par-dessus l’attaque de ses premiers adversaires. De sa hauteur, l’homme composait quelques mudras, et gonflait sa poitrine. On va commencer par un peu de sur-place, si vous voulez bien, jeunes gens ! Ouvrant sa bouche et livrant ses entrailles, le ninja vomissait à pleine gorge un liquide blanc et gluant qui allait s’abattre sur ces hérétiques vendeurs de chair humaine. Le liquide s’affala sur le sol, se répandant visqueusement sur la moitié de la surface. Amortissant sa descente sur l’aspect poli et doux d’un crâne chauve, l’ancien combattant observait ses adversaire de dépatouiller dans la glue qui bloquait leurs mouvements.

~ Déjà, ce groupe là est foutu … .

Tirant son katana au clair, et appliquant une dose de chakra raisonnable sous sa voute plantaire, le quinquagénaire retombait sur la gelée blanche et se mettait à virevolter entre les corps, assénant coup tranchant, dos de sabre et décapitant des têtes à gogo. Paralysés et déstabilisés, une grande partie des hommes présents étaient saisis par la peur, voyant leurs camarades être lacérés sans riposte possible ni la moindre forme de procès. Si vous vous mettez un village shinobi à dos, ne venez pas pleurer ! C’eut été étonnant qu’à la suite de cette demande, vous puissiez vraiment ne pas voir débarquer des spécialistes du combat sous toutes ses formes, non ? D’ailleurs, la demande de cette mission restait à éclaircir … .
Ayant mis à bas ceux qui s’étaient fait prendre par le piège, observer le combattant du village caché de la brume au milieu des corps et couvert de tâches de sang – qui de toute évidence n’était pas le sien – était suffisant pour faire craindre le pire aux gardes du corps du maire. Restant en arrière, peureux d’avoir à lutter pour leur vie et non plus pour leur métier, aucun n’osait faire le premier pas et venir affronter le guerrier de l’Ombre. Les toisant d’un air méprisant, l’ancêtre se sentait gonflé à bloc ! Il était prêt à continuer cet affrontement seul. De son côté, Shord Kyu arriverait bien à se débarrasser d’un maire rondelet qui se cachait derrière son titre pour monter son trafic. De plus, la mission étant déjà lourde, sa mise en application avait été une véritable bouffée de colère pour le Chûnin du Clan Samui. Ici, il avait l’occasion de déverser toute sa haine contre de pitoyables gonz’ qui n’avaient que leur vie à sacrifier pour gagner leur vie. D’un pas lent mais déterminé, Kakeshuou armait son bras et avançait vers le groupe le plus proche pour continuer le massacre … .

Mais de l’ombre, une chaleur jusque là indétectée le ramena au présent. Et avant qu’il n’ait le temps de reprendre une position de défense convenable, une lueur étincelante sortait de derrière un pilier de la salle de réception pour se diriger vers lui. Pas le temps de faire dans le détail ; lâchant son arme, le quinquagénaire armait d’un bras d’une couche de glace et reculait sous l’assaut de boules incandescentes. Evitant la première, bloquant la deuxième de son poing gelé, la troisième lui grilla légèrement la cuisse gauche. Rah, du Katon … ?

~ Et bien, mon grand ! Tu fais bien des histoires sans t’être présenté … .

Sortant de sa cachette, l’homme qui lui faisait face arborait une stature épaisse, taillé en cube. Le visage grave, la coupe au carré et le profil « difficile à vivre » épinglé sur ses traits faciaux. Voilà un homme intéressant. Sous l’assaut, la protection de l’Homme-Glaçon venait de fondre ! Un pouvoir qui lui permettait de faire de tels dégâts … ? La chose intriguait désormais le vieux shinobi, qui n’attendait qu’un adversaire assez puissant pour pouvoir pleinement se défouler.

~ Mais si tu crois faire ta loi ici, sache que j’y met un terme dans la prochaine minute.
~ Ha ! … Je serais bien curieux de voir ça, tiens !

L’homme avait imposé son rythme dans cette bataille. Au point que rien ne pourrait se décider à l’avenir sans qu’il intervienne personnellement de la suite des évènements. Ses collègues et camarades de combat, conscients qu’ils ne parviendraient pas à déstabiliser ce vieillard sorti de nulle part, s’étaient doucement repliés, formant un cercle très large autour des deux combattants. Ils préféraient rester spectateurs, et éviter au maximum les dégâts éventuels de coups perdus à droite et gauche.
De leur côté, les deux hommes restaient fixes, s’observant pour trouver la faille. Le premier qui cèderait à l’autre perdrait l’affrontement dans le moindre doute ! Mais entre ces deux énergumènes, l’un des deux était chez lui et voulait mettre l’autre à la porte ; tandis que le second ne pourrait pas aller de l’avant sans vaincre ce mastodonte qui lui bloquait le passage. Tout un dilemme ; un dilemme qui ne se solderait que dans la mort de l’un des deux êtres.

Déterminé à ce que sa carrière ne prenne pas fin aussi tôt, Kakeshuou Samui comptait bien user de toutes les ruses possibles pour vaincre l’ennemi. Le tout serait de briser sa cadence pour imposer la sienne. Les Samui étaient réputés pour faire danser leurs adversaires et les contraindre à se diriger naturellement vers la Mort, sans qu’ils ne s’en rendent compte. Mais il était évident qu’il allait falloir redoubler d’ingéniosité et de malice. Celui qui se trouvait face à lui paraissait plus dur qu’à l’accoutumée. Le visage froid, impassible, sa carrure et sa stature indiquaient à eux seuls la force d’un homme qui s’était placé dans le sommet de la hiérarchie de ce réseau criminel. La question était maintenant de savoir jusqu’où il serait prêt à démontrer ses capacités. Était-il connu dans les environs pour participer à cet immonde trafic ? Ce n’était pas avec les spectateurs alentours qu’il éprouverait la moindre gêne. Mais si le Ninja parvenait à le tirer au clair et à l’extérieur, que dirait la population locale ? Jouer la carte de l’émeute était-elle la plus avisée ?

~ Hé bien ! Tu fais bien du foin pour si peu d’action ! Des remords, peut-être ?

Ne pas se laisser prendre par son flux. Ne cédant pas à la provocation, le quinquagénaire conservait un regard froid mais platonique sur ce nouveau adversaire. Il n’avait pas encore clairement déterminé ses compétences ; et se jeter à l’assaut pourrait le conduire à une fin fatale si mal préparée. Dans ce genre de mission, le moindre écart peut inclure de grandes difficultés. Ici, le fait de s’attaquer à un réseau si réputé était sans doute le problème clé. Qui dit grande organisation dit administration puissante et soutiens importants. D’autant plus, qui dit réseau organisé dit hommes de main capables et redoutables sur de nombreux aspects. Ne pas agir à la légère, tel serait le maître-mot pour aujourd’hui. Rassemblant son corps, le papi réunissait ses forces et ressources pour mieux agir. Immobiliser la cible ? Ou plutôt la prendre à revers, peut-être … . Face au mystère, il est parfois si dur de faire le premier pas … .

~ Je ne compte pas attendre longtemps, l’Ancien !

Rompant la monotonie, celui qui se présentait comme le principal Gardien du réseau avançait d’un pas lent mais assuré. Toujours aussi inexpressif, l’énergumène serait assez confiant pour mépriser son adversaire et maintenir ce cap ? Voilà un comportement qui énervait au plus haut point le vétéran des guerres kiriennes ! Mais il ne pouvait se permettre de perdre la tête ! Continue donc à avancer, idiot ! Bientôt, tu te retrouveras les pieds enduits de glu ; nous verrons bien ce que tu feras suite à cela ! Se tenant au centre même de cette épaisse colle blanche, Kakeshuou Samui gardait ainsi un avantage certain. Si cet homme voulait venir le chercher, il devrait s’enfoncer dans un décor que le vieux Ninja contrôlait complètement. Un sacré avantage pour moi, pas vrai ?

Mais il est temps de déchanter ! De quelques mudras, l’individu créait un liquide à l’allure bouillonnante autour de ses mains. … De la lave ?!? Cela expliquait la raison pour laquelle la glace avait fondu aussi rapidement ! Avec une telle compétence, les moyens dont disposait le Chûnin s’en trouvait grandement réduits ! Les choses allaient se corser. Et à la vue de cette affinité, le vieux briscard ne put s’empêcher de se mordre la lèvre inférieure. Tout dépendait désormais des capacités globales de cet homme. Mon exact opposé ? A Dieu va, je n’en ferais qu’une bouchée s’il le faut ! La pensée d’après fut certainement « houlala-je-suis-mal-barré-en-fait-il-est-méga-fort- !- !- !- ! » ; car avec quelques mudras supplémentaires, l’homme présentait ses deux paumes au sol, et se transformait en véritable lance-flamme, la lave rongeant agressivement la colle, jusqu’à la faire s’évaporer. Ce salaud savait y faire ! La question maintenant était de savoir ce qu’il savait faire de plus ! Ne sois donc pas impatient, Kakeshuou ! Car, avant même que tu ne puisses finir sur ta réflexion, l’homme réorientait ses paumes vers sa cible. Composant quelques mudras à la vue de la lave se faisant proche, le guerrier de Kiri eut tout juste le temps de placer ses bras devant lui, après les avoir recouvert de Glace. En un instant, l’assaut fut sur lui. Une véritable fournaise ! Et si ce n’était pas pour ses défenses, à n’en point douter que ses bras auraient déjà fondu comme du beurre ! Mais le problème demeurait entier ! Tout en maintenant la pression, l’homme profitait du passage qu’il s’était créé pour s’approcher. Encore quelques pas et il serait au corps-à-corps. Plus dangereux encore ! Plus il s’approchait, plus sa lave devenait menaçante ! C’était véritablement une question de vie ou de mort pour les minutes à suivre !

N’écoutant que son instinct, l’homme âgé fit un premier pas en arrière … puis un second, mais c’était pour mieux prendre son élan. Quitter sa posture eut été trop dur ; la plus petite seconde d’inattention le conduirait au trépas. Mais d’un coup de pied énergique, il envoya de la fameuse saucée blanche sur le corps de l’homme. Soudainement ralenti et englué, l’homme cessa instinctivement sa technique, permettant au Chûnin de Kirigakure no Sato de prendre du recul. Portant un regard inquiet à ses bras, ce dernier ne pouvait qu’être inquiet : la Glace n’avait pas tenu, et il présentait déjà des signes de brûlures au premier degré sur ses avant-bras. S’il subissait encore une fois cette technique, il aurait à en souffrir, à n’en point douter.
Mais il fallait garder tête haute. Après tout, son adversaire allait bientôt se retrouver confiné. Ayant déjà ses mouvements brièvement ralenti, il ne pourrait pas user de ses techniques destructives sur les lieux. Le bâtiment ne résisterait pas à un tel choc, et il ne pouvait se permettre de le détruire. Un sourire soulagé apparaissait sur les lèvres du vieux combattant ; ce que perçut l’homme de main. Qui grimaça en réponse.

~ Je crois deviner ta pensée, mon vieux. Et je pense que tu te trompes lourdement !
~ Keuf ! A savoir ?

Une nouvelle série de mudras et, sans quitter du regard du vieux combattant, le gros bras frappait le sol dégagé de toute glue. En un éclair, se dressait autour des deux combattants une épaisse muraille. Les encerclant complètement, et montant ainsi jusqu’au plafond, la chose semblait assez épaisse pour retenir toute technique au-delà d’un certain niveau. Peut-être rudimentaire, mais assez efficace pour attirer pendant un bref instant la terreur sur les traits du quinquagénaire. Conservant son sérieux et sa détermination, celui qui venait de les enfermer dans cette enceinte de terre reprenait de la hauteur et récupérait bien assez tôt ses mains Yôton.

~ J’ai largement de quoi te retenir prisonnier ici et te consumer à petit feu ! Tu finiras dans un volcan en fusion, mon gars !

Trop tôt pour se vanter. Kakeshuou Samui devait d’abord se tirer de ce mauvais pas pour prétendre à la victoire. Désormais, dans cet espace clos, il aurait du mal à échapper à la puissance de l’adversaire. Et ce dernier tenait à le lui faire comprendre. Composant une première série de mudras, l’homme expulsa de ses doigts des projectiles enflammés visant très clairement le torse du guerrier de l’Ombre. Formulant une première esquive, le Chûnin à cinquante balais comptait maintenant prendre l’initiative. Tu rêves ! Ton adversaire crache déjà une vague de lave qui se jette sur toi goulûment. En composant d’instinct quelques mudras, l’ancien du Clan Samui put, de justesse, créer une Gorille de Glace qui s’imposa sur les lieux, à la stupéfaction du garde du corps. Sans doute la première fois qu’il en voyait un ainsi composé ! Soufflant comme une femme enceinte, le monstrueux macaque retint pourtant l’assaut de la vague Yôton, avant de se cristaller et d’imploser en petits copeaux de Glace.

Une opportunité en or ! Profitant de la surprise et du battement que cela offrait, Kakeshuou se jeta sur le côté et conserva cette allure, bien que l’espace clos ne lui laisse qu’une faible distance à parcourir. Loin de lui l’idée de vouloir foncer sur sa cible ; il devait maintenir cette course pour le rendre moins facilement repérable et attrapable. En revanche, bien plus important : là était l’instant rêvé pour casser le rythme ! Pour briser cette cadence qui l’avait enfermé et pour reprendre la main dans le combat ! Par une première composition, deux Tigres survirent des morceaux de Glace laissés par le singe géant, se précipitant affamés sur leur proie. L’homme, repoussant dans un geste élégant et ample son manteau vers l’arrière, frappa ses mains l’une contre l’autre, fit deux signes, et attendit de pied ferme les deux félins. Les interceptant avec ses paumes, la Lave qui en jaillit fit fondre les bêtes dans un râle de minou. Tu crois m’avoir avec une technique aussi banale, l’ancien ?

Non, car la seconde phase était déjà en cours de réalisation. A peine débarrassé de ces deux créatures de Glace, l’individu constatait la présence de glace sur l’ensemble du périmètre isolé. Le Shinobi aurait donc créé cela pendant ce laps de temps ? Et dans la même minute, deux serpents de Glace se lovaient autour des chevilles de l’homme, afin de l’immobiliser. Relevant la tête pour voir où se trouvait son adversaire, le solide gaillard put constater que le Chûnin du Village caché de la Brume se jetait cette fois-ci sur lui, en continuant ses incantations. Grinçant des dents, il commençait à perdre son sang froid. Pauvre vieux, tu crois vraiment pouvoir me battre comme ça ?! Composant quelques mudras, le garde du corps se pencha en avant comme pour devenir Atlas et soulever la Terre entière.

~ Ne t’y crois pas trop, minable !!

Levant les bras dans le même mouvement que son corps entier, sa silhouette se nimba de Lave, pendant qu’une colonne massive se dressait vers les airs, le coupant de tout contact avec autrui. Sous la chaleur, les Serpents perdirent leur âme dans un hissement strident, tandis que la Glace sur un faible diamètre autour de lui fondait comme neige au soleil. Se coupant ainsi de l’arène, l’homme bourru put gagner quelques secondes de répit. La colonne n’allait pas tarder à retomber, le tout était de rester sur ses gardes. Plaçant ses mains comme une garde de boxe, il attendit que la Lave retombe, le regard prudent.
Une ombre sur sa gauche ! Repositionnant son centre de gravité, il présentait ses poings, prêt à recevoir le prochain coup. Les dernières trainées de lave tombaient au sol, révélant le paysage alentour … et les deux fauves qui se jetaient sur lui. Encore cette technique ?! Malheureusement, il était cette fois trop tard pour répondre par du Yôton. Rapprochant ses bras, l’homme encaissa les assauts griffus des deux monstres glacés, ne pouvant contrer celui qui s’attaquait à sa jambe droite. En revanche, celui qui lui sautait à la gorge reçut un puissant bourre-pif, qui retint ses crocs. Sans laisser le temps à la bête de se ressaisir, l’homme d’arme l’attrapa à la nuque, et la broya de ses mains. L’animal, haletant, avec la respiration coupée nette, sembla s’éteindre. Et dans une rage folle, le soldat du réseau de prostitution profita de cette carcasse de glace pour la rabattre avec violence sur le second félin. Ce dernier, écrasé par le premier, s’affaissa dans un miaulement de faiblesse, et reçut le coup de pied final qui l’envoya paître plus loin, avant de se désagréger en monceaux de glace pilée.

Essoufflé, un simple regard sur le sol suffit à baraqué pour voir que … l’étendue de Glace était de retour ! Encore cette même stratégie ?! Se retournant violemment, le bonhomme avait deviné la présence de Kakeshuou Samui dans son dos. Le regard hargneux, les dents visibles tellement sa rage était exprimée, il crachait ses menaces sur son adversaires, déterminé à le battre ! Peu importe qu’il ait une main déjà posée sur la Glace, et que ses membres aient été recouverts de Glace. Il la ferait fondre !! Comme ses os, et son misérable squelette !! Il lui ferait goûter à la Lave, avant la défaite ! Car il n’y aurait pas d’autres ordres possibles !!

~ La partie est finie, minable !! Ton grand âge ne t’aura pas servi à grand-chose !

Renouvelant sa technique lance-flamme, voilà notre ancien bloqué dans la même situation qu’auparavant ! A quoi bon briser le rythme, si ce n’est pour remporter la victoire ?! Sa protection n’avait pas évolué d’un yota depuis le début du combat ; et il se retrouverait bientôt dans les mêmes difficultés qu’avant ! Pourtant, cela n’effaçait pas un rictus de satisfaction, bien que défiguré sous l’effort et l’endurance de la technique de Lave. Une seule phrase en revanche suffisait pour expliquer son soulagement et sa confiance.

~ Le minable a su briser ton rythme ! Et c’est ça qui lui fait remporter la victoire !

En effet, dans l’ombre du bodyguard, une créature massive prenait forme, en sortant de la Glace dans un grognement yéti-esque. Cette technique, réalisée un peu plus tôt, mettait du temps à prendre forme. Mais suffisamment de pièges avaient été mis en place pour détourner l’attention de l’Ennemi. Les deux Tigres avaient déboussolés l’homme, et lui avaient fait perdre son calme. Copier la même stratégie le poussait à sortir derechef de ses gongs en le prenant pour un faible. Mais le plus gros piège était en fin de compte l’apparence chétive et fatiguée de Kakeshuou Samui, qui s’était volontairement placé dans le sens inverse de sa technique, pour être pris comme cible privilégiée et s’assurer que l’homme ne remarquerait pas la naissance d’un gigantesque Panda de Glace dans son dos.
Apercevant l’ombre, l’homme n’eut pas le temps de se retourner. La baffe monumentale qui lui fut assénée vint le cueillir à la base du cou, tordant ce dernier sans scrupule. Afin de ne pas faire dans les détails, la claque était si forte qu’elle projeta le corps sur le côté, traversant le mur de pierre. Ce dernier, suite à la mort de son créateur, commençait progressivement à se désagréger, laissant à l’assistance le plaisir de contempler le vainqueur. Un homme effacé, fatigué par l’âge et l’affrontement, et dans un état d’épuisement certain. Plusieurs sourires naquirent en bouche ; mais ils s’estompèrent bien vite devant la carrure massive du panda, qui grognait encore à la vue de pareils scélérats. La scène se figea un instant … avant que les malheureux ne prennent leurs jambes à leurs cous et se sauvent dans toutes les directions. Les rats abandonnent le navire, hein ? Je suppose que cela signifie la victoire de l’équipe de Kiri, et la fin de la mission ! Une fois la pointure tombée, il ne faudrait que peu de choses pour clôturer cette affaire.

Les lieux étant désertés, le Panda ne tarda pas à sourire d’un de ses rictus mesquins avant de s’émietter. Kakeshuou Samui était le seul à savoir qu’il s’agissait en vérité d’une technique éphémère. Mais c’était un plus ; si sa présence avait disparu un peu plus tôt, le quinquagénaire serait certainement étripé par le reste de l’équipe. Remercions les Cieux pour le peu de chances qu’ils s’accordent à nous donner ! Ayant ployé sous la dernière attaque, l’homme se redressait tant bien que mal, sans vraiment cacher ses maux. Ses bras étaient dans un sale état, et il pendrait volontiers une semaine pour lui et un brin de repos une fois tout cela achevé. Mais le devoir passe avant tout ! Et pour cela, il devait trouver des informations capitales qui lui permettraient de mettre fin au trafic.
Se dirigeant ver le corps du garde du corps, il s’assura en premier qu’il était bien froid. Pas de doute ; la dernière attaque lui avait été fatale. Tant mieux ! Il ne se voyait pas le raisonner en dernier recours. Passons maintenant aux informations utiles ! Cet homme, avec de telles capacités, devait être celui qui avait détruit son Bunshin un peu plus tôt. Pour avoir un pareil rôle dans l’organisation, il avait certainement sur lui des documents ou des informations qui permettraient de démanteler l’ensemble du réseau. D’autant que le supérieur de la mission, Kyu Shord, était certainement en train de faire le ménage à l’étage. En fin de compte, peu importe si ce dernier réussissait ou pas. Une fois les informations dévoilées au grand jour, le duo de Ninjas parviendrait probablement à mettre une halte à de telles pratiques, aussi horribles et peu orthodoxes.

Fouillant les poches du cadavre, la dernière poche – hé oui, encore une fois ! – du vêtement imperméable dévoila ses secrets et les avantages. S’asseyant comme un sac de patates aux côtés du corps inerte, le Chûnin s’adossa au mur et ouvrit ce petit carnet qu’il venait de trouver dans les poches de l’homme. Une liste de noms … de lieux … de revenus. Diantre !! Qui eut cru qu’un trafic aussi odieux pouvait rapporter autant ! Cette seule information aurait pu donner la nausée à notre homme ! Mais gardons le cœur haut et l’estomac solide. Il s’agissait de s’assurer que le maximum d’information s’y trouvait. Des noms des principaux clients, avec moyen de paiements, préférences sexuels et enfants fréquemment utilisées à cet effet. Soit. C’était déjà un excellent point.
Les pas qui se faisaient proches titillèrent l’ouïe du combattant, qui mit le carnet derrière lui, et porta la main à sa sacoche d’où il tira un kunaï. Bien maigre défense ; mais la seule qu’il serait en mesure de tenir si l’on venait lui faire la peau ! Qu’il vendrait chèrement, soyez-en sûr !! Mais c’était les forces de l’ordre qui, ameutés par le remue-ménage, venaient à la rescousse de qui serait bien à sauver dans ce bled ! Ne se fiant pas pour autant à ces hommes qui devaient représenter la Loi, Kakeshuou abaissa son arme, sans pour autant s’en séparer. Les officiers pénétrant les lieux, plusieurs d’entre eux se rendaient dans les salles voisines, tandis que de simples pions formaient progressivement un arc de cercle autour du combattant éreinté. Le chef de cette nouvelle meute ne tarda pas à faire son entrée ; et à faire comprendre sa colère.

~ Vous sauriez m’expliquer c’qu’il s’passe, ici ??
~ Simple … vos rues étaient infestées … nous les avons nettoyés …
~ Le réseau de prostitution ? Vous avez des preuves qu’ils agissent d’ici, au moins ?!?
~ J’en ai …

Agitant le carnet, le Shinobi marquait ici sa victoire personnelle. Mais à l’approche de l’inspecteur qui voulait s’en saisir pour l’examiner, l’indice revint rapidement sur la poitrine du Ninja, qui ne comptait pas s’en défaire si rapidement. Le regard sévère, un œil inquisiteur sur cet homme qui semblait si pressé. Étant donné que le maire était l’homme à la tête du réseau, quoi d’étonnant à ce que les Forces de l’Ordre profitent de ce genre de situation ? Ce ne serait pas la première fois que l’on constaterait l’existence d’agents corrompus parmi les représentants de la Paix.

~ Votre nom ?
~ Comment osez-v
~ Votre nom !
~ … Taka Oroichi !

Les visages des autres agents de police ne semblaient pas présenter de surprise face à ce nom. Il n’avait pas inventé, auquel cas il en aurait surpris plus d’un ! Non, ce devait être correct. Ouvrant avec précaution le carnet, Kakeshuou Samui suivit les différents noms qui s’y présentaient, et rechercha le dénommé Oroichi. Aucun élément prouvant qu’il faisait partie de la clientèle ou du réseau. Etait-ce suffisant ? En temps normal, non. Mais le Chûnin était trop fatigué pour faire dans les détails. Avec un moue d’incertitude, il finit par tendre le fameux carnet, s’accordant quelques explications.

~ Nous avons été mandés en mission ici pour démanteler le réseau. Certainement par un citoyen réellement concerné, ou un Seigneur des environs qui voyait le tort que cela causait sur ses terres … . Personne de vos services, rassurez-vous ! Nous avons éliminé les principaux tenants de la boutique, et nous avons pu localiser plusieurs locaux où se trouveraient les enfants enlevés. Le maire est de mèche, mais il ne sera probablement pas une gêne pour longtemps ; mon supérieur est allé lui parler … . Dans le carnet, vous trouverez le nom des clients, des tenants de l’organisation et les adresses des principales places. La plupart sont déjà détruites, mais il pourrait en subsister quelques unes … .

Malgré ce long discours, le guerrier de l’Ombre avait fait l’effort de se relever. Toujours appuyé contre le mur, il reprenait doucement sa respiration, s’assurant que ses propos étaient bien entendus et compris. Évidemment, il n’en machait pas ses mots pour autant. Et plusieurs réflexions attisèrent une moue de désaccord ou de mécontentement sur le visage de l’officier de police. Mais qu’importe, les faits sont là : nous avons fait le ménage dans votre basse-cour. A vous de mieux la tenir à l’avenir, ou il pourrait y avoir davantage de victimes, croyez-moi !

~ Nous vous laissons gérer la fin des opérations, avec arrestations en masse et tout ce qui vous plaira. Si vous voyez mon chef d’équipe, dites lui que je l’attends sur la Grand Place devant … .

Sur un pas titubant, le quinquagénaire quittait donc les lieux, afin de prendre l’air et un peu de repos à l’air libre. Une fois son supérieur descendu, le duo de choc pourrait retourner au village.
Une mission certes difficile ; mais bien remplie et dans les cordes ! Espérons que ce genre de drame quotidien ne sera plus toléré en ces terres … .

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