Le désir des hommes est un paradoxe. Tuer pour sauver. Tuer son ennemi, le dominer, prendre l'ascendant sur lui afin de sauvegarder le passé, le présent et le futur de ses proches, de sa famille ou de son village. Au cours de mon périple j'ai été témoin de nombreux affrontement, chacun d'eux pour une raison différente mais œuvrant tous pour cette même fausse Paix qu'ils croient atteindre ou protéger en agissant de la sorte. Mais avoir l'opportunité d'assister à ces combats me faisais réfléchir. Comment à mon tour lutter pacifiquement, éviter ces combats inutiles, éviter ces morts absurde, comment sauver toutes ces innocentes vies.

Des idées se bousculaient dans ma tête. Même si je n'aimais pas ce mot, je cherchais un moyen de me "battre" en sauvegardant autrui. Trouver un moyen de venu à bout de mon ennemi sans le blesser, tout en protégeant celles et ceux autour de moi. D'hypothèses en hypothèses, il était important que je retourne au temple chercher les conseil de mes maîtres sur le chemin à prendre afin d'arriver à mon but. Dans cette optique direction Ta no kuni, le pays des Rizières où j'avais passé la majorité de cette vie là.

Malheureusement rien ne se passant comme prévu, alors que j'espérais prendre une journée de repos dans cette petite auberge où j'avais déjà séjourné au début de mon voyage lors de ma rencontre avec Ryutaro, un immense feu au loin me laissais présager le pire. Je forçais l'allure moi qui d'habitude était calme, voyageant avec sérénité j'étais cette fois inquiet pour ce père et sa fille qui m'accueillirent si généreusement. Je me trouvais bien devant ce que je craignais. Le feu au loin était bien celui de la maisonnée. Abasourdi, je restais de longue minutes à observer les flammes, espérant que quelque chose se passe. Et alors que j'allais essayer de comprendre le pourquoi d'un tel acte, espérant rencontrer mes débiteurs, je croisais un homme, installé à proximité, mangeant une pièce de viande grillant à ses côtés.

Qui était-il ? Le responsable de tout cela ? Un simple voyageur comme moi profitant de cette ignominie pour faire une halte ? Savait-il quelque chose ? Les habitants étaient-ils là au moment de ce triste dénouement ? Trop de questions qui ne trouveraient réponses sans entamer une entrevue avec l'inconnu. Une fois de plus, avant d'apparaitre à lui, je ramassais une douzaine de cailloux et les rangeais dans mes manches, sortant à la place ma flute, prêt à jouer un morceau. Je m'installais en face de lui sans un mot, m'asseyant sur l'herbe fraiche, me réchauffant quelques secondes avant de m'adresser à lui.

- Bonsoir, toute mes excuses pour l'interruption de votre diner. Sauriez-vous me dire ce qui s'est passé ici ? Je me nomme Kiezan Fumei, je suis un moine voyageur et par le passé j'ai rencontré les gens qui vivaient ici.

Tout comme je l'avais fais quelques instants plus tôt, l'homme resta silencieux, préférant se concentrer à rogner le moindre bout de viande sur ce qui ressemblait à une énorme cuisse de porc grillée à souhait et dégageant un fumet qui je dois l'avouer m'était fort agréable. De belle taille, je me demandais si l'illustre inconnu comptait engloutir à lui seul toute la bête en train de griller. Un appétit phénoménal si l'on peut dire. Mais voilà que l'hôte sembla s'affranchir de ses obligations, enfin ce qui pourrait passer comme tel. Il s'approcha de sa pièce de viande et en arracha une nouvelle part qu'il me lança de manière négligée, espérant surement que je l'attrape au vol et partage avec lui un tel repas. Mais il en était tout autre. Malheureusement pour lui, il ne devait être au courant qu'en tant que moine de Maskine, notre religion proscrivait tout alimentation à base d'animaux, cette dernière étant exclusivement végétarienne.

La grillade tomba entre mes pieds, se cognant sur le rocher où j'étais assis. Tout comme je me refusais à me sustenter de son offrande, dus-sais-je mourir de faim, je refusais également de toucher ce qui pour moi était immoral, un animal mort servant à notre survie alors que la Nature, aussi sauvage soit-elle avait nombre moyens de subvenir à tous nos besoin pour un peu que l'on sache l'écouter, l'entretenir et apprécier ses bienfaits.

- Je vous remercie de me faire partager votre diner, cependant, ma religion m'impose de refuser votre offrande. Je vous prie de ne pas m'en tenir rigueur.

A peine eu-je le temps de finir mes excuses que l'homme prit la parole à son tour, abordant le sujet que j'avais précédemment engagé sur ce qui avait bien pu se dérouler ici, un lieu habituellement si calme, si accueillant où s'y arrêter pour faire une halte était si reposant. C'est donc avec toute mon attention que j'écoutais le discours de l'inconnu. Ses paroles sonnaient comme un aveu à mes oreilles. Le simple fait de dire que ce bucher était une bonne chose était pour moi une preuve de sa culpabilité. Pourtant, étrangement, je gardais tout mon calme. De toute manière à quoi bon céder à la colère, cela ne changerait rien à l'état actuel des choses.

- Je ne suis pas votre raisonnement. Depuis tous temps, le réconfort est un besoin dans lequel l'homme trouve une source de vitalité et de bonheur, d'autant plus quand ils sont partagés en toute quiétude avec celles et ceux auxquels ils sont attachés.

Cette homme avait-il fait tout cela uniquement pour le plaisir ou dans un but bien précis, aussi sadique que morbide.

- Je suis attristé d'apprendre que vous êtes l'auteur de cette ignominie. Mais si vous escomptez la moindre réaction de ma part, vous vous fourvoyez. Maskine nous apprend que toute chose arrive pour une raison précise et que toute vie possède une âme immortelle. Je sais qu'un jour je retrouverais ce personnes, dans cette vie ou dans une autre. Mais vous. Quelles sont vos motivations pour agir de la sorte ? Qu'en retirez-vous comme bénéfice ? Qu'en retirez-vous comme satisfaction ? Une telle haine de l'autre et un tel besoin de violence gratuite cache quelque chose de plus profond et j'aimerai comprendre vos raisons.

L'étrangeté de ce compagnon d'infortune se faisait plus importante à mesure que je l'écoutais parler et le voyageais agir. Il parlait en toute sérénité des méfaits qu'il avait accomplis comme si ses actions étaient toutes naturelles servant un but louable. Je ne saurais m'avancer sur la folie ou non de mon interlocuteur mais je savais reconnaitre une chose quand je la voyais, la dévotion. Peut m'importe qui il était, mais une chose était certaine, il suivait un but, un certain code d'honneur, une certaine éthique, je ne sais pas trop. Peut être était-ce là une divinité. C'est cette dernière hypothèse que je retiendrais pars la suite, ses explications futures se faisant plus claires à mes oreilles. Malgré les atrocités de ses actions, les meurtres gratuits et tout cette violence sans but apparent, je n'exprimais aucune colère. Je n'avais trop bien appris qu'en ce monde gangréné tout avait un but. C'est ce que nous enseignait Maskine, qu'un jour la Nature reprendrait ses droits, forçant alors l'homme à la Paix. Cet étranger était peut être un rouage de ce grand mécanisme universel.

Ainsi j'écoutais attentivement l'homme qui m'invita à partager son repas, bien que ce dernier ait décidé de taire son nom, en soit un certaine impolitesse de mon point de vue, d'autant plus après avoir moi même accompli mon devoir en me présentant respectueusement à lui. Attentif à la moindre de ses paroles, je me concentrais sur l'homme, scrutant le moindre détail qui pourrait m'aider dans ma compréhension de son comportement et mis à part quelques cicatrices, rien ne pouvait m'indiquer là l'appartenance à un culte. Sa vision de l'homme était à des antipodes de la mienne. Là où je voyais un être au potentiel infini, plein de vertus et d'amour, lui ne voyait qu'une personne dont la principale préoccupation était de se complaire dans leur aisance, allant jusqu'à dénigrer leur mémoire et mes croyances.

C'est alors qu'il se mit à vouloir m'expliquer de manière plus concrète son point de vue, ramassant pierres et brindilles afin de les enflammer après plusieurs frictions entre tous ces éléments. Il s'agissait selon ses propres mots "d'utiliser leurs propriétés" à bon escient". Je dois en toute franchise avouer que cela n'avait rien de clair, ses paroles étaient floues à mes yeux. Ainsi sa vision du monde était que ce dernier devait brûler ? Dans quel but ? Renaître pour quelque chose de meilleur ? Et qui plus est selon lui tout était fait pour bruler. Un vision étriquée de mon point de vue de la vie et du bonheur qu'elle pouvait apporter. C'est à ce moment là qu'un mot, "Jashin" retint mon attention. J'avais par le passé entendu plusieurs fois ce nom sans jamais chercher à en apprendre plus compte tenu de la teneur plutôt violente de son prêche. J'entrevis dès lors une lumière, une compréhension s'amorçant dans mon esprit. Mais pour l'heure, je ne pouvais le laisser sans réponse. J'acceptais son point de vue, j'espérais qu'il en serait autant du mien.

- J'ai bien écouté vos paroles, vous dites que tout est fait pour brûler. Est-ce une réalité absolue. La Nature n'a pas pour but de se détruire, au contraire, elle ne demande qu'à combler les espace vide et à s'étendre doucement, prolonger sa vie.

Je me levais de mon siège de pierre, et me dirigeais vers l'une des rizières derrière moi, ramassant dans une petite coupelle que j'avais dans ma besace un peu d'eau. Sur le chemin du retour, j'attrapais quelques feuilles d'arbres encore vertes, tombées de la journée suite aux vent qui soufflait depuis quelques jours déjà. M'approchant de mon interlocuteur, je lui présentais ces deux éléments, les posant devant lui avant de me réinstaller en ayant pris soin de prendre avec moi la branche d'arbre qu'il avait fait bruler pendant son expérience.

- Selon vos propres mots, tout ici bas est fait pour bruler. Vous m'avez fait une démonstration tout à l'heure. Sauriez-vous refaire de même avec uniquement ces deux éléments que je vous ai donné ? Je respecte sincèrement vos croyances même si je ne les approuve pas. La tolérance envers autrui est un point fondamental de l'enseignement que j'ai reçu, je ne saurais déroger à cela.

Une nouvelle fois je me levais, m'approchant d'un petit arbuste penchant dangereusement vers le sol, fragile, souple, sur le point de faillir face au souffle du vent. D'un coup sec je plantais la branche carbonisée dans le sol, tirant sur un fil de ma tunique afin de l'accrocher à l'arbuste, faisant de ce premier un tuteur à la jeune pousse.

- Voyais là, de la destruction que vous apportez, une nouvelle vie est possible. Est-ce là se morfondre dans un certain confort que d'aider autrui à se développer. Imaginez maintenant que cette brindille brulée et cette arbuste soient vous, soient moi, soient ceux dont vous avez ôté la vie, soient ces personnes que l'on entends venir au loin. Chacun ici bas aide son prochain à avancer. Est-ce là faire preuve d'un certain confort et être détaché de la réalité ? Je n'espère pas que vous embrassiez mon point de vue, mais seulement que vous acceptiez le fait qu'une autre vision du monde est possible.

Je m'installais alors, encore, sur mon siège rocheux, prenant ma position du lotus habituelle.

- Une dernière choses. Je vous serais gré de ne pas chercher à attenter à la vie des personnes que l'on entend derrière moi. Se sont là aussi des innocents qui comment moi cherchent juste un endroit où se reposer pour la nuit.

Etait-ce une chance ou non, je ne saurais le dire, mais malgré le ressenti et le manque de compréhension flagrant qui s'installait doucement entre nos deux personnes, un certain respect était présent. Tout comme ce fut le cas pour ma part pendant son discours, il prit le temps d'écouter ce que j'avais à dire sans m'interrompre et d'assister à mes tentatives d'expériences sensées étayer d'avantage mon point de vu quant à la vision du monde et de la Paix que nous avions tous les deux.

Je l'avais mit au défi "d'enflammer" selon sa philosophie de penser deux éléments que je savais pertinemment ininflammables en l'état. Pour ma part, ses dires étaient de fait un non sens, ses paroles sans réel support et ne pouvant s'appliquer à toutes choses dans la nature. D'ailleurs, c'était moi qui semblait être dans l'erreur, oubliant certains point essentiels. Bien que je n'approuve ses méthodes, il avait raison sur un point, c'est bien l'Homme qui est l'origine de sa destruction et de la destruction de tout ce qui l'entoure, des gens qu'il aime et de ceux qui tiennent à lui. C'est bien l'Homme qui est le vecteur de cette haine de l'autre et de ce désir permanent de pouvoir, de conquête et de domination de son prochain.

Tout comme moi avant lui, il s'appliquait à me démontrer ses paroles par des actes, s'occupant à réchauffer l'eau que je lui avais fournit afin de la faire bouillir et ainsi m'affirmer l'inexactitude de mes paroles. En agissant ainsi, il avait totalement ignoré un point fondamental que j'avais pour désir de mettre en avant. Mais avant de lui faire la remarque, ses paroles m'intriguèrent à nouveau. Jashin. Etait-ce pour lui la divinité en laquelle il croyait tel l'était Maskine pour moi. Mais si dans mon cas Maskine prônait Paix entre les Hommes, se pouvait-il que ce Jashin en soit l'antagoniste. Si c'était le cas, se pourrait-il que je puisse avancer dans ma quête en comprenant la manière de penser de ce nouvel adepte aux idéaux si divergeant des miens.

Une nouvelle fois mon interlocuteur me démontra l'étendu de sa folie. J'espérait qu'il n'aurait pas remarqué l'arrivée de la caravane de marchands mais c'était sans compter sur la conviction de ces derniers à rejoindre ce qui autrefois était un lieu de repos pour nombreux de voyageurs. J'assistais impuissant à la prise de position de cet homme qui insidieusement prit à partie l'un des voyageurs, le plus jeune à en juger par la finesse de ses traits.

Je ne sais pas à quel jeux il jouait. Essayait-il de me tirer une quelconque réaction ? Si c'était le cas, manifestement il n'y parvint pas. Ou était-ce peut être seulement son empressement à agir qui ne me laissait que peu d'opportunité d'action. Je ne saurais trop dire. Quoi qu'il en soit, après une nouvelle logorrhée. Ainsi je ne pu que constater avec soulagement qu'il n'avait pas mit un terme à la vie du jeune homme mais seulement assommé ce dernier, le privant momentanément d'air. Face à tout cela, je n'avais d'autres solutions que de m'engager une nouvelle fois dans une discussion qui semblait en tout point stérile. Mais avant tout, il y avait un point important à faire.

- Humbles marchands et voyageurs, je ne saurais que trop vous conseiller de passer votre chemin et d'établir votre halte qu'une fois que la lueur de ce brasier aura disparu de vos yeux. Supportez votre camarade, il n'est qu'évanoui et devrait se réveiller dans quelques heures.

Je me tournais à nouveau que cette homme aux cheveux rouges.

- Etait-il nécessaire d'en arriver à de tels extrêmes ? Votre démonstration n'a rien apporté de concret, si ce n'est votre faculté innée à ne pas ressentir les sentiments d'autrui, si ce n'est votre force comparé à celle d'une jeune homme qui n'a surement pas vécu les mêmes périples que vous et avant tout, cette irascible colère au fond de vous que vous cachez sous un masque de belles paroles et que vous avez tant de mal à refreiner, pour preuve une nouvelle fois, cette torture inutile faisant suite à des excuses sans réel sens. Malgré tout, je comprends votre philosophie de pensée. Vous suivez la voie de celui que vous nommez Jashin au même titre que je suis l'enseignement de Maskine. En cela je respecte vos choix même si je ne les cautionnes pas.

Je m'approchais de ma coupelle, ramassant mes quelques affaires avant de les ranger avec soin dans ma petite sacoche contenant l'ensemble de mes possessions terrestre.

- Pour en revenir à votre démonstration avec la coupelle d'eau bouillante, vous avez démontré un point important que je me dois de souligner. Vous disiez que tout dans la Nature est fait pour brûler. Je vous ai mis au défi d'enflammer le contenu de cette coupelle avec cette feuille. Le fait que vous soyez obligé d'utiliser ce que les shinobis nomment "chakra" est pour moi une preuve suffisante qu'en l'état, ces éléments de la Nature sont par définition impossible à brûler. Vous avez imposé à ces deux éléments une troisième constante, une composante que l'Homme maitrise et qui influe sur la Nature. Comprenez là qu'initialement tout n'est pas fait pour être détruit et que d'autres solutions sont à envisager, donner une nouvelle chance entre autre.

Je m'installais donc une nouvelle fois sur mon siège de pierre mes mains projetées en avant afin de me les réchauffer.

- Quel qu'elle soit, la votre, celle de ce jeune homme ou la mienne, toute vie à la même valeur. Il serait réducteur de penser que seule la vie humaine compte. Mes maîtres m'ont enseignés que toutes vie, animale ou végétale est égale à une autre et qu'aucune ne devrait prédominé au détriment des autres. C'est cette harmonie mutuelle que je souhaite faire entendre aux shinobis, leur montrer qu'une autre façon de vivre est possible ...
- Quoi qu'il en soit, je n'entends pas à ce que vous adhériez à ma manière de penser, cependant, j'ai le désir de comprendre la votre. Ma demande pourrait paraitre curieuse à vos oreilles compte tenu de ce court passif que nous avons entretenu, mais je souhaiterai vivement vous accompagner quelques temps. Je suis certains que nous en retirerions un certain bienfait mutuel. Bien que je puisse aisément m'inviter dans votre périple, je souhaite cependant que vous m'accordiez ce droit afin que nous puissions partager pleinement nos futures expériences ainsi que celles passées.
- A vous de voir ...