Spoiler:

Ori parcourait pour la quatrième fois la petite avenue de peupliers qui menait de l'entrée vers les bâtiments d'habitation et vers les sanctuaires blottis dans la roche abrupte, ainsi qu'au temple principal. Après un court moment de réflexion, elle renonça à retourner à l’intérieur de celui-ci, obliqua dans la direction des jardins et des bâtiments de la ferme. Une quinzaine de prêtresse en robe de travail grises s'affairaient avec ardeur, sarclant les plates-bandes et nourrissant la basse-cour dans les poulaillers. La plupart d'entre elles étaient jeunes, parfois même très jeune, presque des enfants. Certaines, en passant à cotée de la fillette, la saluait d'un signe de tête ou d'un sourire. Elle répondait à leur salut sans en reconnaître aucune. Le temple de Tenshi était célèbre et jouissait d'une réputation méritée. Le culte de la déesse était l'un des plus ancien et avait été en son temps l'un des plus répandus. Ses débuts remontaient à une époque immémoriale, avant l’apparition de l'homme sûrement. Le temps qui s'était montré plutôt sans pitié pour les autres religions et les autres cultes en les isolant efficacement dans des chapelles reculées et de petites églises oubliées, rarement visitées, enfouies dans la construction des villes, s'était révélé clément pour Tenshi. Le temple ne manquait ni d'adeptes ni de mécènes.

- Tsuki !

Une voix l'interrompit dans sa réflexion muette. Tsuki... Son nouveau nom, son camouflage et son masque. Il signifiait Lune. Pourquoi un nom aussi idiot ? Comme la lune la fillette ne révélait pas sa face cachée au monde. Un excès de prudence et de romantisme à vrai dire. La fillette se retourna vers la religieuse qui criait en courant vers elle.

- Tsuki tu as un invité.

Ori leva un sourcil en signe d'interrogation et attendit patiemment que la prêtresse reprenne son souffle. Un invité ? Peut-être un nouveau client...

- Un marchand qui a besoin de tes... services. J'ai pris la liberté de le faire entrer il ne devrait pas tarder.

Elle entendit dans le couloir de l'arche le bruit de bottes qui battaient contre la pierre. Puis un homme fit son apparition, abordant un pourpoint lilas avec des manchettes de dentelle et un petit chapeau planté de travers. Devant Ori le marchand marqua une pause, semblant hésiter devant son jeune âge et enfin, exécuta une profonde courbette en balayant le sol de la plume ornant son chapeau.

- Mes profonds respects dame ninja, minauda-t-il stupidement. Et gloire à la grande Tenshi source de sagesse et de vertu... Je viens vous adresser une requête plutôt particulière et bien rémunérée

Vraiment ? ~





Le convoi était plus près que ce qu'avait annoncé le marchand, du doux nom de Sinae. Il lui fallut donc moins d'une journée pour le croiser. Ori et l'homme descendirent de leur monture et les menèrent dans le remue ménage de la foire. Les caravanes avaient du succès car elles apportaient le divertissement autant que le commerce. Loin des villes elles transmettaient les commérages et la mode que les femmes de la campagne pouvaient critiquer à défaut de la copier. La fillette se demanda combien de personnes participaient à l’installation d'une telle structure et au transport des biens et des animaux. Elle avait assisté à quelques foires mais elle était toujours arrivée une fois qu'elles étaient établies, et jamais dans le brouhaha des ouvriers et des artistes qui agissaient en coulisses.

- Toute une organisation hein ? lui lança Sinae avec un coup de coude, devinant ses pensées.

- Une autre manière de voir les choses, admit Ori. Étonnant que tout le monde sache où aller.

Le marchand lui adressa un sourire mystérieux ponctué d'un clin d’œil.

- Nous partons demain matin à l'aube. Libre à toi de te reposer ou d'aider les marchands à s'installer pour la nuit. Un cheval sera mis à ta disposition tout le temps du trajet. Des questions ?

Ori secoua la tête négativement et partit se promener. Mieux valait connaître les forces et les faiblesses de la caravane avant son départ. Des voix énervées s'élevèrent dans le piquant de l'air.

- Kai Je te l'ai déjà dit, lança une jeune femme. Nous sommes attendus à Ame no Kuni. Si je laissais des rumeurs guider ce convoi nous n'aurions jamais quitté notre base au sud.

- Comment pouvez vous ne pas y accorder d'importance ? s'opposa quelqu'un avec colère. Tous les voyageurs, les uns après les autres, nous disent que des rebelles sévissent dans la région et vous vous accompagnez cette caravane comme si vous vous rendiez à un pique nique avec pour protectrice une enfant !

Ori s'éloigna du rabat de la tente d'où sortaient les voix quand les pas se rapprochèrent furieusement depuis l’intérieur. Un jeune roux se fraya un passage entre les tissus et passa à coté de la fillette, sans même tourner les yeux. Il était suivi de peu d'une femme aux cheveux noir de jais qui tomba nez à nez avec Ori. Elle portait une robe de guérisseuse qui tombait lâchement sur la mince silhouette. Des cheveux courts et bruns encadraient un visage à l'expression déterminée. Ses yeux verts étaient animés d'une flamme et brillaient d'intelligence.

- C'est toi qui est chargée de la protection du convoi ? Je suppose que oui, c'est la première fois que je te voie et tu n'es en effet qu'une enfant. Et Kai qui sème la discorde dans le camp !

Charmante.

- Je peux peut-être vous aider, suggéra la fillette. J'ai déjà croisé des types comme Kai. Je peux le prendre à part et... lui faire entendre raison.

A l'expression que prit le visage de la guérisseuse il ne faisait aucun doute qu'elle avait compris exactement comment la conversation se déroulerait.

- Non merci. Quels que soient les os que vous lui briserez il faudra que je lui ressoude après et j'ai bien assez de travail comme sa.


Elle se retourna subitement et rentra dans la tente sans même lui décliner son identité. Vraiment charmante. Ori reprit sa visite du convoi, le cœur lourd à l'idée de voyager avec cette bande de joyeux lurons.

D'un côté de la caravane était réuni les dresseurs d'animaux avec leur collection de créatures exotiques. Des créatures de toutes sortes peuplaient les cages, ainsi que des centaines d'oiseaux piaillant au plumage brillant. Même de loin leur odeur était étouffante. De l'autre coté on trouvait les marchands en train d'emballer leurs articles: épices, bijoux, étoffes précieuses et des centaines d'autres babioles. Bref, une montagne d'or sur roulette. L'après-midi passa rapidement. Une fois fini son inspection la fillette flâna entre les étalages jusqu'au soir. Les feux du diner furent allumés une heure avant le couché du soleil. Le repas plutôt frugal, combla l'estomac de la fillette qui partit se coucher immédiatement après. Demain il faudrait se lever tôt. Très Tôt.

L'aube arriva plus vite que prévue. Les yeux encore embués par le sommeil la fillette grimpa sur sa monture, une jument blanche avec des yeux marrons qui lui rappelait ceux d'un ninja qu'elle avait connu à Kiri, Yogan Encho. Elle guida la bête à l'avant du convoi et se mis en route, direction Ame no Kuni. Le convoi avançait lentement et ne s'arrêtait que le soir quelques heures avant que la nuit ne tombe afin d'installer toute les tentes. Aucun évènement notable ne vint interrompre cette douce pseudo harmonie. Ori ne recroisa ni le jeune homme roux ni la guérisseuse, et à vrai dire, elle ne souhaitait pas les revoir avant un bon moment. Des voyageurs rejoignaient la caravane de temps en temps pour profiter se sa protection et colporter des rumeurs sur les attaques qui avaient lieux aux alentours d'Ame no Kuni. Mais jamais rien de nouveau ou de concret. Certains parlaient d'un ninja fou et d'autre d'un monstre mi-homme mi-ours qui dévorait le cœur des braves gens. Bref elle devait se tenir sur ses gardes.

De petits points noirs qui se déplaçaient sur le fond clair du ciel sillonné de bandes de brouillards attirèrent l'attention d'Ori. Ils étaient nombreux. Les oiseaux tournoyaient en décrivant de longs arcs de cercles tranquilles et puis piquaient tout à coup pour remonter aussitôt dans un grand battement d'aile. La ninja observa leur ballet un long moment, évaluant la distance et le temps qu'elle présumait nécessaire pour la parcourir, et corrigea son observation en prenant compte du relief du terrain, l’épaisseur de la forêt, la profondeur et la largeur d'un ravin dont elle soupçonnait l'existence. Enfin elle décida de quitter le convoi quelques instants.

- On va rallonger un peu le chemin Hinirama, dit-elle à la jument. On va quitter la route. A mon avis ces charognards ne volent pas au dessus de cet endroit sans raison.

La bête évidement ne lui répondit pas mais obéit à sa voix devenue familière et avança.

- C'est sûrement un animal mort. Ou autre chose. Allons voir !

Il y avait bel et bien un ravin à l'endroit qu'elle avait repéré. Elle domina soudain les frondaisons d'arbres serrés dans une crevasse. Mais le ravin était en pente douce, le fond était sec, sans aubépines, sans vieux troncs pourrissants. Elle le franchit facilement. De l'autre coté elle découvrit une forêt de cerisiers, puis une grande clairière et une lande à bruyère où des arbres cassés par le vent tendaient vers le ciel les tentacules de leurs branches et de leurs racines emmêlés. Les oiseaux effarouchés par l'apparition de la cavalière s'envolèrent à tire d'aile en poussant des croassements rauques. Ori aperçut de suite un premier corps, criblé de flèches, attirée par la blancheur d'un mantelet. Si elle ne voyait pas le deuxième cadavre elle devinait sa présence. Trois loups qui regardaient paisiblement la fillette trahissait l'endroit où il gisait. Les loups, d'un même mouvement, se levèrent et s'enfoncèrent dans la forêt en trottinant. Ils tournèrent leur tête triangulaire régulièrement vers la nouvelle venue avant de disparaître dans les ombres. La fillette s'approcha du second cadavre et ouvrit sa sacoche. Elle contenait tout un inventaire ninja : kunai, parchemin explosif,... Probablement le ninja qu'elle était chargée de neutraliser et son guetteur. Mais alors qui les avait tué. Un hurlement au loin répondit à sa question. La personne qui s'attaquait au moment même au convoi. Ori rebroussa chemin à toute allure.

Une dizaine de guerriers en haillons s'en prenait au convoi, arme à la main, en chantant une mélopée funèbre à glacer le sang dans les veines. La confusion régnait les hommes et les femmes fuyaient, abandonnant les marchandises. Une pluie de flèche enflammée s’abattit tout autour d'elle. Les chariots prirent feu et certains des hommes plus courageux que les autres, ou plus cupides, s'élancèrent vers les marchandises pour éviter un embrasement généralisé. Des hommes à cheval encerclèrent le campement. A leurs armures, toutes similaires, Ori supposa que ce n'était pas le destin qui les réunissaient ici. Il était aussi évident que d'autres attendaient dans la forêt et étaient à l'origine de la pluie de flèche meurtrière.

Shoton Arbre de Cristal

Un arbre aux multiples ramures jaillit des mains de la fillette et prit les pillards au dépourvu, embrochant la plupart de ceux qui étaient à pied. Seul deux d'entre eux échappèrent in-extremis a la technique. Simple rapide et efficace. Une flèche lui frôla alors l'épaule. Elle était devenue la cible numéro une en offrant une opposition. Un des brigands à cheval galopa droit vers Ori, le cheval frémissant dans l’excitation de la bataille.

Shoton Katana


La gamine esquiva un coup d'épée, manquant de se faire piétiner par le cheval, et abattit l'imprudent d'un coup de sa lame de cristal. Les pillards étaient des amateurs dans l'art de tuer par rapport à la fillette mais leur nombre rendait la situation complexe. Une nouvelle salve de flèche s'envola des bois dans le but de tuer la fillette. Elle composa rapidement quelques signes de la main et un dôme de cristal s'éleva tout autour d'elle, parant les traits meurtriers. La situation devenait critique, les brigands se remettait de la contre attaque surprise et commençaient à l'entourer, tandis que les archers criblaient son armure de flèche, l’empêchant de bouger. Il lui fallait trouver une idée et vite. Si elle relançait un arbre de cristal elle pourrait sans aucun doute abattre les cavaliers mais les archers se feraient une joie de l'embrocher. De plus elle se retrouverait à sec niveau chakra. Au contraire si elle ne bougeait pas les pillards pourraient reprendre leur saccage en la tenant en respect avec les arcs.

Soudain un mouvement à droite attira l'attention de la fillette. La guérisseuse faisait tournoyer une hache avec détermination et trancha net le bras d'un brigand, qui s'effondra en hurlant. La distraction parfaite pour la jeune kunoichi. Ori rompit le dôme qui la protégeait et couru à toute allure en zigzag vers les archers. Si Ori avait bien compté il ne devait pas en avoir plus de quatre. Une flèche lui entailla la jambe et la ralentit légèrement. Un homme à découvert banda son arc et visa l'impudente qui lui faisait face. Trop tard. Un kunai parfaitement lancé se planta entre ses yeux, le projetant en arrière sous l'impact. Plus que trois. Elle n'avait pas le temps de jouer à cache cache avec eux. Elle devait en finir et vite avant que la guérisseuse ne se fasse abattre. C'est donc avec regret qu'elle exécuta un second arbre de cristal qui balaya toute la forêt. Mais allait-elle tous les avoir ? Trois cris de douleurs répondirent à sa question muette. Apparemment oui.


La gamine se retourna pour voler au secours de la soignante et, c'est avec stupeur, qu'elle constata que plusieurs marchands l'avait rejoint pour repousser les bandits. Ces derniers tombaient sous les coups d'armes improvisées telle que la hache ou encore des piques de gréements. Finalement le dernier d'entre eux s'effondra sans que la fillette n'ai à intervenir.


Avant le couché du soleil le campement était redevenu tranquille. Assommée par la fatigue Ori donna un coup de pied dans un bois de bois calciné. Sous le bandage qui recouvrait sa sa jambe elle sentait son cœur battre dans la plaie. La confusion régnait sur le visage des marchands et c'est, totalement hagards qu'ils installèrent le campement pour la nuit. Un bucher funéraire avait été élevé pour les brigands et les deux hommes courageux qui avaient perdus la vie lors de la bataille. Ses flammes éclairaient le camp au beau milieu de l'obscurité naissante. Le repas se déroula en silence, seul des bruit des couverts qui s'entrechoquaient dominait. La fillette partit se coucher sans un mot. La culpabilité l’oppressait et enfermait son cœur dans un étau.



La fin du voyage se déroula sans encombre. Les jours se succédaient et se ressemblaient jusqu'à ce que le convoi arrive à Ame no Kuni. Ori n'empocha que le tiers de sa prime, offrant le reste à la famille des défunts.