OPPOSITION
______________________________

Avec les évènements qui s’étaient produits, et qui en réalité avaient été orchestrés par lui-même, Rei avait beaucoup à faire. Il n’était non pas pressé par le temps, ni proche d’une grosse fatigue, mais il fallait juste s’occuper point par point de plusieurs choses. Il avait aujourd’hui décidé de s’occuper de Yamada Kioshi, par plaisir personnel mais pas seulement. Ce dernier avait bien agi depuis l’investiture du Yondaime. Mais malgré tout, il y avait des problèmes avec lui. Et malheureusement pour lui comme pour son chef, il n’y en avait pas qu’un seul.

La chose principale était évidente : son opposition. Cela en faisait un problème naturel pour le Kage, car tout chef n’aime pas être remis en question par un de ses hommes, surtout quand ce dernier commence à prendre du poids. Un Chûnin, ce n’est pas insignifiant, surtout quand le Conseil parle d’en faire un Jônin. Pour autant, c’est sa liberté et puis au fond, il a bien plus raison qu’il ne peut le croire. Même si Rei se bat réellement pour son village, et forme un bon Kazekage.

Cependant, il ne fallait pas que cette opposition se traduise par autre chose que sa simple pensée. Rien que son discours du premier jour avait été déplacé. Mais il y avait apparemment une nouvelle affaire. Celle de la statue d’or, dont Rei avait prévu de parler, de façon habile. Car le Kyoshi n’aurait pas de mal à s’occuper du membre du Kakumeigun. Après tout, il avait su berner tant de gens, y compris les anciens Kages.

─ C’est exact. Assieds-toi.

Attendant que l’ordre soit exécuté, Rei n’eut pas besoin de réfléchir à ce qu’il avait à dire. Comment aborder les différents points dont Yamada Kioshi était le centre ? Tout ça avait déjà été décidé. Et le commencement allait peut-être le surprendre.

─ Tu es un fervent opposant à mon investiture. C’est ton droit, aussi je te laisse la possibilité de me parler librement de ça maintenant. Personne d’autre que moi n’entendra ce que tu as à me dire.

Pourquoi commencer par-là alors qu’il y a de nombreux autres sujets dont il faut parler ? Peu de gens pourraient comprendre la malice, si malice il y a. Mais c’est ainsi que le Changeur voulait procéder. Cela sera-t-il un succès ? Peut-être, ou peut-être pas. Cependant une chose est sûre : Rei a toujours su ce qu’il faisait.

MALICE
______________________________

Depuis tout jeune, et c’était peut-être voire sans doute grâce aux Kadoria, Rei s’était doté d’un sérieux et d’une mémoire sans failles. Lorsque quelqu’un parlait, il se contentait de l’écouter, et enregistrait alors tout ce qui se disait. Bien entendu, il ne pouvait faire preuve d’une efficacité parfaite, mais en ce qui concerne l’esprit, le Kazekage s’était bien rapproché de la perfection. C’est pour ça qu’il garda son calme, ou plutôt sa neutralité dont il s’était accoutumé, jusqu’à ce que le Yamada ait terminé de parler. Nombre de choses avaient été intéressantes, voire même plus. Mais tout ça avait été enregistré, rapidement réfléchi, puis enfin retranscrit dans un ordre bien précis. L’important était que la petite malice de Rei avait fonctionné.

Kioshi ne se nomma pas comme « fervent opposant » à la nomination du Yondaime Kazekage, mais il se fourvoyait. Il avait beau le dire, Rei savait que si ça avait été au Yamada de prendre la décision, jamais il n’aurait laissé le Kyoshi devenir chef de Suna. Bien entendu, ce n’était pas seulement pour lui qu’il aurait refusé, mais pour tout étranger du village caché du Sable. A la fois ironique, puisque Rei avait mis les pieds au Pays du Vent alors que Kioshi n’était pas encore né, mais pas seulement, puisqu’il était vrai que ce dernier avait été Sunajin contrairement à l’Homme Masqué. Mais c’était bien le reste qui était le plus intéressant. Sans trop se repasser les détails, Rei esquissa un sourire, signe du début de sa réponse.

─ C’est toi qui te méprends. Le Changeur se leva de sa chaise. Je ne recherche pas la popularité ou la confiance des Sunajins. Elle m’est au en réalité bien indifférente.

L’homme aux cheveux blanc se retourna. De sa grande baie vitrée, il porta un coup d’œil général vers son peuple. Vers Suna. Puis il reprit, toujours les yeux rivés vers le village.

─ Kurogane Akio et Araakoa Aare ont eu la confiance des villageois. Est-ce que cela a servi à de bonnes choses ? Tu connais sans doute la réponse, n’est-ce pas ? Quant aux problèmes survenus depuis mon investiture, comme cet Homme Masqué ou la désertion d’Habashi Zanshi, quel est leur point commun ? Eh oui, le Kazekage qui a sans doute reçu le plus d’amour de son peuple. Je n’ai que faire de leur passé, je n’ai que faire de l’opinion publique. Etre Kazekage, ce n’est pas être aimé par tout le peuple. Ce n’est pas être un Sunajin pur-sang.

Rei se retourna vers le membre du Kakumeigun. Son sourire n’était plus, et son visage n’affichait plus qu’un sérieux sans faille.

─ Etre Kazekage, c’est se battre pour Suna et pour le Pays du Vent. C’est mon devoir, et ce n’est que sur ça que je me concentre.

Il se rapprocha de sa chaise, puis la tira légèrement avant de s’asseoir à nouveau.

─ Et être un bon shinobi de Suna, c’est respecter le Kazekage et son rôle, et également lutter pour la liberté et la prospérité de son village et de sa patrie. Or tu n’es pas totalement un bon Sunajin, Kioshi.

Là était le point clé de tout ce qui s’était et allait se passer. Le Kazekage reprit aussitôt.

─ Tu doutes de moi, et c’est ton droit. Mais de quoi doutes-tu ? Que je mente à mon peuple, que je ne remplisse pas mon devoir. En plus de t’avoir dit que tout cela ne m’intéressait pas, je te rappelle que la seule personne qui a menti ici, c’est bien toi.

Phrase choc, bien entendu. Surprise chez le Yamada ? Peut-être, sans doute. Pour autant et malgré la situation, Rei avait toujours cette neutralité sur le visage.

─ La fameuses statue d’or. Tu as fait mime de ne rien savoir, de ne jamais rien avoir su. Mais tout ça est faux. Du coup, tu m’as menti.

La situation était complexe. Est-ce que le Kyoshi avait eu des preuves d’une quelconque culpabilité de la part du Yamada ? Non, il n’avait que des doutes. Mais alors pourquoi faire une telle annonce ? Il se hâta de l’expliquer.

─ Rassure-toi, je n’émets qu’une hypothèse, qu’un doute aussi légitime que celui que tu peux avoir envers moi. Est-ce que tu comprends à présent ?

Oui, comprenait-il ? Avait-il saisi toute la subtilité des propos de son chef ? Sans doute. Pour autant, Rei voulut conclure explicitement.

─ Deux options s’offrent à toi. Soit tu persistes à dire que tu n’as rien manigancé à propos de cette statue, et si jamais c’était la vérité tu n’auras que prouvé que les doutes peuvent parfois être faux, ce qui m’arrange à propos de celui que tu as envers moi. Mais si un jour on apprend que tu as menti, alors tu seras puni et tu auras prouvé au village entier que c’était de toi qu’il aurait mieux fallu se méfier. Ou sinon, tu changes ta version des faits, et ta seule peine sera de t’être rendu ridicule à vouloir te méfier de quelqu’un qui aurait pu mentir alors que tu es le seul à l’avoir fait.

Il inclina légèrement sa tête sur le creux de sa main droite, accoudée au bureau. Ses yeux ne quittaient pas ceux de Kioshi.

─ Personnellement, vu que je doute que tu aies manigancé, je préférerais la dernière option. Tu n’auras pas d’autre sanction crois-moi, mais ainsi tu comprendras qu’avant de pouvoir critiquer son Kage, il faut savoir être un bon shinobi. Et je sais que ça, tu peux le devenir entièrement.

Une malice qui ne semblait pas avoir de faille. Car dans tous les cas, Rei était gagnant. Et grâce à tout cela, il avait amené au débat le sujet de la statue. Il ne restait plus qu’à écouter la réponse de Kioshi.