Sortant tout juste du palais du Kazekage, Kyogi regardait circonspect le bandeau qu’il tenait dans la main. Non seulement on lui avait fait perdre trois minutes de son temps pour lui remettre ça mais en plus c’était pas le genre de truc qu’il se serait amusé à trimballer partout. Il y a rien de plus dangereux que de se balader avec un bandeau de village. On vous identifie de suite comme un shinobi capable de se battre et on vous catalogue dans un camp alors que parfois, il n’y a pas tant de points communs entre le shinobi en question et le dirigeant à la tête de son pays. Celui de Suna semblait assez atypique et il intriguait le marionnettiste. C’était bien pour ça qu’il l’avait rejoint d’ailleurs. Il voulait voir ce qu’un type comme lui avait à offrir. Et pour l’heure il se contenterait de mener la vie d’un shinobi lambda. Même si cela ne lui plaisait guères.

Le soir commençait à tomber et la fraîcheur hivernale nocturne n’allait pas tarder à reprendre ses droits. Kyogi n’avait pas très envie de se retrouver dans sa chambre d’hôtel avec pour seule compagnie l’autre Rain aussi bavard qu’un muet. Non il n’en avait vraiment pas envie. Il allait donc manger dehors pour changer. La bouffe de leur auberge était respectable mais il n’y avait pas de quoi casser trois pattes à un pantin. C’est pas ça l’expression ? Maintenant que vous connaissez Kyogi, si. En tout cas, avec les sous qu’il avait, il pouvait se payer un modeste repas guères très nourissant. Pas grave après tout. Dîner dans un endroit peuplé lui changerait les idées.

Il rentra donc dans le premier établissement qu’il croisa. Une pancarte vantant les prix bas de l’endroit avait aidé mais il aurait tout aussi bien pu rentrer dans l’endroit s’il s’était agi d’un autre restaurant. Mais là il avait fait au hasard et le Destin lui avait offert un bar-restaurant d’où les éclats de voix perceptibles de l’extérieur témoignaient de la chaleur qui se dégageait des lieux. Il fit son entrée parmi des types bourrés titubant et une gamine tournoyant sur elle à gueuler que c’était une princesse. Il l’ignora en la contournant avec soin pour venir s’asseoir au bar à côté d’un autre type.

Le bandeau toujours dans la main, il le déposa sur le comptoir et commanda le plat du jour quand celui qui semblait être le patron du boui-boui vint le voir. Voulant faire place nette pour recevoir son assiette quand sa commande arriverait, il déplia un rouleau à côté de son bandeau. Ce geste attira quelques regards auxquels il n’accorda aucune attention. Il resta profondément concentré sur ce qu’il faisait. Il déposa le bandeau sur le rouleau déplié puis il y posa sa main. Le chakra déferla dedans et le bandeau disparut avec un petit « pof », laissant place à un cercle rempli d’inscriptions sur le papier. Il enroula la pièce de papier rectangulaire pour la ramener sous la forme d’un rouleau qu’il rangea dans sa sacoche alors qu’arrivait son plat. Il demanda un verre de saké par la même occasion comme il lui restait de la monnaie.

Le barman lui apporta la boisson dans une petite bouteille avec un verre. Il le remplit et au moment de le porter à ses lèvres, il remarqua le regard du type à sa droite. Il tourna la tête vers lui et lui adressa un sourire. Il le faisait par pure hypocrisie car il ne lui inspirait aucune source de bonheur ou de plaisir. C’était juste par politesse et pour faire penser à un geste de bonne camaraderie. Son sourire effectué, il leva son verre et lui adressa un :

- Santé !

Après quoi il vida son verre d’un trait et entama son plat. Pas super délicieux mais au moins ça remplissait.

Allez mes poulets, Buta reprend le mic pour vous raconter un autre épisode de sa superbe vie Buttesque. Alors voilà, il faisait nuit, un peu frisquet, et on était un soir sans mission, sans obligation, bref, un genre de Samedi soir, quoi. Dites-moi mes cocos, que fait-on un Samedi soir quand on n'a pas d'exam, d'horaire le lendemain, etc ? Bah on yyyyyyy vaaaaaaaa !! Poum Poum Poum Poum, yeah, 'sentez le son, yay, vive la boisson ! On vous dira souvent "ouais, chui là par hasard", mais moi, non ! Ce soir-là, je voulais vraiment aller tester mes skill musicales, balancer deux trois blagues, mettre deux trois tartes. 'fin, la base, quoi. En parlant de tartes, faut que j'vous dise que j'me suis remise à la boxe ! Yay ! Bim bam boum, Buta ! Enfin, le but final c'est pas de mettre des pains à tout le monde, mais on va dire que ça risque de bien m'aider pour la suite.

Après un peu de temps à déambuler dans les rues, voilà que je me suis retrouvée devant l'établissement dans lequel j'allais commencer ma petite soirée. Y'avait bonne ambiance, les gens commençaient à rentrer dans le truc, ça s'entendait. Dans un grand geste, je poussai la porte, levai les bras et frappai dans mes deux mains.

-Okay, okay,
Buta pour passer une bonne soirée !

Y'a trois catégories de personnes dans ce genre d'endroit, les alcolos déjà morts, les mecs un peu space qui viennent sans vraiment venir, et les violents. Des alcolos déjà morts, y'en avait quelques-uns, mais pas assez pour que ça parte en vrille tout de suite, des mecs un peu space, il n'y en avait pas, enfin, si, un. C'était le genre de mec un peu space qui vient commander sa bouffe dans un resto tout pourri, comme celui où nous sommes actuellement. Et enfin, le mec qui représentait la dernière catégorie... grand, tanké comme un boeuf, bref, le genre de mec avec qui faut lac jouer fine, quoi. Perso, je ne craignais pas les civils, en tant que kunoichi, j'avais bien plus dangereuse que le plus marteau des ouvriers, mais vous savez, on ne sait jamais vraiment qui est quoi, ici, donc je préférai ne pas aller trop vite et accoster le mec space tout en choppant au passage la choppe de la petite "princesse" d'une manière des plus naturelle.

Alors que j'arrivais au bar, je sifflais la bière, puis, au moment d'arriver, j’abattis la choppe vide dans un grand bruit et assaisonna ma petite entrée d'un bon gros rot comme vous les aimez bien. De là, je posai ma main sur l'épaule du mec space et déclarai.

-Faut être un peu paumé
pour pas savoir qu'ici faut pas manger !
Dans c'genre d'endroit
Tu manges pas, tu bois,
question de bon sens
parce que quand t'auras terminé ton repas, tu vas béger à outrance.

Une petite tapote sur l'épaule pour me donner un air du style: "Ouais, crois-moi d'expérience, petit". Il était temps de commander une seconde bière... offerte par le clan Ketsueki, bien-sûr.

Décidemment qu’est-ce qu’ils avaient tous ? Un simple sourire et un lever de verre en souhaitant santé n’arrachaient aucune réaction ? Bon sang si c’était pour se taper une telle compagnie, il aurait tout aussi bien fait d’aller retrouver Rain qui devait être à peu près aussi bavard. Voire plus puisque depuis qu’ils se connaissaient, Kyogi pouvait presque en prédire ses silences et comprendre leur signification. Ce qui explique qu’il se faisait la conversation à lui-même de temps à autre quand ils étaient tous les deux mais ça n’était qu’un détail ça ! En tout cas, lui qui avait misé ses dernières économies dans cet endroit pour espérer avoir le droit à un peu de conversation, il avait misé sur le mauvais cheval. D’autant que cette viande de chameau était inbouffable.

D’ailleurs une jeune fille vint lui faire remarquer en lui posant la main sur l’épaule et en lui expliquant ceci par vers. Très joli même si ça manquait cruellement de talent et de poésie. Etant marionnettiste, Kyogi était un amateur d’arts de toute sorte. Mais bon là il n’y avait pas de quoi s’émerveiller. Des mots tirés du vocable des plus familiers et un accent laissant présager un vulgaire paysan ou ce genre de choses. Peu harmonieux dans l’oreille. Même pas du tout. Mais il accueillit la rime avec un sourire et un hochement de tête. Il voulait laisser échapper un rire mais il peinait à avaler le morceau de semelle qu’il mastiquait depuis deux bonnes minutes. Lorsqu’il eut enfin réussi cet exploit, il voulut retourner à son plat. Ou du moins repousser gentiment l’assiette en prétextant ne plus avoir faim. Il allait se contenter de son saké pour ce soir.

Mais les évènements tournaient un peu au vinaigre. Sans que le jeune homme au chapeau ne comprenne ce qui se passe, le grand costaud à côté qui s’était montré peu bavard venait de s’emparer de la monnaie déposée sur le comptoir par la jeune fille sous prétexte que cette dernière avait terminé la chope de la gamine que Kyogi avait croisé en rentrant dans l’endroit. Faire boire une gamine ? Depuis quand on laissait la charge de boufchidor à des inconscients ? Comment ? Qu’est-ce qu’un boufchidor ?! Ah mais c’est simple ! Prenez les trois activités principales d’un gamin : bouffer, chier et dormir. Garder les premières syllabes et réunissez le tout. Vous obtenez la désignation parfaite pour cette espèce totalement à part ! Mais faire boire de l’alcool à une gamine de cet âge-là n’était pas malin du tout. En même temps le type ne semblait pas être d’un intellect très poussé pour avoir eu cette réaction.

Et avant que quiconque ait pu répliquer quoique ce soit, la gamine débarqua à tâtons pour au final…mordre le mollet de la jeune fille ?! En même temps à boire de l’alcool et avoir un imbécile comme responsable, on ne pouvait que finir sauvageonne comme ça. En tout cas toute cette agitation gênait Kyogi. Il ne s’attendait pas à une ambiance calme et sereine mais pour en arriver à s’entre bouffer, faut pas pousser le côté primate à l’extrême non plus quoi. D’une main donc, il fit jaillir quelques fils de chakra qui vinrent se fixer sur la boufchidor et lui permirent d’avoir un contrôle assez rapide et imprécis sur elle pour la faire reculer et lâcher prise. Après quoi il relâcha l’emprise et se mit à siroter son verre l’air de rien. Le mieux dans tout ce petit cirque, c’est qu’il était possible qu’on ne l’ait même pas vu. Du moins il l’espérait. Une bagarre n’était pas ce qu’il souhaitait en premier lieu.