Divergence Clanique [Solo]

L'Opalin avait appris ce qu'il s'était passé au Temple de Kyûbi. Un tragique incident selon les autorités, un drame blasphématoire pour le clergé de Konoha. Frapper de plein fouet le centre religieux de Hi no kuni était un affront des plus terribles. Pour les bonzes du monastère de Hi no kuni, c'était une insulte envers leur déité. Yokuro ne le savait pas, toutefois, les moines estimaient que c'était des païens sans scrupules, sans aucun respect pour la divinité renard : Kyûbi. Tout ce que le Yamanaka savait c'était qu'un groupe d'hommes masqués qui avaient exécuté la destruction du Temple. Des brigands puissants, il fallait l'avouer. Mais outre leur acte, c'était surtout les conséquences de cette violence explosion. Konoha était une cité très croyante, et aurait pu de peu devenir une théocratie si les ninjas n'avaient pas fondé la ville avant les moines. Yokuro se souvenait avoir reçu à l'époque de l'explosion de nombreux pratiquants, venus confesser leurs sentiments auprès du psychologue. Le cabinet du psy devenait alors un véritable confessionnal pour les adeptes du culte de Kyûbi. La raison et la science l'emportait sur la religion. Une fausse victoire en l'apparence: certains par faiblesse préféraient chercher un soutien moral plus qu'à abandonner un ensemble de mythes. Lorsque la bergère dépérit, le troupeau de moutons est perdu, et s'il est un temps soit peu organisé, il cherche à trouver un substitut.

Il avait voulu en savoir davantage, sans réellement désirer à mener l'enquête. C'était exclusivement pour l'intérêt de ses patients, et non pas celui de sa curiosité personnelle, qu'il avait entrepris d'en savoir davantage. La connaissance balaie l'ignorance, et de fait, garantit une meilleure compréhension du malade. La raison est mieux guidée, le diagnostic et les déductions viennent plus spontanément. Après les archives, les témoignages et les discussions plates avec des shinobis de haute volée du village, le Yamanaka avait décidé de pousser les recherches plus loin. Il voulait voir lui-même l'étendue des dégâts. De cette manière il espérait pouvoir se mettre plus facilement à la place des croyants, sans pour autant affirmer que cette destruction était une offense envers le Démon Renard à Neuf Queues.

En fin de matinée il se mit dès lors en route, emportant le nécessaire pour pouvoir parvenir à destination en traversant les Bois de Hi no kuni. Le printemps étant favorable à cette traversée de la sylve, l'éborgné ne mit guère longtemps à atteindre les ruines bien visibles de ce lieu de culte. Près des ruines, il y avait étrangement encore du monde. Des bonzes, mais aussi des Prêtresses. On racontait que ces mêmes Prêtresses, d'une incroyable beauté, étaient là pour servir de lien entre les fidèles et le Dieu Kyûbi. En outre, certaines de ces femmes appartenaient à la lignée des Yamanaka. Une occasion pour Yokuro de rencontrer une cousine ? Bingo, puisque le Borgne — qui ne savait pas que certaines Yamanaka offraient corps et âme dévoués pour le culte du Démon Renard — fit la rencontre sur place d'une connaissance familiale.

— Mitsuko-san … ?

Dit-il, alors que du fait de ses paroles, une jeune blonde vêtue d'un habit très cérémonial se retourna, reconnaissant sans aucun conteste le prénom qu'avait prononcé avec embarras et stupéfaction l'éborgné. Il paraissait difficile de déterminer la nature de la relation qui unissait Yokuro à cette Mitsuko. En effet, le jeune homme n'avait pas tellement mis le pied dans le domaine des Yamanaka à Konoha. C'était un homme réservé, qui évitait de retourner à ses origines claniques. Même après avoir fait le deuil de son accident, il avait du mal à digérer l'événement. Peut-être que le coup du Destin, faisant se croiser les deux Yamanaka, pouvait l'aider à refermer ses plaies ?

Au cœur de la forêt de Hi no kuni, dans une petite clairière dédiée au culte du démon renard, Yokuro venait de faire un plongeon dans le passé. Face à lui se tenait Yamanaka Mitsuko, jeune prêtresse du temple aujourd'hui en ruines de Kyûbi. La demoiselle en question n'avait guère changé au cours du temps : elle avait conservé sa longue chevelure blonde, descendant le long de son dos avec la splendeur d'une cascade d'or. Ses deux prunelles d'un teint de jade enrichissait encore le patrimoine somatique de la dévote. À ce sujet, elle apparaissait comme l'antagoniste de Yokuro : avec pour ligne de symétrie leur appartenance commune au clan mineur des Yamanaka, ils se contrastaient, et se complétaient. L'un était une Lune de pâleur, un esprit tourné vers la science de l'esprit, au regard céladon et terne, et à la toison opalescente, dénudée de vie. L'autre était un soleil resplendissant de beauté, et irradiait une culture dogmatique de l'âme. Son regard, contrairement à son homologue sélénite, était empli de vie, tout comme sa chevelure.

Suite à l'interpellation plutôt timide du psychanalyste, la prêtresse sans lieu de travail s'approcha de son cousin, et le contempla. Mitsuko avait reconnu la voix de son cousin, néanmoins, elle devait admettre qu'elle avait du mal à revoir la silhouette du jeune adolescent qu'était Yokuro au moment de leur rencontre. À ce moment-là, le shinobi de Konoha achevait la partie la plus difficile de sa vie. Il décuvait de son isolement, de sa psychose profonde dans le bastion de la santé mentale : l'asile de Reimori, situé à Hi no kuni. Ce sanatorium était lui-même dirigé par Yamanaka Inoko, un éminent membre du clan Yamanaka, et accessoirement père de Mitsuko. Ce même Inoko était également le frère du père de Yokuro, faisant par la même occasion d'Inoko l'oncle de Yokuro, et expliquant de fait le lien qui l'unissait à sa cousine. Ainsi, alors qu'Inoko dirigeait l'asile, Yokuro y était enfermé, et sous l'impulsion de son professeur, aspirait à apprendre ses connaissances sur place, sur un terrain qu'il connaissait bien. Et de fait, tout au long de son apprentissage, Mitsuko fit sa connaissance, en venant rendre visite à son père. Ironie du sort, la fille de l'illustre psychiatre cessa de rendre visite aux Yamanaka de Reimori dès lors que le temple de Kyûbi entra en contact avec elle, pour qu'elle suive une formation de grande prêtresse. Depuis ce jour, jamais Yokuro et Mitsuko ne s'étaient revus, et avaient suivi des voies différentes. L'un suivait les sentiers de la science, l'autre avançait solennellement le long du chemin de la religion.

— Tu as changé, Yokuro-kun, alors que moi je n'ai fait que grandir sous la protection de Kyûbi. Dire que nous n'avons que deux ans d'écart !

Effectivement, les deux habitants de Hi no kuni n'étaient espacés que de deux ans de différence. À l'époque, Mitsuko était une petite fille, frêle et timide, qui entre deux visites pour son père, observait Yokuro. Elle avait du mal à parler, gêner par son cousin à l'air taciturne, à son regard mutilé et vide. Aujourd'hui, elle parlait avec plus d'assurance, et moins de distance. Elle affirmait sa présence, d'une voix claire et cristalline, enduite de féminité. Son adolescence au sein de la communauté religieuse de Konoha ne l'avait pas que formaté à sa future profession de Prêtresse, semblait-il. Elle avait pu s'épanouir plus facilement.

Elle était un camélia rouge, débordant de vie, mais à la fois dévoué pour une cause divine.
Il était un camélia blanc, inodore, fantomatique, dévoué pour une cause antagoniste à sa cousine.

Après les retrouvailles, les deux jeunes gens discutèrent. Ils évoquèrent les années passées dans le silence le plus complet entre les deux cousins. Chacun raconta à sa manière ce qu'il lui était arrivé. Tout deux se sentirent un peu gêné à l'idée de savoir qu'ils étaient dans le pays, puis à Konoha, mais que jamais ils ne s'étaient croisés. Bien que de naturel neurasthénique, Yokuro baissa la tête à la manière de Mitsuko. À Reimori, elle était malgré tout sa seule famille : pas même Inoko ne venait voir son neveu. Contrairement à sa fille - qui n'était pas au courant de l'affaire dans le village de Yokuro - il avait du mal à se faire à l'idée que son neveu ait pu violer sa nièce, la chair de son frère, de gré ou de force. Quant à Mitsuko, elle baignait dans la naïveté et l'innocence, et s'intéressait de loin comme de près à son cousin. Elle était curieuse par rapport à ses études, à ses travaux, à ses révisions. Son cousin faisait si jeune, et dans son travail semblait si mature, que cela l'en déconcertait. Aujourd'hui elle avait changé, certes, mais avait conservé sa curiosité. Une curiosité malicieuse, malheureusement.

— Mais dis-moi, tu ne m'as pas dis pourquoi tu étais venu ici. Toi aussi tu es venu prier Kyûbi ?

Fatale erreur que de parler religion auprès d'un athée, et d'un scientiste convaincu du caractère illusoire de la religion. Un quidam lambda aurait froncé le sourcil à cette question, mais en bon psychagogue placide et stérilisé de toutes émotions extériorisées, Yokuro s'abstint de toute remarque exprimée avec son visage.

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