Cette journée avait commencée comme toutes les autres. Cette journée n’augurait pas de gros changements spécifiques. La vie suivait son cours dans le village de la Brume qui continuait tranquillement ses petites activités quotidiennes. Rien ne venait troubler la pérennité de l’endroit. Les rues étaient toujours aussi bondées de monde. Ce qui avait le don d’agacer un être parmi toute cette foule. Shinda Michiki n’était pas un grand fana de la surpopulation. Cela avait tendance à l’irriter même s’il parvenait de mieux en mieux à contrôler son dégoût profond pour ce genre de choses. Il prenait énormément sur lui mais bon. Toujours est-il qu’il n’était pas là pour rien. Il devait emprunter ce chemin pour se rendre au QG du Misuto. Cela faisait un moment qu’il n’y avait pas mis les pieds. La dernière fois, Pô était encore là. C’est pour dire à quel point ça remonte. Il avait reçu une convocation pour se présenter là-bas. Le régent de Kiri l’attendait. La rencontre promettait.

Depuis tout le temps qu’il était au village, c’est-à-dire quelques années, le nécromancien n’avait jamais croisé cet homme dont tout le monde parlait. Il avait beau avoir un poste important, Michiki n’arrivait pas à voir quelle tête il avait. Il ne l’avait jamais vu lors d’un évènement particulier ou même personnellement. Cette lettre l’avait légèrement surpris mais pas tant que ça. Il était surtout étonné que ce ne soit pas fait plus tôt. Avec la disparition de Pô, une question restait en suspens : qui allait prendre la tête de l’unité spéciale de Kiri ? Selon les déductions du nécromancien, c’était pour cela qu’on le convoquait dans les locaux de l’unité. Même très certainement pour le nommer chef du Misuto. Ce qui aurait été normal. Il est le plus à même de remplir ce rôle. Après tout c’était son maître qui dirigeait l’unité avant et son enseignement avait porté ses fruits. Le Jônin avait pu en faire la preuve. Cette entrevue mènerait certainement à une promotion intéressante. Mais il fallait garder la tête froide pour le moment.

Lorsqu’il arriva devant le bâtiment, il enfila son masque. Les gardes à l’entrée l’observèrent avant de le laisser passer. Le masque suffisait comme titre de passage. Pas besoin de plus. Simplicité et efficacité. Même si selon l’avis du Jônin, ce n’était pas un moyen de sécurité fiable. S’il était rendu à la tête de l’unité, il trouverait un moyen pour renforcer ça. Un peu de réflexion et une telle sécurité pouvait être contournée facilement. Certains détails comme ça qui retenait l’attention du nécromancien maintenant. Avant il préférait laisser Pô gérer tout ça car après tout il était le seul en mesure de faire ce qu’il veut. Et puis contester son autorité aurait été encore plus débile. Là cette fois il aurait l’occasion d’imposer ses idées. Il grimpa à l’étage dans le bureau de réunion. Là où l’attendait le régent. Il arriva face à la porte de l’endroit où il fut nommé membre du Misuto. Que de souvenirs. Il avait franchi le seuil de cette porte aux côtés d’Hojo en plus. Cette fois aussi remarque sauf que le médecin était sous la forme d’un rouleau d’invocation. Il frappa et entra sans vraiment attendre la réponse. Si on l’avait convoqué on l’attendait. On n’allait pas lui demander d’attendre !

Il ouvrit la porte pour la refermer quelques secondes après derrière lui. Il s’avança pour faire face au fameux régent. Un homme blond à l’œil bleu. Oui il était borgne. Mais pour avoir ce rang, il devait très bien se débrouiller avec l’œil qui lui restait. Ce devait être un adversaire redoutable. Mais Michiki n’était pas là pour ça. Il se tint droit, les mains dans le dos et s’exprima :

-Mogura au rapport Monsieur. Vous vouliez me voir ?

Un type qui allait droit au but. Ce n’était pas sans rappeler le caractère de Pô qui gardait certaines choses secrètes mais qui ne tournait pas autour du pot, non aucun jeu de mot, pendant dix siècles pour dire ce qu’il voulait. Les gens comme ça étaient agréables dans la discussion. Cela faisait gagner de précieuses minutes et puis le fait de parler pour amener quelqu’un sur un sujet spécifique avait le don de virer à de la parlotte. Chose pour laquelle Michiki n’était pas doué et qu’il avait en horreur. Mais bon c’était une autre histoire ça. Apparemment, d’après les dires du régent, les talents du nécromancien étaient requis pour une certaine tâche qui aiderait le borgne. Ils échangeaient un regard sérieux depuis tout à l’heure. Le masque en devenait même inutile puisque l’œil de l’homme face à Mogura était tellement inquisiteur que ce dernier se sentait comme scruté de l’intérieur. Il n’y avait plus d’anonyme. Et puis techniquement, le régent devait connaître son identité pour l’avoir convié là alors ce vulgaire protocole n’avait pas lieu d’être tout compte fait. C’est pour ça que le Jônin obtempéra à la demande de son interlocuteur lorsqu’il lui demanda de s’asseoir et d’ôter le masque.

Le régent ne tarda pas à prendre la parole. Il tenait à exposer son plan. Un caractère bien trempé apparemment. Le genre d’homme fait pour être au pouvoir. Michiki ne le connaissait pas beaucoup mais il pouvait au moins lui reconnaître cette qualité. Restait à voir si le reste suivait. Il lui fit un rapide compte rendu de la situation du village au niveau de l’intérieur. Certains détails échappaient totalement au Jônin. Il était donc bon de les lui rappeler. Ces éléments lui permettraient certainement de comprendre la suite du raisonnement de son interlocuteur. Michiki n’avait rien à redire là-dessus et se contenta d’écouter alors que l’homme posait les coudes sur la table noire pour reposer son menton dans ses mains.

Tout ce petit compte rendu avait amené à un constat : Kiri avait des faiblesses auxquels le régent voulait palier. Un noble objectif que Michiki ne pouvait que partager. Le Misuto serait l’instrument pour parvenir à rétablir ce défaut. S’ensuivit ensuite un magnifique compliment qui aurait pu arracher un sourire au nécromancien. Mais le sérieux de cette discussion aurait rendu toute trace de joie déplacée et il s’en abstint par respect pour le régent. Le sujet commençait ainsi à se préciser. Le régent de Kiri tenait à confier la direction du Misuto à Michiki en échange de quoi ce dernier devrait lui rendre des comptes. Ce n’était pas tout à fait ce à quoi le nécromancien s’attendait mais après tout c’était mieux que rien. L’Homme avait des doutes c’était naturel. Il lui appartiendrait de dissiper ses doutes qui taraudaient l’homme face à lui afin de lui prouver sa valeur et sa fidélité. Et il saurait s’en montrer digne. Il avait déjà quelques idées pour cela.

Après le discours du borgne, Michiki avait le choix d’accepter cette offre ou non. Il remonta ses lunettes sur son nez aquilin. Le reflet sur les verres dissimula brièvement ses yeux jusqu’à ce que le soleil ne se reflète plus dessus, laissant ainsi à la vue du régent le regard du Jônin. Cet œil était déterminé. D’apparence froide, on pouvait penser qu’il était juste impitoyable et du style à foncer dans le tas. Mais la mobilité de cet œil laissait présager un esprit alerte, toujours en pleine réflexion. Il arriva finalement au bout de sa réflexion. Il ne tenait pas à se contenter d’un vulgaire « oui » après le discours recherché du régent. Il prit enfin la parole :

-Vos intentions sont nobles et je les partage. J’accepte votre offre et tous les « détails » qui s’y rattachent. Je peux déceler certaines faiblesses dans la direction du Misuto jusque-là. Jagaa en avait rectifié une partie même si d’autres points me laissent perplexes. J’œuvrerais pour Kiri et donc pour le Misuto afin de relever notre pays. Nous avons réussi à tenir face à une des quatre puissances de ce monde. Un problème interne est intolérable et doit être éradiqué.

Il prit un temps pour laisser ses mots s’imprégner dans l’esprit de celui qui lui faisait face. Il posa les bras sur le fauteuil et plia les jambes. Il abordait la phase délicate de ce qu’il tenait à exprimer. En espérant que le régent ne se refermerait pas complètement à ces mots :

-Néanmoins, vous vous doutez qu’une telle coopération demandera un minimum de confiance. J’ai des projets et certains moyens à ma disposition pour aider le Misuto à devenir encore plus fort. Ces agissements nécessiteront votre accord et vous n’aurez que ma parole pour juger. Cela vous suffira-t-il ? Posez-vous cette question. Mes méthodes sont particulières mais je pense pouvoir vous promettre certaines choses en échange. La fin du doute qui plane sur d’éventuelles taupes, la fidélité des recrues à venir et une organisation digne de l’hégémonie de Kiri. Tout cela, à votre portée contre une confiance en moi et mes méthodes. Elles ne nécessiteront pas que vous soyez dans l’ignorance, je peux vous l’assurer. Et mettons que je remplisse ces objectifs. Supposons que ce que je vous promets est réalisable. Me laisseriez-vous la direction exclusive du Misuto ? J’aurais gagné votre confiance totale n’est-ce pas ?

Le Kirijin tenait à voir si la place de chef pouvait lui revenir d’une manière ou d’une autre. Avec les plans qu’il avait en tête, cela pouvait être possible. Il ne vendait pas des résultats et ne faisait pas de promesses en l’air. Ce qu’il venait de dire, il l’affirmait et en était sûr. Il lui restait encore quelques efforts à faire pour progresser et nul doute que ces derniers le feraient passer au stade de vrai dirigeant de l’unité spéciale qu’est le Misuto. Mais cela dépendait également de la volonté du régent ainsi que de sa réponse.

Michiki sourit légèrement aux mots du régent. Il n’avait pas pu s’en empêcher. Le borgne venait de lui confirmer qu’en cas de réussite, la place de chef à part entière lui revenait. Cela le rassurait. Pô voulait que ce soit le cas. Une forme d’héritage basé sur la compétence et sur la confiance qu’il lui accordait. Le régent avait même délaissé le nom de code pour appeler Michiki par son prénom et le tutoyer. Cette relation de confiance devait s’établir dès maintenant afin d’assurer un travail efficace par la suite. Sans coopération et sans confiance, les deux hommes ne pourraient arriver à leur objectif. Le Misuto devait devenir une unité irréprochable garante de la pérennité du village. Et la meilleure dans son domaine. Yoru voyait certaines faiblesses qu’il tenait à éradiquer. Un but qu’allait poursuivre Michiki maintenant. Un simple hochement de tête de la part du nécromancien pour exprimer le fait qu’il avait bien compris ce qui venait d’être dit.

Sans attendre, le régent éborgné s’attarda sur un autre sujet. Un autre but commun. Ce qu’il advenait de Pô. Sa disparition laissait un grand vide à Kiri. Dont celle de chef de Misuto que son élève allait tout faire pour avoir. Le fait que Yoru s’attarde sur l’unité et garde une certaine influence dedans ne lui plaisait pas particulièrement mais il avait la parole de l’homme de lui laisser la responsabilité de l’unité une fois que les problèmes au sein de cette dernière serait réglé. Le Jônin de la Brume sanglante n’allait pas traîner pour le faire. Mais le régent venait de soulever les circonstances mystérieuses de la disparition de Pô. Personne n’avait de nouvelles de ce dernier. Personne sauf Michiki qui avait eu le privilège de recevoir un message secret de son maître. Il savait juste que son senseï était bien vivant et infiltré à Kumo. Aucune autre information n’avait filtré. Il devait se taire néanmoins. Ne rien dire pour éviter que la rumeur s’ébruite. Le régent était quelqu’un de confiance mais le nécromancien ne pouvait prendre le risque. Il avait donné sa parole à Pô. Il emporterait ce secret jusque dans sa tombe s’il le fallait.

Cela le dérangeait un peu de devoir mentir à son supérieur mais il était un homme de parole. De plus, le régent venait de lui faire part qu’il soupçonnait des taupes de subsister au sein de l’unité et même au sein de Kiri. Il devait donc surveiller ses mots et ses actes pour que tous pensent que Pô était disparu et n’avait pas laissé une seule explication. Une réaction que comprendrait certainement Yoru s’il était au courant. Mais malheureusement, Michiki allait devoir lui mentir sur ce point. Il était prêt à l’aider dans son objectif de relever et renforcer Kiri, il aurait donné sa vie pour son pays mais jamais il ne trahirait un camarade. Surtout quand il devait tant à ce dernier. Adoptant donc un ton parfaitement normal, il réagit comme il l’aurait fait s’il n’avait pas été au courant de ce qu’il advenait de son maître :

-Malheureusement, je ne saurais apporter de précisions à cela. Même moi j’ignore où il se trouve. Mais je tiens à ne pas oublier son enseignement et ce qu’il a entrepris pour le village. Un tel homme est un héros qui mériterait au moins une statue ou une plaque commémorative dans ces bâtiments.

Il avait terminé sa phrase en écartant les bras pour désigner l’espace qui l’entourait. Son maître avait entrepris de nombreuses choses pour relever cette unité et il avait interrompu son travail avec son départ. Mais Michiki était là pour relever le défi. Il était là pour rehausser ce qu’il restait à relever à Kiri. Le Misuto avait quelques failles qu’il colmaterait d’une main de fer. Quitte à être détesté de tous, il s’en fichait pas mal. Il agirait avant tout pour le bien du village et de l’unité. L’idée d’une statue à la mémoire de Pô ne lui déplaisait pas. Un jaguar de jade à l’entrée du bâtiment serait un parfait symbole pour l’unité. Même si cela ne règlerait pas les problèmes qu’ils rencontraient, cela renverrait un message fort. Le fait que Kiri savait reconnaître ceux qui les avaient aidés et leur rendait hommage comme il se devait. Une idée lancée comme ça que Yoru désapprouverait peut-être mais bon au moins Michiki avait exprimé son point de vue là-dessus.

L’essentiel avait été dit sur les problèmes et la direction du Misuto. Le régent devait certainement en avoir fini avec lui. Michiki se leva donc en prenant son masque qu’il avait posé sur la table et il resta immobile, comme un soldat au rapport.

-Vous avez encore besoin de moi pour quelque chose ?

Conformément à ce qu’avait espéré le nécromancien, son senseï ne serait pas oublié malgré le fait qu’il ne soit plus présent à Kiri. Des plaques commémoratives seraient érigées en sa mémoire mais le régent avait refusé une statue. Un choix qui se comprenait. Après tout le QG du Misuto n’était pas un musée d’art. La décision prise au final lui convenait. Au moins il savait maintenant à quoi s’en tenir avec son supérieur. Il s’agissait d’un shinobi de la Brume sanglante, comme lui, mais il savait garder une part d’humanité envers les compagnons méritants qui se battaient à ses côtés. Un homme respectable en somme. Capable des pires horreurs, avide de carnage et de tuerie mais qui préservait une part de bonté avec ses proches. Kiri était régulièrement désigné comme un village de monstres. Ce n’était pas l’avis de Michiki et chaque nouvelle rencontre le réconfortait dans son choix. Il y avait dans ce village de redoutables guerriers, certes, mais il y avait plus que ça. Il y avait toute une communauté qui s’entraidait et qui s’unissait pour parvenir à ses fins.

Le régent de Kiri se leva de son fauteuil. Les deux hommes étaient à présents debout, comme placé sur un pied d’estale. Deux personnalités importantes, prépondérantes à l’organisation du village se tenaient l’une face à l’autre comme deux monuments. Leurs ombres représentant leurs loyaux sujets qu’ils gouvernaient tous deux d’une main de fer. Bon d’accord la comparaison est plus que tirée par les cheveux mais il fallait admettre que la scène en jetait. Le genre de tableaux qu’on n’oublie pas. En tout cas Michiki ne l’oublierait pas de sitôt. Il y avait des moments comme ça qui restaient gravés à jamais dans la tête d’un homme.

Le silence qui régnait jusque-là fut finalement rompu par le borgne. Il commença à exposer la deuxième phase de ce qui semblait être son plan. Mis à part les faiblesses qu’il avait constatées au sein du village et de l’unité, il y avait une tâche dont il souhaitait s’occuper avant tout. La purge de la prison du Misuto. Elle n’avait pas été très remplie ces derniers temps mais cela allait prochainement changer avec le nouveau dirigeant. Le travail confié à Michiki était de s’assurer que les gardes allaient laisser les deux hommes se charger de leur obscur dessein. Ils comptaient laver le village des déchets qui le surpeuplait. Cette opération allait permettre d’observer à quel point le nouveau dirigeant de l’unité saurait se faire respecter par ses hommes. Il devrait également savoir affirmer la nouvelle politique de l’unité. Certains seraient certainement contre mais c’était la volonté du régent et de Michiki, nouveau chef du Misuto. Enfin, chef partiel. Un intérimaire quoi. Le rendez-vous était fixé pour ce soir. Comme le nécromancien ne trouvait rien à ajouter sur cela, il prit congé en hochant de la tête histoire de témoigner d’une certaine manière de son accord avec ce plan. Il sortit du bureau, son masque à nouveau sur le visage. Il allait agir en tant que chef de l’unité pour la première fois. Et tout contrevenant allait goûter de sa colère.

Le soir était enfin venu. L’heure fatidique approchait. Le Jônin d’élite se rendit dans le bâtiment qu’il avait quitté un peu plus tôt dans la journée. Les gardes à l’entrée l’observèrent pour s’assurer qu’il avait l’autorisation de rentrer. Il hésita à leur faire la remarque maintenant. Non. Ce serait attirer l’attention inutilement. La nouvelle s’apprendrait bien assez tôt et ce contrôle d’identité deviendrait obsolète. Il n’y avait personne à l’intérieur. Encore moins qu’en journée. Il monta jusqu’à l’étage qui l’intéressait. Là, une immense salle haute de plafond avec deux niveaux. A plusieurs mètres du sol, une plateforme qui faisait le tour de la salle et qui permettait d’avoir accès aux cellules en haut. A peine entré dans la salle que deux hommes s’avancèrent vers Michiki. Ils identifièrent le masque immédiatement et reconnurent l’homme qui leur faisait face. Il pensait s’adresser à Mogura, dit la Taupe, mais il avait face à eux leur nouveau supérieur. Ils lui firent signe de faire demi-tour. Il n’avait pas l’autorisation pour venir ici. Michiki les dépassa sans se soucier de l’ordre précédemment donné. L’un d’eux l’agrippa par le bras et lui fit face. Il portait également un masque. Derrière le visage blanc aux dessins bleutés, une voix s’éleva :

-Tu ferais mieux de rester à ta place Mogura. C’est pas parce que ton protecteur n’est plus là qu’il faut t’imaginer être à sa place.

Un simple rire s’échappa du masque du nécromancien. Il retira son bras d’un coup sec de l’emprise du garde qui sortit immédiatement une arme qu’il plaça sous sa gorge. Le Jônin resta immobile mais il préservait son sourire. Même si ce n’était pas visible. Il resta ainsi un moment avant de répondre aux dires de cet homme, qui faisait son travail comme il faut :

-C’est vrai ? Va donc demander ça au régent. Les choses bougent. Ce serait bien de te tenir au courant Kanshu. La direction du Misuto me revient maintenant. Tu sais tout aussi bien que moi que c’est ce qui nous attendait. Maintenant tu peux me croire et me laisser faire ce que j’ai à faire ou t’opposer à moi. Je prendrais en compte le fait que tu as rempli ta tâche à merveille en faisant preuve de force de caractère pour m’empêcher de rentrer.

Un long silence précéda ces mots. Le dénommé Kanshu restait sceptique apparemment. Mais son avis penchait du « bon côté ». Il avait abaissé son arme, signe qu’il se disait que le nécromancien devait dire vrai. D’ailleurs ce dernier s’en faisait un peu plus pour l’autre qui ne disait rien depuis tout à l’heure. Mais il règlerait ça une fois que le problème serait réglé avec Kanshu. Un problème qui ne tarda pas à disparaître pour se transformer en solution. Mais il fallait un petit coup de pouce pour ça. Un dernier argument convaincant qui mettrait fin aux doutes. Michiki craignait d’en arriver là mais il allait devoir prendre le même risque que son successeur. Et puis de toute façon la véritable identité du chef du Misuto était destinée à être connue par les membres de l’unité. Michiki porta une main à son masque et il l’ôta délicatement. Il se dévoila. Un geste lourd de conséquences pour les membres du Misuto. Mais un acte des plus évidents pour le leader de cette unité. Ce fut d’ailleurs ce qui acheva de convaincre le garde qui s’inclina légèrement avant de se reculer de quelques pas. Il commença à s’agenouiller mais Michiki claqua des doigts pour réprimer cela.

-Nous sommes ici d’égal à égal. Je suis ton supérieur hiérarchique mais nous restons néanmoins des compagnons d’armes au service de la même puissance. Pas de geste de soumission ou quoique ce soit par conséquent.

Le deuxième type avait suivi la scène sans dire un mot non plus. Mais il s’était approché suite à ce qu’il venait de se passer là. Et il se contenta d’écouter ce que venait de dire le nécromancien. il se dévoilait à eux, il était vulnérable par conséquent. Mais un chef n’était pas censé avoir peur de ses propres hommes. C’était ainsi que Pô avait mené sa politique. Le Jônin à lunettes aurait aimé faire différemment mais ce cas de figure ne lui avait pas vraiment laissé le choix. Mais au moins maintenant, ils semblaient le croire. Il allait pouvoir en venir à ce pourquoi il s’était aventuré ici. il reprit donc la parole sans trop tarder.

-J’aurais besoin que cet endroit me soit réservé ce soir. Il y a certains de nos invités qui traînent ici depuis trop longtemps. Mais cela ne requiert pas la présence de gardes vous en conviendrez. Prenez votre soirée et rentrez chez vous messieurs. Le Misuto ne serait rien sans…

Il aurait aimé continué sur un beau discours qu’il avait préparé dans la journée mais il fut grossièrement interrompu par celui qui n’avait pipé mot jusque-là. Il n’avait pas attendu la fin de la phrase pour exposer son avis.

-Parce que tu penses réellement qu’on va t’écouter comme ça sans rien dire ? On était là bien avant que tu sois un vulgaire Genin ! Et jusqu’à preuve du contraire nous n’avons aucune preuve que tu es réellement le nouveau chef. Alors retourne donc chercher les chats des vieilles du village et arracher les mauvaises herbes à la lisière de la forêt de la Brume.

La tension était clairement palpable. Yoru avait prévenu Michiki que cela ne risquait pas d’être facile. Il était à peine chef qu’il faisait face à un premier obstacle. Mais il ne comptait pas se laisser ainsi traité. La personne à qui il s’adressait était certes plus âgée et plus expérimentée mais le nécromancien avait un avantage. Si ce gars se retrouvait comme gardien de prison, c’est qu’il avait stagné dans sa progression. Il devait être fort pour être au Misuto. Mais Michiki s’était retrouvé catapulté dans les hautes sphères en un temps record qu’aucun autre Kirijin n’avait réussi à atteindre. Il était avide de puissance et ne cessait de s’améliorer pour prouver sa valeur. Il avait un esprit combatif qui l’empêchait de flancher et d’abandonner. Son seul objectif était de défendre Kiri ainsi que ses intérêts. Et ce vulgaire gardien ne lui faisait pas peur. Peu importe qui il était, Michiki pouvait l’envoyer au tapis quand il le voulait. Ce n’était pas de l’excès de confiance. Il le savait et le sentait au plus profond de lui. Même si son premier acte en tant que dirigeant devait se résumer à remettre quelqu’un dans le droit chemin, il le ferait pour peu que ça soit bénéfique à long terme au Misuto. Il s’approcha donc pour se retrouver face à face avec son récalcitrant :

-En effet tu n’as rien d’officiel qui t’indiques que je suis ton supérieur. Tu as donc le droit de m’attaquer dans ce cas, non ? Pourtant tu continues de parler. Tu te crois au thé ? Continue comme ça et il y en a d’autres que moi qui bénéficieront d’une promotion.

La rage devait se lire sur le visage du type. Mais difficile de dire si c’était le cas avec le masque. Mais les tremblements d’épaule suffisaient à indiquer que le garde voulait réagir. Il n’osa rien faire malgré tout. Il se contenta de faire volte-face et de partir. Son collègue bredouilla quelques vagues mots d’excuse pour demander au nécromancien de pardonner le comportement de son collègue. Il laissa là le Jônin en lui accordant qu’il avait la pleine responsabilité de ce qu’il se passerait ici. Il savait maintenant qu’il y en avait un dans le Misuto à qui il pouvait faire confiance. Il s’arrangerait pour revoir ce fameux type. C’était un guerrier loyal. L’autre en revanche, il allait avoir le droit à un traitement spécial. Mais ce n’était pas encore le sujet. Pour le moment, il fallait attendre le régent qui ne devrait plus tarder. Michiki saisit une chaise posée à l’entrée dont les gardes se servaient pour patienter. Il la tira au milieu de la salle puis s’installa. Les prisonniers faisaient un boucan d’enfer à cause de lui. Il le houspillait de tous les noms à essayer de savoir qui il était etc. Une réponse qui ne tarderait pas à venir et qu’ils allaient tous amèrement regretter. Un bruit de pas retentit au loin. Son dernier convive arrivait. Ils allaient enfin pouvoir se mettre à table.

Le Borgne était enfin arrivé. La fête allait donc pouvoir commencer. Sur ces festivités, seront lancées les hostilités. Dans cette prison qu’il faut purger, aucun ne pourra en réchapper. Soumis à leurs volontés, ils devront tous se plier. Ce serait avec facilité qu’ils allaient les éliminer. Mais seulement après qu’ils se soient amusés. Et l’amusement risquait non seulement d’être au rendez-vous mais il s’annonçait complet et varié. Avec tous les détenus ici, il y en avait pour tous les goûts. De redoutables meurtriers, des traîtres, des déserteurs un peu ratés qui s’étaient fait rattraper avant la frontière. Tout le gratin de la vermine réussi ici et laissé à l’entière disposition des deux Kirijins. D’autant que les prisonniers ne faisaient pas face aux plus tendres.

Michiki savait jusqu’où il pouvait aller et il n’avait pas besoin de se prouver son degré de folie et de carnage. En revanche, il ignorait totalement de quoi était capable le régent. Cet homme qui lui était inconnu de visage jusqu’à maintenant se trouvait à ses côtés pour une mission de grand nettoyage. Le genre de nettoyage qui ne nécessite aucune femme de ménage. Et puis de toute manière aucune ne serait assez solide et préparée moralement pour supporter ce qui allait se passer ici. Mais les capacités de Yoru restaient un vrai mystère pour le nécromancien. C’était d’une injustice profonde ! Michiki jouait cartes sur table et puis son dossier était entre les mains de ce type quand il le voulait alors il y avait à parier que chacune de ses techniques n’étonnerait pas le régent de la Brume sanglante ! Quel dommage !

Michiki aimait l’effet de surprise et l’art de l’innatendu. Cela ajoutait un côté théâtral aux affrontements. Ce qui par conséquent les rendaient divertissants et ôtaient tout caractère immoral et dégoûtant à ce qui se déroulait. Mais donc de quoi Yoru pouvait-il être capable ? Avec quel genre d’attaques se battait-il ? Quel était son style de combat ? Tant de questions et d’interrogations qui planaient dans l’esprit du nécromancien comme flottent des bulles de savon dans l’air. Cela serait une véritable surprise donc. Après un petit discours, Yoru se mit tout de suite au travail. Et Michiki découvrit enfin le pouvoir particulier du régent de la Brume.

Et il n’était autre que celui de manipuler la brume ! Plutôt efficace et bien pensé quand on est à la tête d’un pays où la Brume est née ! Plutôt astucieux. Et ce qui expliquait en partie pourquoi on lui avait donné accès à ce poste. Un tel pouvoir dans ce pays était une aubaine. C’était comme ce clan de Suna qui manipulait le sable. Un pouvoir infini quand on sait qu’ils sont basés sur une immense réserve de sable. Par contre sur Kiri, là il finirait par être assez limité rapidement. Le seul sable présent étant celui des plages, il faudrait qu’un des utilisateurs de ce genre de techniques ne bouge pas des rivages pour pouvoir se battre d’une manière correcte. Ce qui serait assez handicapant l’air de rien. Mais ce n’était pas le problème.

Le Borgne forma un nuage de vapeur qui se matérialisa ensuite en un dragon. La bête mythologique vint s’écraser dans les cellules du premier niveau. Associé à cela un petit courant Raïton afin d’éliminer les quelques survivants. Car il semblerait que cette vapeur possède des capacités corrosives intéressantes. Mais comme il était passionné par ce formidable spectacle, Michiki avait bien failli ne pas faire attention à l’essentiel. Yoru lui parlait en même temps. Il lui avait donné une instruction même. Il voulait que ? Quoi ? Pas de quartier ?! C’est quoi ça ? Puis Michiki se souvint de ce qu’il avait lu au sujet de cette expression. Apparemment, les gens normaux, à comprendre par là : les non Kirijins, avaient l’habitude d’utiliser cette expression pour désigner un état d’esprit. Celui de ne faire aucun survivant lors d’une bataille généralement. Mais étant donné la fougue que les Kirijins pouvaient mettre dans un simple combat, et étant donné toute la rage qu’ils y déversaient, le combat ne pouvait s’effectuer que de cette façon et l’expression était donc inexistante dans le vocable des gens de la Brume sanglante.

Bon et bien il faut croire que c’était son tour ! Oh quelle douce sensation que celle de tuer un pauvre bougre qui a fait de vilaines choses ! Remarque même quand il est innocent ça a le même goût ! Le goût au sens figuré bien sûr. Jamais Michiki ne se rabaisserait à de tels actes ! Quelle horreur voyons ! Du cannibalisme ?! Mais non enfin ! Le nécromancien n’était pas un tel sauvage ! Il savait faire preuve de savoir-vivre. Sinon il ne dirait pas ça :

-Excusez mon supérieur mes chers messieurs. Il peut se montrer terrifiant de temps en temps alors que pourtant il n’y a rien de grave. Je vais vous demander de bien vouloir désigner un volontaire. Ou plutôt qu’un volontaire se désigne pour débuter cette vaste purge que nous entreprenons ce soir. Etant donné qu’il s’agit de vos derniers instants, tâchez de rendre ça rigolo hein ? Bon alors qui commence !

Un vaste silence conquit d’abord l’assistance à laquelle il faisait face. Puis quelques secondes après, ce fut le tapage total. Des cris et des fous qui s’acharnaient sur les barreaux de leur cellule en espérant s’enfuir de cette manière futile. Le nécromancien soupira en baissant les yeux au sol. Il s’approcha ensuite de quelques pas puis il reprit finalement la parole en regardant le mur de prisonniers avec une petite moue dépitée :

-Bon alors je vais devoir désigner l’un d’entre vous au hasard ! Mais ne désespérez pas. Vous aurez tous votre chance ! La nuit est longue et nous avons de l’énergie à revendre il me semble !

Il se retourna et se retrouva dans le champ de vision de Yoru, dos aux prisonniers à qui il s’était adressé jusque-là. Il fit un clin d’œil au Borgne, d’ailleurs ça devait être assez difficile pour lui d’effectuer une telle chose. Enfin ça faisait comme s’il clignait normalement des yeux quoi. Sauf que tu peux pas savoir si c’est fait exprès pour marquer la complicité ou juste parce que son œil est sec. Que la vie devait être dure pour lui ! En tout cas après cet échange de regards, Michiki ferma les yeux et leva une main parallèlement au sol. Une faux de terre apparut. Quand elle se fut formée entièrement, il la jeta en l’air et elle revint se planter dans le sol un peu derrière lui sur le côté. C’était une chance qu’elle est fait ça. Elle aurait pu tomber sur la face et ainsi se retrouver à plat à glisser sur quelques mètres. Au moins son effet dramatique n’était pas gâché. Les yeux azurs du nécromancien réapparurent derrière ses verres tandis qu’il se retourna pour à nouveau faire face à ses jouets. Il regarda où son arme élémentaire était planté et il partit la chercher. Une fois arrachée du sol, il regarda dans la cellule en face de l’endroit où il se trouvait. Un sourire immense parcourut la totalité de son visage. Puis il prononça doucement ces mots :

-Le Destin semble t’avoir choisi…Jouons ensemble.

Le nécromancien s’avança d’un pas lent vers la grille. Son occupant se recroquevillait déjà au fond pour ne pas être à portée de l’arme. Une fois arrivé devant, le Jônin abaissa un levier à côté pour que la grille s’ouvre. Le type paniquait encore plus et resta dans son coin à se lamenter. D’un signe de doigt, Michiki lui demanda de s’approcher mais le type refusa d’un signe énergique de la tête. Il comptait vraiment s’en sortir avec ça ?! Le nécromancien soupira d’exaspération et saisit un rouleau à sa taille. Il le déroula un peu devant lui et un loup fit son apparition. Le canidé sauta dans la cellule et se mit à mordre le détenu aux mollets. Ce dernier couinait littéralement en essayant de fuir la bête qui finit par l’amener là où le nécromancien voulait : à l’entrée de la cellule. D’un geste ample, le binoclard découpa tout ce qui dépassait. Ce qui concernait une certaine superficie du gars. Les morceaux retombèrent au sol dans une mare de sang et Michiki essuya le peu de ce liquide qui avait giclé sur ses lunettes. Il les remit ensuite pour revenir face au mur de jouets. Puis il étendit les bras, son arme ensanglantée en main et s’esclaffa :

-BON ALORS QUI EST LE PROCHAIN A VOULOIR JOUER AVEC MOUAHAHAHAHA !

Il semblerait que Michiki se soit trompé de levier ! Au lieu d’abaisser celui qui permettait d’ouvrir la porte d’une seule cellule, il avait actionné celui qui ouvrait toutes les cellules. Un désir caché au fin fond de son subconscient ? Son inconscient qui s’était exprimé l’espace d’un instant par la voie de sa main pour obéir à son désir non dissimulé de carnage ? Tant de considérations philosophiques qui n’étaient pas si importantes que ça puisque maintenant : la fête pouvait commencer ! La porte principale qui menait à cette salle s’était retrouvé automatiquement verrouillée. Une sécurité prévue à l’ouverture générale des cellules qui allait permettre aux Kirijins de profiter de cette délicieuse soirée. Et ils ne comptaient pas en perdre une goutte.

Yoru rivalisait d’ingénieuses techniques et d’habiles moyens de torture pour procéder au grand nettoyage. Michiki observait tout cela du coin de l’œil et il ne pouvait que s’émerveiller devant tant de savoir-faire. C’était l’alliance d’une précision redoutable associée à une puissance dévastatrice et qui semblait incontrôlable. Le régent n’avait pas de limite dans sa capacité à inventer des moyens de tuer. Tant est si bien que le nécromancien se sentait fade à côté. C’était une tristesse qu’il devait rattraper !

Il fallait qu’il prouve qu’il n’était pas n’importe qui ! Yoru ne connaissait que son dossier et cette rencontre était l’occasion de montrer à quel point sa place n’était pas une chance qu’on lui accordait mais qu’il la méritait véritablement. Et il n’allait pas se retenir. Les prisonniers couraient dans tous les sens dans l’espoir de trouver un moyen de s’échapper mais quelques hardis combattants s’imaginaient capables de prendre les devants en venant se confronter aux tortionnaires qui les avaient libérés. C’étaient les premiers à mourir évidemment. Quelques coups de lame suffisaient à en terminer avec ces vermines. Il n’y avait rien de bien compliqué en même temps. Mais il fallait innover maintenant. D’un simple lancer dans le sternum d’un forçat, Michiki se débarrassa de sa lame.

Place au spectacle ! Place à quelque chose de plus sophistiqué ! Il fallait se montrer inspiré et sortir de la banalité de coup de lame. On est pas à l’académie ici ! Le nécromancien passa en revue ce qu’il avait dans son arsenal de techniques. Devait-il sortir les cadavres maintenant ? Non ce serait trop évident et pas assez amusant. Le loup avait juste été là pour faire venir la première victime. Non il fallait autre chose. Un truc plus sympathique. Qu’avait-il en nouveauté ? Ah oui ça y est ! Il avait exactement ce qu’il cherchait en stock ! Il devait essayer ce combo de toute manière alors autant expérimenter ça ici et maintenant.

Il joignit ses paumes de main ensemble et une coulée de boue l’entoura d’un cercle marron. Le moindre petit détenu passant là-dedans aurait le droit à un sacré traitement ! Mais ils n’étaient pas assez stupides pour venir directement dans le piège. Ils le forçaient à user de la même ruse que tout à l’heure. Mais étant donné leur nombre, un simple loup ne serait peut-être pas suffisant. Il fallait une approche différente ce coup-ci. Un rouleau en main, le nécromancien invoqua une nuée d’oiseaux. Les volatiles se dirigèrent vers le premier type à portée et commencèrent à le harceler de toute part. Le prisonnier se protégeait le visage dans de grands cris et ne regardait pas où il marchait. Jusqu’à ce qu’il pose le pied dans la boue que le nécromancien avait répandue sur le terrain.

Un immense sourire orna son faciès de démon tandis qu’il levait une main fébrile en direction de sa toute première victime. A son ordre mental, les oiseaux laissèrent leur cible tranquille. Et cette dernière se rendit compte de là où elle se tenait. Un peu trop tardivement. La peur dans son regard avait alimenté l’excitation de Michiki pour en frôler le seuil du supportable. Il était secoué par de violents tremblements qui se changeraient bientôt en spasmes si la pression ne redescendait pas. Mais dans un dernier espoir, le détenu fit quelques pas pour se sortir de la petite mare de boue. Comme dit plus haut, il était déjà trop tard. La boue fut animée d’une volonté propre au Jônin d’élite et vint entourer la jambe de sa victime. Michiki referma le poing et le craquement des os ainsi que le cri du détenu emplit la pièce pour se répercuter en de multiples échos.

Dans l’incapacité de bouger, le type s’effondra au sol, tremblotant à cause de la douleur. Sa jambe décrivait un angle assez inhabituel et était toujours recouverte d’une gangue de boue. Et c’était mieux ainsi car Michiki connaissait le spectacle en dessous. Et ça n’avait rien d’apetissant ! Bien au contraire. Se frayant un chemin dans sa propre boue, le chef du Misuto s’approcha lentement. Lorsqu’il fut à hauteur de son jouet, il l’attrapa par le col pour le relever. Etant en appui précaire sur sa jambe, un nouveau hurlement suivit ce mouvement. Puis Michiki glissa un doigt insidieux jusque dans le creux de l’oreille du gueulard. Leurs visages étaient proches l’un de l’autre et le regard de dément du nécromancien était plongé dans les billes apeurés de sa proie à qui il tint ce discours :

-Tu me casses les tympans avec tes beuglements. Laisse-moi te rendre la pareille. Ça t’enseignera peut-être les bonnes manières !

Un bruit épouvantable remplaça les cris. Et le supplice en était à la hauteur. Au bout de son doigt, Michiki avait concentré du chakra Katon pour former une petite sphère. Et vu l’endroit où le nécromancien avait calé son doigt, pas d’allusions perverses là-dedans s’il vous plaît, les dégâts occasionnés et la douleur mirent fin aux gémissements du prisonnier qui retomba à l’état de corps sans vie. Avec le cerveau en bouillie en plus ! Mettez-lui un ballon dans les pieds et il fera fortune ! Il contourna le cadavre pour retrouver le sol ferme et dur.

De nouvelles cibles se précipitaient à toute vitesse sur lui. Ils avaient décidés de s’allier pour l’attaquer. Intéressant. Mais pas suffisant. Il se recouvrit instantanément d’une armure de terre. Les coups n’eurent aucun effet mis à part de faire craquer les articulations du petit groupe d’inconscients. Gardant cet ornement pour un style esthétique et pratique, Michiki recouvrit également ses phalanges de griffes de terre. Il semblait comme envelopper d’un manteau terrestre de la forme d’un grizzli. Et les coups qu’il asséna furent tranchants et accompagnés de gerbes pourpres. Le groupe fut rapidement réduit à néant par les assauts du nécromancien qui annula ses techniques par la suite. Il souffla. Il s’était bien dépensé là. Un rapide regard à Yoru pour lui adresser quelques mots :

-Y a pas à dire ça fait un bien fou ! Pourquoi on ne fait pas ça plus souvent régent ?

Il avait terminé ses mots par un rire tonitruant couvrant les cris de nombreuses victimes du duo Kirijin. Quelle nuit magnifique. Il n’était pas prêt de l’oublier celle-là !

Ô joie ! Ô rage ! Ô désespoir! Tant de mots qui caractérisaient à merveille la situation. C’est juste que ces sentiments étaient équitablement répartis entre plusieurs personnes. La joie et la rage pour le tandem Kirijin et le désespoir pour leurs malheureuses victimes. Chacun d’eux s’en retrouvaient décuplés à un niveau des plus astronomiques. C’est ce qui poussait chacun des protagonistes de ce carnage à repousser leur limite pour arriver à leur fin. Et la finalité de ce repoussement de limites conduisait à amplifier encore ces sentiments. Un redoutable cercle vicieux dans lequel de nombreuses vies étaient mises en jeu. Et dont beaucoup avaient déjà trépassés sous les coups acharnés du Lutin Fou et de Mogura, nouveau chef du Misuto.

Quel ballet mes amis ! Mais quel formidable spectacle ! Encore mieux que le cinéma. Remarque ce genre de films ne devait pas être autorisé à tous les publics. Interdit aux non Kirijins. Minimum ! Le carnage qui résultait de ces enchaînements était juste admirables. Mais chacun de son côté, les deux hommes usaient de techniques et de style bien différents. Celui de Michiki pouvait demander un peu plus de raffinement encore mais bon. Pour lui ce qui primait, c’était l’efficacité de ses méthodes. Yoru devait être au stade maximale de la puissance qu’il pouvait atteindre alors il s’était attardé sur le côté plus esthétique et artistique. Michiki avait encore des progrès à faire alors il n’avait pas le même objectif premier que le Lutin.

Après avoir grignoté la majeure partie de son chakra, le nécromancien soufflait un peu. De toute façon, il n’y avait plus grand monde qui se risquait à l’approcher. Il put donc observer et entendre précisemment ce que lui disait Yoru. Il venait de répondre à sa question en ayant un raisonnement intéressant. S’ils faisaient ça plus souvent, l’amusement ne serait plus aussi présent qu’à cette unique fois où ils avaient eus l’idée de cette épuration des geôles de Kiri. La logique tenait la route. Mais il fut grossièrement interrompu dans sa réflexion par un violent barbare qui lui sauta dessus. Ce pauvre inconscient imaginait le surprendre et même lui asséner un coup redoutable. C’était mal connaître le nécromancien.

Ses capacités au corps-à-corps laissaient à désirer certes mais il pouvait parfaitement sentir un ennemi s’approcher. Surtout quand ce dernier faisait preuve d’autant de discrétion et de finesse. Un grand cri pour se donner du courage et des gestes lents et patauds. Ce type avait dû inspirer l’expression « finesse ». Obligé. En tout cas, il ne fallut pas longtemps à Michiki pour régler le problème. Deux scalpels apparurent dans ses mains grâce aux sceaux apposés sur les poignets et les deux lames vinrent se planter allègrement dans la cage thoracique du pauvre inconscient. Ce dernier s’effondra avec déjà plus de discrétion que lors de son dernier mouvement avant de rendre l’âme. Pour une fois qu’on ne l’entendrait pas beugler.

Il tira immédiatement ses précieuses armes du corps flasque qu’il venait d’éliminer. Puis il se posa un instant. Toujours sous le coup de la fatigue il avait du mal à récupérer de son usage abusé de techniques qu’il venait de faire. Il allait devoir continuer ce style de combat plus archaïque et ancien pour le moment. Puis il repensa aux mots du régent avant que ce malpoli ne l’interrompe grossièrement. Il allait y répondre mais un autre malheureux passa à portée de son bras. Et hop une jugulaire de tranché ! Il regarda le pauvre gars se vider lentement de son sang dans des gargouillis indescriptibles puis il se tourna vers le régent en hurlant :

-Haha ! Pas sûr que je me lasse d’un tel spectacle !

Et il reprit sa danse macabre parmi les détenus libérés pour leur bon plaisir. Les cadavres s’empilaient peu à peu et recouvraient le sol de la prison. Ce qui donna une idée intéressante au nécromancien. Il balança ses scalpels dans les yeux d’un gars qui lui faisait face et il étendit les bras, ses doigts déployés comme s’il comptait s’envoler. Il se concentra un instant et il réalisa enfin un combo plutôt artistique et sympathique. Son contrôle des morts se révéla enfin être d’une beauté sans nom.

Tous les membres arrachés et découpés se retrouvèrent animer par la volonté d’une seule personne : Michiki. Chacun d’eux se propulsa vers les prisonniers encore vivants afin de leur faire vivre le pire supplice qui soit. Etre recouvert des restes de leurs compagnons de cellules avec qui ils auraient pu sympathisés. Les plus marrants à utiliser étaient les bras puisqu’ils pouvaient saisir la gorge et faire rejoindre le royaume des morts à d’autres malheureux. L’entourage du nécromancien diminua ostensiblement pour laisser place à un spectacle des plus splendides. Soit de fiers gaillards qui se mettaient à pleurer et sangloter tels des femmelettes soit des hommes expirant un dernier souffle de vie. Et au milieu de ce paysage de désolation, un seul homme souriait. Celui à l’origine de tout cela.

Des dents blanches éclatantes qui s’accordaient avec le blanc des yeux exorbités derrière les verres de couleur mauve. Aucun bruit mis à part les gémissements et les sanglots jusqu’à ce qu’un rire démoniaque s’échappe des tréfonds de la gorge du nécromancien et n’emplisse l’air d’une mélodie sinistre. Une mélodie se répercutant sur chaque surface et qui par la magie de l’écho faisait durer le plaisir tandis que Michiki devenait…un véritable monstre ne contrôlant plus aucune fibre de son être.

Chaque fibre de son être le faisait rire. Il était entré dans un état d’hilarité profonde. Il ne contrôlait ses éclats de rire qui emplissaient les lieux d’une funeste symphonie tandis que de son côté, le régent ne négligeait pas son boulot. Michiki était un peu juste niveau chakra mais il n’avait pas réellement besoin de ça pour le moment. Il fallait juste qu’il laisse sa fibre artistique s’exprimer et le résultat serait à la hauteur de l’œuvre Kirijin. Il suffisait de voir ce qui avait déjà été accompli pour s’apercevoir que toute l’essence de la beauté se caractérisait se répandait sur le sol en flots abondants. La couleur du sol n’avait pas paru si rougeâtre en rentrant. Quand le nécromancien fit ce constat, il repartit de plus belle dans un éclat de rire.

Il observait les prisonniers apeurés autour de lui. Entre ceux qui retombaient à l’état de jeunes enfants incontinents et ceux qui tentaient encore de s’enfuir, il y avait une grande diversité dans les réactions. Les regards affolés lancés au binoclard en espérant qu’il ne bouge pas pour sauter sur celui qui croiserait son regard. Mais les plus admirables étaient encore ceux qui restaient impassibles. Ils se tenaient immobiles et attendaient leur sort qui ne faisait aucun doute. C’étaient les plus rigolos en fait. On croirait voir la population d’une salle d’attente d’un cabinet dentaire s’il n’y avait pas ce décor lugubre ! En tout cas, le duo Kirijin ne les ferait pas patienter longtemps. Ils étaient les maîtres en la matière et leur efficacité n’était plus à prouver.

Alors que Michiki se défonçait la gorge dans des rires gutturaux à vous glacer le sang, il fut tiré de sa folie passagère par la voie de Yoru lui demandant de rameuter le troupeau en sorte. Les rires se calmèrent pour juste laisser place à un petit sourire diabolique. Le nécromancien tourna uniquement sa tête pour regarder le borgne et lui dire :

-A vos ordres chef !

Ce après quoi il fit ce qui lui avait été demandé. Il leva la main pour reformer une faux de terre. L’image le faisait doucement rigoler. Laquelle ? Vous ne voyez pas ?! Bah il suffit de faire marcher sa cervelle un peu ! Bon très bien une explication s’impose. Yoru venait de demander à Michiki de rameuter la foule près d’un mur pour en finir une bonne fois pour toute. Cette action de rameuter n’étant pas sans rappeler la tâche du berger avec son troupeau. Or les bergers sont généralement des paysans qui cultivent donc leurs champs. Et dans les champs pour couper les blés on utilise ? Une…une…une faux pardi ! Objet que tenait Michiki dans la main et qui coïncidait de nouveau avec l’image du berger ! Douce ironie n’est-ce-pas ? Comment ça non ?

Enfin bref ! Armé de nouveau de sa fidèle trancheuse, le nécromancien donna quelques coups à certains récalcitrants pour les amener où voulait Yoru. Ils lui donnaient du fil à retordre comme ils s’imaginaient encore pouvoir s’en sortir. C’est fou jusqu’où peut aller la stupidité humaine parfois. M’enfin bon. Ce n’est pas un gros problème. Cette insondable débilité est vite ignorée lorsque la lame vient se promener à quelques centimètres de la face des « rebelles » et ils terminent tous par obéir à la volonté de leur bourreau. Rapidement ils se retrouvent tous bien regroupés contre le mur choisi par Yoru.

Le travail fait, Michiki posa son arme élémentaire sur le sol et s’appuya dessus. Il souffle un bon coup comme quelqu’un qui vient de subir un entraînement sportif rigoureux ou quelqu’un venant de se dépenser à fond lors d’une activité physique. Tout ça pour au final se retrouver fatigué. Quelle vie je vous jure. Mais là c’était suite à un labeur effectué avec beaucoup de brio alors la satisfaction du travail bien fait venait remonter le moral et ce moment de repos n’en était que plus agréable. Bien calé sur sa canne improvisée, le nécromancien regarde alors le régent à ses côtés et lui lance avec une politesse exagérée :

-Je vous en prie très cher à vous l’honneur !

Le travail de purification des cellules avaient menés son petit train macabre pour arriver au terminus de son périple. Le sol était jonché d’immondices et le spectacle qui s’offrait aux Kirijins étaient le reflet de leur barbarie si populaire qui faisait frémir certains derrière les murs mêmes de leur village. Comme quoi, la meilleure arme n’est pas toujours celle qui vous transperce le cœur. La peur peut faire des dégâts bien plus considérables. Sans besoin de vous fatiguer ou de salir vos outils en plus ! Un gain de temps considérable si on a un emploi du temps des plus chargés comme celui du régent ou du nécromancien. Mais avec le temps, Michiki avait découvert qu’il y avait une arme supérieure à la peur. Bien plus puissante et redoutable si on sait la maîtriser. Cette arme dévastatrice c’était l’espoir. Tant que l’on sait maintenir le brasier qu’il peut provoquer, on peut arriver à des résultats intéressants. Comment ? Une démonstration serait plus parlante. Et elle finit par venir d’elle-même sous la forme d’un prisonnier maigrichon recouvert du sang de ses confrères.

Il s’était précipité sur le Jônin dans un ultime espoir de s’en sortir. La peur serait de l’accueillir en préparant une armée de cadavres ou une technique très puissante. L’espoir s’utilisait plus subtilement. Michiki se sait d’un scalpel, prêt à recevoir son invité qui détalait comme un lapin. Les deux hommes n’étaient plus très loin. Tout se jouerait sur ce face-à-face. La tension pouvait être palpable et les deux ne se lâchait pas des yeux. Lorsqu’ils ne furent plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, le Jônin d’élite porta un coup avec son arme. La lame partit se perdre dans le vide alors que le prisonnier se trouvant à cet emplacement une seconde plus tôt avait profité d’une ouverture pour passer sur le côté du nécromancien et détaler à plus grande vitesse encore. Que ce soit lui ou Michiki, ils eurent un sourire. Celui du détenu transpirait le bonheur et celui du binoclard suait le sadisme pur.

Alors que le fugitif passait à côté du nécromancien, à peine à quelques centimètres, il fut arrêté par une douleur fulgurante et lancinante sur le côté. Son sourire se figea tandis qu’il s’effondra raide mort au sol, la mâchoire du loup plantée dans ses côtes. Ce même loup que le nécromancien avait appelé pour faire sortir le premier prisonnier et qui n’avait pas bronché jusque-là. Il avait attendu les ordres de son maître dans la cellule où il avait été invoqué au début. Et Michiki avait fait appel à lui au bon moment il semblerait. Le coup avait été d’une rare précision et le gars n’avait pas pu s’en sortir. Dire qu’un tel type effrayait la population avant d’arriver ici. Tout ce beau spectacle pour démontrer que l’espoir cause plus de dégâts que la peur. Vous n’avez pas compris par ce petit numéro où je voulais en venir ? Bon pas grave c’était aussi un moyen de s’amuser une dernière fois.

Lorsque Michiki se reconcentra sur les prisonniers et son supérieur, il remarqua que ce dernier avait tracé quelque chose avec le sang de leurs victimes. Il s’approcha un peu pour mieux voir et il s’arrêta lorsqu’il put distinguer l’écriture sanglante et sa signification. Un moyen d’asseoir et de signer la personne pour qui ce carnage avait été commis. La Brume Sanglante qui les guidait tous et leur permettait d’être ce village si redouté et si craint par les autres. Il vint se placer aux côtés de Yoru pour observer plus attentivement son moyen de purification ultime. Et le nécromancien ne fut pas déçu par la méthode. Une vapeur corrosive engloba le groupe de forçats et les fit littéralement fondre sur place pour ne laisser que des squelettes sur lesquels de petits bouts de chairs calcinés se promenaient par ci par là. Sur ce dernier acte, le régent se retira en demandant à Michiki de bien vouloir nettoyer les lieux et l’autorisant à faire son choix parmi les nombreux pantins qui pourraient lui servir. Il remercia son supérieur d’un léger hochement de tête et lorsque celui-ci franchit la porte, le Jônin à lunettes vint la refermer derrière lui.

Une fois seul, il se plaça au centre de l’endroit et savoura le silence. Le battement régulier de quelques gouttes de sang quelque part vint rompre cette harmonie pour ajouter une touche musicale très envoûtante. Le plic ploc incessant fit décrire à la tête du nécromancien de petits mouvements comme s’il s’apprêtait à danser. Puis très vite, une force inconnue s’empara de lui et le poussa à fredonner quelques vers inconnus qui sortaient tout naturellement de ses lèvres pour se changer en une mélodie qui emplit les lieux. Sa voix était douce et harmonieuse. Il s’en étonna lui-même alors que les paroles suivantes retentissaient dans le cachot sanglant :

Coule sur le pavé,
Liquide au goût cuivré !
Délivre toi des veines,
Pour alléger ma peine !
Ne coagule pas
Ou je ne te nettoie pas !
Prends racine dans la pierre
Pour marquer mon ère
Et que s’élève bien haut
Le Chant des Boyaux !

Et la mélodie continua ainsi pendant quelques temps. Tandis que le nécromancien ramassait les corps, il chantait cette petite comptine qu’il venait d’inventer sur le moment en prenant pour mesure les bruits des gouttes de sang s’écrasant au sol. Lorsqu’il eut terminé son marché, il retourna à la porte qu’il ouvrit dans un grincement. Dans le couloir, quelques gardes attendaient. Il les rejoint puis s’adressa à l’un d’eux en lui :

-Appelez-moi l’équipe de maintenance il y a du boulot là-dedans.