L'homme devant moi posa un énième verre devant moi et m'adressa un sourire emplie de compassion. A moins que ce ne soit de l'amusement ? J'éprouvais du mal à décrypter les émotions sur son visage mais, à vrai dire, je me souciais peu de ce qu'il pouvait penser. Saisissant avec difficulté l'argent dans ma poche je lui tendis négligemment un ou deux billets en lui marmonnant d'une bouche pâteuse de garder la monnaie. Vu le sourire qui éclaira son visage je pu supposer que je venais de lui offrir l'un des plus gros pourboires de la soirée. Une petite voix au fond de mon crâne endolorie me souffla d’arrêter et de retourner à la maison avec insistance. Elle m'agaçait sérieusement, d'autant plus qu'elle avait totalement raison. Pour la faire taire je du lui promettre que ce verre serait le dernier. J'attrapai la boisson d'une main maladroite et la porta jusqu'à ma bouche en prenant soin de bien viser. Pas facile du tout... Et le hoquet qui me secouait de temps en temps n'arrangeais rien à l'affaire. Finalement au bout d'une longue lutte acharnée je pu porter la mixture à mes lèvres. L'alcool se fraya un chemin dans ma gorge, me décapant le palais au passage, et rejoint ses amis dans mon estomac. Un soubresaut agita le haut de mon torse en guise de protestation et des larmes apparurent au coin de mes yeux. Décidément ils vendaient bel et bien le meilleur saké dans cette région. Enfin bref je devais m'en aller sinon la petite voix me persécuterait encore et encore. Je posai les deux mains sur la table pour m'aider à me relever de ma chaise. Mes jambes ne démarrèrent pas au quart de tour comme prévu et cette première tentative se solda par un échec. Un rire sonore éclata au fond de la pièce. J'hésitais à me retourner pour chercher le moqueur mais je craignais de tomber par terre en tentant cette manœuvre périlleuse. Une fois au sol je serais comme une tortue sur le dos: incapable de bouger. La troisième tentative pour me lever fut finalement la bonne. Mes jambes tremblaient frénétiquement sous mon petit corps et éprouvaient du mal à supporter mon poids. Enfin ça passerait en marchant non ? Me dirigeant d'un pas titubant vers la sortie je saluai l'assemblée et leur adressa un grand sourire. Ma tête pesait des tonnes et souhaitait de toute évidence se décrocher de mes épaules. Imaginant la scène de mon corps courant après mon visage me déclencha une crise de fou rire irrépressible que je mis plusieurs minutes à calmer. Enfin je pris la direction de mon appartement d'un pas mal assuré.
Bloquée devant ma porte j'introduis avec peine la clé dans la serrure. Tout s'embrouillait dans mon esprit et déjà j'éprouvais l'envie de vomir. Croyant être victime d'un genjutsu j'exécutai à de multiples reprises un signe incantatoire en soupirant bêtement "rupture" mais rien ne changeait. Je devais avoir attraper un mauvais microbe lors de ma dernière mission. Ce devait être sa... Je me dirigeai lentement vers mon lit où je m’effondrai comme une masse. Les quelques bribes de consciences qui me restaient s'effacèrent progressivement et me laissèrent dans un état de béatitude. Enfin un trou noir similaire au sommeil me happa.
Le soleil me brûlait horriblement les yeux et le battement de mon cœur résonnait sourdement dans ma boite crânienne. Mon ventre quant à lui s'agitait au moindre de mes mouvements et menaçait de régurgiter mon maigre déjeuner. Ma bouche pâteuse réclamait de l'eau pour me réhydrater. Bref j'étais au top. Puis un détail attira mon attention. Une simple feuille blanche pliée en deux sur ma table de chevet. Et dessus mon ordre de mission chez les partisans.