Été, peu avant la création de Suna.

Tic, tac, tic, tac …

Mélodie incessante du temps qui passe, de l’ennui qui revient frapper un grand coup. Ses yeux scrutaient quelque chose d’inexistant, au loin. Son regard vide, elle s’amusait à se répéter ce « tic, tac, tic, tac » qui la rendait folle. Rien à faire. Jamais rien, de toute façon. C’était toujours la même rengaine, son esprit passait son temps à se dire qu’il n’y avait aucun divertissement autour d’elle. Pourtant, à bien y regarder, tant de choses pouvaient se faire. Mais non. Dans sa tête, la meilleure solution restait de ne rien faire, ne rien dire, attendre. Juste cela. Patienter, espérer l’arrivée de quelque chose sans se lever pour aller le chercher.

Depuis quand Nezumi était-elle ainsi ? Avant, une simple brise transportant une odeur intéressante l’aurait fait bouger. Là, son corps restait statique, quoi qu’elle faisait. L’élan d’une marche ne suffisait plus à la secouer, il fallait que ses fesses se reposent sur un endroit « confortable » – belle blague, puisque trouver quelque chose d’agréable, dehors, était rare – et qu’elle attende.
Les électrochocs mentaux devenaient de plus en plus inutiles. « Oh, j’y vais, faut que je me bouge ! ». Quelle idée. Comment se vendre du rêve seule. Évidemment, Nezumi avait parfaitement conscience que si elle ne bougeait pas son cul, ne serait-ce qu’un peu, rien ne lui arriverait. Mais, en grande chieuse, la kunoichi préférait attendre.

Ses yeux se fermèrent, alors que son corps s’étendait doucement sur le sol chaud. Une sensation agréable l’enveloppa entièrement. C’était étrange, tout de même. Parfois, ne rien faire avait du bon. Se prélasser sous un soleil de plomb pouvait être particulièrement bon. Peut-être que sa vie se résumait à ça, au final. Ne rien foutre de ses journées, encore et encore. Sans jamais s’emmerder. Enfin … Ouais, non, ça ne lui allait pas du tout. Elle se redressa et, s’obligeant elle-même, commença à marcher.

Peu lui importaient les allées vides du moment, il lui fallait du mouvement. Quelque chose à faire. Et, pour trouver du peuple et de l’amusement, quoi de mieux qu’un bar ? Bah ouais ! Des gens, des cris, de l’alcool …
Il était peut-être temps de faire un petit retour en arrière, non ?

***

Elle entra doucement à l’intérieur de la bâtisse, scrutant ce qui l’entourait. De la population. Du bruit. Le rêve. Quelque chose à faire ! Ouaip’, boire était une bonne activité, en soi. On s’oubliait à travers un verre d’alcool … Et pouf, on devenait autre chose. Comme un funambule qui déviait de son objectif de base pour faire du trapèze. D’une part, cela lui faisait penser à un théâtre, lieu où chaque personne devenait quelqu’un d’autre, juste pour le plaisir du public. Un acte, puis deux, puis trois et tout se finit. On s’amuse, on s’habille autrement, on n’est plus soit et on aime ça. Un sourire naquit sur ses lèvres.

Aujourd’hui, elle ne serait peut-être pas qu’une figurante.

D’une démarche rapide et légère, Nezumi se rendit au bar, prenant simplement place, sans rien dire. Le patron lui adressa l’habituel sourire qu’il se devait de faire à tous. La jeune femme ancra ses prunelles bleues dans les siennes, avant de lui commander, de la façon la plus simple du monde, une bière. Il fallait commencer gentiment, ne pas y aller trop vite. Ce serait fâcheux de tomber raide sur le coup, non ?

Sans ajouter de mot, le barman lui donna sa boisson et reprit ses petites affaires.
Nezumi plongea ses yeux sur la bière, silencieuse. Autour d’elle, les cris d’hommes faisaient une véritable fanfare. Mais autre chose attirait d’autant plus son attention. Étrangement, la demoiselle se sentait … regardée ? Épiée ? En tous les cas, cette situation l’amusait au plus haut point. Un nouveau jeu, peut-être ? Intéressant …

À moins que. Il fallait tout de même se méfier. Mais ce regard ne lui faisait pas spécialement peur, puisque, dans cette assemblée de monde, Nezumi était la seule femme qui sortait du lot. En quoi ? Ses cheveux, tout d’abord, puis sa silhouette. Toute la foule se voyait remplie de femmes fortes ou, tout du moins, plus formées que l’adolescente. Peut-être se trompait-elle ? À vrai dire, ses suppositions ne lui servaient pas à grand chose, puisqu’au final, elle s’en fichait. Ce qui l’importait vraiment restait l’amusement …

Après un petit soupir, Nezumi releva la tête, toujours muette. Un jeu, pourquoi pas. Mais … il lui fallait trouver la provenance de ce regard. À moins que ce ne soit qu’un délire de persécution ? Si tôt ? Étrange … Le meilleur moyen de le savoir restait d’attendre, voir si la personne se manifestait ou non …