Il semblerait que ma simple parole suffit à retirer les suspicions concernant Eiki. Pourtant, je n’étais qu’un simple Chûnin qui ne se trouvait pas sur le toit du palais à la base, aux côtés de Yami. Mais on me crut sur parole… Et si Eiki était bel et bien le coupable et moi son complice ? Non pas que ce soit le cas : le caractère d’Eiki faisant qu’il n’aurait jamais agi d’une manière aussi subtile. Mais tout de même : si le coupable était autre qu’un Konohajin et dont un inconnu arrivait en se déclarant garant de l’autre, le coupable s’en sortirait donc automatiquement ?

Alors Konoha ne trouvera probablement pas le coupable. Pas s’ils réagissaient de la même manière qu’ici, tout du moins. Ce qui devrait logiquement être le cas. J’ignorais les méthodes d’Iwa cependant, et même s’ils comptaient enquêter à ce sujet car l’on vint nous informer que les forces spéciales de Konoha s’occuperont de l’affaire. Un véritable fiasco donc. Heureusement que notre Seigneur Ketsueki dépêcha ses propres hommes sur le coup. Enfin, j’ignorais si je trouverais le coupable. Mais je n’abandonnerais pas toute investigation face à un suspect dont un inconnu le disait innocent.

Eiki me proposa son soutien : avait-il donc vu d’un bon œil mon intervention à son égard ? Gagnais-je un peu plus sa confiance ? Je réfléchis un instant à sa proposition : me ralentirait-il ? Mais d’un autre côté : passer du temps avec lui me permettrait d’avancer dans ma mission primaire. Et je pouvais très bien agir sur différents plans…

« Très bien. Reste avec moi : ton éducation différente te permettra peut-être de voir ce que je ne vois pas. Si tu ne méprends pas les commandes cette fois, en effet… Néanmoins, et pardonne cette méthode, mais ce seront des clones qui investigueront à tes côtés. Yami a été évacuée, mais je veux m’en assurer, et j’ai un rapport à lui faire ainsi que des questions à lui poser sur la tenue de cette enquête. Aussi : si on obtient de nouvelles informations, la disparition du clone me permettra de transmettre aussitôt les données à Yami. »

J’invoquais alors cinq clones dont la majorité se dispersa pour traîner leurs oreilles et entendre les informations recueillies par les autres. N’étant pas senseur, je ne pouvais pas apprendre de nouvelles données, mais uniquement récupérer celles trouvées par les autres. L’original partit en direction des quartiers de Yami dont l’entrevue se contera dans un autre sujet et un clone resta avec Eiki :

« A moins que tu n’aies une piste à proposer, je suggère que nous demandons ce qu’ils ont appris sur le corbeau qu’ils viennent de relâcher ? »

« J’ai bien une idée, » dis-je sans jeter un coup d’œil au clone, « mais, je préfèrerais en parler dans une endroit privé. »

« Allons manger quelque chose et je vous expliquerai, » lui dis-je et, une fois qu’il me signifie qu’il est d’accord, je me mets en marche.

« Je propose que nous investiguions le monde criminel Konohajin, » lui expliqué-je en un murmure, les yeux profondément fixent dans les siens, avec le plus grand sérieux du monde.

« Tu as bien conscience que s’isoler pour parler en privé pourrait nous rendre suspect ? »

Je n’en avais pas vraiment cure, car je savais Yami certaine de mon innocence et je ne craignais donc aucune peine. Mais un soupçon pouvait suffire à freiner notre avancée concernant cette enquête. Tout comme le fait de prendre le temps de manger tranquillement, par ailleurs… J’aurais donc refusé normalement, notamment la proposition de repas, mais il ne s’agissait là que d’un clone parmi d’autres qui, eux, récoltaient des informations. Alors oui, celui-ci pouvait finalement perdre tout le temps qu’il voulait. Car ce temps perdu avec Eiki lui permettrait de gagner des points dans son autre mission qui consistait à gagner la confiance du samouraï.

Ainsi je me retrouvais dans ce petit établissement à l’écart, aux côtés d’Eiki. Je ne commandais qu’un verre d’eau : manger pour un clone était bien inutile et boire de l’alcool durant une mission ne faisait pas parti de mes habitudes. Cependant, je ne compris pas bien ce que mon camarade voulait dire lorsqu’il me murmura ses propos.

« Investiguer sur le monde criminel Konohajin ? N’est-ce pas ce que nous faisions déjà ? Ou pour toi, le coupable d’un tel acte n’est pas affublé du titre de criminel ? Bien que je ne saisisse pas un point : pourquoi Konohajin ? Evitons de sauter sur des conclusions trop hâtives, car on peut trouver une raison à chaque nation ou personne d’avoir agi ainsi. Pas uniquement Konoha. »

Etais-je à côté de la plaque ? Très certainement. Mais je n’avais pas coutume des termes de monde criminel. Mais rechercher un criminel revenait à toucher au monde criminel, ou bien ? Par conséquent, ce qu’il proposait n’était-il pas ce que nous faisions déjà ?

« Kioshi, » soupiré-je. « Je n’ai pas l’énergie, Sensei, ne me rendez pas la tâche difficile, je vous en prie. »

« Dans le passé, j’ai partagé beaucoup de temps avec les malfrats. Mes actions m’ont conduit directement en prison. Toutefois, je sais reconnaître un petit criminel; je peux communiquer avec eux facilement et- »

« Donc, il m’est facile de me fondre dans ce monde, contrairement au commun des Shinobi, parce que j’y ai vécu longtemps, » continué-je, sur le même ton. « Je ne connais pas Konoha, mais je suis certain de pouvoir trouver un filon qui m’amènera à des informations concrètes. »

« Qu’il soit Konohajin ou autre, le monde de l’ombre du village pourra m’en informer. Il est incorrect de penser que l’ordre possède toutes les informations sur ce qui se passe dans un village. »

*Si Kioshi me suit, il est évident que nous serons découverts en dix minutes.*

Je demeurais silencieux un moment, faisant mine d’emmagasiner les fausses nouvelles informations et réfléchissant sur les vrais nouvelles.

« Je savais pour la prison, comme beaucoup de Sunajins à travers les rumeurs qui circulaient, mais j’en ignorais la raison. Et je m’en fichais aussi. Ce qui importe ce sont tes actes aujourd’hui. Et si tu es encore libre à ce jour, c’est que tu as trouvé le bon chemin. Enfin, je n’apprécie guère ce terme, car les prisons ne contiennent pas uniquement des personnes vicieuses. Désobéir à un ordre de tuer, dans un village militaire, peut suffire pour séjourner un temps en geôle.
Je t’accordais donc le bénéfice du doute en me contentant de voir ce que tu fais à présent. Je vois bien qu’il t’a été difficile de m’avouer tout ça, mais tu as dit avoir partagé du temps avec des malfrats, et non en partager encore. Tu es libre, un Genin et citoyen de Suna et tu possèdes donc les mêmes droits que les autres. Tu as droit aux mêmes égards également.
Je te remercie de m’avoir confessé ton passé, Buyuu Eiki. Sache que ton passé ne dénature en rien mon avis sur ton présent. »

Voici le premier point, concernant également ma mission première. Quant à la seconde :

« Ta proposition est intéressante. Cela dit, elle est dangereuse. Non pas pour notre quête, mais pour toi-même. Qu’un inconnu débarque peu après l’attaque dans leur monde criminel ? Soit ils défendront le coupable et chercheront à te faire taire ou à te détourner de lui, soit ils craindront qu’on les associe à cette attaque et feindront l’innocence, ou encore ils chercheront à te faire taire. Et si jamais ils te connaissent, ils apprendront alors que tu t’es déjà fait prendre à Suna. Echanger avec toi serait risqué pour eux…
Je ne peux décemment pas accepter que tu encoures de tels risques, quand bien même notre Seigneure a été attaquée. Néanmoins, si je suis à tes côtés, en tant que ton garde du corps ou d’escorte, ce qui est compréhensible étant donné les temps qui courent dehors, cela peut éventuellement se faire. A une seule condition cependant : si je te demande de fuir car la situation devient dangereuse, il te faudra partir sans un regard en arrière. Comprends-tu bien ? »

« Évidemment, » murmuré-je tout en m’assurant, du coin de l’œil, que le serveur ne s’approche pas. « L’objectif n’est pas de trouver n’importe quel dealer et de lui demander s’il sait qui est celui qui a perpétrer l’assaut! Non, bien-sûr… »

« Non, il faut proposer quelque chose d’autre, de plus intéressant et qui ne semble absolument pas relié. J’ai bien un plan, mais c’est risqué. Quoi que, si vous êtes là, avec moi, en tant que garde, ça me rassure, » mens-je, en relevant le regard.

*C’est risqué,* me dis-je, sans détourner le regard, *foutrement risqué.*

« Faisons semblant que nous sommes des représentants d’une famille crapuleuse de Kaze et que nous profitons du fait qu’il y a des centaines de touristes pour venir proposer une alliance commerciale entre les deux nations, » déclaré-je avant de prendre une longue touche. « Bien-sûr, j’accepte de fuir si vous me le demandez, » continué-je brusquement en bougeant ma main de façon à démontrer le superflu de cette requête. « En échange, de votre côté, vous devrez faire attention à ne plus être si… Être si "désinvolte". Nous allons nous faire repérer en quelques secondes. »

« Pour éviter les problèmes, nous devrions utiliser des pseudonymes, » lui dis-je. « Je serai Rai. »

« Je ne sais pas si c’est encore le cas, » mens-je alors que nous quittons l’établissement, « mais à l’époque, la famille au pouvoir se nommait Mirai. Alors, nous pourrions nous faire passer pour des membres de cette famille. »

« Si nous nous faisons questionner, j’espère que la hiérarchie de cette famille est encore la même, » continué-je en soufflant de la fumée.

« Bien, il est encore temps de planifier avant la tomber de la nuit. »

« Je suggère que nous nous rendions à l’endroit le plus marchant, où il y a des attrape-touristes. Ce sera plus facile de trouver un pickpocket ou un fraudeur que nous pourrons ensuite suivre et questionner, » terminé-je.

« Rai… Donc je serais Chak. »

Comme ça, à nous deux, nous ne serions jamais à bout de Chak Rai…

« Des attrapes touristes, à peine une heure après l’attaque des dirigeants ? Je ne suis pas certain que les places marchandes soient bondées. Peut-être l’entrée du village plutôt, avec toutes les personnes qui chercheront à fuir le danger ? Il y aura du monde là-bas, et donc plus de chance d’y trouver un pickpocket, non ? »

Quoique décidera Eiki, c’était sa réponse qui nous donnera la destination. Après tout, c’était lui l’expert en malfraction, soit l’institution des malfrats. Sur ce coup là, j’allais jouer le second rôle. Quoi de plus normal pour un clone me direz-vous ? En effet, il ne fallait pas oublier les autres qui sillonnaient le village à la recherche d’informations sur l’agresseur, et notamment les données déjà recueillis par les autres équipes d’enquête que mes clones pouvaient approcher pour entendre ce qu’ils disaient.

Certes, si ce n’était pas Konoha qui retrouvait le criminel, après l’évidente inefficacité de leurs mesures de sécurité, ce village perdrait grandement en notoriété. Mais je n’agissais pas dans le but de les mettre dans l’embarras : uniquement pour protéger ma souveraine, et par extension les miens.

« Espérons, Rai, que nous n’attirerons pas l’attention en faisant un faux pas. Car cela ferait de nous deux les principaux suspects de l’attaque qui a eu lieu, et Yami en serait fort indisposée… Et c’est pour cela que je te laisserais la parole. Tu mènes cette mission pour le moment. Je crois en toi. »

D’autant plus que nous arrivions sur le lieu encore inconnu de la narration mais qui aurait été convenu plus tôt dans la chronologie. Je savais très bien qu’Eiki fréquentait encore les malfrats de Suna : après tout c’était pour cela que j’eus la mission de le surveiller. Alors je me demandais : sa couverture de demande d’alliance à la malfraction de Konoha – oui on en revient à ce mot – était-ce réellement une couverture à ses yeux ? Alors je me permis d'invoquer un clone avant de disparaître, le nouveau clone remplaçant l'ancien :

« Je préfère prévenir l'original par précaution, qu'il sache où nous nous rendons. S'il nous arrive quelque chose, il rappliquera pour te sortir de là. »

*Il croit en moi?* me demandé-je. *Quel étrange manière de parler à son subalterne! Kioshi est définitivement quelqu’un d’unique.*

« Il y a toutefois deux problèmes. Le premier, » dis-je en retirant mon brassard aux couleurs de Suna, « est nos bandeaux de Shinobi qu’il faudra dissimuler. »

« Le second est votre visage. Vous avez été vu par des centaines de personnes au sommet du Palais et vous avez des clones partout dans la ville. Disons que vous êtes "haut profil". Pouvez-vous faire quelque chose pour ça? Je ne connais pas le nom, mais j’ai ouï-dire qu’il était possible de changer d’apparence pour un Ninja. »

« Allons-y, » dis-je, plus directif avec lui qu’à l’accoutumée.

*Comme les enfants de la fontaine,* pensé-je, levant les yeux du manuscrit dans mes mains.

« Je ne veux que parler, » dis-je avec un ton qui porte, secouant les billets dans les airs près de mon visage.

« Pssst. Ici, » murmure une voix.

« Qu’est-ce que tu me veux, » me demande-t-il, sachant évidemment qu’il a le dessus.

« Conduis-moi à celui qui achète tes objets volés et je te donne quelques billets, » lui réponds-je directement.

Sur ce coup-là, Eiki était le meneur. Pour le moment en tout cas. Il s’y connaissait bien plus que moi en matière de criminalité. Alors je le laissais mener la danse et l’écoutais. Je retirais mon bandeau, signe d’appartenance à Suna, pour le ranger dans ma sacoche et je modifiais mon apparence par le biais d’un henge, sachant pertinemment que ce ne serait pas d’un grand secours si nous ferions face à un senseur un minimum doué.

Pour ce qui était de l’apparence, je pris une forme plus ou moins similaire à celle d’Eiki. Peut-être pourrions-nous passer pour des frères, voire des cousins ? Après tout, si sa silhouette concordait au plan, une lui ressemblant devrait faire l’affaire tout autant.

Je me positionnais non loin du samouraï, lui laissant l’initiative et la manœuvre. Lorsqu’il se mit enfin à bouger, je le suivis en gardant une légère distance. Un peu comme le ferait un discret garde du corps. Je mis quelques instants avant de comprendre qu’il avait choisi de suivre un jeune enfant. Etait-ce le bon choix ? Je n’y savais rien, et je n’y connaissais rien. Aussi décidais-je de lui faire confiance. Un enfant est plus influençable qu’un adulte, en cela il avait bien sélectionné sa cible pour ses négociations. Mais le gosse savait-il seulement ce que nous désirions apprendre ou découvrir ? Etait-il en lien avec les bonnes personnes ? Ou, dans ce cas présent, avec les mauvaises personnes ?

Dans la rue voisine, j’entendis le samouraï tenter de l’amadouer avec de l’argent, objet des rapines du môme et donc sa source de convoitise. C’était une bonne idée. Mais aboutira-t-elle pour autant au bon résultat ? Nous ne tarderions pas à le découvrir.

Mais plus que tout ceci, était-ce une bonne décision de suivre le plan d’Eiki ? Le clone avait transmis l’information à l’original qui devait se trouver avec Yami en cet instant, mais l’original n’avait aucun moyen de lui transmettre un contrordre si tel était le cas, hormis de venir jusqu’à eux… Peut-être devrait-il créer davantage de clones le long de la piste pour que l’original puisse la remonter en cas de besoin ? Peut-être.