L'Académie battait son plein tandis que dans les classes les élèves gribouillaient sur les bouts de papier les décrets relatifs aux droits et à l'histoire des ninjas, quand ils n'étaient pas sur les terrains d'entraînement à parfaire la maîtrise de leur corps et de leur chakra. Dans un silence presque religieux, l'usine militaire (puisque c'est ainsi que l'académie pouvait être regardée par ceux qui n'en étaient pas nécessairement partisans) dressait les corps et les âmes des futurs patriotes de Konohagakure. Fertiles, les esprits de ces jeunes aspirants s'accommodaient de la volonté du Feu et poursuivaient le cap d'une grande idéologie qui conformait nécessairement ses partisans à des normes culturelles et pugilistiques.
Le jeune Nobusada, dans le fond de sa classe, suivait religieusement les cours dispensés par l'un des chûnins chargés de leur instruction. S'il n'était pas le plus remuant des élèves, il n'en demeurait pas moins que ses airs nonchalants n'étaient pas propices à convaincre ses encadrants de sa totale implication dans sa réussite académique, et pourtant... Malgré sa fragilité physique, Nobusada faisait partie des têtes de gondole de cette classe presque "idéale", si tenté que cela puisse exister, puisqu'il excellait sur les exercices théoriques (fasciné par tout ce qui correspondait à un exercice intellectuel) et sur la maîtrise du chakra (car son pouvoir héréditaire était subtile et de fait il avait appris, en domptant les ombres, à maîtriser toutes les nuances de cet art). Pas très motivé comme garçon, mais en réussite : chaque appréciation trimestrielle disait de lui qu'il se reposait sur ses acquis, ce qui n'était pas loin de la vérité.
Et puis un jour que l'académie toute entière était absorbée par la cadence infernale de ses examens, la coïncidence frappa. Un coup d'épaule malheureux, égaré dans l'enfer des mouvements de foule, des circulations intempestives, des courses à la meilleure note, des navettes entre les étagères de la bibliothèque. Une collision de deltoïdes, certes anodine, mais qui fit basculer les deux corps étrangers. Le jeune Nobusada en était la première victime. La deuxième victime était plus vieille que lui, de l'âge de ceux qui auraient pu l'instruire. Confus, il s'excusa.
- Excusez-moi, madame.
Il regarda ladite dame avec une légère appréhension, pensant qu'il pouvait être puni à cause de cet incident. C'était sans savoir qu'il s'adressait à une héritière du clan Hayashi...
Ce simple coup d'épaule pouvait paraître anodin pour les deux protagonistes, mais en réalité le destin jouait déjà de son fil fataliste pour lier les deux Genin vers un avenir qu'ils auraient à bâtir en commun bon gré mal gré. Inéluctablement, cette coïncidence scella les deux étrangers. Ils ne le savaient pas encore, mais la suite de leurs échanges leur apprendrait à se connaître. La question était de savoir si c'était pour un pire ou pour un mieux, mais cela, le destin lui-même ne l'avait pas encore choisi, aussi fallut-il déjà que Nobusada et Rioko vivent le moment avant de changer l'avenir.
Et sur le moment, Rioko eut comme une envie d'exploser. Bien qu'héritière des gênes célèbres du clan Hayashi, la dame n'en demeurait pas moins l'hôte d'un tempérament comparable à un baril de poudre qu'il aurait été stupide de vouloir amorcer. Aussi, quand l'incident arriva, Nobusada eut la chance d'assister à un élan de générosité que bien peu de personnes pouvaient se targuer d'avoir eu avec Rioko. Mais ce miracle manquait un peu de forme cependant, et n'était pas pour plaire au jeune Nara. Car s'il avait esquivé une belle mandale grâce à l'extraordinaire retenue que Rioko avait accepté de lui offrir, il fallait néanmoins remarquer qu'elle se montrait agressive dans ses propos, ce que Nobusada, pourtant intimidé, tolérait difficilement.
Les affaires de celle qui pouvait supposément manipuler le bois jonchaient encore le sol quand elle lui avait lancé cette pique. Elle s'était empressée de les ramasser avant de demander sur un ton encore arbitraire si le Nara n'avait pas accusé quelques douleurs, confronté à cette bousculade indésirée. Pour autant, il ne comptait pas se laisser attendrir par cette bienveillance de passage. Mais il s'agissait malgré tout d'une adulte, en conséquence de quoi il lui devait le respect. Comment associer, dès lors, son ressentiment et la discipline qu'il devait lui présenter ? Il lui fallut un instant pour réfléchir. Un instant pendant lequel il continua de regarder le sol, confus.
Puis les mots se présentèrent à lui comme si cela avait été logique depuis le départ.
"Non, je n'ai pas mal. JE SUIS UN HOMME !"
Dans la bouche d'un gamin de 10 ans, cela sonnait presque comme une blague, et pourtant il observait Rioko avec la plus grande détermination, convaincu de ce qu'il prétendait. Pour tenter d'être plus impressionnant, il écarta même les bras, comme s'il voulait se montrer plus large qu'il ne l'était, à la manière d'un paon dépliant sa queue pour inquiéter l'adversaire. Il fronça même les sourcils pour se donner un semblant d'autorité, et tapa son poing dans sa paume en voulant convaincre l'héritière Hayashi.
Il y avait peu de chance malheureusement que le bluff fonctionne face à la dame. Au pire récolterait-il quelques moqueries... qu'il n'oublierait certainement pas, s'il fallait qu'elle les lui adresse.