Rencontre avec le très haut [Pv Ryuga]

Silencieuse...

Tu marchais dans cet endroit que tu connaissais que trop peu. Bien que tu avais les autorisations nécessaires pour pénétrer dans ce véritable repère du combattant, tu n'étais pas femme à aimer l'entrainement... A moins d'un ordre direct, il n'y avait aucune raison pour toi de venir jusqu'ici... De toute manière, personne ne s’intéressait à toi. Et le peu de gens qui plaçait quelques interrogations sur toi n'avait pas la volonté de t'approcher ou le talent pour te trouver...

Tu étais dans un monde de solitude, et tu aimais cela... Personne à s'occuper, personne à déplorer... Tu n'étais qu'un surnom, qu'une rumeur, qu'un masque parmi cette foule de combattant... Toi qui avait vécu dans l'oublie général toute ta vie ne demandait qu'à mourir de la même manière...

En réalité, tu vagabondais, sans réel but... Discrète, bien que peu de monde ne réussissait à te remarquer, tu te sentais épié. Toi qui n'avait pas l'habitude d'être vue pouvait ressentir lorsque cela était le cas... Un lieu si surveillé... Même une personne de ton calibre en la matière ne pouvait pas s'extraire dans la réalité, dans un moment de forte activité...

Néanmoins cela te gênait fortement... Tu n'aimais pas ça.

D'une manière un peu hasardeuse, tu avais fini par t'engouffrer dans une grotte, parmi toutes celles aux alentours. A l'intérieur, tu avais ressenti le chakra d'une personne qui pouvait être intéressante. Malgré tout, tu n'étais guère emballée, comme à ton habitude, tu errais davantage qu'autre chose.

Lorsque tu posas le regard sur cette fameuse présence, tu compris très vite que tu avais à faire à ton Kage... Ton dirigeant, celui à qui tu avais juré obéissance... Tandis qu'il composait quelques mouvements martiales, tu le regardais d'un œil plus curieux qu'autre chose.

Il ne semblait pas t'avoir remarqué pour le moment... Pas surprenant... Bien que tu sentais toujours ce regard rivé sur toi. N'osant dire mot, tu te contentais de le regarder à l’œuvre, cachée sous ton masque qui était devenu depuis longtemps ta marque de fabrique.

Son torse dénudé s'agitait avec précision dans la pénombre de la grotte. Son esprit affûté, capable de projeter plusieurs scénarios à la fois autours de lui, assurait à son corps un flot ininterrompu de stimuli auxquels réagir. Il était seul, bien évidemment, ou du moins aussi seul qu'il avait pu l'être depuis quelques années, et ses frappes, esquives et mouvements circulaires fendaient l'air vide autour de lui en bataillant contre des ennemis invisibles. En toutes choses rien n'était jamais plus utile que la préparation. Bien sûr, s'en remettre à l'instinct et à sa capacité d'improvisation pouvait s'avérer payant, voire nécessaire, mais faire le choix d'opérer ainsi devait également être une décision réfléchie, face à une situation où aucun solution au problème n'avait pu être anticipée. Avoir l'intime connaissance que vous ne pouviez plus prévoir ce qui allait se passer ne devait pas vous faire paniquer : tout le contraire, selon Ryûga, qui y voyait simplement la preuve irréfutable qu'il devait s'en remettre à ces moments précis à ses instincts. A leurs instincts.

Mais avant d'en arriver là, encore fallait-il explorer toutes les options, fouiller toutes les impasses et imaginer tous les possibles. C'était cette philosophie que l'Ombre Samui pratiquait en ce moment même, dans l'intimité des grottes qui abritaient les QG les plus sécurisés de la Citadelle, tandis que ses poings, pieds et jambes virevoltaient avec précision en tout sens. La préparation et la réflexion étaient ses meilleures armes, elles l'avaient toujours été, et bien aise serait celui qui saurait lui prouver le contraire. Ryûga abordait le combat et la mort qui y était attachée avec bien plus de sérieux que ce que certains pouvaient imaginer, en observant sa nonchalance naturelle. Le fait même qu'il soit encore là, et reconnu apte à diriger des armées, en était la preuve établie. Il connaissait en vérité peu de gens saints d'esprit qui auraient accepté ce poste de Tsuchikage, en y repensant. Il n'y avait pas de prestige, pas de gloire, pas de « perspective de carrière » : seulement des responsabilités, sans doute les plus lourdes qui soient, et la certitude que ses actes seraient jugés et décortiqués à la moindre occasion. Pour autant, c'était bien là qu'était la place de Ryûga, lui en tout cas en était convaincu, car c'était à cette place que ses talents, à priori inégalés dans le pays, étaient le plus utiles.

Un sifflement lui parvint aux oreilles après une réception sur un pied, manquant presque d'affecter son équilibre. Quelqu'un approchait ? Ce n'était pas grave, il n'était pas pudique. Il avait, de surcroît, quasiment terminé ses kata. Sans se laisser perturber, tandis qu'un frétillement écailleux lui parcourait la jambe, il continua sur sa lancée dans un enchaînement terminal. Une combinaison qui aurait raison, quoi qu'il arrive, de son ultime adversaire imaginaire. Expirant un grand coup en frappant une dernière fois de la tranche de la main, il s'arrêta net, puis inspira en adoptant une position neutre.

« J'ai terminé. Je vous laisse la place. » dit-il sans se retourner vers la présence qui lui avait été « rapportée ».

Ryûga alla ensuite attraper une serviette posée sur une excroissance rocheuse au fond, près d'une torche à l'éclat vivace, et entrepris de sécher la sueur qui avait perlé sur son corps.

« A moins que vous soyez justement venu me voir, moi. »

Son regard s'attarda sur la silhouette noire à l'autre bout de la « salle » : des hanches étroites, mais bien visibles, des épaules fines en dépit de la musculature. Une femme, à n'en pas douter, dont le visage demeurait caché derrière un masque.

« Et à qui ai-je donc l'honneur ? Je reconnais ce masque, mais je ne crois pas me souvenir du visage qui se cache en dessous. »

Curieuse...

Il était rare pour toi de t’intéresser à quelque chose aussi longtemps. Tu n'étais dotée d'aucune envie particulière, tel un pantin articulé par les ordres du village... Néanmoins, cette fois-ci, c'était différent... Entrevoir les mouvements d'un homme qui te surpassait en tout point était un spectacle qui relevait de l'art. Et tu avais un attrait certain pour l'art, sans comprendre son origine...

Une fois fini, il en vint à te parler. Comme tu l'avais pressenti, tu n'avais été discrète pour personne. Tu aurais bien tenté de repérer à ton tour l'origine de cette observation, mais tu avais peur de directement lui manquer de respect en faisant cela... Par ailleurs, cacher ta présence volontairement au Tsuchikage aurait pu être vu d'un très mauvais œil aussi...

Finalement, tu te muras dans le silence jusqu'à ce qu'il te demande de décliner ton identité. Même face au très haut, tu restais muette le plus possible... Tout ce que tu disais avait de toute manière tendance à sonner faux, n'étant pas habituée à l'exercice...

- Je me nomme Kosobayui Yu Monsieur. Veuillez me pardonner de vous avoir interrompu.

Immédiatement, tu pliais le genou au sol, afin de lui montrer le respect qu'il lui était dû. Tu avais juré allégeance au village et à son dirigeant, il était le maitre qui manipulait ta laisse et qui avait le droit d'user de toi à son bon vouloir... Toi qui n'arrivais pas à avancer sans des directives, cet homme faisait office de sauveur. Bien que tu n’éprouvais que de la fidélité et rien d'autre vis-à-vis de cette personne...

- Quand à mon visage... Il n'est guère intéressant Monsieur.

Tu avais cette hantise profonde de voir ce visage... Que tu n'avais toi même pas vu depuis des années. La seule crainte qui t'accablait était celle-ci. Malheureusement, même si le Samui venait à t'ordonner d'enlever ce masque, tu aurais été crainte de refuser, préférant la mort ou la torture à la simple idée qu'il voit ce visage qui t'avais valu tant de tourment dans le passé.

- Je ressens qu'on m'épie depuis mon arrivé ici Monsieur, je n'ai pas voulu me soustraire à ce regard pour ne pas vous manquer de respect, mais cette sensation est très dérangeante pour moi.

Est-ce que tu lui demandais subtilement d'annuler sa surveillance ? Non, tu n'avais pas assez de subtilité et tu n'aurais jamais osé ne serait-ce que demander quelque chose à ton Maitre. Néanmoins, tu tentais d'expliquer maladroitement que tes écarts de parole éventuels étaient dû à ce regard qui persistait et dont tu n'arrivais pas à faire abstraction.

Une Kosobayui. Issue de l'un des nombreux clans opprimés par l'Empereur sous son règne tyrannique. Opprimé par lui, Samui Ryûga, pendant tout le temps passé à travailler pour la police nationale de Tsuchi. Bien sûr, ses opérations ne l'avaient jamais menées en territoire des Oiseaux, mais l'idée était là. Yu. Ce nom ressortait, comme un écho, il devait certainement l'avoir lu sur des rapports de missions au cours des dernières années. Le fait qu'il s'en rappelle un tant soit peu témoignait du fait que ce qu'il avait pu lire dans ces rapports l'avaient contenté, ce qui allait de paire avec le fait que la demoiselle avait accès à ces QG sécurisés.

« Vous ne m'interrompez pas. Je vous l'ai dit, j'ai terminé. »

Ryûga déposa négligemment le regard sur le côté pour observer la marque de respect témoignée par la Kosobayui. Il n'en attendait pas moins, à vrai dire, même s'il ne retirait aucune satisfaction particulière à voir une personne quelle qu'elle soit s'agenouiller face à lui. C'était simplement dans l'ordre des choses. Tel le lion dévorant l'antilope. Ryûga termina de se sécher en passant la serviette sur sa nuque et la posa sur son épaule, se retournant pour la première fois tout à fait dans la direction de Yu. Celle-ci n'avait pas ôté son masque, ce à quoi aurait pourtant pu s'attendre le Samui. La vérité, c'est qu'aucun protocole ou règle quelconque ne pouvait contraindre la jeune femme à l'enlever, mais Ryûga était en son for intérieur déçu qu'elle ne l'ait pas fait. Ce n'était ni un secret, ni vraiment un ragot, : il aimait les femmes. Il était sensible à leur beauté, tant physique que spirituelle, et ressentait une attirance universelle pour le sexe opposé, pourvu qu'il corresponde à ses canons de beauté. Et les longs cheveux noirs qui se dessinaient dans le dos de Yu laissaient justement entrevoir un début de correspondance.

La Kosobayui semblait toutefois tout sauf à l'aise avec son visage. Elle ne se sentait d'ailleurs pas à l'aise tout court, à l'écouter, ce qui faillit amuser Ryûga tandis qu'il se rapprochait en marchant de la jeune femme. Il connaissait bien la source de cette gêne, à vrai dire. Le fait que Yu parvienne à sentir ces regards qui se posaient sur elle était cependant tout à son crédit, car tout le monde n'était pas capable de les ressentir. Ryûga, lui, savait parfaitement où se trouvaient les paires d'yeux qui épiaient la kunoichi, mais il ne jugea pas nécessaire de partager cette information.

« Vous n'êtes pas habituée à ne pas avoir le contrôle total de votre environnement. Je comprends ça. Mais n'ayez crainte, mes amis resteront là où ils sont. Je me souviens de vous, vous savez. Du moins, je me rappelle de certains rapports. Vous êtes très efficace sur le terrain, à les en croire. C'est d'hommes et de femmes comme vous dont à besoin Iwa.

Mais, ça ne me dit toujours pas pourquoi vous êtes là. Je ne peux pas -ou plutôt, je ne veux pas- vous obliger à enlever ce masque, mais si je puis faire quoi que ce soit pour vous.. faites-le moi savoir. »

En prononçant ces derniers mots, Ryûga s'était arrêté à à peine quelques centimètres de la jeune femme toujours agenouillée, se tenant devant elle comme un monolithe en faisant peser sur elle tout le poids de son regard. Instinctivement, le Samui sentit l'odeur, ou plutôt l'absence d'odeur qui émanait de la Kosobayui. Une parfaite shinobi, discrète et efficace. En proposant son « aide », il demandait en réalité avec une politesse exacerbée à Yu si elle avait quoi que ce soit d'important à lui dire, ou peut-être à lui demander. Ryûga détestait que les rapports humains se limitent à des échanges de services réciproques et explicites, et préférait la tension inhérente à toute situation où les possibilités se multipliaient à vue d'oeil. Il aimait ça. Mais c'était sans doute car, lui, dans son esprit, visualisait déjà une grande partie de ces possibles, ce qui n'était pas toujours de le cas de ses interlocuteurs... ou de ses adversaires.

Rien...

Tu ne ressentais rien alors qu'il approchait de toi, avec sa carrure gigantesque... Son aura imposante avait beau se déverser sur tes épaules, tu n'en ressentais pas le poids. Tu ne connaissais qu'une crainte, le reste était superflu voir inexistant à tes yeux... Cela n'empêchait pas néanmoins de garder la tête basse et le genou ancré dans le sol.

Il te fit des compliments... Tu n'en retirais aucune fierté, tu te battais pour les idéaux du village, pour lui... Tu n'attendais rien en retour, la satisfaction de tes supérieurs vis à vis de ton travail n'était pour toi pas une option, mais une obligation... Tu menais à bien chacune de tes missions, avec une efficacité qui t'était propre... La mort pour toi n'était pas quelque chose à craindre, tel un chien dressé au combat, tu ne vivais que pour remplir tes fonctions...

Néanmoins, tu pouvais sentir une certaine déception, dans sa voix. Il voulait voir ton visage... Ce que tu te refusais, même à lui... C'était l'unique condition de ton obéissance aveugle, l'unique chose dont tu t'interdisais tout compromis... Si tu devais le supplier, tu n'oserais pas un seul instant... Mais il ne fallait pas qu'il voit ton visage.

Puis, il en vint à demander la raison de ta présence ici... Tu allais devoir encore le décevoir une nouvelle fois... En réalité, c'était un pur hasard si tu te retrouvais ici... Une malheureuse coïncidence qui avait perdre du temps au Tsuchikage.

- Ma venue ici n'a aucune raison particulière... Veuillez m'excuser... Je venais apprendre en observant les autres s'entrainer.

Tu marquais une pause, tu n'étais pas experte dans le domaine de la discussion, tu étais même plutôt quelqu'un d'ennuyant lorsqu'on te forçait à parler. Tu ne savais jamais quoi dire, plus que le strict nécessaire. Tu étais un soldat après tout, un soldat relativement discret....

- Si vous me le permettez, j'aimerais disposer et ne plus vous importuner davantage.

Le genou encore plié, chacun de tes mots, de tes gestes transpiraient une totale allégeance vis à vis de cet homme.

La jeune femme à ses pieds semblait mal à l'aise, mais pas nécessairement pour les raisons qui poussaient parfois les femmes à s'émouvoir ou à rougir en sa présence. Ryûga, que cela lui plaise ou pas, s'était en effet accoutumé à l'effet qu'il produisait sur les femmes depuis qu'il était parvenu à s'établir dans les forces de police impériales. Les moyens importaient au final assez peu, pourvu qu'il puisse exprimer son goût prononcé pour les embrassades sulfureuses et crapuleuses. Ryûga demeurait un homme mesuré en dépit de sa passion, et ne se serait jamais vu provoquer les choses par la force qu'il fusse soldat, capitaine ou Tsuchikage.

« Savoir observer dans la passivité est une qualité importante. Elle nous permet de détailler les choses avec bien plus de précision, de remarquer des choses autrement imperceptibles. Toutefois, se contenter d'observer est loin d'être suffisant. »

Ryûga fit un pas de côté et contourna la Kosobayui pour reprendre sa marche dans son dos. Si sa présence, ou plutôt celle de ses acolytes à écailles, camouflés dans les renfoncements rocheux, la perturbait à ce point, encore valait-il mieux ne pas prolonger cet ersatz de conversation. L'Ombre de la Roche n'était pas cruelle, du moins pas dans la plupart des situations : la cruauté n'était alors même qu'un point de vue subjectif sur les actions nécessaires qu'il entreprenait, et non pas un jugement objectif. Après tout, bon nombre des morts qu'il avait causé durant ses jeunes années auraient pu être frappées sur sceau de la cruauté : d'innombrables Bakushô avaient par exemple péri de sa main. Avait-ce été cruel de sa part de les tuer, alors que ceux-ci menaçaient la vie d'autres personnes ? La stabilité avait un prix, un prix qu'il continuait à payer aujourd'hui en donnant la chasse aux restes de l'Empire, celui-là même qu'il avait défendu des années durant.

« Yu du clan Kosobayui, inutile de te mettre dans cet état. Je te l'ai dit, et redit, tu ne m'as pas importuné et je te laisse la place. Profites-en pour affûter tes techniques et te perfectionner. Cet endroit est fait pour ça, après tout. Nous nous reverrons bientôt. »

Sur quoi il accéléra la cadence et disparut dans les tunnels plongés dans la pénombre, un frottement sinistre le suivant dans le plafond rocheux plein d'aspérités. Oui, ils se reverraient bientôt. Et si une part de la motivation de Ryûga à revoir en particulier cette Yu à laquelle il venait d'être officiellement présenté en personne restait indicible, une autre, plus pragmatique, faisait déjà son chemin dans son esprit. Il disposait en effet d'énormément de profils différents sur les listes de shinobis de la Citadelle, et des profils de qualité qui plus est. Mais rares étaient ceux qui collaient aussi parfaitement à la tâche qu'il avait en réserve depuis quelques temps que celui de Yu. Mettant cette réflexion en attente dans son esprit, Ryûga embraya sur toute autre chose, comme il le faisait si souvent, afin de toujours garder actif le flot ininterrompu de ses idées.

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