Je tournais le stylo-plume entre les mains, cherchant comment commencer cette lettre. Je n'ai jamais été très douée pour la communication, et ce n'était guère un secret pour toute personne qui me connaissait un tantinet. Pourtant, aujourd'hui, je devais faire un effort considérable pour pouvoir décrire au mieux - ou véhiculer - ce qui me tourmente depuis quelques heures.

La vérité était que j'aurais préféré rendre visite à Kihran, et pouvoir parler en face-à-face. Malheureusement, il semblerait qu'il soit devenu un homme très occupé et rarement disponible. Ceci ne me plaît guère. En effet, "ceci" ne signifiait qu'une chose : je n'étais devenue qu'une autre parmi d'autres. Ce lien que je pensais privilégié ne l'étais peut-être pas autant.

"Famille". Voilà un mot qui pouvait résumer bien des choses. Il avait maintenant une véritable famille ...

Ecrire, ou ne pas écrire ... Le choix était cornélien. Cependant, une seule pensée à l'égard de cet étrange psychologue me suffit pour me donner des frissons au dos, et agiter les insectes qui m'entouraient.

Bon gré, mal gré, je commence à écrire, la main toujours plus tremblante et les pensées toujours plus incohérentes....

Citation :

Très cher Kihran,

La politesse comme la courtoisie m’obligent tout d’abord à m’enquérir de votre santé, mais également de souligner une certaine absence de votre personne.

Or, j’ai besoin de vous et notamment de vos conseils avisés. Comme j’ai promis à l’hôpital, je rends de fréquente visite à des psychologues ou des coachs, et je fais de mon mieux à appliquer les différents exercices.

Cependant, le dernier psychologue assigné est un homme étrange – enfin, je suppose que c’est un homme. Il porte un masque, il utilise un nom de code et il est pied nu. Il me demande encore ce que j’ai bien pu vivre.

Pourquoi les hommes s’intéressent-ils tant à la douleur d’autrui ?

Enfin, il prétend chercher à savoir si je suis une menace. Pourquoi serais-je une menace ? Je ne porte nullement rancœur à ton égard et à ton silence passé, ni à ce village qui ne m’a fait ni bien, ni mal. Je souhaite seulement vivre en paix.

Suis-je un danger pour toi ? Suis-je un danger pour Shizu Senseï ? Suis-je un danger tout simplement pour le village ?

Aide moi…

Mira.

Un démon du passé ne cessait de venir le hanter lorsqu’il entendait parler de Mira. Sa relation avec cette dernière était à la fois simple et complexe. L’événement qui les liait à tout jamais n’était qu’autre que la guerre et… Il lui arrivait régulièrement de regretter ce jour-là. Non, c’était faux.... Il s’était mis à regretter uniquement après la disparition de son mentor. S’il était encore là…

Le rouquin se donnait envie de vomir. Souhaitait-il la protéger, car il tenait à elle ? Où était-ce uniquement par remords… pire encore, était-ce pour se protéger lui-même ? Il n’arrivait pas à trouver la réponse. Tout ce dont il était sûr était qu’il ne pouvait pas la laisser ainsi. Il ne pouvait pas la laisser seule plus longtemps. Il devait la rassurer, la protéger et la voir.

Néanmoins, la première chose qu’il fit ne fut pas de se rendre chez elle, mais de lui répondre à son message. Il était occupé, trop occupé. Mais cela sonnait encore une fois une excuse. Il soupira. Bientôt. Bientôt, il prendrait le temps.

Réponse de Kihran a écrit:

Mira,

Je suis profondément désolé de ne pas pouvoir être plus présent à tes côtés. Sache cependant que je ne suis jamais loin et qu’il te suffit de me contacter ou de venir à moi pour que je te porte mon aide.

Tu es une fille formidable et une shinobi remarquable. Le passé, la guerre t’ont fait éprouver des situations que personne ne devrait avoir à endurer. Néanmoins, tu es toujours là et je suis certain qu’un jour, tu arriveras à cicatriser la blessure. La marque restera à jamais, mais la douleur ne sera plus. Je crois en toi Mira, alors non, tu n’es pas un danger. Et tu ne le sauras jamais.

Ne te laisse pas dire le contraire, même par le plus grand des soi-disant spécialistes et encore moins par un homme aux allures étranges… Reste loin de lui, si ce dernier semble te vouloir du mal.

Quant à moi, je viendrai te rendre visite, le plus tôt possible, c’est promis.

Hayashi Kihran.