La solitude était un sentiment destructeur, souvent considéré comme l'élément principal à la chute d'un shinobis. Ne supportant pas la pression de ces supérieurs ou bien en ayant perdu tous ces camarades lors d'une mission. Nombreux sont ceux qui, ne trouvant plus personne à qui parler, mettent fin à leur jour dans le plus grand des calmes.

Est-ce que moi, Reyo, j'y avais déjà pensé ? Non, tout simplement car je partageais ce corps avec deux autres entités et je n'étais pas égoiste au point de ruiner leur vie d'un simple coup de kunai bien placé. Je ne savais pas vraiment pourquoi j'étais ici, présent dans ce corps. La vie ne m'avait pas donné d'objectif précis contrairement aux deux autres. Voilà pourquoi il était difficile pour moi de vivre pleinement. Une vie amère, triste, déprimée, j'avais sans doute l'air d'un pauvre type, un clochard qui errait dans les rues en cherchant quelque chose que lui-même ne connaissait pas. Par chance, si on pouvait l'interpréter ainsi, un homme vint valdinguer à travers une porte et atterrit juste à mes pieds. Il sortait d'un bar assez animé, où l'odeur arrivait déjà dans mes narines et les cris des alcooliques dans mes oreilles.

* Après tout... Kenjin et Gusha adore ça... alors je devrais sûrement aimer l'alcool moi aussi... *

Une première pour le jeune garçon qui la plupart du temps préférait éviter les endroits où la population se regroupait. Personne ne venait lui parler ou autre quand il était seul, au moins on le laissait tranquille. Mais à force de voir ces deux autres compères s'amuser et profiter dans des endroits comme celui-ci, sa curiosité l'amena à y pénétrer. Ouvrant la porte timidement, enfin ce qu'il en restait, le bruit s'intensifiait laissant place à un vacarme qu'il ne supportait déjà plus. On peut dire qu'il était très sensible au niveau des oreilles notre garçon. Esquivant rapidement la bataille qui se passait à l'extérieur, je m'avançais vers le comptoir de manière très innocente.

J'avais vraiment l'impression que personne ne m'avait vu rentrer, j'étais un vrai fantôme de part ma discrétion naturelle. Essayant tout de même de faire signe à ce qui ressemblait à un serveur, celui-ci me snoba carrément préférant aller servir une autre table. Je me sentais pitoyable, faible, même pas capable de demander un verre pour profiter un peu de la vie. Beaucoup trop triste pour retenter ma chance, je fis demi-tour pour sortir de ce bar. Décidèmment ce n'était vraiment pas pour moi ce genre d'ambiance.

Soudain plusieurs personnes se mirent à courir dehors pour aller séparer ces deux alcooliques qui se tapaient par pur plaisir. J'en connaissais un qui aurait été ravie d'être présent à ce moment-là... On me bouscula comme si je n'étais qu'un vulgaire bout de papier et tomba sur le sol sans même m'en rendre compte. Le boulet de service qui, même quand il ne voulait plus faire partie de l'ambiance, gênait les autres. Non loin de là, un homme se leva de sa chaise. Il avait une barbe immense mais absolument rien sur le crâne. Une voix rauque et poussa une gueulante comme j'en avais jamais entendu.

« Pourquoi tu bouscules mon frère petit enfoiré !! Je vais te refaire le portrait moi !! »

Sans même m'en rendre compte, je reçu son poing en plein dans la figure. Le point positif étant que j'étais déjà au sol et que je ne pouvais pas tomber plus bas. Un peu sonné par ce coup, je n'eus que le courage de dire quelques mots.

« Pardon... j'ai pas fais exprès... laissez moi tranquille s'il vous plait... »

Mon sauveur, mon héros. Un homme grand, imposant. Des muscles bien taillés, une voix qui lui allait à ravir et une manière d'agir qui me faisait grandement penser à Kenjin. Bienveillant, il vint me secourir durant ce passage à tabac que je subissais. Donnant quelques coups aux hommes qui voulaient s'en prendre moi, il m'aida à me relever. Je pus tout de suite sentir sa force dans son bras, un coup porté par ce bras et vous n'êtes pas prêt de vous réveiller. Tout frêle que j'étais, j'aurais bien du mal à faire de même.

Il m'invita à prendre place à une table en face de lui. Il était donc le responsable de cette petite fête et moi je m'étais incrusté vraiment comme un andouille. Décidèment, je n'aurais pas dû rentrer dans ce bar. Je ne me sentais pas vraiment chez moi ici, avec tout ce vacarme, ces gens qui buvaient et d'autres qui se battaient. Comment voulez-vous qu'un petit gars comme moi puisse trouver sa place parmi eux. Malgré tout, je voulais en savoir un peu plus sur cet homme qui venait de m'aider. J'étais toujours poli, même si mon caractère renfermé n'en donnait pas toujours l'impression.

« Je comprends pourquoi vous faites autant de bruit alors... »

Mon dieu, moi et la communication verbale, c'était tout un art. Quand je vous disais que je n'étais pas doué, j'étais vraiment sincère. Il faut dire que je ne parlais pas souvent avec d'autres personnes que Kenjin et Gusha. Alors discuter comme ça, en toute décontraction avec le premier venu, j'allais faire de mon mieux pour mon sauveur.

« Et du coup... Où étais-tu en voyage ? Sûrement loin d'ici pour faire une telle fête pour ton retour... »

Voilà une bonne manière d'engager la conversation, de toute façon je voulais savoir pourquoi un homme tel que lui, si musclé et si fort, ne portait pas de bandeau de shinobis. Peut-être l'avait-il enlevé, mais il ne semblait pas en être un. La plupart du temps, les ninjas du village ne boivent pas des coups au bar si tard le soir. Il y a toujours des exceptions me direz-vous, Gusha ou Kenjin en était la preuve, comme d'autres d'ailleurs. Je lui demanderais sûrement dans la soirée, si celle-ci se passe bien.

Je ne pouvais me comparer à cet homme, il me dépassait dans tous les domaines. Sa manière de raconter son histoire était juste magistrale, on aurait dit qu'il faisait ça tous les jours. Grâce à cela je pus en apprendre plus sur celui qui m'avais aidé à me sortir d'un beau pétrin.

Petit à petit, je comprenais pourquoi sa manière de s'exprimer était si naturelle pour lui. Il tenait un magasin et avait donc tout le temps l'occasion de discuter avec ces clients. Pas de doute qu'avec ce genre de métier, il possédait des capacités oral bien supérieur aux miennes. Dans le domaine médicinal si j'avais parfaitement compris, voilà une excellente nouvelle pour le village qui possédait avec lui, une valeur sûr. N'hésitant pas à voyager pour apprendre des autres pays alentour, de chercher d'autres remèdes pour son magasin et ainsi donner plus de chance aux personnes présentes d'être soignés. Je me sentais bien petit à côté de lui, il accomplissait tellement de choses, alors que moi je ne faisais que me plaindre de la vie.

Sans vraiment le savoir, ce choix d'entrer dans ce bar allait changer la vie de Reyo. Il ne le savait pas mais il commençait à sentir un changement en lui, en ces convictions. Comme il avait prêté beaucoup d'attention à l'histoire que racontait Pho, le jeune garçon ne s'était pas rendu compte que tout le monde autour de lui s'était tu pour l'écouter. C'est vrai que c'était sa fête de retour, tout le monde voulait écouter son voyage et non le voir discuter avec un jeune gamin comme moi.

Pour relancer l'ambiance après cette histoire, l'un de ses amis au bar leva son verre et cria avec un grand sourire.

« Au retour de notre pote Pho !!! »

Tout le monde repris en cœur buvant leur verre quelques secondes après. Le vacarme revenait petit à petit autour de nous, sa camarade Yuki avait prit une chaise pour discuter avec nous. Elle était sa garde du corps, il devait y avoir une vraie relation de confiance entre eux, mais en savoir plus à ce sujet n'était pas dans mes intentions. A cause de tout ce stress, j'avais carrément oublié de me présenter à mon sauveur.

« J'ai oublié de me présenter tout à l'heure. Je suis... »

Le jeune garçon bloqua pour donner son identité, ce problème lui n'était pas arrivé souvent vu qu'il discutait rarement avec d'autres personnes. Souvent la conversation ne durait pas assez longtemps pour qu'il ait le temps ou l'envie de donner son prénom. Cette fois, les choses avaient changé et il était temps pour Reyo de s'affirmer en tant qu'entité bien distinctes.

« Je suis Reyo, ravie de vous connaître !! »

Un grand sourire s'affichait sur son visage, une expréssion qu'il n'avait jamais eu auparavant. Pho ne devait pas tout comprendre, mais il venait de donner l'envie de vivre à son compagnon.

« Genin du village !! Je ne vis pas autant d'aventure que toi mais j'espère que mon tour viendra ! »

Cet homme m'avait ouvert les yeux mais surtout le cœur. J'étais fragile, faible et un vrai peureux. Grâce à lui j'allais ressortir plus fort, j'allais pouvoir me lancer dans certains projets et ne plus être le maillon faible du groupe. Reyo, l'homme triste qui déprime tout le temps ? Passé votre chemin !! J'avais pris confiance en moi, enfin pour ce soir surtout, plus question de faire marche arrière à présent. Pho me salua avant de partir retrouver ces autres camarades. J'avais presque oublié qu'il s'agissait de sa soirée de retour, j'étais complètement perdu dans mes pensées et sortie rapidement du bar. Depuis dehors, on entendant toujours les paroles de certains buveurs et les bruits des verres qui trinquaient. Personnellement, je n'entendais que les rires, je ne voyais que leur sourire. Eux ne se posaient pas de questions tout le temps, ils vivaient leur vie simplement sans penser aux regards des autres. Qu'avais-je accomplie dans ma vie ? Moi, Reyo ? Quel était mon objectif ? Mon but dans la vie ?

Marchant dans les ruelles sombres, je pensais à tout cela, à mon rôle dans ce village. A part être aux ordres de mes supérieurs pour exécuter telle ou telle mission, quel était mon utilité ? Toujours aller aider le voisin à rattraper son chat ? Escorter des personnes à l'autre bout du pays ? Ou bien une mission d'assassinat pour améliorer l'économie du pays ? Je n'étais rien et je ne décidais pas de ma vie. Je savais qu'être un shinobis ne signifiait pas de toujours réfléchir mais plutôt de toujours obéir, mais ce soir, le temps de mon trajet, j'imaginais une vie où je faisais mes propres choix sans que personne n'en subisse les conséquences. Des choix de paix, autant pour mon pays que pour les autres.

M'arrêtant net au milieu de la rue, je fermais les yeux et me sentait à présent capable de vivre pleinement ma vie. Je fis un signe de la main et disparut. Un sceau spécial était disposé dans mon appartement, un moyen simple et efficace pour m'y rendre sans trop dépenser d'énergie. Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais osé utiliser cette technique si particulière par peur d'échouer, mais ce soir était un soir différent. J'avais changé et je comptais bien le faire savoir à mes camarades d'Iwa.

* C'est pas tout ça, mais j'ai sommeil moi... *

Fermant les yeux dans mon lit, j'avais l'agréable sensation d'être détendu, relaxé, libre de tout poids et prêt à affronter la vie. Oubliant presque qu'avec moi vivait deux autres entités, au courant de mon changement, qui n'allait pas me laisser faire les choses comme je l'entendais.