Le Manoir. Quel sentiment étrange que de revenir entre ces murs après presque trois ans.
Peu de choses avaient changé ici, hormis le fait qu'il demeurait de nouveau vide, comme avant mon statut de chef de clan, alors que les Ketsueki de Kaze n'étaient pas encore rassemblés.
Ces derniers œuvraient d'ailleurs toujours pour le Kyomu, pour l'instant tout du moins, même si je savais pertinemment que la présence d'extrémiste fanatique au sein du village ne plairait à personne : c'était peut-être pour cela que je retardais l'échéance, cherchant à me faire accepter en premier lieu avant de réintégrer mes Ketsueki sur leur terre natale.

Toutefois, je ne m'attendais pas à en revoir un en particulier. La dernière fois que nous nous étions vus remontait à plusieurs années, au moment du rituel de l'Immortel...
C'est parce qu'il m'avait donné littéralement son cœur, ayant appartenu au Seigneur Noir et transmis de générations en générations au sein de la lignée des Comtes, que je ne le pensais plus en vie. Mais il fallait croire que l’Innommable, du haut de son plus d'un siècle d'existence, n'était définitivement pas du genre à s'éteindre facilement.

Un fin sourire s'étira sur mes lèvres en voyant la nuée de chauves souris tournoyer dans le hall de ma bâtisse. Les chiroptères ne faisait aucune doute sur le fait qu'il était bel et bien derrière cette invitation silencieuse. Je les suivais au cœur de la nuit, quittant le village pour rejoindre l'immensité du désert et sa fraîcheur nocturne.

La nuée était à peine visible dans ce ciel noir peu éclairé par le rayonnement lunaire mais leurs cris strident résonnaient successivement pour leur permettre de s'orienter à leur façon jusqu'à leur maître.

Malgré la réputation des Ketsueki qu'il avait entaché de son temps, je lui vouais un profond respect. Un homme ingénieux et tacticien qui ne laissait rien au hasard. Il était de ceux qui demeuraient inflexibles devant une montagne de cadavres mutilés sur une rivière écarlate.
Un modèle d'inspiration sur quelques aspects qui restait également le seul maillon constituant ma « famille » : mon père...

Que pensait-il de mon parcours ? Contribuais-je à sa fierté ? Lui avec lequel j'avais décimé un petit village pour le purger de ses Jashinistes - ces hérétiques adepte d'un Dieu duquel ils ne descendaient pas, psalmodiant et salissant son nom – dans le seul but de me montrer digne à ces yeux.
Et il se tenait bel et bien là, au sommet d'une dune, m'observant alors que j'avançai dans sa direction.

« Cela faisait longtemps, Père. »

Un rictus se dessina sur mes lèvres dans un mélange de satisfaction tandis que je m'approchai davantage en foulant le sable dans une démarche impériale.

« Que me vaut l'honneur de votre invitation ? »

Une question dont je connaissais déjà la réponse. Ma nomination en tant que Kyudaime : voilà la raison.

Mon regard ne put s'empêcher d'exprimer ma fierté. Non pas pour m'être hissée à la tête de Suna puisque c'était Kaze qui était venu me chercher et non l'inverse, mais justement parce que ma valeur avait été reconnue. C'était la première fois dans l'histoire de Kaze qu'un membre du clan Ketsueki se hissait au rang de Kazekage, tout comme j'avais été la première à devenir chef du Kakumeigun : un clan certes méprisé mais puissant qui voyait les choses en grand. Les facettes qui avaient justement fait comprendre au Daimyo que j'étais la plus à même de redresser le village et d'en faire une cité aussi prospère que puissante.

« Ou plutôt... En êtes vous satisfait ? »

De cette montée des Ketsueki.
De voir la copie, physiquement parlant, que j'étais de ma diablesse de mère, prendre un pas d'avance sur lui. Cette femme qui lui avait tout volé et brisé. Comme un sempiternel cycle infini duquel il était pris au piège.
Toutefois, les choses étaient différentes désormais. Elle m'avait moi aussi dépossédé d'une denrée si chère aux yeux des autres. De cette famille offrant affection et sécurité, apportant guidance et réponses... Des aspects aujourd'hui chimériques remplacée par une cohabitation sournoise.