« J'en connais qui tuerait pour une telle chance. »
Sa réputation n'était plus à faire. La déserteuse avait espéré ce moment depuis qu'elle avait quitté Suna. C'est dans la personne d'Oniri qu'elle avait pu trouver cette femme qu'elle admirait tant. Autrefois, elle lui faisait peur, très peur. Ses grands yeux rouges, cette froideur qu'elle dégageait, la sinistre histoire de son clan... Cette femme était restée dans son esprit depuis qu'elle l'avait rencontré à l'hôpital, puis dans une ruelle étroite dans les bras de Kioshi,... En était-elle toujours amoureuse ?
« Kioshi, sans doute. Toujours amoureuse ? »
Mais depuis quelques temps, Ema n'en avait plus peur. Au contraire, Yami avait représenté son passeport pour la liberté, sa protection contre Suna, contre Ogami, contre Kioshi, et combien d'autres personnes encore. Et le fait qu'Ema pouvait être utile au Kyomu, la protégeait de Yami elle-même. Pour additionner le tout, Yami représentait également sa source de puissance et de connaissances.
La jeune Kunoichi était armée de sa nouvelle lance et de son katana, l'un forgé par le très séduisant Izaya, l'autre offert par Oniri. Elle était venue sans henge, naturelle. La croqueuse de cœur savait pertinemment qui elle était, pourquoi donc s'embêter à se camoufler.
La question posée à l'instant n'allait pas être sans conséquence, soit Yami l'ignorerait ou alors elle riposterait avec une pique bien plus cruelle sur la vie familiale actuelle de la Matsuno. Peu importait, cela ne signifiait rien. Ema ne souriait pas, son manque d'émotions était toujours aussi présent, tout comme cette drogue dans son sang. La Kunoichi ne savait même plus combien de temps elle avait déserté, ni combien de semaines elle avait passé loin de son fils et de son mari. Les soirs, la jeune femme s'effondrait de tristesse dans son appartement vide et froid. Cela manquait cruellement d'un feu de cheminée, d'un verre de vin, d'un petit bambin qui essayait de raconter une histoire à une peluche défigurée et d'un mari qui la tenait dans ses bras, amoureux.
Mais cette vision était du passée, un souvenir particulièrement douloureux qu'elle ne pourrait certainement jamais revivre, du moins si elle continuait à se lamenter sur son sort au lieu de se bouger le fessier pour arriver à son but. En cela, Oniri et Yami étaient parfaites, et surtout leur drogue hors de prix.
« Tu sais que Kioshi a abandonné son trône pour toi ? À cause d'Aare... Ce minable avait besoin de manipuler son monde pour arriver à ses fins. Enfin minable... Il a bien joué son coup à vrai dire. »
La jeune femme continuait.
« Si j'avais su qu'Ogami et toi étiez toujours en contact, cela aurait été peut-être plus simple pour moi. »
Oniri venait de quitter les lieux, me laissant seule avec la Zenzaburo junkie. Toujours assise sur ma chaise doton, j'observai la demoiselle avec insistance, poursuivant l'analyse de mon sujet de laboratoire. Elle avait complètement changé. Tout cela était... intéressant...
Elle se pavanait, fière comme une panthère devant la tigresse, osant lui adresser la parole comme jamais elle ne l'aurait osé auparavant. La Ema se cachant dans mes jupons lors de notre périple à Mizu pour sa cartographie était bien loin... ou peut-être pas. Elle restait là, tapie dans l'ombre, reléguée au second plan sous la puissance de mes pilules. Le pire étant qu'elle ne cherchait même plus à se manifester, elle n'avait même plus conscience que cette part d'elle existait toujours.
Son impertinence me fit esquisser un sourire à la fois remplit d'amertume et de fascination.
« L'amour... Qu'est-ce donc si ce n'est un frein à l'ascension ? Tu es bien placée pour savoir que cela n'engendre que des moyens de pressions... »
Ma voix était narquoise, tout comme mon regard.
« Avoir des attaches octroient des raisons de se battre mais cette seule conviction n'est que pour les non inventifs. Défendre mes intérêts me suffit pour cela. »
Puis lorsqu'elle évoqua la raison de la désertion de Kioshi, mon sourire s'estompa et mon ton devint plus acerbe.
« Je connais les raisons qui ont poussé Kioshi à partir. Pathétique... »
S'il était certain que je n'aurai pas agit de la même manière en sachant comment Aare se servirait de cette faille, il n'en restait pas moins que la prise de décision de Kioshi était d'une stupidité sans nom. Il avait bien d'autres moyens à sa disposition pour faire face à ce chantage : mais il avait choisi d'agir par lui même, d'écouter ce que son petit cœur flamboyant lui dictait : comme un idiot. Comme toujours... Abandonné son village en tant que Kazekage dans le seul espoir de me retrouver saine et sauve alors qu'il avait à sa disposition toute une armée prête à partir mener l'enquête et faire face au trouble fête ! La raison du cœur est rarement la meilleure et ne l'est jamais lorsque l'on est dirigeant d'une faction militaire.
Je ne savais pas dire si une telle preuve d'amour était belle ou gênante... Nous parlions tout de même d'un individu ayant planté d'une lame celle avec qui il souhaitait se marier et qui avait voulu l'incinérer dans son couloir pour avoir refusé cette même demande... … Gênante. Oui. Elle était définitivement gênante.
« La manipulation est monnaie courante des grands de ce monde. Penses-tu que notre très chère Grande Grue aurait su s'élever de la sorte sans y avoir recourt ? »
Et qu'en était-il de moi. Cette femme me révulsait tout autant qu'elle me fascinait : peut être parce que nous possédions plusieurs points communs, bien que la Grue savait davantage faire dans la subtilité et ne se salissait jamais les mains d'elle même.
« Et Oniri... Comment penses-tu qu'elle s'y est prise pour obtenir tout ce qu'elle possède aujourd'hui en ne partant d'absolument rien ? Ceci est ma première leçon pour toi. »
Quand aucune place n'était disponible pour vous, vous n'aviez qu'a vous la créer.
Les Ketsueki disposaient depuis toujours de leur réputation qui les précédait, suscitant crainte et répulsion chez les autres : cela ne m'avait pas empêché de devenir l'élève de la Godaime Kazekage, de me hisser à la tête du Kakumeigun, ni même à la tête de mon clan et cela malgré ma maladie clanique dont j'avais réussi à me débarrasser en me saisissant du cœur Immortel. Il n'y avait jamais eu de Yami chétive et maladive : toujours une Yami inspirant le malaise et suscitant la peur par sa simple présence. Certains m'admiraient, d'autres me haïssaient : je me nourrissais aussi bien de leurs larmes, de leur rage, que de leurs éloges.
Il y avait de cela plusieurs années, je n'avais que faire de ce que la peuplade pouvait penser de ma personne mais les affres de la vie et mon expérience acquise m'avait fait revoir mon jugement : bien entendu que cela comptait. Maintenir son règne de la terreur et de puissance était ce qui garantissait de les tenir au creux de votre main, articulés comme les pantins qu'ils étaient en se balançant au bout de leurs fils que je manipulais à ma convenance. Je continuais de placer mes pions sur l'échiquier...
Un peuple oppressé était certes un peuple susceptible de se rebeller mais que ferait-il face à une mort qu'ils savaient certaine, dans l'impossibilité de changer l'immuable ? Que les langues soient tranchées à la moindre dissidence, que les têtes tombent aux tentatives d'insurrections !
Il était toutefois certain que cette seule constante ne saurait garantir la clé de la réussite : il fallait un juste équilibre.Trouver un objectif commun pour voir en eux des alliés précieux se démenant sur le même front afin de prouver sa puissance au même titre que de son efficacité. Être a même de réussir là où tout le monde avait échoué...
« Avec des « si » nous referions le monde. Cela ne veut pourtant pas dire qu'il serait meilleur. »
Si Ema arrêtait de jouer les pipelettes, mon humeur serait moins massacrante. Si Kibo n'était pas devenu fou, les feuilles ne se seraient pas abattues sur le sable. Si Kioshi n'avait pas déserté, il serai encore Kazekage... … Définitivement, les choses ne seraient pas forcément meilleures.
« Assez parlé. »
Je me relevai pour lui faire face, sortant de ma sacoche un flacon complètement vide que je lui tendis. Le même genre qu'elle devait avoir l'habitude de voir contenant ses pilules dopantes.
« Voilà ta dose pour ce soir. »
Je l'avisai de mes pupilles écarlates luisant d'intensité, un nouveau sourire figé sur mes lèvres. Comment allait-elle réagir cette nuit, sans rien ? Souffrirait-elle du manque ? Redeviendrait-elle une fillette apeurée dès l'aube, la folie la rongeant en plus ? J'avais hâte de voir quels effets pouvaient entraîner une dépendance coupée net en plein vol.
« Demain commencera ton entraînement. Rentre te reposer car je t'assure que tu auras besoin de toute tes forces... »
Susurrai-je avant de tourner les talons pour m'éclipser. Oh oui ! Elle aurait besoin de toute ses forces et surtout, de toute sa tête...
Les remarques de la Ketsueki n'étaient pas cinglantes, au contraire, plutôt instructives à vrai dire. Et c'était vrai, tout le monde manipulait pour arriver à ses fins. Ema avait été manipulé à de nombreuses reprises et encore maintenant, elle le savait, d'une manière ou d'une autre, on était entrain de la manipuler. Mais cela servait ses intérêts, du moins pour l'instant.
Ema resta muette devant Yami et son flacon vide. Comment ça, pas de remontant pour ce soir ? Elle n'avait jamais été coupé de cette substance depuis qu'elle avait accepté d'en prendre des mains d'Oniri, il y a plus d'un mois de cela.
Elle n'allait pas tenter quoi que ce soit, la Matsuno savait pertinemment que c'était un test. Après tout, c'était l'elixir magique de la Kestueki, elle devait certianement vouloir tester sa marchandise sur la mère. Quant à cette dernière, elle ne pouvait rien y faire de toute manière, elle était une poupée dans les mains des deux femmes. Secrètement, Ema rêvait de ce jour où elle serait libre, sans personne pour la manipuler.
La nuit risquait d'être longue...
Severage forcé, Ema le sentait déjà moyennement. Peut-être que ça l'aiderait à y voir plus clair, après tout, avec les drogues, elle avait perdu la notion de temps, de famille, de priorités. Cela faisait incroyablement longtemps qu'elle n'avait plus donné de signe de vie, à son époux ou son fils.
Quand t'es junkie, t'as qu'un seul souci : te fournir. Le jour où tu décroches, d'un coup tu te prends la tête avec plein d'autres conneries.
Habituellement, Ema se mettait à son bureau et tentait d'écrire à son enfant et son mari. Et c'est ce qu'elle fit ce soir-là également. Mais lorsque la nuit débutait et que son organisme était entrain de lui dire que la substance qu'elle consommait depuis des semaines avait disparue, Ema était déjà rongée par la douleur, le manque, allongée au sol, n'ayant finalement pas touché à ce crayon et cette lettre.
« Je ne ressens pas encore le mal, mais il est déjà là. C'est certain. Je suis dans les limbes pour l'instant. Trop mal pour dormir, trop fatiguée pour rester éveillée. Mais le mal est en marche. Suées, frissons, nausées, souffrances et manque. Le manque comme je l'ai encore jamais vécu jusque là. Ça vient... »
La jeune femme devenait folle, son esprit tournait en rond dans son appartement. Des images de son mari torturé par Konoha, suivit d'images de Satomu abandonné, seul sans sa mère ni son père, pleurant dans les bras de Miko. La jeune femme était couchée au sol, hurlant de douleur, torturée par des souvenirs qui n'existaient pas.
Prise d'hallucinations, voyant son fils prêt d'elle, voulant la serrer dans ses bras, puis son mari, puis Jiseyama qui s'emparait de son enfant, et qui torturait Kibōn son époux, son âme sœur, sa source de vie. Et des clous s'enfoncèrent dans les bras de son mari, et son fils se faisait étrangler par les sbires de l'homme masqué. Elle perdait tout, toutes raisons de vivre.
Elle avait tout perdu, elle était seule, son fils et son mari étaient loin, sans elle. Elle les avait abandonné, elle les avait troqué contre de la drogue, contre de la puissance. À quoi bon être puissant si il n'y avait personne à protéger? Partir des bras de son mari, de cette étreinte chaleureuse qui lui manquait tellement, de cet amour inconditionnel...
La femme pleura presque toute la nuit. Le lendemain, alors qu'elle venait en titubant, dépareillée, les yeux rouges avec des poches sous ses yeux, vêtues des même vêtements que la veille, décoiffée, l'haleine aux effluves d'alcool, dépressive, attendant qu'on mette un terme à sa souffrance, à sa vie qui n'avait aucun sens.
Ema était un cadavre pâle, tenant à peine sur ses jambes, n'ayant qu'une envie : s'engouffrer dans les bras de son mari et entendre la voix de son enfant lui dire "je t'aime maman".
N'ayant pour seule alternative à cette dépression, la drogue de Yami. Ema n'eut d'autre réflexe que d'allonger son bras vers Yami, déroulant sa paume droit devant elle, comme un appel à l'aide.
C'était avec une impatience non dissimulée que j'attendais la Matsuno. Comment s'était déroulée sa nuit ? Quels avaient été ses ressentis ? S'était-elle laissée entraînée dans les abîmes sans fonds, côtoyant la noirceur de son être sous un jour dont elle ignorait l'existence ? Sa perception d'elle même s'en était-elle vu altérée ? Tout autant de questions auxquelles je voulais obtenir des réponses.
Et je n'étais pas déçue... Son allure était pittoresque. Débraillée, portant ses vêtements de la veille sans aucun effort de paraître présentable, elle était cernée, avançant tel une poupée de chiffon dépourvue d'âme qui vive. Les effluves d'alcool qui me parvinrent au nez m’apprirent qu'elle avait jeté son dévolu sur un autre substitut pour ne pas avoir à se confronter aux affres du manque : et à en juger par son état cela n'avait guère été suffisant.
Un sourire narquois se tint alors sur mes lèvres en l'observant tendre sa paume dans ma direction, le regard suppliant, presque implorant de lui octroyer ce qu'elle avait convoité toute la nuit. L'une de mes mains vint enrouler la sienne pour la refermer sur sa paume toujours vide tandis que mon regard écarlate la sondait avec intensité.
« Tu te fourvoies si tu penses que je vais t'approvisionner de nouveau. Si tu en veux : tu n'auras qu'à la fabriquer par toi même... »
Mon sourire s'intensifia. En voilà une motivation suffisante pour s'appliquer... Plus que pour une simple envie de m'amuser à la voir s'y essayer, c'était pour l'emmener peu à peu vers une nouvelle voie : elle apprendrait a concocter des solutions dopantes, des poisons et tout ce qui pourra lui être utile contre ses adversaires. Un enseignement ludique dans lequel elle devrait s'exercer encore et encore sur mes consignes pour obtenir un résultat moindre mais satisfaisant tout en étant suffisant pour calmer les effets inhérents au sevrage que je lui imposais.
Sans s'en rendre compte, elle gagnerait en connaissances médicales et retrouverait un semblant de stabilité à travers une drogue plus douce que ce que je lui fournissais jusqu'à présent. Bientôt, elle n'aurait plus du tout besoin de ce substitut pour ressentir un élan de puissance puisque, si elle s'en donnait réellement les moyens, je la mènerais sur ce chemin.
Me déplaçant jusqu'à un établi sur lequel j'avais posé tout le matériel qui lui serait nécessaire, je lui tendis une feuille sur laquelle se trouvait une formule ou présentée ainsi de manière plus simpliste : une « recette ». Il y était écrit les ingrédients nécessaires à la préparation de la concoction dopante ainsi que le mode opératoire pour l'obtenir. Une multitude de plantes et substances en tout genre se tenaient devant elle, sur l'établi, sans aucune autre informations.
Elle tenterait, réessaierait inlassablement et avec acharnement à obtenir ne serait-ce qu'un semblant de ce à quoi ressemblait ce qu'elle ingérait depuis presque un mois. Elle persisterait encore et encore sous mes yeux pour se donner l'illusion d'aller mieux et combler les effets du manque, le tout dans son état actuel : lui conférant une motivation à toute épreuve pour obtenir son Graal.
Je ne pouvais pas prévoir toutes les combinaisons possibles de mélanges auxquels elle s'essayerait et qu'elle goutterait bien que je superviserais le déroulement des opérations au cas où elle aurait la bonne idée d'avoir a avaler de l'arsenic.
« Es-tu prête à tout pour en obtenir de nouveau ? Même a côtoyer la mort au plus proche son étreinte ? »
Cela était rhétorique. Quoi qu'elle choisisse elle devrait se débrouiller avec.
Les yeux d'Ema s'écarquillèrent à l'instant où la sorcière prononça ses premiers mots. Avec le peu de force qui lui restait, la Kunoichi tenta de ne pas frapper la Kestueki en pleine face. Il y avait des dizaines de raisons de ne pas faire ce geste, mais le principal restait la solution qu'elle lui offrait : concocter son remède elle-même. Voilà qui était... vraiment revigorant. Ceci voudrait dire qu'elle n'aurait pas besoin de Yami ou d'Oniri pour gérer sa dépendance, cela voulait dire qu'elle pourrait s'en aller, ne pas être leur esclave. Une preuve de confiance ? Levant les yeux vers la vampire, la mère la regardait étrangement, ceci dit, son regard restait vide. La nuit qu'elle avait passé prenant largement le pas sur sa petite épiphanie de l'instant.
Le sourire de la femme ternissant également grandement cette nouvelle. Elle était à sa merci toute entière et elle ne s'en cachait absolument pas. Quelle sadique. Kioshi n'avait aucune chance, lui qui était si pure. Elle à côté était une détraquée à faire enfermer, encore plus tarée que Jiseyama, c'était sûr. Heureusement qu'elle pouvait la compter dans ses amis et non ses ennemis, bien qu'amis soit vraiment très présomptueux.
Son bras tomba d'un coup, après le refus catégorique de la Ketsueki pour stopper son supplice. Suivant le déplacement du regard, elle le suivit ensuite, tentant fébrilement de ne pas tomber à chaque nouveau pas.
« J'peux au moins avoir de l'eau ? »
Fit-elle, en empoignant la liste d'indications que Yami lui offrait.
« Et de quoi soigner mon mal de tête. »
« ... »
Il semblait que la recette à faire allait être très longue, très dure vu la spécificité du bordel. L'état dans lequel Ema se trouvait n'allait absolument pas l'aider, du tout, même si ce qu'elle tenait en main était la clé de ses maux.
Devant elle se trouvait une multitude d'ustensiles, de plantes, de bocaux, de choses qu'elle n'avait encore jamais vu. La première chose qu'elle fit, fut tout d'abord d'identifier les mots sur la liste aux objets qu'elle avait devant elle.
La dernière remarque de la vampire engendra un petit son désapprobateur d'Ema qui n'y voyait que le comble de ce qu'elle vivait depuis toujours.
Posant la fiche sur la table, la Kunoichi entreprit de se soigner par elle-même, sous le regard très amusé de la brune. Les premières fois, elle du s'y reprendre à trois fois pour prendre la bonne plante, se guidant par les sons dégagés par sa tutrice. Mais bon sang, comment était-elle supposée savoir que le trèfle rouge était plus rose que rouge et que la camomille était une marguerite. Et la Scutellaire... ? Pour Ema il s'agit d'un type de scalpel, pas d'une plante. Il était certain que la journée allait être extrêmement longue et que ses nerfs déjà bien à vifs allaient être mis à l'épreuve. La Matsuno ne pouvait pas échouer, ou laisser tomber, car tout était entre ses mains.
Au bout de deux heures, elle réussit à ... Bon, Ema ne savait ce qu'elle avait réussi à faire, mais dans un de ces bocaux farfelues, elle avait mixé tout ce qui était sur la liste et ça ressemblait vaguement à ce qu'elle prenait depuis des mois. Du moins, ça avait déjà la même couleur. Trempant son index dans la mixture afin d'en recueillir une petite portion, la jeune femme la mit dans sa bouche. Le tout fut recraché à l'instant. C'était infect, amer, donc le goût était bon, mais le tout était insupportable, piquant et brûlant. Toussotant et se rinçant la bouche, la Kunoichi attendait sans impatience les remarques cinglantes qui allaient tomber.
Je ne pris même pas la peine de répondre à sa demande pour se désaltérer : la seule chose qu'elle boirait aujourd'hui serait le fruit de son labeur.
Elle entreprit d'abord de chercher a faire la liaison entre les noms inscrits sur le bout de papiers et les divers plantes et produits qui se trouvaient devant elle. Pour certains d'entre eux, il serait impossible qu'elle le devine : elle le déduirait a force d'essayer, d'autant plus que sur l'établi se trouvait des ingrédients complètement inutiles dans la fabrication de ce qu'elle cherchait à obtenir...
Son état ne l'aiderait certainement pas à se concentrer sur sa tâche mais le désir de combler son manque si... Il aurait été bien inutile et peu pédagogue de vouloir le lui enseigner alors qu'elle aurait été en pleine possession de ses moyens sans convoiter l’appât du gain qui en résulterait.
Lorsqu'elle commença a opérer, et dans l'unique but de rendre cela plus pénible, je me contentais de la guider à ma façon...
« Tututut... Tu refroidis... Tu chauffes... Pas du tout... Tu es sûre du dosage ? »
Je prenais un malin plaisir à échauder ses nerfs : il fallait qu'elle s'endurcisse et qu'elle apprenne a ne pas ployer sous la pression, bien que la voir échouer et s'agiter ne faisait qu'attiser ma perfidie ainsi que ma volonté de la pousser plus encore dans ses derniers retranchements. Elle allait me détester, ça oui, mais elle allait se renforcer...
Elle s'y essayait, encore et encore sous mon regard avisé tantôt moqueur tantôt surpris par les combinaisons qu'elle essayait, voyant plus ou moins d'avance quelle genre de substance elle allait créer ainsi que ses effets...
Finalement, elle semblait avoir fini, gouttant le mélange avant de faire la grimace, toussant et recrachant le peu qu'elle avait ingurgité. Amusée, je l'observai en croisant les bras, une lueur pernicieuse dans le regard :
« Le résultat est piquant ? C'est sûrement parce que tu n'y as pas mis assez d'amour... »
J'allais vider le récipient et le rincer avant de le repositionner face à elle, retirant par la même occasion tous les bocaux d'ingrédients inutiles dans ce qu'elle voulait faire pour ne la laisser qu'avec les bons. Cela serait-il plus facile pour autant ? Sans réellement savoir a quoi correspondait les choses et sans en maîtriser les dosages, cela restait fortement compliqué et l'heure commençait à tourner...
J'aurais pu la laisser ainsi et voir comment elle se débrouillerait à partir de maintenant mais je voulais lui offrir un nouvel apprentissage : apprendre à reconnaître les plantes. Pour se faire, je lui tendais un bol dans lequel j'avais écrasé bon nombre de plantes dont certaines se trouvaient également devant elle. Elle devrait sentir l'odeur qui en émanait pour essayer d'identifier les plantes qui se trouvaient sur son bureau.
« Tes sens aiguisés te seront peut être utiles pour identifier les plantes... Si tu parviens à en reconnaître certaines, je te donnerais leurs petits noms... »
En tout cas, Yami avait beau être une suceuse de sang, elle restait quand même pour vérifier qu'Ema ne fasse pas n'importe quoi autant que pour l'aiguiller dans cette recette. Cœur de pierre et terrifiante, mais il y avait quand même un cœur sous cette couche d'inhumaine carcasse.
Mais Ema ne respirait pas du tout la gratitude en ce moment. Elle voulait juste taper tout le monde jusqu'à ce qu'on lui donne sa dose, capricieuse qu'elle était. Mais la leçon de Yami était d'une valeur puissante. La Kunoichi devait se bouger elle-même pour avoir ce qu'elle voulait. Compter sur les autres pour la satisfaire était une vraie tare qu'elle devait apprendre à supprimer.
Les remarques auraient du faire sourire la jeune femme qui avait tout de même un point commun avec la vampire. L'amour... Pour autant, Ema ignora le commentaire, trop énervée pour y voir de l'humour, trops fatiguée pour être patience et trop sur les nerfs pour penser à autre chose qu'à sa drogue qu'elle n'arrivait pas à reproduire malgré la liste précise.
Sans crier gare, la brune enleva un partie des pots sur la table, ainsi que certains ustensiles. La Matsuno fut sceptique un moment, se demandant l'origine de cette action, puis Ema se ravisa de poser la question. Cela faisait tout de même deux heures que la Comtesse attendait que son apprentie arrive à concocter un produit dont elle avait toutes les indications pour le reproduire. Elle devait s'ennuyer et avait probablement d'autres choses à faire que de surveiller une toxico entrain de se dépatouiller comme une enfant.
Un bol lui fut présenté. Yami semblait accélérer le processus en guidant Ema, si elle y mettait du sien. Ce qu'elle fit évidemment. C'était plus dur qu'à l'accoutumer de se servir de son chakra et de le temporiser correctement, mais elle s'y pris du mieux qu'elle pouvait, essayant de renifler non sans passer pour un chien, afin de définir les différentes senteurs qu'elle reconnaissait.
« Ce truc là... Hm... Une odeur ... humide ? On dirait cette plante-là. »
C'était compliqué pour une novice de mettre des mots sur des senteurs, mais elle essayait comme elle pouvait. La plante qu'elle montrait semblait avoir les mêmes notes de cette senteur d'humide, comme très tôt le matin, avec une brume levée. La mère détestait cette odeur, cette sensation. Cela lui rappelait son périple à travers les cieux pour aller de Ki à Konoha, désespérée et totalement conquise.
Se relevant soudainement, n'ayant plus d'intérêt pour le bol, la jeune femme fut prise d'un moment de lucidité. Elle pistait alors le chakra des bijoux de ses deux hommes, essayant de se donner bonne conscience. Même si elle masquait ses sentiments, sa culpabilité atteignait un niveau bien supérieur à sa colère, du moins, lorsqu'elle était en manque. Les deux hommes semblaient ne pas avoir bougé. Le fait qu'elle pouvait encore ressentir son chakra lui indiquait qu'ils devaient aller parfaitement bien.
Remettant alors son nez vers le bol, aussi soudainement qu'elle s'en était éloignée, elle continua son petit reniflage.
« Celui-là est sucré. Celui-là... il pue. Méchamment. Y a vraiment ce truc dégueu dans le mélange ? ... On dirait les couches de Satomu... »
Fit-elle écœurée, une pointe de mélancolie dans sa voix. Le fait est, qu'Ema était complètement démunie, et que ses sentiments et émotions filtraient bien plus facilement. Raclant sa gorge, la jeune femme reprit son ton dur et froid qui la rassurait. Non par pour Yami, mais pour elle-même.
« Et là je reconnais les pétales de camomille. Enfin je crois. »
Elle n'usait pas que son odorat, mais sa vue aussi. Il y avait tellement d'odeurs différentes mélangées, qu'elle commençait à ne plus rien sentir, ainsi elle tentait également de trouver des indices avec d'autres moyens.
La Matsuno mettait du cœur à l'ouvrage quand bien même ses essais furent infructueux. A force de renifler toutes ces effluves, son sens olfactif devait être en pleine déroute : les odeurs se mélangeant indubitablement.
« Ce que tu décris n'est pas l'odeur de la plante en question mais de ses sécrétions. Quelle plante réduite en morceaux dans ce bol les dégagent... c'est une autre histoire. »
Se limiter uniquement au végétal en lui même pour les identifier à l'aide du nez était une erreur. Il n'y avait pas que des plantes écrasées dans ce bol, mais aussi les particularités qui les constituaient. Faisant des allées et venues dans son dos, je poursuivais mon explication.
« Tu ne dois pas te limiter simplement à ce que tu vois. Observes. Déchiffres. Analyses. »
C'était là une autre leçon que je lui donnais : ne jamais se fier aux apparences ni même se limiter à ces dernières...
« Use de l’entièreté de tes sens pour découvrir ce qui t'es dissimulé. Décuple ta lucidité et apprends a détecter ce genre de choses au premier regard. »
Mon discours n'était évidemment pas proféré dans le cadre de ses plantes. Elles me servaient simplement de point d'ancrage pour lui faire comprendre la portée de mes mots. La méfiance à elle seule n'était pas suffisante. Il fallait déceler et interpréter avec aisance les cartes dont disposait la personne nous faisant face.
« Les yeux ne servent pas qu'a voir. Après tout... ne dit-on pas qu'ils sont le miroir de l'âme ? … »
Je me stoppais dans son dos, déclarant cela par dessus son épaule alors que les miens luisaient de manière pernicieuses.
« Ne sous estime jamais un regard et interprète en la signification pour te préparer à la suite. »
Une personne n'était jamais totalement impassible. Il y avait toujours cette petite intonation dans la voix ou cette ridicule lueur dans le regard qui témoignait d'un sentiment plus profond, à demi étouffé.
Me décalant légèrement sur le côté, je prenais différents brin de plantes pourtant semblant identiques pour certains et les disposaient face à leurs homologue encore entières. Je tirais de ma sacoche une fiole pratiquement vide contenant une substance un rien épaisse de couleur nacrée et en souleva le bouchon pour que l'odeur - visiblement semblable aux couches de son fils - s'en dégage.
« La Datura... C'est le nom de la plante qui sécrète cette substance souvent utilisée dans des concoctions de poisons mortels... Tu sais quels autres noms on lui donne ? »
La questionnai-je sans attendre de réponse de sa part.
« L'herbe du Diable, l'endormeuse ou encore la trompette de la mort... Charmant n'est-ce pas ? »
Je refermai le flacon et le rangeai là où je l'avais pris avant de me retourner vers elle.
« Troubles visuels, cardiaque, hallucinations visuelles et auditives, faiblesses musculaires, crises d'angoisses... Et si rien est fait... le coma ou la mort. »
Cette simple plante que je lui désignai, entière, blanche et inoffensive d'apparence était capable de tuer un homme par sa simple sécrétion.
« Quel dommage que tu n'as de cesse de la renifler et que tu en as même ajouté dans ta mixture précédente. Tu sais... celle amère et piquante dans laquelle il manquait beaucoup d'amour... »
Mon ton était théâtral et mon sourire espiègle.
« Peut-être seras-tu plus encline a préserver ta vie en te soignant plutôt qu'a obtenir ta dose quotidienne dont le manque lui, n'est pas mortel... »
Les paroles de Yami n'avaient aucun sens. L'esprit d'Ema s'embrouillait et la fatigue ajoutée à ses maux qui avaient commencé la veille n'arrangeait pas son cas. Ema commençait à suer à grosses gouttes, sa vision se brouillant au fur et à mesure des secondes qui s'écoulaient, alors que Yami lui énonçait non sans une pointe de satisfaction qu'elle avait ingéré un produit mortel qui était plus connu vu le nombre de noms qui s'y rapportait.
«... La mort ... ?! »
Sans attendre plus longtemps, Ema se jeta sur la liste qu'elle avait prise pour la recette. Elle avait pris la Datura pour.... "Usnée"... Sans descriptions cet exercice était tout bonnement impossible, et là, elle venait de s'empoisonner.
« Il est où le remède ? »
Lança-t-elle, sachant pertinemment qu'elle n'aurait aucune réponse tangible. Se frottant les yeux pour retrouver un semblant de vision, Ema regarda autour d'elle. Les plantes autour d'elle ne signifiaient rien, tout comme leurs odeurs ou leur apparences. Son rythme cardiaque s'accélérait étonnement rapidement alors qu'elle tentait de trouver une solution en prenant toutes les plantes pour les écraser ensemble. Ses idées n'étaient de toute manière pas claire et elle n'avait pas la tête pour réfléchir ou trouver une solution.
Mais alors qu'elle écrasait les herbes, le bras de la mère tomba lâchement sur la table. Il semblait que les effets de ce dit poison étaient déjà en marche. Donc, l'autre option de se faire vomir était déjà obsolète. Et comme elle n'avait absolument aucune idée de l'intérêt de toutes ses plantes...
« Tu peux peut-être... me guider ? Ou me sucer le poison du sang ? »
Malgré son état lamentable, la jeune femme se permit de rire un peu à cette blague.
« Bon. Je vais mourir, semblerait. »
Balbutia-t-elle, glissant une chaise près d'elle en espérant que son bras ne lui fasse pas défaut cette fois, la Kunoichi s'assit devant cette table remplit de trucs qu'elle ne connaissait pas. Son regard de rapporta sur les brins que Yami avait rassemblés un peu plus tôt. Toutes se ressemblaient, indubitablement, mais Ema pouvait d'ores et déjà exclure la plante qu'elle avait utilisé quelques temps avant. Dans la sélection de plantes présentées, une devait forcément faire l'affaire. La fatigue la rongeait, au moins autant que la panique et le stress. Ajouté à cela, sa tête la martelait sans cesse et les symptômes se propageaient dans son corps. Ema pouvait sentir la faiblesse l'envahir et sa vision était brouillée comme jamais.
Puis elle entendit une voix. Une voix très masculine, forte et puissante, mais rassurante et aimante. Celle de son mari. Suivit de celle de son enfant, petite, aiguë et douce. Son regard se perdit et la silhouette de son époux apparut devant elle. Il parlait, il lui parlait. Ses yeux se perdaient suivant une silhouette inexistante.
« N'abandonne pas... »
Répétait-il sans cesse. Mais Ema ne réagissait pas, elle n'y croyait pas. Mais elle aimait le voir et sa voix la calmait, même si son esprit comprenait clairement qu'il ne s'agissait pas de la réalité.
Concentrant son chakra de la meilleure manière possible, la jeune femme s'empara de la plante qui dégageait la meilleure odeur après les avoir écrasés entre ses doigts, sans une seule fois dévier son regard du visage de son mari. Yami ne faisait même plus partie du tableau tellement les pensées de la Matsuno étaient confuses, disséminées et avec son mari, loin, là où tout est parfait.
Cette odeur lui faisait penser au parfum de sa mère. Bizarrement. Sans y songer plus, la jeune femme s'arrêta sur cette plante et l'écrasa entre ses mains, en boule pour la mettre dans sa bouche. Acte désespéré pour vie désespérée. Elle dû se retenir de tout dégobiller, mais si les sécrétions de cette plante dans sa bouche pouvaient, peut-être, sait-on jamais, la sauver, il fallait sauter le pas. Et sinon, elle était déjà entrain de mourir, alors une plante vénéneuse de plus ou de moins... Avalant cette plante, elle mit sa main devant la bouche, retenant un haut-le-cœur déplaisant.
Le regard de son mari était toujours posée sur elle, bienveillant et chaleureux. Ô combien il lui manquait...
Malgré la fatigue, Ema s'agitait dans tous les sens à l'annonce de sa mort programmée. Enfin elle allait se remuer un peu... Tout du moins jusqu'à ce que les symptômes le lui permettent... Un sourire se satisfaction et de jubilation naquît sur mes lèvres. Qu'allait-elle faire ? … Je l'observai avec intérêt, analysant son comportement pour voir s'il suivrait le schéma classique.
D'abord l'action : la volonté de survivre et de s'en donner les moyens. Puis la perte progressive d'espoir suivi des lamentations avant d'atteindre, parfois, l'acceptation ainsi que la résignation. L'ancienne kunoichi du Sable ne dérogea pas à la règle. Ayant ces phases en tête, je me délectai de remarquer l'instant où elle franchissait la suivante.
Elle attrapa plusieurs plantes qu'elle écrasa sous le poids du désespoir sans que je ne parvienne à savoir si ce qu'elle faisait était fait de manière réfléchi, suivant sa propre logique, ou si elle s'y jetait à corps perdu laissant le hasard décider à sa place... Je pouvais presque entendre son cœur tambouriner dans sa poitrine sous l'effet de la panique couplé à la présence du poison dans son organisme. Douce mélodie...
Mon regard croisa le sien lorsqu'elle se tourna finalement vers moi pour lui apporter de l'aide : la lamentation... Je me contentais de lui adresser un bref ricanement.
« C'est tout ce que tu m'offres ? Du sang vicié par le poison ? Comme tu t'en doutes, ce n'est pas ainsi que tu achèteras mon aide... Qui a dit d'ailleurs que je t'en apporterais ? »
Elle passa ensuite à l'acceptation de son trépas, impuissante face à son sort alors qu'elle ne se donnait pas les moyens de s'en sortir. La nuit précédente avait été éprouvante pour elle sans sa substance pour se calmer et maintenant qu'elle était à fleur de peau, privée de sommeil et éreintée par la fatigue, elle devait faire face à la triste réalité... Pauvre Ema. Oh oui... la pauvre.
Elle semblait presque en transe. A quoi pensait-elle ? Aux personnes qu'elle allait laissé à son départ ? Comme c'était mignon... C'était probablement ces mêmes pensées qui la conduisirent à tenter le tout pour le tout en ingurgitant tout un mélange d'herbes écrasées et... je frappais des mains avant de soupirer et de lever brièvement les yeux au plafond.
« Ah... Ema... Ema... Ema... As-tu la moindre idée de ce que tu viens ingurgiter ? As-tu réfléchi à la composition du mélange ? Au moins tu n'y as pas ajouté de substances toxiques supplémentaire mais... félicitations, tu viens de manger une combinaison de plantes qui aura autant d'effet que si tu avais avalé du gazon. »
Je m'approchai d'elle et reculai tout ce qu'il y avait sur l'établi afin de faire de la place. La kunoichi devait être engourdie de toute part désormais si bien que je la portai de sa chaise pour l'allonger sur le plan de travail au bord duquel je m'asseyais.
« Tu ne sais pas encore reconnaître les plantes. Réfléchis un peu. Hormis aggraver ton cas il y a peu de chance que tu en ressortes l'antidote. Qu'utilises tu en temps normal pour te préserver de quelque chose qui compte te nuire ? Hmm... ? Concentre ton chakra, essaye de te faire une représentation mentale de ton corps pour le visualiser qui circule dans ton organisme. »
Je la laissais essayer un peu si toutefois elle en était encore capable, son corps étant parcouru de spasmes.
« Laisse moi te montrer. »
Mes mains se posèrent sur son buste, laissant mon chakra se diffuser dans son corps. Elle devait le sentir.
« Tu perçois cette invasion de mon chakra ? Le poison aussi est une présence envahissante du même type. Focalises toi sur mon chakra et le chemin qu'il emprunte. Tu le sens qui parcourt tes jambes ? Et maintenant ? Il est partout, tout comme le poison... »
Je me concentrai, isolant la substance qui filtrait à travers son sang avant de la détruire sous l'impulsion de mon chakra suite à quoi son hémoglobine était de nouveau saine mais encore perturbée. Tournant la bague d'argent de mon pouce pour laisser apparaître une petite aiguille, je perçais sa peau à son poignet, récoltant son sang que je portai à mes lèvres pour l'analyser. Je connaissais cet arôme pour l'avoir déjà goûté aussi, bien que cela remontait à plusieurs années, il me semblait familier et plus aucune trace de poison n'était à déplorer.
Usant de mes facultés claniques, je fis circuler son sang à ma guise alors qu'il était désormais sous mon contrôle. J'en rétablis son flux et le redirigea vers son cœur encore paniqué pour mieux l'alimenter et lui faire retrouver son calme. Ma main remonta ensuite sur son front et baigna rapidement dans un halo verdâtre, la soignant des effets secondaires pour qu'elle retrouve ses moyens dès à présent.
La moindre idée de ... quoi ? Ema commençait à tomber dans l'inconscience. La jeune femme n'avait plus sa tête. Elle s'entretenait à présent avec son mari, à qui elle disait tout, tout ce qu'elle avait du faire pour survivre, pour se cacher, pour devenir plus forte. Elle se confondait en excuses et finissait par lui dire tout ce qu'elle ressentait pour lui. C'était affligeant, mais heureusement, tout se faisait dans son esprit.
Soudainement, elle s'envolait et se retrouvait coucher sur une table. C'était l'heure de la sieste ? Hm... Puis le regard rouge de Yami apparut dans son champ de vision.
« Concentrer mon chakra ? » Balbutia-t-elle entre deux visions de son enfant. Son esprit restait cependant presque lucide, si on enlève les hallucinations.
C'est pas.. c'est pas con ça. La Kunoichi ferma les yeux, tentant d'abord d'imaginer son flux de chakra et de le ressentir pleinement. Celui de la Kesuteki dans son corps fut très rapidement ressenti. D'ailleurs, c'est ce qui m'y la Matsuno sur la voie. Le poison était effectivement partout, mais la douce vampire s'attelait déjà à le radier de son sang, c'était presque jouissif de ressentir quelque chose sortir de son corps.
Rapidement, l'état de la jeune femme s'améliora, son cœur battait plus fort, et au fur et à mesure des minutes qui passaient, l'image de son époux disparaissait pour revenir à la réalité de la brune qui s'extasiait sur l'ex-futur cadavre de la Kunoichi.
Raclant sa gorge, elle lui répondit rapidement. « J'ai de l'herbe dans la bouche... C'est dégueu. »
Bougeant ses doigts, afin de ressentir à nouveau le plaisir de son corps et de ses muscles, elle posa délicatement sa main sur son front, le mal de tête allait pouvoir partir. Soupirant de longue haleine, la jeune femme releva son buste, frottant ses paupières suivi de ses temps. En fin de compte, le mal de tête n'allait pas partir, elle était encore en sevrage. Et ses pensées douloureuses qui la prenaient à la gorge n'arrangeaient pas son cas. Kibō...
Elle aurait bien tenté de canaliser ses maux de têtes par le chakra, mais il n'était pas possible de se concentrer, sa tête lui faisait bien trop mal.
« Tu peux pas me filer un bouquin pour que j'apprenne les spécificités de ces plantes ? » Fit-elle d'une humeur bougonne.
« Ou alors on fait un exercice pratique. Tu manges les sécrétions de cette plante, et j'te soigne à mon tour... ? » Lança-t-elle, pleine de sarcasme.
Se levant pour retomber lourdement sur ses pieds qui la tenaient à peine, elle s'appuyait sur la table, prenant délicatement entre ses doigts le fleur qui ava... La Datura.
« Déjà, ce truc on va le virer de la table des fois que la reprendrais par mégarde. » Fit-elle, lançant le tout par terre à ses pieds, sans aucune forme de respect.
Regardant le reste des plantes qu'elle avait écrasé entre autre, elle du se rasseoir, la fatigue étant toujours présente. Son regard dévia sur la Kestueki, cernée, rouge et vitreux.
« T'es encore plus tarée qu'Oniri... »
Et c'était un euphémisme. Bien que, en y réfléchissant un peu, si Oniri avait pu en faire autant, elle l'aurait fait avec autant de plaisir...
Arguai-je dans un sourire à son encontre en réponse à sa comparaison avec Oniri.
« Tu trouveras tous les ouvrages que tu veux dans la bibliothèque de la Mégalopole. »
Si elle en avait besoin. Kawa avait beau être une terre corrompue, repaire incontesté des nukenins, elle n'en restait pas moins une mégalopole pleine de grands bâtiments d'affaires comme culturels.
La suite de sa réplique concernant l'examen pratique à réaliser en sens inverse m'étira un sourire amusé tout en faisant quelques pas sans but dans le hangar, songeuse.
« Ces méthodes reposant sur la confiance de l'autre sont bonnes pour Kioshi. Pas pour moi. A quoi bon m'empoisonner alors que je serais celle me guérissant ensuite. Tu n'es pas encore prête à y parvenir. D'ailleurs, tu ne l'es même pas pour soigner une infime coupure. »
D'un geste vif, j'envoyai un kunai dans sa direction en me servant de son relâchement et de son état encore comateux pour espérer la toucher. Elle n'eut pas le temps d'esquiver correctement, traçant une estafilade légère et écarlate sur sa joue.
« Bien. Prends le miroir sur l'étagère et concentre toi sur ton chakra comme je t'en ai parlé plus tôt pour faire disparaître cette blessure infime. »
Tout en parlant, j'étais allée m'asseoir sur un tabouret, croisant les jambes sans me départir de mon air mesquin.
« Et je te conseille de prendre cet exercice là au sérieux. Si cette micro plaie ne te motive pas à y mettre du tiens, je viendrais te briser un os. »
Peut-être fournirait-elle alors plus d'effort pour se soigner ? En tout cas, la Kunoichi me connaissait suffisamment pour savoir que ce n'était pas des paroles en l'air. Si j'avais été capable de couper la langue de ma cadette Ketsueki pour son impertinence, qu'étais-je dans la possibilité de faire envers une femme pour laquelle je n'avais pas le moindre crédit ? C'était là la question qu'elle devait se poser.
Inutile de croire en ma clémence. J'étais là pour lui enseigner la médecine, à sa demande, si elle n'y parvenait pas elle ne devrait pas compter sur moi pour user de persévérance. Elle finirait broyée sans possibilité d'y remédier ni même que je lève le petit doigt. Après tout, à défaut de perdre du temps pour une cause perdue, j'avais bien le droit de m'amuser un peu...
Pour le moment, même si l'idée était ingénieuse, lire n'était pas une priorité, elle n'avait pas les yeux en face des trous et ingurgiter toutes ces choses dégoûtantes avaient réduit son envie de faire quoi que ce soit. Surtout lire. Mais c'était une information qu'elle allait gardé précieusement.
Ema grogna d'amusement lorsqu'elle mentionna Kioshi. Elle le connaissait si bien. D'ailleurs cette réflexion la fit penser à Kibō, qui usait de mêmes méthodes.
Dans ses pensées vaporeuses, la déserteuse n'arriva même pas à esquiver l'arme qu'on lui lança dessus.
« Aaa-ouch-euuh ! »
Hurla-t-elle, regardant ainsi sa fraîchement faite plaie, qui venait s'ajouter aux nombreuses faites par Oniri.
Râlant sur le sang glissant sur son bras et ses habits alors qu'elle prenait le miroir, la mère écoutait les paroles de la douce suceuse de sang. "Douce".
Son miroir à la main, elle ne put s'empêcher de lancer un regard de défi à Yami lorsque cette dernière la menaça de lui briser un os. Un sourire narquois s'inscrit sur son visage, avant de disparaître pour se concentrer sur sa coupure. Il fallait s'atteler à la tâche, car malgré le sourire de défi, Yami le ferait réellement si Ema ne lui laissait pas d'autres choix.
Les premières minutes durèrent une éternité. Ema clignait des yeux, sans arriver à se concentrer une seule seconde. Son mal de tête venait la lancer, son manque venait toujours la ronger et malgré les soins de la Kestueki, un goût amer et répugnant baignait sa bouche.
Heureusement pour elle, cet exercice là était moins dangereux et il suffisait simplement de concentrer son chakra dans sa paume, pas de trifouiller dans des plantes inconnues pour les ingurgiter un peu à l'aveuglette.
Faisant craquer son cou, la mère concentra son regard sur sa plaie, couvrant de sa main la zone. Fermant les yeux, Ema écouta son corps, ressentant le chakra affluer dans la paume de sa main. La Kunoichi ressentie une agréable chaleur prendre le pas sur la moiteur de ses mains. Pendant un instant, elle retomba quelques années en arrière, lorsqu'elle berçait Satomu dans ses bras.
Soupirant, elle secoua sa tête, comme pour faire sortir ces pensées de son esprit. Si elle n'arrivait pas cet exercice, elle ne reverrait jamais son enfant. Sa faiblesse l'avait amené à partir, redevenir forte la ferait revenir vers sa famille.
