Avez-vous déjà ressenti la main froide et forte d’un homme vous traversant la tête pour modifier votre être dans sa globalité ? Si la réponse est oui, alors bienvenu parmi les réincarnés. J’avais donné le restant de mon énergie afin d’asséner un dernier assaut face à un homme qui n’avait rien d’humain. Mon attaque n’était alimenté que par le désir de dévorer pleinement sa chair et de voir son sang couler sur le champs de bataille. L’attaque frontale n’était sûrement pas la meilleure approche, mais mon instinct bestiale me dictait d’aller au contact de ce démon rouge pour l’achever. Ce dernier devait esquisser un sourire narquois en voyant le mouvement désespéré d’un mort. Par le biais de quelques mouvements rapides, le Shûkaijin esquiva sans problème mon attaque avant de justement, me transpercer la tête et l’esprit. Suite à cela, il modifia légèrement le code imprimé au sein de ma cervelle et m’immobilisa complètement. Mon corps était soudain devenu un poids lourd, beaucoup trop lourd pour moi. Je m’écroulai, les yeux bien ouvert en restant pleinement conscient. Ma corps était tourné en direction de Law et de la samouraï qui continuait l’affrontement. J’observai des explosions retentirent de partout sur la ville portuaire ensanglanté. le spectacle était macabre, mais le Bakushô tenait bon. Il ne se laissait pas affecté par tout ceci, continuant dignement, comme un bon soldat, le travail qu’on lui avait demandé. Cependant, l’Oterashi rejoignit le combat et donna ses dernières forces dans le dernier pour terrasser le manipulateur de l’argile. Notre combat était terminé et nous ramenons à Kumo que mort, désolation et défaite.

Mes yeux blancs virent la scène terrible de la prise de Senun. Les troupes à nos côtés avaient tenu bon lors de notre combat, mais dès lors que le démon rouge prit le dessus, ces hommes firent de même. A l'unisson, ils annihilèrent le moindre Kumojin désirant lutter pour sa patrie. Les gens encore restant s’enfuyaient le plus vite possible et même quelques shinobis de la foudre prirent leur jambe à leur cou. La pression et la puissance qu'imposent les troupes impériales étaient massif. Peu à peu, le brouhaha ambiant de la guerre laissa place au silence de la victoire. Quelques cris de victoires se faisaient entendre pour les hommes de L’Empereur, mais on entendait principalement des cadavres glissant sur le sol argileux. Les troupes s’organisaient déjà pour nettoyer la ville qu’ils venaient de prendre. L’odeur de putréfaction et de sang étaient omniprésente dans cette ville de Senun qui était si chaleureuse avant tout ceci. Je pense que si mon corps me permettait de vomir, je l’aurai fait. J’avais rarement vu cette facette de la guerre et je dois vous avouer que je n’étais pas prêt. Personne ne l’est d’ailleurs.

Après tout cela, le démon rouge ramassa mon corps immobile ainsi que celui de Law. Il marchait lentement, tout en donnant divers ordres aux troupes sur places. Je n’écoutais guère ce qu’il disait. Mon esprit était focalisé sur les bandeaux Kumojins que je voyais dépasser de certain corps éclaté et en sang. Un colère mêlée d’une profonde tristesse m’habitait. J’avais envie de broyer l’homme qui me portait, mais mon corps me l’en empêchait. Enfin, même si je pouvais encore bouger, je n’étais de toute façon pas de taille face à un monstre comme lui. Manzo m’avait pourtant bien prévenu, mais mon arrogance m’a malheureusement portait préjudice.

Le chef de guerre emmena nos corps dans une sorte d’hôtel qui avait tenu le coup au sein de Senun. C’était un emplacement assez luxueux pour héberger les riches visiteurs voulant découvrir Kaminari no Kuni. L’Oterashi se lesta en posant Law sur un lit et en me balançant dans un fauteuil. Après avoir pris ses précautions avec le Bakushô, il plongea, une fois de plus, son bras dans ma cervelle pour m’enlever toutes contraintes. Oui, absolument toutes contraintes existantes. Mon corps s’anima par une grand bouffée d’oxygène. Comme si pour la troisième fois dans mon existence, je venais au monde. J’observai mes bras, mes jambes… Tout semblait identique et pourtant parfaitement différent. Même si Manzo m’avait laissé plus ou moins libre, je m’apercevais que maintenant que j’avais toujours une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de moi. L’Oterashi entama directement les hostilités, mais par la parole cette fois-ci.

« Je me sens… Différemment pareil. Les sensations sont trop étrange pour être décrite avec les mots de notre langue. Je vous rassure, nous n’allons pas remettre le couvert. Pas que je n’en n’ai pas envie, mais j’ai très bien compris que je ne faisais pas le poids, malgré mon statut d’immortel. »

Bougeant légèrement mes doigts, je repris.

« Qu’est-ce que ferai un esclave lorsqu’on le délivre de son maître ? Il irait goûté au dou breuvage de la liberté je présume. Mais que fait un esclave qui a déjà vécu sa vie libre, mais qui a été ressuscité pour être esclave ? La c’est une autre question. A vrai dire, je ne sais pas vraiment. Mon existence devient en soi, sans but et il est de ma charge d’en trouver un au plus vite. Je suppose que je vais prendre le premier bateau qui me tombera sous la main et partir loin de tout ceci, en quête d’une nouvelle cause justifiant ma deuxième vie. »

Soufflant quelques secondes, je repris place convenablement.

« Mon feu maître vous le connaissez très bien. Kadoria Manzo. C’est un homme froid, logique et juste. Je n’ai pas vu une pointe d’émotion se dégager de cet homme. Je pense qu’il cache très bien son jeu, car il agit pour le plus grand nombre, mais c’est un homme qu’il ne faut surtout pas prendre à légère. Il est actuellement sur les plaines du Fer à défendre son village face à vos hommes. Je ne sais pas qui tombera face à lui, mais vous pouvez déjà préparer ses funérailles. De ce que je sais, je suis son plus grand secret. Il a toujours garder mon identité secrète… »

Relevant la manche de mon long manteau, je pointai du doigt un sceau complexe.

« Si vous ne m’enlevez pas ceci, Manzo viendra directement à moi. C’est un sceau complexe contenant une balise pour l’Hiraishin et aussi une balise pour obtenir, quand il veut, ma localisation. Si votre envie de me libérer de mon maître tient, je vous conseille de m’enlever cela, sinon votre tache sera vaine. »

Mes yeux blancs se posaient sur le corps meurtri du guerrier rouge. Je ne pouvais compter le nombre total de cicatrices, mais il était beaucoup trop grand pour un seul homme. Je devais en posséder autant que lui, alors que je suis un Monjara. C'était à peine croyable. Ce n'est qu'en regardant attentivement que l'on pouvait observer des morceaux de peau encore intacts. Enfin, pour combien de temps ? J'avais toujours entendu de nombreuses histoires sur l'Oterashi, mais ce n'est qu'en affrontant que j'ai réellement compris ce qu'il était et ce qu'il représentait. Moi qui avais tant de haine envers lui, je n'avais maintenant plus rien. J'avais presque de l'empathie pour ce diable écarlate. Une nouvelle fois, je maudissais ce bas monde qui me faisait affronter des hommes avec qui j'aurai sûrement pu nouer un lien, quelconque peut-être, mais un lien quand même. À n'importe quel moment, Yanosa avait l'occasion d'arrêter cette deuxième vie afin de me renvoyer dans le néant noir qu'est la mort. Pourtant, malgré mon affiliation, il m'a libéré en prenant bon nombre de risques. Une chose inattendue d'un ennemi potentiel n'est-ce pas ?

Mes membres qui me piquaient jusque-là semblaient revenir à leur pseudo-état d'origine. Je me sentais en pleine possession de mes capacités et de nouveau, réellement vivant. Je me léchais discrètement les lèvres afin de sentir de nouveau le goût, tout simplement. J'avais le sentiment de mieux voir, mieux ressentir. Le Kadoria avait brisé mes sens dans le but de me brider et je m'apercevais peu à peu que Manzo m'avait simplement donné une illusion de liberté. Ce goût de boue mêlé à mon propre sang que j'avais dans la bouche réveillait en moi quelque chose que je n'avais pas ressenti depuis bien longtemps. Une sensation d'être libre. Enfin, j'étais, en effet, encore près de mon tortionnaire, mais j'avais un potentiel de liberté presque infini. Aucun village ne comptait sur moi. Aucun homme ne comptait sur moi. J'étais le seul à compter sur moi-même. Ayant toujours passé ma vie dans le but de servir autrui, il était peut-être temps pour moi de me concentrer sur mon jolie minois et laisser enfin ces pulsions qui me démangent depuis ma plus tendre et cher enfance.

Les paroles de l'impérial me sortirent de mes pensées sanglantes. Ce dernier était intrigué par le sceau complexe que Manzo m'avait apposé. Se délectant quelques secondes du travail bien fait, le Shûkaijin s'attela à défaire ce double sceau. En réalité, la douleur était terrible, si vous n'étiez déjà pas mort. Moi, je ne sentis rien. Je vis quelques morceaux de papier s'effritaient avant de revenir à leur place. Le processus dura quelques minutes, mais la tâche n'était pas difficile pour le gérant de Kusa. Malgré son combat et ses blessures, il dissipait ces écritures avec une facilité déconcertante. Il répondit aux quelques mots que j'avais prononcés plus tôt, se concentrant surtout sur mon ancien maître. La question de l'attaque de Kusa était discutable et discutée pour le coup. Écoutant le reste des paroles du guerrier rouge, ma main gauche se détacha de mon corps pour prendre une autre carafe d'eau. Je me sentais sale et ce n'était guère ce que je désirai. Ramenant le récipient, je pris son contenu pour me nettoyer le visage avant de répondre à l'homme qui me présentait un parchemin bien intriguant.

« Je te remercie Yanosa. En effet, mon ancien maître est un expert dans l'art des sceaux, tout comme tu sembles l'être d'après ce que tu m'as prouvé. Enfin, tu te doutes que l'on n'atteint pas le sommet d'un village et d'une armée sans être exceptionnel sur certains points. »

Je fis une légère pause avant de reprendre.

« Comprends la position d'un homme au pouvoir. Si un Kumojin s'était introduit sur des terres de l'Empire en envoyant au tapis un impérial, je pense que ton Empereur ne l'aurait pas très bien pris. Je ne dis pas que Manzo a réagi de la meilleure des façons, je dis simplement que son choix est compréhensible. Enfin, de ce que j'ai vu, il a déjà bien payé les conséquences de ce dernier, n'est-ce pas ? Un mort et deux blessés. Je pense qu'à ce petit jeu, tu t'en es sorti plus que vainqueur. Quand bien même, à partir du moment où un homme assassine les Daimyôs des pays de son alliance pour assouvir son pouvoir, le feu de la guerre avait déjà été grandement attisé. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que quelqu'un décide d'arrêter les projets du Samui. Nous pourrions parler de tout ceci pendant des heures, mais au final, tu es un Shûkaijin et j'étais un Kumojin. Nos visions divergeront à un moment ou un autre. »

Reprenant un peu d’eau, je continuai ma tirade.

« Je l'espère aussi. Sa puissance doit être équivalente à la mienne, même si la cache en ma présence. Je suppose que peu de shinobi dans votre nation peuvent tenir le choc, mais je ne doute pas que des gens de ton calibre doivent combattre pour l'Empire. Je ne sais pas ce que cette guerre engendra, mais je sais que si Manzo désire survivre, il pourra toujours s'échapper avec son Hiraishin, même s'il risque le déshonneur. »

Me redressant complètement, je me levai du fauteuil dans lequel j’étais afin de me dégourdir les jambes et récupérer le parchemin..

« Une fuite en avant ? J'appellerais cela un temps d'adaptation et de réflexion. Je ne ferai pas l'erreur de précipiter mon jugement alors que j'entame ma deuxième vie dans ce monde. L'exil me permettra d'appréhender mieux notre monde et ma place dans ce dernier. Lorsque je serais prêt, je réintégrerai ce monde afin d'y accomplir un but que j'espère trouver. Dans tous les cas, je garderai sûrement ce parchemin, après tout, je suppose que découvrir les conséquences de ton acte est quelque chose digne de ton intérêt. »

Craquant légèrement mes doigts je repris.

« Tu as vu juste. Révéler ce secret n'apporterait rien de bénéfique pour moi, Manzo et Kumo. Connaissant les Kumojins, ils seraient obnubilés par ma traque, alors que de plus gros problèmes méritent leur attention. Qui plus est, il y en a un qui pourra toujours révéler la vérité, si le cœur lui en dit. »

Je pointai alors Law du doigt avant de reprendre..

« Que comptes-tu faire de lui d'ailleurs ? Je suppose que les geôles de la capitale l'attendent comme elles m'étaient destinés dans une époque lointaine ? »

Je m’étirais lentement les membres, laissant sortir quelques fils de mes cicatrices. Que cela était bon de se sentir vivant ! Même si en soit, je restai une entité morte, je fais d’avoir brisé mes chaînes me donnait le sentiment d’être bien plus vivant que les autres fois. C’était intéressant, mais j’avais maintenant hâte de déguerpir d’ici. Même si je remercie le guerrier rouge pour ce qu’il a fait, cela n’enlève pas le fait que tout mon corps crit pour que je lui saute dessus et que je commence à la dévorer. Cela faisait des années que je n’avais plus ressentie ces pulsions à la fois malfaisante et délicieuse dévorer mon esprit de la sorte. Peut-être c’était simplement ceci, l’altération que Manzo avait fait. Il m’avait voilé cette partie de moi pour me rendre plus efficace et plus loyal. Après tout, j’ai toujours souffert à cause de ces pulsions animales, mais je ne peux pas non plus nier. Elles me définissent et sans elle, je n’étais réellement une marionnette. Si le prix de ma liberté réside dans cette instinct archaïque me dictant de déguster les shinobis les plus alléchants, alors j’accepte et j'embrasse cette part de moi-même que je retrouve enfin. Mes bras tremblait d'excitation. J’étais obligé de me concentrer profondément pour calmer l’appétit dévorant qui virevoltait dans mon estomac et mon esprit. Arg… Que tu sembles être succulent Yanosa… Que j’ai envie de croquer ardemment cette tendre chair... Le sang me monte à la bouche et je peux m'empêcher de lécher mes lèvres avec ma langue… Oh ! Que la tentation est grande… Mais je dois me retenir, du moins, pour l’instant. Le moment n’est pas encore venu pour assouvir mes désirs les plus sombres.

Prenant une grande bouffée d’air, je me tournai vers Yanosa.

« Dans ce cas… Je salus votre choix de la justesse. »

Observant quelque peu la décoration de cet hôtel jadis si bondé, je répondais de nouveau au guerrier écarlate.

« Osé espérer, je ne serais dire, mais osé faire oui. Samui Kakeshuou avait bien des défauts, mais on ne peut renier sa volonté, sa force et son courage. Aucun autre Homme lui arrive à la cheville dans ce monde, du moins, pour l’instant. Néanmoins, nous sommes bien d’accord sur un point. Le sang sera la finalité de tout ceci et nous observerons en silence le dénouement tragique de toute cette folle histoire… »

Regardant le Bakushô inerte sur le lit, je ne pouvais m’empêcher de me sentir triste pour cet homme. Je ne pouvais pas savoir ce que l’avenir pouvait lui réserver et comme Yanosa le disait si bien, je ne peux pas compter sur sa douceur.

« Je sais simplement que c’est un Chûnin des nuages. Très fort pour son grade, mais malheureusement, je n’en sais pas plus. Même si j’étais à Kumo, vous devez vous doutez que je n’ai pas rencontré grand monde depuis ma réincarnation. »

Rigolant doucement, je repris juste après avec un léger sourire en coin..

« Ayant le choix de ma destination, j’aimerais me rendre à Hai no Kuni. Une vieille connaissance réside dans les terres cendrés et j’aimerais la revoir et la consulter avant de prendre le large vers une nouvelle vie. J’espère que ce n’est pas trop vous demander, cher Yanosa. »

Je posais la carafe d’eau sur une petite table en regardant le guerrier écarlate dans les yeux.