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Aujourd'hui était un grand jour. Enfin terminées les surveillances des remparts et les patrouilles ennuyantes. J'allais enfin sortir de Kiri pour réaliser ma première mission hors du village caché de la brume. J'y voyais là un signe de confiance de la part du Mizukage, à savoir que je n'étais plus considérée comme une simple Genin en provenance du Shukai, mais bien une membre à part entière qui méritait le bandeau aux quatre traits. C'est donc dans l'allégresse que je quittai le palais du chef pour me diriger chez moi. J'avais besoin de me constituer un petit sac de voyage, puisque je risquais d'être partie pour plusieurs jours.

La mission qui nous avait été confiée pouvait sembler banale à première vue : former les habitants de l'archipel sur les bases du combat. Ça en était presque risible, impossible de former des shinobis en quelques jours! Et pourtant, je voyais bien plus loin que ces simples instructions : si les malfrats et les bandits avaient pu proliférer en toute légitimité dans les dernières années, c'est bien parce qu'on les avait laissés faire ! Non pas que cela profitait aux habitants, loin de là : on ne se mêlait pas de leurs affaires puisqu'ils faisait bien peur. Une petite dizaine de membres armés suffisait pour tenir le paysan moyen loin de ce qui ne le regardait pas. Qui alors pouvait empêcher la criminalité de s'étendre telle la gangrène dans ces terres? Il ne suffirait que de quelques pécores sachant manier le moindrement une faux ou une fourche pour empêcher les petits gangs de se sentir trop à l'aise sur le territoire... et voilà les petits bandits qui dégageront ! Ce serait donc notre objectif: S'assurer que le villageois moyen de l'archipel puisse se défendre contre une bande pas trop organisée. Je savais bien qu'il serait impossible pour ces gens de contrer une attaque shinobi en bonne et due forme, mais si au moins ils pouvaient repousser les malfrats, la paix et la prospérité reviendraient beaucoup plus vite sur ces terres.

Une fois mon sac rempli de quelques vêtements, rations de nourriture sèche telles noix et fruits séchés, kunais et shurikens ainsi que ma brosse à dents - hé oui, essentiel incontournable en voyage ! -, je me mis en direction de la porte d'entrée du village afin d'attendre mon coéquipier pour cette mission. Il se prénommait Jun, et je n'avais aucune idée de qui il pouvait s'agir. Peut-être l'avais-je déjà croisé auparavant, mais son nom m'était inconnu. Peut-être son visage me serait plus familier? Au point de rendez-vous convenu, je n'avais plus qu'à l'attendre, assise sur un banc, un livre de mots croisés à la main.

Spoiler:

@Tôhatsu Jun

« Tôhatsu Jun ! Je cherche Tôhatsu Jun ! » avait lancé, la veille de la mission, un grand gaillard tout de sombre vêtu.

Intrigué par son appel, le voleur s'était caché derrière une poubelle, attendant de voir ce que lui voulait ce shinobi de la brume. Une missive à la main, une bourse bien dodue à la taille, Jun ne pensa pas plus : son corps s'élança par lui-même une fois que l'homme sembla détourner le regard. Ce fut une poigne solide qui le plaqua au sol, un genou dans les côtes.

« Sale voleur ! » lui postillonna à la figure le shinobi. « Un Tôhatsu n'est bon que pour la potence, l'Empire aurait dû exterminer ton clan de roublards au lieu d'annexer les chiens que vous êtes. Ta misérable vie ne vaut rien et si ce n'était que de moi, je te jetterais à la mer pour que Sanbi le démon te bouffe tout rond. » lui cracha-t-il à la figure, alors qu'il lui tordait un bras. « Depuis ton arrivée, tu ne vis qu'au profit des bonnes gens de ce village, mais voilà, t'as fait l'erreur de t'inscrire en tant que soldat de Kiri. Voilà qu'on va t'utiliser. T'as compris ? »
« Va t'faire... » tenta de lui répondre Jun, mais une claque solide lui coupa l'envie.
« Petite merde, tu vas faire cette mission sinon je te retrouve et je donne peu cher de ta touffe une fois que j'en aurai fini avec toi... »

L'homme en noir recula ensuite, pour se fondre dans la pénombre grandissante.

~~~~

Depuis quelques temps, le vent froid qui montait de la mer se faisait plus cru et plus cinglant, signe que l'hiver approchait. Les cheveux du voleur ne parvenait plus à le maintenir au chaud la nuit si bien qu'il se réveilla avec le nez fuyant. Encore endormi, il fit sa toilette dans l'eau de pluie froide qu'il accumulait du mieux qu'il pu et chercha dans les poubelles environnantes son petit déjeuner. Sans réellement briser ce sentiment de faim qui le tenaillait, il se rendit au point de rendez-vous, à contre-coeur. Jun était un bandit des routes, comme son père l'avait été avant lui. La peur et la fuite étaient son pain quotidien. Mais pour la première fois, il ne pouvait plus fuir. Kusa no Kuni était sous l'égide d'une empire grandissant et son clan, sa propre famille, l'avait ridiculisé de honte, ne voyant en lui qu'un déchet. Autrement dit, sa fierté le poussait à avancer vers un avenir incertain, mais la haine engendrée par ce shinobi sombre lui était nouvelle. Jun était acculé dans une position fâcheuse.

Il arriva en retard et reconnu aussitôt sa partenaire du moment. Un joli brin de fille, aux magnifiques cheveux blonds. Si cela mit un baume sur son cœur attristé, le sourire qui naquit sur ses lèvres lui rappela sa joue meurtrie : elle avait gonflée en une bosse rouge et douloureuse. Il s'approcha de la jeune femme, d'un pas nonchalant. Sans le sou, il n'avait ni sac ni équipement, seulement quelques haillons, sa chevelure soyeuse (malgré ses conditions de vie) et ses pieds nus. Autrement dit, il n'avait rien d'un shinobi, car il ne possédait pas encore de bandeau.

« Yo. Moi c'est Jun. » mâchouilla Jun, car la douleur était plus intense qu'il n'y paraissait. « J'ai pas habitude de travailler avec des filles... » ne put s'empêcher de rajouter l'aspirant.

Des bruits de pas se dirigeant vers moi attirèrent suffisamment mon attention pour que je lève les yeux de mon cahier de mots croisés. Un jeune garçon pas très grand s'approchait, un autre gamin des rues sans doute. Malgré la reconstruction du village caché, la pauvreté était toujours galopante. La guerre avait fait son lot de victimes, et donc d'orphelins, qui tentaient de survivre à tout prix. Si j'avais eu de la chance, à savoir que mon clan avait fait évacuer tous ses ressortissants pour les emmener vers Yuki lorsque les choses avaient mal tourné, ce n'était malheureusement pas le cas de tout le monde... comme ce pauvre petit qui marchait vers moi. Les conditions déplorables dans lequel il vivait déteignaient sur sa personne : ses vêtements qu'il avait du récupérer on ne sait trop où, aucunes chaussures à ses pieds sales, et sa joue tuméfiée qu'il devait peut-être à un combat contre un autre enfant des rues. J'avais bien quelque menue monnaie à lui offrir, aussi lui fis-je un petit sourire, prête à mettre la main dans ma bourse pour qu'il puisse se nourrir.

« Yo. Moi c'est Jun. »

Mon sourire s'évanouit aussitôt et mes sourcils se froncèrent. Non pas par dégoût ou mépris, loin de là. J'étais seulement un peu.. surprise de voir que c'était avec cet énergumène qu'on m'avait collée. Devais-je lui demander la raison exacte de sa venue vers moi? Non, c'était stupide. Les chances que ce bonhomme aie exactement le même nom que le Genin que j'attendais était plutôt faible, il s'agissait sans doute de mon coéquipier. Rapidement, je cherchai son bandeau de Kiri, qui n'était pas sur sa tête, ni autour de sa taille. Comme il n'avait pas de sac, donc nulle part où le cacher, je me mis à douter de son grade, ce qui me fit paniquer légèrement. Depuis quand le village ramassait-il des orphelins sans le sou pour en faire des combattants?

« J'ai pas habitude de travailler avec des filles... »

Je m'était attendue à à peu près tout sauf cela. Mal à l'aise, je regardais de gauche à droite avant de répondre à mon tour.

« ... Moi non plus. »

Ce qui n'était pas faux. En fait, je n'avais pas l'habitude de travailler en équipe. Je tentai de garder une certaine contenance face à cette surprise de taille, et je fermai mon livre de mots croisés que je mis dans mon sac avant de me lever. Je devais bien faire une tête de plus que Jun. J'étais déjà bien grande pour une fille, dépassant de beaucoup de nombreux garçons de mon âge. Mais c'était certain que lorsqu'on était relativement bien nourrie, il était plus facile de grandir normalement. Et c'est en le détaillant de la tête au pieds que je réalisai toute la chance que j'avait eu malgré tout.

« Partons. »

Nous sommes déjà en retard aurais-je pu ajouter. À cause de toi, pour enfoncer le clou dans le cercueil. Mais à quoi bon? Cela aurait été un gaspillage de salive, et surtout un bien mauvais moyen de débuter cette mission. Le gamin savait déjà qu'il était en retard, puis je n'avais aucune autorité sur lui. J'étais qui pour lui faire la morale?

***

En moins de quelques heures, nous étions déjà sur un bateau filant vers l'île d'Awaji, la plus à l'ouest de l'archipel, mais aussi la plus pauvre. La-bas, les bandits et les pirates avaient fait la pluie et le beau temps pendant tellement longtemps, que ce fût un choc pour tout le monde lorsque les opérations de nettoyage s'affairèrent à débarrasser la racaille du pays. Or, ce n'était pas tout d'exterminer la vermine, il fallait aussi s'assurer qu'elle ne revienne pas, et c'est là que les villageois allaient intervenir eux-même. Le pays étant constitué d'un nombre impressionnant d'iles, il était presque impossible pour les shinobis d'avoir des yeux partout. Il ne suffisait que de quelques mois sans surveillance pour qu'une bande puisse s'implanter, et les effectifs du village n'étaient pas suffisants pour y mettre des ninjas de manière permanente. C'était donc notre devoir de tout faire en sorte que le terreau ne soit plus fertile pour les criminels.

Pour réaliser les objectifs de notre mission, il était important que moi et Jun puissions nous concerter sur la marche à suivre. Seulement, je n'avais pas un Genin devant moi, mais plutôt quelque chose qui ressemblait à un aspirant ninja. Je n'avais aucune idée de la formation qu'il avait reçu.. s'il en avait seulement reçu une. Savait-il lire? Est-ce que je devais le former ? Je n'étais pas sensei à l'académie, je n'avais aucune idée quoi enseigner, ni comment !
Je devais avant tout lui parler. J'étais restée bien silencieuse pendant le trajet jusqu'au port, mais je ne pouvais plus fuir maintenant.

Je sortis donc quelques noix et fruits de mes rations afin d'attirer le gamin, comme on aurait attiré un animal sauvage affamé. Je n'avais pas de problème à partager ma nourriture avec lui, considérant qu'il devait sans doute voler pour survivre dans un environnement aussi hostile que notre village. Avec l'estomac plein, il serait sans doute plus simple d'avoir son attention et faire un plan pour la mission.

« Est-ce que tu sais te battre? »

Question débile, mais comme je ne savais pas s'il avait reçu une formation Taijutsu de base, ça me semblait plutôt important.

« On t'a donné les détails de notre mission? »

Bon, voilà qui me permettrait d'en savoir plus sur lui en même temps. Après avoir écouté ce qu'il avait à dire, je pourrais lui partager mes idées sur le déroulement espéré des évènements.

La puissance d'un jeune garçon. Une mission dangereuse. Une jolie fille timide. Des éléments qui feraient de cette journée une aventure extraordinaire, car une nouvelle fois, Jun saurait tirer son épingle de sa chevelure et sauver la belle des mains perverses de mécréants !

* Atchoum! * éternua-t-il, alors qu'ils se dirigeaient vers le port dans un silence plein de malaises.

Le voleur n'était pas sot, il avait bien vu le sentiment qu'il avait inspiré chez sa compagne du jour. La kunoichi n'avait pas hésité à le toiser du regard, à l'analyser ; le silence qui avait suivi n'était qu'une preuve accablante de la situation. Par dessus tout, Jun commençait un rhume.

Amaya s'imposa rapidement comme cheffe de leur petite équipe, cela allait de soi. Après tout, Jun n'était-il pas réellement ninja ? N'avait-il aucune connaissance dans la façon d'accomplir une mission ou des étapes à suivre ? Seuls ses petits raids, avec son père, ses oncles, ses frères ou ses cousins – bref son clan – pouvaient sensiblement se rapprocher d’une expérience similaire. Le Tôhatsu n’avait d'ailleurs même pas pris la peine de lire plus bas que son point de rendez-vous, sur l’ordre de mission que lui avait fourré dans les cheveux son persécuteur de la veille. Autrement dit, il s'était lancé dans une épreuve dont il ne connaissait même pas les enjeux.

Le petit bateau, une grande barque conduite par un marin d'expérience – avec la brume épaisse, on ne pouvait voir plus loin que trois mètres – Amaya en profita pour sortir quelques rations de son sac, qu'elle tendit, condescendante, au jeune Jun, jusqu'alors emmitouflé dans ses cheveux, à greloter et à avoir la nausée. La mer n'était pas sa tasse de thé, loin de là. Si ce que lui tendait Amaya semblait alléchant, Jun sentit que sa fierté en pâtirait s'il acceptait. Après tout, il était habité de cet égo malsain de petit garçon de quatorze ans, trop fier pour accepter de l'aide. Les vieux clochards de Kiri (ceux qu'on pouvait considérer comme sa nouvelle famille) avaient d'ailleurs déjoué de nombreuses fois son entêtement en faisant mine de tourner les yeux. Jun en profitait toujours pour leur piquer les provisions que les vieux lui tendaient deux secondes plus tôt.

Cette fois, c'était cependant différent. Les genoux remontés vers sa poitrine, qu'il entourait de ses bras, son importante masse de cheveux couvraient tout son corps et seul son regard était réellement visible. Et alors qu'il préparait un plan pour lui piquer sa bouffe, Amaya le surpris avec ses questions.

* Me battre ? Elle me prend pour qui ? * pensa-t-il les sourcils froncés. « Je suis le meilleur combattant de tout Kusa, celui que l'on surnomme JUN-SAMA-AUX-BEAUX-CHEVEUX ! » se vanta-t-il entre deux rots de nausée. « Je te protégerai quoiqu'il arrive... »

Soudain il eut un haut-le-cœur et prit un moment pour enchaîner :

« Qu'importe la mission, qu'importe le danger, un Tôhatsu sera victorieux ! » se leva-t-il d'un bond ! « Dame Kunoichi, pour protéger Kiri de la dévastation, pour unir le pays à notre grande nation, moi, Tôhatsu Jun et vous** »
« On s'assied ! » lança le capitaine, furibond. « D'ici vingt minutes, tu pourras te dégourdir les jambes gamin ! »

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« On s'assied ! »

Malaise. Déjà que je m'étais éloignée légèrement pour éviter qu'il ne me refile la crève, je n'avais pas envie qu'il me vomisse dessus en plus. Je n'avais rien vu de sa tentative avortée de me piquer ma bouffe, mais je jugeai tout de même préférable de la remettre dans mon sac. Du moins, tant et aussi longtemps qu'on serait sur ce bateau. Il ne servait à rien de gâcher mes rations sachant qu'elles risquaient d'être recrachées par-dessus bord. En attendant, le gamin s'était calmé et restait bien assis sur ses fesses.

Que devais-je faire? J'avais trouvé sa tirade bien amusante, et j'étais bien contente de voir qu'il mettait du coeur dans cette mission, même si je me doutais qu'il n'avait aucune espèce d'idée de ce qui était attendu de nous. Pour ne pas le brusquer, ni le brimer dans sa fierté (hors de question de lui faire honte devant ce capitaine de bateau!), je décidai d'embarquer dans son jeu. Jun-Sama-aux-Beaux-cheveux donc? C'est vrai que sa crinière bien touffue contrastait avec le reste de son apparence chétive. Était-ce cela son pouvoir secret, ses cheveux? Je ne m'étais jamais vraiment intéressée aux clans ninjas de Kiri, aussi j'en savais très peu sur eux. Sans nourriture, je devais gagner sa confiance autrement.

«Tôhatsu Jun et Samui Amaya. De l'équipe Reimō [麗毛], l'équipe des cheveux splendides. Ou Senmō [鮮毛] (Cheveux éclatants) ? Enmō [艶毛] (Cheveux voluptueux) ?...»

Moment de silence.

«  Ou pas de nom d'équipe? »

C'est stupide les noms d'équipe... mais j'en voulais un quand même. De toutes les choses kitch que les gens aiment, les noms d'équipe c'est pas si pire... non? Ça a tout plein de belles qualités : Créer un sentiment d'appartenance, souder les liens, rapprocher ses membres et tout plein de conneries comme ça. Comme un nom de famille ou nom de clan... quand on n'appartient pas à un clan merdique tout plein de tensions et de divisions.

Pas besoin d'ennemis quand on fait partie des Samui : Avec les cousins qui menacent de vous traquer et décoller la tête du corps si on n'obéit pas aux strictes demandes du clan et ceux qui ne veulent que se battre avec les autres pour tenter de se prouver à eux-mêmes... pas besoin d'aller bien loin pour risquer de crever.

C'était peut-être pour cela que je tenais tant à avoir un nom d'équipe, pour aller chercher tout ce que je n'avais pas trouvé auprès de mon clan. Mais bon, c'est comme ça dans toutes les familles : on s'envoie chier, mais on s'aime dans le fond. Une merveilleuse relation amour-haine, avec une vague impression que moins je ferais de retours en région, mieux je m'en porterais. Jamais je ne m'étais sentie aussi bien que depuis mon arrivée au village de Kiri, loin des embrouilles et des chicanes !

Perdue bien loin dans mes pensées, je réalisai que je m'étais tue pendant trop longtemps. Lançant un regard plein d'éclairs à Jun, j'espérais lui faire comprendre que ma proposition de pas-de-nom-d'équipe n'était pas acceptable, sauf s'il voulait subir mon courroux éternel. La Reine des Glaces n'entend pas à rire lorsqu'on la contrarie, et s'il ne voulait pas se retrouvé transformé en glaçon, il était mieux de choisir une de mes proposition... ou d'en faire une lui-même.

***

Cette traversée interminable se termina sans gerbe dans mes cheveux, heureusement. Étant habituée de prendre le bateau pour faire le chemin Yuki-Kiri, j'avais fini par m'habituer aux vagues et nausées causées par la bateau, contrairement à mon ami qui serait sans doute des plus heureux de retrouver la terre ferme.

Le village de Kuroshio dans lequel on se trouvait était notre destination. Il s'agissait de la plus grande communauté de l'île, là où notre mission allait débuter réellement, même si ça restait un village de bouseux. La vie était dure ici et ça transparaissait dans tout : des bâtiments délabrés jusqu'aux dents des pêcheurs qui étaient toutes noires et tordues. Je me tournai vers le petit gamin aux cheveux magnifiques.

« C'est ici où on doit apprendre aux habitants à se battre... Pas comme des ninjas, mais juste assez pour se défendre contre les brigands. Le chef du village doit d'ailleurs nous attendre. »

Et c'est sans rester plus longtemps sur le port que je mis à marcher vers la plus grande maison, au centre du village. J'en profitai pour discuter de ma stratégie à l'aspirant.

« Je pensais prendre les femmes à part pendant une journée pour leur apprendre l'auto-défense. Ensuite, les hommes la journée d'après, mais me concentrer sur l'attaque plutôt que la défense. T'as une idée de ce que tu voudrais montrer aux villageois, toi? On a pas beaucoup de temps, on ne peut pas s'éterniser ici pendant une semaine.. »

J'avais pensé avant de le voir qu'il aurait pu montrer le maniement basique des outils de fermer pour se défendre aux hommes. Ici, les gens étaient trop pauvres pour posséder des armes dignes de ce nom, mais tout le monde avait au moins une fourche ou une pelle.. ou n'importe quel morceau de métal fixé au bout d'un bâton. Mais plus je passais du temps avec ce petit garçon chétif, et moins je le croyais capable d'être réellement efficace ou de la moindre utilité pour cette mission. Je ne pouvais que croiser les doigts et espérer qu'il me sorte une réponse pas trop débile pendant qu'on se dirigeait vers la maison du maire.

La seule chose dont les villageois sauraient se défendre avec lui, pour le moment, c'était d'une bonne grippe.

Un regard vissé sur l'horizon, à observer les grands glaciers qui voguaient sans but. À l'instar de la sensation du voleur, l'embarcation montait et descendait au rythme des vagues. Si Jun n'était pas marin, à examiner le visage froncé du capitaine et les nuages qui s'accumulaient dans le ciel, il en avait déduit qu'une tempête gronderait sous peu. Qu'il touche terre rapidement, car le garçon ne savait pas nager.

Amaya, bien d'apparence réservée, était plutôt expressive du regard. En fait, Jun éprouvait un drôle de sentiment en sa présence. Sa beauté certaine était cachée derrière son expression froide de la parfaite kunoichi - comme l'enseignait le guide du parfait ninja, document que n'avait pris le temps de bouquiner Jun. Elle semblait un peu plus âgé que Jun, plus mature. Mais son teint clair, ses courbes naissantes, ses cheveux dorés ; son corps était encore innocent, comme les premières couleurs de l'aube. Autrement dit, si elle était grande et intelligente, la naïveté de sa voix, sa question sur les connaissances de combat de Jun, elle ne faisait qu'énumérer ses différentes connaissances enseignées par ses aînés. Elle n'avait sûrement aucune vraie connaissance du terrain, contrairement à Jun qui avait grandi dans la nature. Le garçon, comme il s'en doutait, était la pièce maîtresse de cette équipe et le démon Sanbi n'aurait qu'à bien se tenir....

Amaya le sortit de ses fabulations en lui proposant divers noms d'équipe. Jun fixa momentanément la tignasse de la Samui, avant de se remémorer sa douce amie à la chevelure de blé. Un équipe, ce n'était pas quelque chose à laquelle croyait le voleur, mais une partenaire, sur laquelle il pourrait s'appuyer dans des moments plus difficiles. Une partenaire dont il connaîtrait les moindres secrets, une partenaire avec qui il pourrait se confier. Si le mot que cherchait le voleur était d'avantage « compagne » que « partenaire », lorsqu'Amaya lui lança son regard de tueur, il réagi aussitôt en prenant une pose héroïque, un pouce en l'air de confirmation.

« Un nom d'équipe, c'est parfait ! Que penses-tu de Sōdaimō (壮大毛), les cheveux magnifiques ? » s'exclama le garçon plein d'enthousiasme.

~~~

Alors qu'Amaya s'avançait sur le petit quai craquant de Kuroshio, Jun se précipita jusqu'à la terre ferme où il s'y écrasa, heureux. Une fine couche blanche de glace recouvrait l'herbe brune, signe que la température de l'île descendait régulièrement sous les zéros. Sous le regard des pauvres hères du petit port qui puait le poisson, Jun rejoignit Amaya, une main sur le ventre. La nausée l'avait enfin quitté. Amaya s'était sans aucun doute auto-proclamé cheffe de leur équipe de fortune, ce qui ne déplaisait pas à Jun qui préférait de loin rester un garçon sans grande responsabilité. La stratégie, pour un genin reconnu, aurait pu paraître bonne, mais pour Jun qui venait d'un clan de roublards où la femme avait la même importance que l'homme, il n'en voyait pas l'intérêt. Surtout qu'à la base, Jun était lui-même un voleur, un bandit, un brigand ; Amaya ne le savait pas encore, peut-être, mais le garçon n'appréciait pas sa façon de dépeindre la situation.

Ils étaient presque rendus à la maison du chef du village que Jun s'arrêta, le visage froncé et les poings sur les hanches. Ses deux pieds trempaient dans la boue, il frissonnait et bien que la confort d'une maisonnette délabré aurait pu lui faire un peu de bien, il s'entêta à rester planter là, jusqu'à ce qu'Amaya le remarque et s'arrête, afin de discuter. L'orage, au loin, grondait.

« En moins d'une semaine, ils ne pourront pas apprendre à se défendre proprement. S'ils ne sont pas assez forts pour survivre seuls sur cette île, ils devraient crever, » affirma le roublard sans le moindre doute ; son regard trahissait une certaine rage qu'il ne pouvait encore nommer. « C'est la loi du plus fort. Si les villageois sont incapables de se protéger, c'est qu'ils ne peuvent subsister. Et ceux qui les attaquent ne font que tenter de survivre dans un monde où tout leurs faits et gestes sont proscrits. » s'exclama le garçon, la voix tremblante.

Ce que le Tôhatsu ignorait, c'était que son passé le rattrapait. Il avait beau se convaincre du contraire, lui comme n'importe quel soldat, avait été enrôlé dans les bonnes mœurs Tôhatsu. L'histoire de son clan l'affectait profondément, ainsi que l'invasion de son pays et la mort de son père. Il avait beau reprocher à Amaya de suivre son petit guide du shinobi 101, Jun lui-même était attaché à des valeurs qui le dépassait.

« Je ne vois qu'une seule solution... C'est d'aller parler aux bandits et de régler le problème une bonne fois pour toute ! »

« Un nom d'équipe, c'est parfait ! Que penses-tu de Sōdaimō (壮大毛), les cheveux magnifiques ? »

J'eus envie de froncer les sourcils légèrement, mais je ne fis rien. Il était vrai que mes propositions étaient très féminines, mais elles avaient au moins le mérite que ce soit sous entendu. Celui-là y allait d'une manière beaucoup plus agressive et directe, quel manque de subtilité et de finesse que d'utiliser un mot signifiant carrément masculinité (壮)! Je doutais bien au fond de moi qu'il ne l'avait pas fait exprès, et qu'il n'avait pas voulu consciemment me rabaisser ou me mettre dans un rôle secondaire de notre équipe. Mais telle était la culture dans laquelle nous vivions : les hommes étaient maîtres et rois dans ce bas monde alors que les femmes devaient se cantonner à l'arrière scène pour laisser tout l'espace à ces messieurs afin qu'ils puissent briller. Ce n'était pas à eux de faire attention de ne pas bousculer, c'était à moi de me tasser. Telle était ma place, et il était de mon devoir de l'accepter.

« Sōdaimō, c'est très bien. Puis tes cheveux sont beaucoup plus beaux que les miens. »

Je lui avais demandé une autre proposition, et il en avait fait une. À défaut d'être Genin et d'avoir un bandeau, il avait de l'énergie à revendre et une volonté qui lui semblait propre. Il ne semblait pas autant traine-pieds que la première impression qu'il laissait paraître. Autant en profiter.


***

Team Sōdaimō débarque en ville, dégagez les ploucs !

Alors que j'avançait en conquérante, voir plutôt en reine devant les gueux qui s'ôtaient de mon chemin, mon bandeau de Kiri trônant fièrement autour de ma taille, je dûs m'arrêter en m'apercevant que mon compagnon ne se trouvait plus à mes cotés, mais derrière moi, complètement arrêté. Il ne semblait pas content le monsieur, ses poings sur les hanches et ses sourcils froncés faisaient foi de ses états d'âmes.

Je ne pouvais pleinement comprendre sa colère puisque j'avais eu la chance d'être élevée cuillère d'argent à la bouche comparée à lui. Le clan Samui était très riche. Lorsque nous avions été réfugiés à Yuki après la destruction de Kiri, j'avais eu la chance de vivre dans une belle maison et de manger à ma faim quotidiennement. Certes, cela ne comblait pas la tristesse et la colère que j'avais eu à vivre, soit la perte de mes parents et la séparation de mon village natale, mais rendait les choses beaucoup moins difficiles à vivre. Mieux valais pleurer dans un manoir que dans une boite de carton, c'était beaucoup plus confortable. Malgré tout, je concevait toutefois qu'il puisse être en colère. Le garçon devant moi n'avait eu à compter que sur lui-même pour survivre dans ce monde ou les plus faibles sont voués à crever de faim ou de froid. Il avait grandi dans la jungle au milieu de la ville. Ses pensées avaient raison d'être, et il se devait de les exprimer. Mais nous n'étions pas ici pour discuter du futur de ce village, mais de faire ce qui nous avait été ordonné, peut importe nos préjugés et notre expérience de vie.

Sa solution toutefois ne me plaisait pas le moindre du monde. Aller voir les bandits, pourquoi? Pour les buter nous-même, un Genin et un aspirant contre on ne sait quoi/qui/combien? Était-ce une blague? Et quel problème voulait-il régler? Le banditisme ne s'éliminerait pas en tuant deux ou trois personnes. La seule chose que cela occasionnerait, serait de l'instabilité puisque d'autres personnes se battraient pour prendre la place des plus forts qui étaient montés à la tête de leur bande. Si le village était en relative situation de paix, c'était parce que le système mafieux avait été instauré depuis un moment déjà. Je me doutais bien que notre petite mission à priori sans importance devait se placer dans un schème plus grand, et qu'il ne serait qu'une pierre dans la fondation d'un pays sans brigands. Car lorsque les brigands seraient éliminés, les villageois ci-présents devaient être prêts pour la riposte. Et pour être prêts, ils avaient besoin de nous pour savoir les bases d'une bonne défense.

Le petit garçon devant moi ne voyait que le concret à court terme, moi je voyais la finalité du plan. Ce n'était pas mal, dans la vie il fallait des personnes des deux types : Ceux qui planifient et ceux qui posent les gestes. Vous devinez bien aisément dans quelle catégorie moi et Jun nous nous trouvions respectivement.

Ce n'était toutefois ni le moment ni le lieu de discuter de tout cela.

«Régler quel problème? Tuer les bandits ou les villageois? »

Bien évidemment que tout le monde autour de nous avaient entendu les élucubrations étranges de mon petit compagnon. Déjà qu'ils ne devaient être guère contents d'entendre les paroles de Jun, selon lesquels ils ne seraient pas capable de survivre alors qu'ils habitent ici depuis plusieurs années déjà, j'en avais ajouté encore une couche, de manière volontaire. Des murmures se faisaient entendre dans la populace et quelques une nous jetèrent des regards mauvais. D'autres prirent discrètement la poudre d'escampette pour se réfugier chez eux. Je savais que je venais de jeter un froid sur la place publique, mais il ne servait à rien d'argumenter avec ce garçon. Je ne faisais que soulever la contradiction de ses propos.

« Entrons discuter de tout ça avec le Sonchuu (Maire de village), tu veux ? Il pourra nous donner l'heure juste sur la situation du village, et nous pourrons décider ensemble de la marche à suivre. »

J'aurais pu lui dire que notre mission stipulait précisément qu'il fallait apprendre aux villageois de se battre, mais je doutais que cela ne serve à quelque chose. Je pourrais lui dire que le Mizukage ne nous avait pas donné l'ordre de nous attaquer aux bandits, mais le petit ne semblait pas répondre aux ordres de manière aussi formelle que moi. Notre notion du devoir était aux antipodes, et je savais que je ne saurais le résonner en lui martelant que les ordres sont les ordres. Il avait été élevé dans les rues, loin de la société hiérarchique et ordonnée dans laquelle j'avais grandie.

Nos visions pleines de contradictions étaient en train de se confronter pour la première fois. Quelle en serait l'issue?

Même si le roublard ne s'y attendait pas, Amaya se braqua naturellement contre sa proposition de pourparler. Le garçon voulut répondre, mais l'agitation provoquée par la réponse de la Samui le mit mal à l'aise. Les sourcils froncés, il croisa ses bras sur sa poitrine et rentra son menton ; puérilement, il s'était fermé à toutes nouvelles négociations. La visite du Sonchuu ne lui fit ni chaud ni froid et le voleur, d'une moue légère, répondit bêtement :

« Peu importe. »

Boudeur, il suivit sa senpai. Contrairement à Kiri, le place centrale de Kuroshio ne possédait autant d'étals et de magasins. Les maisons, délabrés et perméable au froid et à l'humidité, avaient été construites dans la boue et la neige. La maison du Maire n'y faisait pas exception. Toutefois, elle était plus grande que la plupart des demeures avoisinantes et la rue principale, celle qui traversait tout le village, terminait inévitablement à son perron. Les murmures et les regards s'intensifièrent lorsqu'Amaya monta la première pour cogner, Jun sur ses talons. Le regard du voleur, habitué depuis sa tendre enfance à remarquer ces détails, identifia aussitôt les deux gardes postés à l'entrée. Contrairement aux rumeurs, ils portaient à leurs ceintures de jolis tanto, signe que le maire était bien entouré. L'un des gardes remarqua le regard inquisiteur de Jun et d'un grognement lui fit comprendre qu'il valait mieux pour lui qu'il ferme les yeux.

La maison, en plus de servir de toit au Sonchuu, permettait d'accueillir les réunions du village dans une grande salle annexe à l'entrée. En fait, au premier étage avait été établi la mairie, tandis qu'au second, devinait Jun, était les appartements du Maire. Ce fut une femme, plutôt âgée, qui accueillie les shinobis de la brume. Le visage fatigué, elle se présenta comme la femme du Sonchuu et les dirigea vers ce-dernier. Un homme de bonne carrure au visage buriné par l'âge. Bien qu'il était sapé d'haillons, il ne souffrait clairement pas de malnutrition. Son regard était sévère et mais ses mains nerveuses. Assis dans une grande chaise, il ne s'empêcha pas de toiser avec dédain ses deux invités.

« Ah, enfin ! Je vous attendais pour hier ! » lança-t-il de sa voix profonde et hautaine. « Akeko, laisse-nous, nous avons à faire. »

Il n'invita pas les deux kirijins à prendre place.

« Comprenez-moi bien, les fiers villageois de Kuroshio n'auraient pas eu besoin de l'aide des chiens de l'Empire si ce n'étaient des récents événements. À vrai dire, notre village n'a jamais subis autant de raids que depuis la résurrection de Kiri, » souffla le Sonchuu, mécontent. « Toutefois, je ne pensais pas l'Empire capable d'employer des chiots pour venir faire le travail des maîtres. Sachez que je ne souhaite aucun problème lors de votre "mission" ; à la moindre erreur, je vous renverrai la queue entre les jambes ! » s'indigna-t-il, pour reprendre plus calmement ensuite, l'air bourru. « Notre village compte actuellement une centaine de têtes, sans les femmes et les enfants. Je pourrai rassembler les hommes demain, sur la place centrale, afin que vous puissiez leur apprendre les rudiments du combat. »

Jun eut un sourire feint, alors qu'il détournait le regard ; les explications ne le concernait que peu, il savait Amaya capable de régler les spécificités. Les mains derrière la tête, il se mordait la lèvre inférieure. Il reluquait l'escalier qui montait au deuxième étage. Le Sonchuu n'inspirait pas confiance, mais ses gardes et sa corpulence indiquaient peut-être qu'il cachait peut-être quelques richesses. Si c'était le cas, Jun se ferait un plaisir de l'en déposséder. Ainsi, peut-être pourrait-il réellement goûter ce que ses villageois ressentaient.

Perdu dans ses pensées, il en oublia complètement la conversation, et ce ne fut qu'à la fin qu'il se réveilla.

« Bien, nous avons une auberge près du port. Libre à vous d'y prendre une chambre. »

Jun sourcilla, puis haussa les épaules.

« Servez Kiri, la populace saura vous remercier... » dit-il pour lui-même.

« Comprenez-moi bien, les fiers villageois de Kuroshio n'auraient pas eu besoin de l'aide des chiens de l'Empire si ce n'étaient des récents événements. À vrai dire, notre village n'a jamais subis autant de raids que depuis la résurrection de Kiri, » souffla le Sonchuu, mécontent. « Toutefois, je ne pensais pas l'Empire capable d'employer des chiots pour venir faire le travail des maîtres. Sachez que je ne souhaite aucun problème lors de votre "mission" ; à la moindre erreur, je vous renverrai la queue entre les jambes ! » s'indigna-t-il, pour reprendre plus calmement ensuite, l'air bourru. « Notre village compte actuellement une centaine de têtes, sans les femmes et les enfants. Je pourrai rassembler les hommes demain, sur la place centrale, afin que vous puissiez leur apprendre les rudiments du combat. »

Nous l'avions laissé craché son venin sans dire un seul mot. Nous n'étions que les messagers, deux êtres inoffensifs à ses yeux, sur lesquels il pouvait se permettre de déverser tout son fiel. Jamais il n'aurais osé parler sur ce ton face au Kamui, ni même le Mizukage, mais les deux petits Genins venus sur ordre de leur patron, oh ça oui ! Il nous savait les mains liées, dans l'obligation de remplir la mission qui nous était donnée sans déranger quoi que ce soit ni créer d'incident diplomatique. Voilà pourquoi il s'en permettait autant. Et notre devoir était de tout prendre sur notre dos sans répliquer, baissant la tête en signe d'abnégation et de soumission. Nous étions à la merci de sa bonne volonté, et à risque de gros soucis si nous revenions à la maison sans avoir réussi notre mission des plus simples. Car bien plus que responsables l'entrainement des hommes sur cette ile reculée, nous étions les yeux et les oreilles du pouvoir en place, destinés en même temps à récolter des informations par la bande sur l'état des lieux.

«Le village de Kirigakure vous remercie grandement de votre collaboration dans ce projet Sonchuu-Sama. J'aurais toutefois une demande supplémentaire à vous adresser. Serait-il possible de réunir les femmes aussi, afin de leur offrir quelques rudiments d'auto-défense pour qu'elles puissent se protéger contre... »

Le teint du maire tourna au violet alors que je dis ces quelques mots de trop. Déjà mécontent de notre présence, ma simple demande le mis hors de lui.

« Non mais quoi encore ? L'Empire va-t-il demander nos enfants par la suite ? Prenez aussi les chiens errants tant qu'à y être ! Non non non, il en est hors de question. Je vous offre déjà tous mes hommes, c'est bien suffisant. Vous n'aurez rien de plus, pas la peine de demander. Vous avez d'autres questions? Je n'ai pas toute la journée. »

Un silence malaisant s'abatti dans la pièce, le maire nous toisant avec colère. Jun, pour sa part, avait les yeux perdus dans le vide, comme si la conversation ne le concernait plus. Non, il n'y avait plus rien à faire. L'homme devant moi était fermé à toute forme de négociation. Ce n'était visiblement pas de bonne foi qu'il collaborait avec notre village. Il nous fallait quitter avant d'envenimer la situation.

« Nous avons utilisé beaucoup trop de votre précieux temps, et vous avez sans doute beaucoup plus important à faire que de nous recevoir ici. Permettez-nous de nous retirer, Sonchuu-Sama, le voyage a été bien long jusqu'à l'île d'Awaji.»

« Bien, nous avons une auberge près du port. Libre à vous d'y prendre une chambre. »

Petite courbette de plus. Tous ces apprentissages de respect et d'étiquette que j'avais suivie depuis toutes ces années servaient enfin.

« Nous vous remercions pour votre aimable hospitalité. »

Mais il n'écoutait déjà plus, nous faisant un signe de la main pour nous congédier. Ses chiens de garde armés jusqu'aux dents s'approchaient de nous afin de nous escorter promptement vers la sortie. Je les suivis sans protestation, Jun sur mes talons, afin de sortir de cette demeure et de l'ambiance lourde qui y pesait. Une fois sortis, les hommes aux armes de belle facture restèrent sur le pallier afin de s'assurer que nous nous dirigions bien vers le port. Et si mon coéquipier eut l'intention d'aller dans une autre direction, je lui tirai l'oreille afin qu'il me suive.

L'auberge qu'il mentionna près du port était sans doute l'endroit le plus sordide du village. Je me doutais qu'il ne s'agissait pas du seul endroit pour accueillir des visiteurs, impossible que le maire guide ses invités de marque dans un endroit aussi délabré. Mais à sa demande, c'était ici que nous nous retrouvions. L'endroit était mal éclairé et malpropre. Le propriétaire des lieux, un homme bedonnant à la mine patibulaire, ne m'inspirait guère confiance. Tout aussi mécontent de notre présence aussi, il nous guida vers ce qui allait être notre chambre : Une minuscule pièce à l'étage, avec une petite lucarne qui laissait passer les courants d'air frisquets d'automne. Les matelas posés à même le sol semblaient dater d'un autre âge, et une drôle d'odeur de renfermé semblait s'en dégager. Pour terminer, une couverte rongée par les mites était négligemment posée sur chacun des lits. Je défis celle de ce qui serait mon lit pour me rendre compte qu'elle était tachée d'un liquide d'origine inconnue. L'idée de dormir dans de telles conditions ne me faisait absolument pas plaisir, et je sortis mon sac de couchage que je déroulai sur mon matelas. Hors de question de geler dans une couverte malpropre cette nuit.

« Les gardes avaient de belles armes non? Je me demande combien de missions je devrait compléter pour m'en payer d'aussi bonne qualité. Au prix qu'elles coutent, ils ne dorment surement pas dans cette chambre hihiihi » dis-je innocemment à mon coéquipier, avec un petit rire de jeune adolescente. Cet endroit ne me disait rien qui vaille. «Je vais éventer un peu la pièce, on dirait que quelqu'un ici ne s'est pas lavé pendant plusieurs jours »

J'ouvris la lucarne qui était vraiment petite. Nous arriverions à rentrer et sortir en nous tortillant un peu, mais cela predrait plusieurs secondes. L'air froid entra en bouffée, faisant virevolter ma chevelure. Je sortis ma tête à l'extérieur, jetant un coup d'oeil en même temps aux autres bâtiments qui nous entouraient, jaugeant la distance qui séparait notre fenêtre des autres toits. Rien qui n'était trop éloigné pour deux ninjas qui voudraient s'éclipser discrètement une fois le soleil couché. Refermant derrière moi, je m'approchai de Jun pour lui murmurer à l'oreille.

« Envie d'aller faire une balade cette nuit? »

Au vu des circonstances, son idée d'aller voir les brigands n'était pas si mauvaise. De plus, je redoutais que l'on se fasse attaquer cette nuit. Cet aubergiste au regard mauvais, cette pièce isolée au dernier étage, au fond du couloir, et cette fenêtre trop petite pour que l'on puisse sortir dans la précipitation étaient des signaux d'alarme qui ne trompaient pas. Nous étions Ninjas, mais seulement deux genins face à un nombre inconnu de gardes lourdement armés. Peut-être même quelques shinobis renégats se cachaient parmi la garde personnelle du maire, rien n'était moins sûr.

Nous serions plus en sécurité hors du village cette nuit.

Il n'y eut pas de sortie.

Nous attendions patiemment le coucher du soleil pour s'éclipser en douce de l'auberge afin d'aller faire un petit tour des lieux. Mon collègue avait l'air particulièrement fasciné par la présence des bandits sur cette ile, et je me disais que c'était une très bonne idée d'aller leur faire une petite surprise. Surtout après avoir rencontré ce maire de village qui n'avait rien à voir avec un ancien tel qu'on s'attend à en voir, et de ses chiens de gardes armés jusqu'aux dents. Il y avait anguille sous roche, et j'étais déterminée à résoudre ce mystère qui s'était présenté à nous. Il nous restait qu'à attendre la noirceur pour faire cette petite visite de courtoisie qui saurait répondre à toutes nos interrogations.

Les premiers grondements se firent entendre alors que la lumière déclinait à l'ouest. Surprise, j'en cherchai la provenance pendant quelques instants, sortant la tête à l'extérieur. Un silence de mort régnait dans le petit village qui allait s'endormir, entrecoupé par le son des vagues qui mourraient sur le rivage tout près. Comme rien ne se passait, je rentrai à l'intérieur, et fermai la petite fenêtre. Le Tohatsu était assis dans le coin opposé de la pièce, totalement silencieux, et absolument pas dans ses habitudes si je me fiais à l'image que je m'étais faite de la boule de cheveux excitée qui m'avait accompagnée jusqu'ici. Les yeux fermés, il semblait prêt à s'endormir, comme s'il essayait de méditer. Sauf que son visage n'avait rien de la sérénité qui accompagne les séances de méditation, sa bouche s'était tordue de douleur alors que le bruit d'enfer repris. Je ne mis pas de temps à réaliser qu'il s'agissait de son estomac.

Le reste de la nuit fût un véritable cauchemar.

Entre les pleurs du petit garçon qui s'était roulé en boule alors que ses intestins préparaient une guerre contre lui, les bruits de digestion qui étaient aussi puissants que le tonnerre, l'odeur d'oeufs pourris de ses flatulences et celle de cadavre qui le suivait à chaque fois qu'il revenait des salles de bains, le sommeil ne fût pas des plus réparateurs. Et moi, je ne pouvais rien faire pour aider. S'il avait eu un muscle endolori, j'aurais pu lui faire apparaitre un morceau de glace pour tromper la douleur, mais dans le cas d'une indigestion aussi puissante, je ne crois pas que le froid était la solution. Devions nous appeler d'urgence un médecin? Avec l'accueil reçu, je ne crois pas que c'était la meilleure idée. Le mieux était d'attendre que ça passe.

Et ça ne passa pas. Avant l'aube, je me résolus à demander de l'aide pour le pauvre. À continuer de se vider de ses entrailles ainsi, et des deux cotés, il risquait la déshydratation, voir la mort. Je n'étais pas Médic-nin et mes connaissances de médecine n'étaient pas assez poussées pour lui venir en aide efficacement. J'étais dépassée par les évènements. L'aubergiste fit quérir le guérisseur du village, et je sortis prendre l'air à l'extérieur. Le petit village de Kuroshio était en train de se réveiller, les hommes étaient sur le point de partir au large pour la pêche de la journée.

J'en profitai pour envoyer un message aux autorités de Kiri : Mon coéquipier devait être relevé pour des raisons médicales, et j'avais un urgent besoin d'un nouveau shinobi pour m'accompagner lors de cette mission. Je doutais fortement qu'avec la nuit d'enfer que le Tohatsu venait de passer qu'il pourrait être remis sur pieds après quelques heures. Il lui faudrait au moins deux à trois jours, et nous n'avions pas ce temps. Le maire nous avait offert ses habitants aujourd'hui, et aujourd'hui seulement. Pas demain, ni l'autre journée d'après. Et je n'osais repartir bredouille en ayant raté l'un des objectifs de ma mission, en laissant une île complète sans compétences de base de combat. En cas d'attaque, Awaji était vulnérable, et risquait encore plus si elle ne savait se défendre contre des envahisseurs.

Lorsque ce fût fait, je revins à l'auberge pour prendre un petit déjeuner bien mérité. Jun avait été ramené chez le médecin pour une évaluation médicale plus poussée. Je pourrais donc retourner dormir tranquillement après avoir mangé, la rencontre avec les vilageois ayant lieu dans l'après-midi, lorsque les pêcheurs seraient tous de retour. J'espérais fortement qu'entre temps que Kiri ait reçu mon message et que des renforts arrivent à temps.

Spoiler:

J'avais à peine réussi à dormir.

Ce n'était pas l'odeur nauséabonde- malgré la lucarne ouverte pour tenter d'aérer- qui m'empêcha d'entrer au pays des rêves. Ni même les bruits du marché qui se tenait sous cette même fenêtre ouverte que je n'avais pas du tout envie de fermer. Je me retournais à toutes les cinq minutes, incapable de fermer l'oeil. Le stress était en train de me prendre à la gorge. Qu'allais-je faire toute seule? Déjà que nos avions tout d'une équipe de bras cassés moi et le Tohatsu, je crois que la seule chose qui nous donnait le moindrement de l'autorité mis à part le bandeau des ninjas de Kiri était le fait que je sois accompagnée d'un homme. J'avais bien vu dans le regard du chef de village tout le dégout de ma personne, qu'il ne me considérait pas moins que rien. Encore un autre débile qui croit que la place des femmes des à la maison. Avec mon compagnon, ma présence devenait secondaire aux yeux des hommes rustres et non éduqués qu'il nous faudrait former. Seule, je m'exposais à l'échec de ma mission. Il ne suffirait que de deux ou trois grandes gueules misogynes pour convaincre les autres hommes de l'absurdité de se faire apprendre le combat par une femme, et tout déraillerait. Si Kiri ne recevait pas le message et que les renforts attendus n'arrivent pas, est-ce que je devrais tuer un homme pour leur prouver que j'étais la plus apte en ces lieux pour leurs apprendre à se défendre? Je n'avais pas envie de me rendre jusque là, mais si il fallait que je le fasse pour m'assurer de remplir la mission, le sang coulerait sur l'ile d'Awaji aujourd'hui.

Impossible d'atteindre les bras de Morphée. J'avais finis par me lever et descendre au rez-de-chaussée afin de me sustenter légèrement. Je n'avais pas tellement faim et je ne pus rien manger d'autre qu'un petit bol de riz et quelques tranches de poisson. Toujours personne à l'horizon. Il était bientôt midi, et je tournais en rond dans la grande salle, faisant les cent pas, la mine soucieuse. Dans moins d'une heure, tous les hommes seraient rassemblés sur la grande place du village. J'essayais de ne rien laisser paraître, mais j'étais rongée par l'anxiété. L'auberge m'offrit même une coupelle de saké de mauvaise qualité pour que je puisse me calmer. Malgré sa mine patibulaire, l'homme - que je soupçonne être un ancien shinobi- semblait comprendre ma détresse. Il ne me posa aucune question, et je fis de même. Je le remerciai simplement d'un signe de tête. Les raisons de sa présence ici et non pas au village de Kiri ne regardaient que lui, ce n'était pas de mes affaires. Je retournai au centre de la pièce lorsque la porte s'ouvrit à la volée et qu'une personne tout illuminée par le soleil qui montait au zénith fit son entrée.

Yu.

Une grande joie inonda tout mon être à ce moment précis. J'aurais aimé la prendre dans mes bras et l'enlacer. Lui dire combien j'étais heureuse de la voir en cet instant précis. De toutes les kunoichis du village, elle était celle que je n'espérais plus voir. Et pourtant, je restai de marbre devant elle. Elle était Yu, et j'étais moi. il n'y avait pas de ces épanchement émotionnels d'amies entre nous. Seule une étrange relation professionnelle amicale. C'était une collègue plus plus. Rien de plus rien de moins.

«Bonjour Amaya. J'ai fais du plus vite possible pour venir. Tu connais mieux la situation ici que moi, je te propose donc de commencer et j'aviserais en fonction de tes observations. »

Elle était franche et directe, et ne s'embourbait pas des les mots inutiles. Je l'aimais comme ça.

« Oui. Tu as eu le topo sans doute. Les hommes se réuniront dans moins d'une heure sur la place centrale. Nous devons les former aux bases du combat. Je part du principe qu'ils savent se donner des coups de poing sur la gueule, nous n'avons pas besoin de leur montrer ça. J'avais pensé dans une premier temps à faire des exercices d'esquive et blocages simple : En équipe de deux, ils doivent chacun essayer de toucher le visage ou les côtes de l'autre, tout en esquivant ou bloquant les touches de l'autre. Une bonne trentaine de minute sera suffisant, et je crois que ce sera assez ludique pour qu'ils retentent l'expérience entre eux d'ici les prochains jours»

J'attendis sa réaction avant de continuer.

« Ensuite, j'avais pensé à faire des exercices au sol : leur montrer qu'être par terre ne signifie pas être démunis. Utiliser les genoux pour tenir un adversaire à distance, comment le pousser pour qu'il tombe. Comment se protéger, voir même comment bloquer la tête de l'autre entre les genoux et le frapper avec les coudes. Nous leur montreront ensemble les mouvement et devront répéter, et changer les rôles ensuite.»

Je jetai un regard sur l'aubergiste qui semblait intéressés par nos propos. Je me doutais que sa présence avec les autres homme serait inutile, quoi que peut-être serait-il tenté de venir se tirailler avec les autres?

« As tu d'autres idées ? Comme tu as pu le constater, les moyens du village sont un peu limités et les hommes ne possèdent que très peu d'équipement. De plus, nous n'avons qu'un seul après-midi, le chef du village n'était pas chaud à l'idée de nous recevoir et nous n'avions pas pu négocier plus de temps. »

Une fois notre stratégie mise en place, nous pourrions ensemble montrer à ces hommes que le combat c'est plus que de se frapper aux petites heures de la nuit après s'être enivrés..