« Je vois que tu te lances dans des commerces de plus en plus variés. »

Natsuki, qui depuis l'autre côté de la table se faisait servir les boissons et les petits gâteaux, se fendit d'un sourire amusé.

« J'imagine que tu fais référence au dernier sous-sol du Septième Ciel. »
« Ouais, celui avec les... »
« Je te suggère de bien choisir les mots que tu va utiliser pour qualifier les employés qui travaillent à cet étage, mon cher ami. » l'interrompit Natsuki d'une voix tranquille. « Car en aucun cas ce ne sont des hommes et des femmes à affection négociable. »
« Mais tu... »
« Mais je ne te contredirais pas sur ce point en effet, ils sont payés pour donner de leur corps sur scène, voire davantage pour ceux qui le désirent. Toutefois, ils ne sont en rien des marchandises comme ce que beaucoup ont tendance à croire dans la rue : chacun bénéficie ici du respect et des droits qui leur sont dû. »
« Ca en reste pas moins... »
« … un métier dégradant ? Oh, Iji, je t'en prie. Tu m'as prit pour un mac ? Mes employés travaillent ici parce qu'ils en ont envie, et touche un salaire au mois, pas à la productivité/rentabilité. C'est même d'ailleurs pour cela qu'il n'y a pas de prime de productivité, seulement des heures payées. Et puis mince, il n'y a pas de sot métier, juste de l'offre et de la demande. Là où il y a une demande, je me débrouille pour fournir une offre. »
« Personne avait demandé ton casino, surtout qu'il y en avait déjà un à Konoha, et pourtant tu l'as fait quand même. »

La cuillère de Natsuki tinta fort dans sa tasse.

« Ce coup était aussi petit que toi, Iji, sinon plus. Et il n'y a rien à voir entre son établissement et mon étage de divertissement. De sa conception à sa création, en passant par son existence et en poussant jusqu'à sa fin, j'estime avoir toujours assuré une meilleure qualité de prestations. A commencer par le fait que je n'ai pas abandonné mon établissement. »
« Aucun rapport avec le fait que le sien a disparu du jour au lendemain, j'imagine. »
« Tout à f... »

Natsuki s'interrompit dan sa phrase, et jeta à Iji un regard méfiant souligné par une expression suspicieuse.

« Tout à fait. » répéta-t-il avec plus de réserve.
« Heureusement que tu avais pu trouver un autre fournisseur que Suna pour tes machines à sous et autres, avec le contexte de guerre à l'époque. »
« Tout à faire. »
« Et heureusement que tu... »
« Iji, je vais finir par retirer ma chaussure et te frapper avec. » avertit Natsuki alors que chaque réponse présentait moins d'enthousiasme que la précédente.
« Cool mec, je plaisante. T'as aucun humour. Bon et sinon, tu l'as trouvé où ton personnel pour le dernier sous-sol ? Il y a vraiment de tout pour ce que j'ai pu voir. »
« Je voyage beaucoup comme tu le sais. Ou plutôt, je voyageais beaucoup. J'ai des contacts partout sur le continent, et certains de mes employés de n'importe quel étage de l'établissement viennent de loin. C'est d'autant plus vrai pour ici, où j'avais très à cœur de proposer d' l'exotisme à ma clientèle. Alors bien évidemment, l'exotisme n'est pas la seule valeur que je leur donne. »
« Mais...? »
« Il n'y a pas de mais. Par contre, tu savais qu'il y avait des écoles de formations pour cette profession ? Le Pays du Vent compte au sein de ses frontières parmi les plus réputés centres de formation. La culture locale compte en spécialité la danse du ventre en même temps, et les tenues offrent le juste équilibre entre révélation et imagination. Rouge fait parties des trois personnes que j'ai pu embaucher là-bas, avec son mari qui est aussi danseur. Les cheveux carmin et la peau bronzée font vraiment un beau duo pour ce qui est de relever la beauté d'une femme, tu ne penses pas ? »

Quelque chose empêcha Iji de répondre, ce qui ne dérangea pas la narration.

« Du Pays des Neiges, je n'en ai ramené qu'une seule,Ruby, ainsi qu'un homme. Je les ai trouvé par hasard là où je ne m'attendais pas, là où l'ancienne Seigneur de Guerre local m'avait apprit que se trouvait le quai des prostituées. »
« Tu veux dire qu'elle... »
« … s'occupait de ces femmes malheureuses en tant que médecin. Je voulais éviter de chercher dans ce milieu-là, car je sais que c'est souvent plus par nécessité que par choix que l'on se retrouve là-dedans. Mais.. j'ai été amené à discuter avec l'une d'entre elles. Une femme qui, reconnaissante pour ce que la Seigneur faisait pour les femmes comme elle, nourrissait le rêve impossible d'apprendre la médecine pour s'occuper elle aussi des prostituées démunies. »
« Laisse-moi deviner. Tu lui as offert de travailler pour toi en échange de lui offrir des études. »
« Tu lis en moi comme dans un livre ouvert. »
« Ça s'appelle pas du chantage, des fois ? »
« Cela pourrait, mais je me suis mit suffisamment au clair avec elle pour qu'il ne soit pas question de pression. Je lui avais proposé un travail ailleurs, mais pour ce qui est de gagner sa vie, elle ne sait pas faire grand chose d'autre. Pour le moment. J'ai bien conscience que dans sept ans, elle ne sera plus là. »
« Sacré toi, à vouloir sauver les pauvres gens des affres de la misère. »
« Ce n'est pas exactement cela, mais oui, j'aime occasionnellement œuvrer pour des vies meilleures quand je peux joindre l'utile à l'agréable. »
« Comment ça, '' pas exactement '' ? »
« Hum... tu vois, le gars avec les cicatrices sur le corps ? C'est lui que j'ai ramené du Pays des Neiges. Et... y'a eu un petit incident, pendant ma conversation avec Ruby. Le type qui l'extorquait est venu chercher querelle avec son garde du corps, et cela a assez mal fini – pour lui. Tu sais à quel point je n'ai aucune patience en hiver. Bref, du coup, comme ce charmant homme d'âge moyen nommé Noir s'est retrouvé sans patron, j'ai reprit son contrat. Il commençait d'ailleurs a en avoir assez de la vie de mercenaire autant que du Pays des Neiges. Cela a nécessité un peu d'éducation, mais globalement il s'en sort plutôt bien. »
« D'éducation ? »
« Bien, oui. Il n'y a pas que des professionnelles chevronnés ici, certains sont en... reconversion professionnelle. J'ai donc engagé une formatrice pour entrainer chacun comme il se doit, afin d'assurer une qualité de prestation. »
« Tu pense à tout je vois. »
« Pas toujours, mais j'essaie. Après voilà, c'est pour le petit cachet étranger, l'on va dire. La plupart des autres viennent du Pays du Feu et environs. Cela ne sert pas à grand chose de regarder entre ici et le bout du monde, autant se contenter des extrémités. Licorice par exemple, qui t'offre une lap-danse depuis tout à l'heure, vient de la capitale du Pays du Feu, dans un club assez célèbre, mais elle s'entendait mal avec son ancien patron. »
« Hum hum. » émit Iji alors qu'une poitrine lui obstruait le visage.
« Donc voilà, j'ai de quoi satisfaire le plus grand nombre, ou du moins, je l'espère. Nous verrons déjà bien assez tôt si cet étage fonctionne. »
« Et s'il ne fonctionne pas ? »
« Oh Iji, je t'en prie. Nous sommes dans un univers fictif dont le système fait que c'est moi qui décide si cela fonctionne ou pas. Surtout que dans le fond, si je dois compter sur l'usage qu'en font les autres, il n'y a que le restaurant qui a du succès. Je me demande même d'ailleurs si les gens lisent la description des étages, et savent que le Septième Ciel n'est pas qu'un restaurant... »
« Il aurait fallu que les gens viennent à ta pendaison de crémaillère pour ça. »