Travaux de rénovation, partie 9 : Du vieux et du neuf

Natsuki ne s'en était jamais vraiment caché, mais l'avant-dernière étape de son projet de rénovation du Septième Ciel était un casino qu'il désirait installer au premier sous-sol. Pour se fournir en équipements nécessaire à ce commerce, il avait pensé à différentes possibilités, qui avaient évolué au fil des années.

D'abord, il s'était dit que recontacter le Saibogu qui lui avait crée du matériel pour le Péché Nocturne serait un bon choix. Il lui avait apporté satisfaction, et Natsuki avait précisé dans ses courriers qu'il serait amené à proposer d'autres contrats. Puis il y avait eu la guerre contre Suna, puis le concerné avait reroll son personnage à Konoha en un Gekei ou un Inuzuka, il ne savait plus trop. Mais l'un dans l'autre, cela ne changeait rien, car aucun des deux ne pouvaient lui apporter ce dont il avait besoin.

En deuxième opportunité, Natsuki pensait pouvoir compter sur sa petite amie, mais différents faits venaient rendre le tout compromit : entre autre, il y comptait que la demoiselle s'y entendait mieux en bricolage d'armes à feu et de vaisseaux que en matériel de divertissement, qu'elle avait disparut de sa vie depuis deux ans, et qu'à se jour elle ne se considérait probablement plus comme sa petite amie.

Saibogu Kenpachi aurait pu être un point d'introduction aussi pour la création des machines à sous de son futur casino. Mais elle avait été dégroupée entre temps, et maintenant qu'elle était revenue en laissant ce personnage en libre service derrière elle, Natsuki avait trouvé la solution la plus simple, et la moins compliquée : se servir dans l'établissement qu'il avait racheté après l'incarcération de son ancien directeur, Daichi Kinzoku.

Alors certes, c'était un peu triste comme méthode, car elle n'impliquait personne d'autre dans l'histoire : Natsuki préférait construire les différentes étapes de son projet avec autrui quand c'était possible. Là, en ramassant simplement les machines disponibles dans l'ancien casino, il arrivait directement à son but, sans vraiment suer. Il y avait bien eu une tentative de faire une histoire à propos du déménagement du matériel d'un endroit à un autre, mais elle avait été avortée très vite, car bien qu'étant une mission officielle rang C, elle n'était pas assez stimulante. Il s'était donc débrouillé tout seul pour cette étape là.

Ensuite, il y avait eu l'installation. Natsuki avait aménagé le futur casino à sa guise une fois les travaux terminés. C'était toujours la même agence et les mêmes artisans qui s'en occupaient, comme pour le reste de ses étages. Dans un esprit de logistique, il avait agencé les pièces en pensant avant tout '' sécurité '', car c'est ici que risquait de transiter le plus d'argent dans le Septième Ciel – et donc, attirer le plus la convoitise. Ainsi, les comptoirs pour échanger son argent contre des jetons étaient séparés de la salle principale par des vitres épaisses – même si loin d'être indestructibles pour un shinobi. Toute la partie réservée au personnel et au fonctionnement de l'établissement n'était pas accessible depuis la zone publique, fait sur lequel Natsuki avait insisté après avoir vu comment Leika et Shinzaburo s'y étaient prit pour accéder au coffre pendant leur simulation.

Il avait gardé l'idée du bar central, capable de desservir tous les futurs secteurs, car il s'était laissé entendre que les jeux et l'alcool faisaient toujours bon ménage - surtout pour le propriétaire des lieux. Ce n'était qu'une fois tout en place qu'il avait disposé ce qu'il avait récupéré dans l'ancien casino racheté par ses soins suite à l'arrestation de son criminel d'ancien propriétaire. Les machines à sous avaient droit à leur coin réservées, où elles étaient regroupées côte à côte en allées en fonction du jeu qu'elles proposaient. Ailleurs, il avait installé les tables de cartes et de roulettes sans grandes difficultés, une fois de plus grâce à la capacité de transport facilité qu'offrait la maîtrise du fuinjutsu.

De fait, au terme d'une seule journée d'installation, le casino était déjà virtuellement apte à fonctionner. Mais il manquait encore le personnel nécessaire pour le faire tourner – et Natsuki savait qu'il n'aura pas à chercher très loin s'il se contentait de réemployer ceux qui travaillait dans le Cochon d'Or -, ainsi qu'un autre détail : les jetons. Natsuki pourrait se contenter de réutiliser ceux d'à côté, mais cela ne lui convenait pour plusieurs raisons. La première était qu'ils étaient tous estampillés du logo de l'ancienne concurrence : ce serait donc ridicule, et de très mauvais goût. La seconde se résumait tout aussi simplement. Il voulait intégrer quelqu'un à son projet, et là était encore le meilleur prétexte pour le faire. Certes pas aussi glorieux et riche que la pagode miniature qu'il avait demandé à ~~Raito~~ Kihran de faire pour lui, mais il y avait tout de même de quoi raconter sur un ou deux post. Surtout en ajoutant à la création le cahier des charges – plein de contraintes – auquel songeait Natsuki pour sécuriser ses jetons. Et il avait déjà en tête une petite idée sur qui faire intervenir sur leur création.

Mais tout cela, il y songera demain. Car il avait encore des affaires à régler ce soir, et il préférait ne pas les repousser davantage. Le couvert de la nuit allait lui servir...

******************

Le lendemain matin.

« Dis Shinzuku, il y avait pas un casino Cochon machin sur ce terrain vague ici là, genre, hier ? » demanda le postier à son collègue en passant devant un espace vide dans la rue.

Ce dernier haussa les épaules.

« Je ne sais pas. Le terrain m'a l'air vachement vague pour avoir eu quoi que ce soit de construit dessus. »
« Tu es sûr ? Regarde, on dirait une fente en forme de dents de scie dans toute la longueur du sol. »

Il essaya de tirer dessus, sans succès.

« Bon, quand tu auras fini de nous faire perdre du temps Kyoto, je te rappelle que nous avons une tournée à faire. »
« Hum... Ouais... J'étais persuadé pourtant que... »

Kyoto se tritura encore un l'esprit, mais l’hippopotame du souvenir ne s'agita pas dans les eaux fangeuses de sa mémoire. Il renonça donc, car comme l'avait fait remarqué son collègue Shinzuku, il n'était pas payé pour cela.

Installé dans son bureau entièrement rénové et remeublé, Natsuki s'intéressait aux devis posés devant lui. La partie restaurant du Septième Ciel était assurément celle qui avait le plus de succès en terme d'activités, sans doute dû à la raison que c'était l'endroit le plus simple pour tenir une conversation avec quelqu'un tout en ayant une activité agréable. Pour le reste et ce qui viendra, il savait que ce sera essentiellement accessoire, ce qui n'avait pas vraiment d'importance à ses yeux. Car dans l'immédiat, les rénovations l'occupaient surtout quand il s'ennuyait, et il suffisait de prétendre à un succès fantôme de l'établissement en général pour justifier qu'il pouvait se permettre presque n'importe quelle dépense – tout en sachant qu'une bonne partie des fonds finissaient dans une organisation tout aussi fantôme.

Natsuki étudiait donc des devis. Car comme tout restaurant, il se devait de se fournir en matières premières pour que ses cuisiniers aient de quoi cuisiner – même si rappelons-le, Sakurako était capable de rendre appétissante une chaussure avec de la sauce tomate et un peu d'ail. Et pour pouvoir proposer un prix abordable à sa clientèle, car le Nara tatoué ne visait pas d'étoile pour son restaurant, il lui fallait acquérir viandes et légumes à un prix correct. Malheureusement, le coût de la vie haussait sans cesse, et avec lui les dépenses du quotidien, ce qui forçait Natsuki à devoir régulièrement négocier et faire jouer la concurrence. Alors autant lors des semaines spéciales ''découverte des plats étrangers '', il n'était pas trop regardant sur les tarifs vu que l'importation coûtait chère de base, autant pour le quotidien, il devait se montrer un peu plus attentif. Tout le monde croyait qu'il était facile de maintenir à flots une entreprise une fois qu'elle était bien lancée et avait du succès, mais c'était faux : il y avait tout un travail permanent à assurer sous la surface, et deux ou trois mauvais choix avaient vite fait de ruiner des années d'efforts et de réussites.

Quelqu'un frappa à la porte depuis l'escalier de service, seul moyen d'accès à son bureau, ce qui fit ranger à Natsuki ses papiers dans un coin : à l'heure qu'affichait son horloge murale, il savait qui était là.

« Bonjour à toi Leika. Tu vas bien ? » demanda-t-il en allant lui ouvrir.

Vu qu'ils étaient entre eux, et que Natsuki n'attendait pas davantage de visite, il l'invita à retirer ses chaussures pour profiter de l'épaisse moquette vert feuille qui tapissait le deuxième étage.

« Viens, installe-toi sur le canapé près de la baie vitrée. Comment trouves-tu mon bureau d'ailleurs ? Je ne crois pas que tu étais déjà venu depuis que j'ai fini de l'aménager. C'est beaucoup mieux non ? Cela donne moins une impression de vide, et fait tout de suite plus professionnel. Tu veux quelque à boire peut-être ? »

Natsuki avait fait installer dans un meuble tout un assortiment de machines à thé, à café, et autres boissons que l'on pouvait apprécier de boire chaude ou froide. Cela évitait des kilomètres pour récupérer sa commande en cuisine au rez-de-chaussée.

« Merci d'être venu en tout cas. » dit le Nara tatoué en s'installant sur le canapé en face d'elle. « Je t'avais dit que j'avais un service à te demander pour mon établissement, mais je n'étais pas encore entré dans les détails, ce que je te propose de faire maintenant. Comme tu le sais sûrement, j'ai prévu d'ouvrir un casino dans le premier sous-sol du Septième Ciel. Beaucoup de choses sont déjà en place, mais il me manque encore l'essentiel pour faire tourner un casino, à savoir des jetons. Et pour éviter la fraude, j'aimerai en confectionner des tous particuliers, avec quelqu'un en qui j'ai une entière confiance. Ce quelqu'un, c'est toi. »

Il lui afficha un sourire.

« Alors j'ai réfléchis comment m'y prendre, et j'aimerai que tu me dises si c'est possible ou non. Par expérience, j'aurai tendance à dire que ce sera assez difficile, mais j'ai dans l'idée que cela pourrait être pas mal pour t'entrainer à affiner la maîtrise de ton pouvoir héréditaire. Faire de son quotidien un entrainement est excellent pour progresser, selon moi. Mais bien entendu, je ne te force à rien : tu es libre d'accepter de m'aider ou non. Et ne te sens surtout pas tenu par une contrainte morale, parce que je suis ton chef d'équipe, ou autre, okay ? Si tu veux le faire, j'aimerai que ce soit de ton plein gré, parce que tu y vois là une occasion que nous passions un peu de temps ensemble et pour t'aider à progresser dans le ninjutsu. »

Natsuki n'était pas du genre à forcer les gens ou à faire pression sur eux pour obtenir ce qu'il voulait. Sauf s'il était en mission et que l'autre détenait des informations qu'il devait obtenir à tout prix – ce qui n'était pas le cas ici.

« Alors, intéressée ? »

L'heure n'avait pas vraiment d'importance dans ce rp, donc, je ne vous dirais pas qu'elle heure, il était, puisque moi-même, je l'ignore et puis, soit disant passant, ça n'a pas vraiment d'importance de le savoir non ? Toujours étant qu'à cette heure non définie, je gravissais les marches de l'escalier de service du Septième Ciel non sans une certaine peur à l'idée de revoir Natsuki.

La dernière fois que nous nous étions croisés, il était de plutôt mauvaise humeur suite à mon escapade à Nami et bon… Je n'avais pas oublié le regard qu'il m'avait lancé, surtout qu'il devait encore être dans sa mauvaise période (non il n'avait pas ses règles, mais s'était tout comme…).

Bref, après un moment de réflexion intense, je finissais par frapper à la porte du bureau et je rentrais après qu'il m'en ai donné l'autorisation. C'était plutôt pas mal au premier coup d'œil, mais je préférais rester sur mes gardes. Je lançais d'ailleurs un regard curieux à l'intention de mon supérieur lorsque ce dernier m'accueillit chaleureusement. Je mis un certain temps à lui répondre d'ailleurs :

"Mouais … Ça va … Toi aussi apparemment… Pourtant, l'hiver n'est pas encore fini…"

L'avant-dernière fois que nous nous étions vue, j'étais passé par une fenêtre alors que je venais m'enquérir de sa santé, du coup, je restais méfiante face à ce changement brutal d'état. Je retirais mes chaussures avec une certaine lenteur avant de me diriger, curieuse, vers les canapés neufs installés dans le bureau. Je répondis d'une voix neutre à sa question :

"Oui, c'est pas mal, ça fait plus … Professionnel, c'est sûr."

Je m'installais dans l'un des confortables fauteuils puis tournais mon visage vers la large baie vitrée alors qu'il me proposait une boisson :

"Euh oui, je prendrais bien un chocolat chaud s'il te plaît …"

J'étais un peu distraite, mais pas suffisamment pour oublier le froid hivernal qui provenait de l'extérieur. On était quand même beaucoup mieux à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il me tendit la tasse et je me réchauffais immédiatement les mains contre la porcelaine chaude. C'était agréable. Mais désormais, nous devions discuter de choses sérieuses. La raison de ma venue ici. Il ne tarda pas à me l'expliquer. Des jetons donc. Par-dessus ma tasse, je lui lançais un regard intrigué avant d'écouter les tenants et les aboutissants de sa demande.

"Des jetons ?"

Je ne savais pas si j'en étais capable pour dire vrai, mais je pouvais essayer, c'était un fait :

"Il vous en faudrait combien ?"

Je venais de me mettre dans une position bien moins confortable à présent et j'avais reposé ma tasse sur la table basse tout en contemplant Natsuki de façon légèrement angoissé.

"Je ne sais pas si j'y arrivais… Il faudrait réfléchir à un modèle spécifique et je n'ai malheureusement pas des compétences très abouties dans la maitrise de mon pouvoir élémentaire…"

J'avais appris en autodidacte, sans l'aide de personne et du coup, je maîtrisais beaucoup moins bien le mokuton qu'une personne confirmée.

"Peut-être que quelqu'un de mon clan serait plus apte pour cette tâche … Tu as pensé à mon cousin, Kihran ?"

« Moi ? Cela va plutôt bien. Vu que tout ce qui est en rapport avec les rénovations du Septième Ciel ne s'inscrit pas vraiment dans une chronologie fixée, la saison qu'il fait dehors n'a pas d'importance en soi. Mais je suis content que tu t'en soucies. »

Il était même de bonne humeur pour ainsi dire, comme le témoignait la chanson du Samurai ivre qu'il fredonnait en préparant le chocolat chaud de son étudiante. Puis lorsqu'il s'installa, ils parlèrent affaires.

« Pour le nombre de jetons, j'ai fait brièvement le calcul au prorata entre la surface et la qualité de l'ancien Cochon d'Or et la superficie que je propose moi-même. Cela nous amène approximativement au million de jetons, toutes valeurs confondu. Rien de bien mirobolant donc. »

Tous fait mains et sans défaut dans le calibre désiré, cela allait de soi. La tâche sembla toutefois décourager Leika bien plus que son ampleur. Elle n'était pas sûre de ses capacités en lien avec l'art des Hayashi, pas assez pour accomplir ce que lui proposait Natsuki en tout cas. En réaction naturelle, elle tenta de le rediriger vers un cousin répondant au nom de Kihran – dont le nouveau look depuis leur dernière rencontre ne laissait plus de doute sur la nature de son sexe.

« Je connais Kihran, oui, et il est plutôt doué en effet : il suffit de voir la qualité de la pagode en bois et de la finesse de ses détails qu'il m'a crée à ma demande au rez-de-chaussée. Mais malgré mon immense satisfaction dans son travail accomplit, il y a plusieurs raisons pour lesquelles c'est toi et non lui qui se trouve assit dans ce canapé. Déjà, il y a le fait qu'il m'a donné beaucoup de son temps dans ce projet Septième Ciel, et que je n'ai pas vraiment le droit moral de lui en demander davantage, surtout qu'il est très occupé en ce moment, entre son travail et sa femme. Ensuite, et argument non des moindres, c'est que tu es une de mes étudiantes, contrairement à lui : c'est toi que j'ai envie de faire progresser. Or là, il se trouve que j'ai justement un exercice qui pourrait te permettre de t'entrainer à maîtriser ton héritage clanique. De ton propre aveux, tu as des lacunes dedans, mais ce n'est pas en restant dans ta zone de confort que tu les corrigeras : les limites, cela se repoussent. Crois-moi, je sais ce que c'est : il y a beaucoup d'usage des arts de mon clan que j'ai développé à vue, en m'aventurant sur des voies inexplorées, sans support autre que mes essais/erreurs et mon entrainement. Surtout que, sache que je n'attends pas de toi de réussir et de tout faire maintenant : cela va nous prendre des mois, au bas mot. »

Natsuki lui fit un sourire rassurant, car il sentait que l'angoisse montait chez son étudiante. Elle avait un peu de mal à gérer les grosses responsabilités, et se sentait rapidement envahit par les doutes dès qu'il s'agissait de se montrer à la hauteur des attentes : elle craignait l'échec.

« Déjà, commence par respirer un grand coup jeune fille. Tu es en train de te mettre la pression pour rien, alors que tu ne t'es même pas engagée encore. Cela va être un travail de longue haleine, c'est sûr, mais il n'y a pas de conséquence à échouer : ce n'est qu'un exercice. Un exercice auquel je vais donner un sens, certes, mais un exercice quand même. Qu'est-ce que tu risques honnêtement, à part progresser ? »

Il lui laissa un temps, histoire qu'elle puisse essayer de lui prouver le contraire, si des fois elle y arrivait.

« Nous pouvons essayer pour commencer, y aller par étape. Je n'attends pas à ce que tu me débites des jetons à la chaine là tout de suite. Surtout que je compte intégrer dedans ma touche personnelle. »

Il hésitait à lui indiquer tout de suite le résultat final qu'il espérait, avec le cahier des charges à respecter, par crainte qu'elle ne se décourage avant de même de commencer. S'il voulait l'aider à sortir de sa bulle, ce devait être petit à petit.

Car elle avait les capacités : elle l'ignorait seulement.

Un million de jetons… La simple évocation du nombre de jetons dont le Nara tatoué souhaitaient disposer fit couler dans mon dos une sueur froide qui me glaça le sang. Je repris aussitôt entre mes mains ma tasse de chocolat chaud pour me réchauffer avant de plonger mon visage à l'intérieur pour éviter que Natsuki ne devine mon angoisse croissante à cette simple évocation.

Il continua son discours concernant le fait qu'il m'ait choisi moi et non pas mon cousin. J'avais beau écouté, je n'étais pas plus fière d'être l'heureuse élue. J'étais surtout inquiète à l'idée de le décevoir, mais je pouvais au moins essayer. Seulement, voilà, je ne savais pas trop comment m'y prendre. Ce n'était pas un exercice auquel je me prêtais régulièrement et pour dire toute la vérité :

"Je n'ai jamais fait ça … Je ne sais même pas par ou je devrais commencer…"

Mon visage se fendit d'une grimace inquiète alors que je regardais la table. D'habitude, si je voulais créais quelques choses à partir du bois, en général, je faisais cela à partir d'un arbre existant. Je n'étais pas certaine que mon professeur soit d'accord pour que j'utilise son mobilier pour cela.
Me raclant la gorge, j'essayais d'orienter la discussion sur le sujet en question :

"Tu as une idée de ce que tu aimerais comme jetons ? Peut-être as-tu une idée particulière de comment ces derniers doivent être ? Un croquis ?"

Je me passais la main dans les cheveux, légèrement gênée de devoir lui demander tout cela :

"C'est que… Ça m'aiderait à visualiser un peu mieux ce que je suis sensée faire…"

Oui, car hormis le fait de créer une pièce ronde banale, j'avais besoin de vraiment visualiser tout ce que Natsuki attendait de moi, et puis j'avais toujours besoin d'un peu de bois…

Natsuki avait réussit à faire envisager à Leika d'essayer, ce qui était un très bon début. En général, c'était même le plus difficile.

« Ne t'inquiète pas Leika, je ne vais pas te laisser en roue libre. Et tu me connais maintenant, au moins assez pour savoir que j'ai toujours un plan de préparé en vue de ce que je veux faire. »

Natsuki se leva, et attrapa un coffret qu'il gardait dans l'un de ses tiroirs. Il n'était pas bien grand, juste assez pour ce qu'il contenait. Lorsqu'il l'ouvrit devant Leika, elle pu y voir sept jetons différents, reposant sur un fond rembourré par un tissu violet. Ils étaient tous similaires, à la différence du chiffre indiqué au centre, et de la couleur qui cerclait le rond central.

« Voilà à quoi ressembleront les jetons que je compte utiliser. Là, c'est juste du bois bas de gamme que j'ai travaillé et poncé, puis ajouté un peu de peinture pour le modèle. En résultat final, j'aimerai que chaque catégorie de jeton soit issue d'un bois différent. Au centre de tous, j'ai songé à du bois de châtaigner, ensuite, pour l'anneau extérieur cela dépendra de la valeur du jeton. De la plus faible à la plus élevée, j'ai opté pour de l'érable, du noyer, du cerisier, du noisetier, du sapin, de l'orme, et de l'acajou. Toi qui t'y connais plus en plante que moi, qu'en penses-tu ? »

Il avait beau avoir fait ses recherches sur la qualité des arbres, il n'en restait pas moins qu'un amateur niveau flore face à un(e) Hayashi.

« J'ai surtout choisi ces arbres car la couleur de leur bois est assez différente les unes des autres, ce qui me permettra de ne pas avoir à les peindre, juste à les vernir. Cela donnera un certain cachet au casino. Il faudra donc que tu me dises ce dont tu auras besoin, mais nous n'y sommes pas encore, rassure-toi. Pour commencer, nous allons déjà t'entrainer à donner une forme à un morceau de branche. Je ne vais pas te demander de travailler à partir d'une graine, car je sais que tu a encore du mal à manipuler une plante sans support. Toutefois, je suis sûr qu'avec ce que je prépare, d'ici six mois, tu auras accumulé assez d'expérience pour parvenir à faire pousser n'importe quelle plante ou arbre communs. »

Il n'entra pas encore dans les détails, comme les dimensions que devaient avoir les jetons, ou ce qu'ils devaient afficher sur leur surface. Mieux valait faire une étape après l'autre, et la première consistait à aider son étudiante à développer son affinité clanique. Pour la finalité, il verra avec elle progressivement.

« Commençons par descendre au dernier sous-sol, si tu veux bien. »

Natsuki l'accompagna jusqu'au deuxième sous-sol qui, à l'image de la pièce bureautique avant qu'il ne la rénove, se résumait à une immense salle unique, et presque vide. Le presque tenait à deux chaises, une table, et un gros pot de fleur dessus. Dedans se tenait avec ses racines enfoncées dans la terre une statue d'arbre en bois qui ne portait plus la moindre feuille sur ses branches, et dont le tronc ne dépassait pas le mètre de hauteur.

« Je me suis dit que ce serait pas mal de commencer avec cela. Installe-toi, et montre moi ce que tu sais faire avec un arbre pour t'échauffer. Ensuite, tu essaieras de donner des formes aux extrémités des branches. Pas forcément quelque chose de compliqué, juste quelque chose que je puisse voir comment tu te débrouilles. Genre un carré, une sphère, ce que tu veux. »

Il se retint de conclure avec '' surprend-moi '', car il savait que ce petit rien mettra une pression monstre sur les épaules de Leika. Mieux valait encore la laisser travailler son imagination pour le moment.

La difficulté se corsera déjà bien assez rapidement au fil des semaines.

Je ne m'attendais pas à la suite des évènements. Natsuki semblait en effet avoir anticipé mes craintes, notamment en s'efforçant d'avoir réfléchi à l'idée même de ces jetons, ainsi qu'à leur composition sur laquelle il me demanda d'ailleurs mon point de vue. J'écoutais, patiente et attentive ce qu'il avait choisi, mais si je devais être honnête avec lui :

"Je n'aurais pas pris le châtaignier moi pour la structure même des jetons. Je n'aime pas particulièrement ce bois. Beaucoup le disent durable et souple, mais je le trouve particulièrement capricieux et imprévisible… Je ne sais pas si tu es déjà allé te promener dans une forêt de châtaignier. C'est souvent les forêts ou les arbres sont les plus atteints par leur environnement. Ils se cassent facilement. Je ne sais pas qu'elle est la teneur de ton budget pour la création de tes jetons, mais je me serais plus orienté vers du chêne ou bien encore pourquoi pas du teck. C'est un bois assez solide, plutôt original et très malléable. Il a un grain très fin ce qui permet de le manipuler facilement et surtout de lui donner a peu prêt toutes les formes que l'on veut."

Hum voilà que je m'étais lancé dans un grand discours d'herboriste. Cela ne me ressemblait pas vraiment, mais bon, puisqu'il me demandait mon avis, autant être sincère sur la question. Le teck me semblait la meilleure option pour ce qu'il voulait faire.

"Je n'ai pas grand-chose à dire sur les autres bois, c'est plus en fonction de tes envies et de ce que tu veux faire, mais ça me semble plutôt pas mal, vue que ça sera surtout une décoration. Il faudrait être vigilant sur la qualité du vernissage des jetons, c'est ce qui assurera une grande partie de leur durabilité."

La suite de notre conversation, nous entraîna de façon plutôt inattendue vers les sous-sols de l'établissement. Tiens donc ? Cet endroit était une véritable caverne d'Ali-Baba. Je commençais à me demander pourquoi Natsuki n'avait pas envisagé dans faire un immense centre commercial. Il y avait de quoi faire pourtant ici. La suite me surprit encore d'avantage, car la pièce dans laquelle nous débarquions était… Lugubre et légèrement effrayante. Très peu de mobilier. Un espace vide. Je ravalais ma salive, puis obéissant, je m'installais sur une chaise face au Nara tatoué et à l'arbre décharné avant de poser mes deux mains sur ce dernier suite aux explications de mon professeur. J'avais bien compris ses attentes, mais je n'étais pas sûre d'y parvenir. Faire grandir un arbre ok, le faire fleurir également. J'étais plutôt doué pour l'art floral et j'étais en ce moment même en pleine création d'une composition végétale à son intention justement. Mais de là à créer un arbre à jeton ? Ce n'était peut-être pas gagné encore :

"Je vais essayer !"

Puis je fermais les yeux et je m'efforçais de ressentir cet arbre et son essence vitale. Ici pas de soleil, pas d'oiseaux, pas d'insectes. Cet arbre était triste…. Et en train de dépérir et… Au combien, je le comprenais. L'exercice n'en était que plus difficile pour moi dans un environnement non-propice. J'avais besoin d'air frais et du rayon du soleil moi aussi. J'étais comme une fleur, pour m'épanouir et grandir, j'avais besoin de plein d'éléments différents. Je me devais cependant d'essayer avant d'avoir des exigences supplémentaires et cela me demanda une quantité phénoménale de chakra. Du moins, suffisamment pour faire perler sur mon front de grosse goutte de sueur. À la surface du tronc cependant, je réussis à former une jolie tige de bois. Une branche à laquelle je fis prendre une forme elliptique, une de corde semblable à un tire bouchon. Je n'avais pas vraiment réagi à la forme que je voulais lui donner, je m'étais juste contentée de laisser aller mon imagination. Ça avait plutôt bien marché même si l'exercice était pénible. Je le fis remarquer à Natsuki :

"On pourrait aller dehors s'il te plaît … Je ne me sens pas à l'aise ici !"

Autant exprimer clairement ce que je ressentais.

L'effort sembla coûter à Leika, dont la concentration lui permit toutefois de manipuler en partie l'arbre en pot. Elle donna forme à quelques branches, comme le lui avait demandé Natsuki, mais assez rapidement elle manifesta des signes de difficulté, que son mentor savait reconnaître depuis le temps. Et alors qu'il s’apprêtait à lui demander ce qui pouvait bien angoisser la jeune fleur fragile, cette dernière lui fit part de son désir de s'exercer plutôt à l'extérieur. Visiblement, elle n'était pas adepte des immenses salles vides insonorisées où personne ne l'entendra hurler, ou des pièces closes. En un sens, Natsuki pouvait le comprendre, et c'était la raison pour laquelle il avait fait rénover son bureau du deuxième étage : une grande salle vide de tout, avec pour seul voisin son écho, cela mettait rarement en bonnes conditions mentales pour quoi que ce soit.

« Oui, si tu veux, je n'ai pas de problème avec cela. »

Tant qu'il ne sortait pas de la bulle intemporelle qui le préservait de l'hiver, c'était bon pour lui. Il scella donc dans la paume de sa main l'arbre avec son pot, puis se rendit dans l'arrière court du Septième Ciel avec son étudiante. Elle n'était pas immense, et l'essentiel était bétonné pour servir de terrasse l'été, mais elle comptait une vingtaine de mètres² d'herbes. C'était toujours bien l'herbe dans un coin de la vue lorsque l'on mangeait dehors. En quelques mouvements, Natsuki eu tôt fait de former un trou dans la terre, d'y libérer l'arbre, et d'en recouvrir les racines.

« Voilà jeune fille. » annonça-t-il en frappant ses mains propres l'une contre l'autre. « Il devrait avoir meilleur mine à l'air libre, surtout si tu l'y aides. Essaie donc de stimuler son essence de vie, et de le faire fleurir. Tu peux même faire repousser ses feuilles si tu y arrives. »

Cette étape, Natsuki l'estimait durer trois à quatre semaines si Leika venait s'entrainer assez souvent. Et pendant qu'elle s'exerçait, lui se tira une chaise de la terrasse afin de s'installer et commencer à remplir son bon de commande.

« Leika, j'ai prit bonne note de ta remarque sur le bois à utiliser pour le cœur des jetons, et je fais ma commande pour le printemps là, voire pour l'été. Tu as une préférence pour travailler avec des arbres coupés ou enracinés ? »

Natsuki avait gardé contact la scierie de Kareki dans laquelle il avait recruté Ron, son ancien videur et nouveau technicien du Péché Nocturne. Située au Pays du Bois, la qualité de toutes les commandes effectuées là-bas était assurée, mais victime de sa célébrité, les délais de livraison étaient plutôt longs. Alors certes, certains diraient que Natsuki pouvait directement s'adresser aux clan Hayashi pour se fournir en arbres à moindre frais, mais cela ne se faisait pas d'abuser des dons claniques d'autrui, surtout dans un but aussi superficiel.

Natsuki répondit de façon positive à ma requête et une fois l'air libre retrouvé, je me sentis beaucoup mieux. Ce fut comme si je pouvais à nouveau respirer. L'arbre avait été habillement déplacé par Natsuki et alors qu'il creusait un trou en terre pour le remettre au sol, je m'accroupissais au pied de ce dernier et j'aidais à ma façon à le remettre en terre. Je repoussais les amas sur les racines et posais mes mains sur l'arbre avant de pousser un soupir de soulagement. Il respirait à nouveau. Enfin.

"C'est mieux ! Merci beaucoup !"

J'avais tourné vers lui un regard plein de gratitude. Je ne savais pas pourquoi je ressentais cela envers la nature. Étais-ce propre de charge Hayashi ? Voilà une question qui nécessitait des réponses et je ne savais pas vraiment à qui les poser. Mon père aurait été une solution évidente, mais je me sentais un peu gênée compte tenue de nos récentes mésaventures de parler de ça avec lui. Peut-être devrais en parler à une toute autre personne ? Une réflexion sur laquelle je choisissais de me pencher ardemment une fois que je serais rentée chez moi. Pour le moment, j'avais juste besoin de rendre à cet arbre malheureux toute sa beauté passée.

Je posais doucement mes mains sur le tronc et je recommençais la même opération que précédemment, mais ça me semblait beaucoup plus facile celle fois-ci et ce n'est pas comme si je n'étais jamais parvenue à faire fleurir un arbre, c'était même plutôt, quelque chose que je faisais régulièrement, mais avec des plantes beaucoup plus petites et aussi, sans la pression d'une personne m'observant :

"Bon … Allons-y donc !"

Les branches recommencèrent à pousser. Non, pas une, mais deux, puis trois. Je les faisais aller cette fois-ci beaucoup plus facilement que précédemment. Il était vrai que dès que l'environnement et mon état d'esprit se détendaient, j'y arrivais beaucoup mieux.
Bientôt l'arbre fut couvert de jolies feuilles d'un vert soutenu alors que je me retournais, toute flageolante suite à mon effort, mais avec un grand sourire sur le visage vers Natsuki qui lui, avait continué comme ci de rien n'était, son bon de commande. Je me laissais choir au sol :

"Des arbres enracinés si possible ! Ça me dérangerait vraiment s'ils coupaient beaucoup d'arbres pour ça !"

Je mis alors quelques secondes pour me remettre sur pied et je me traînais jusqu'à lui, m'installant sur une autre chaise longue, épuisée :

"Je … J'arrive à ressentir ce que ressent cet arbre… C'est étrange… Tu penses que c'est normal ?"

Natsuki leva les yeux de sa feuille en entendant Leika lui dire qu'elle préférait les arbres enracinés – même si c'était surtout la suite qui l'avait interpelé -, et l'observa par dessus ses lunettes. Enfin, s'il avait eu des lunettes, et si Leika était encore debout sur ses pieds plutôt qu'étalée au sol. Il baissa donc le regard sur elle.

« Du coup, tu vis mal la quantité de choux et de carottes que je fais couper pour que l'étage du restaurant puisse fonctionner, ou c'est juste avec les arbres que ton clan et toi même vous sentez très proches ? »

Avec Natsuki, ce n'était jamais évident de savoir s'il était sérieux, ou s'il se lançait dans un trait d'humour. Le meilleur indicateur restait toutefois le temps : s'il éclatait de rire après cinq secondes, c'était une plaisanterie.

« Tiens, bois cela, cela va te faire du bien. » lui dit-il lorsqu'elle s'installa à côté de lui.

Dans sa main apparut soudainement, dans un * pouf * significatif d'un sceau activé, une thermos de petit gabarit qu'il tendit à son étudiante.

« Je ne sais pas du tout Leika. » poursuivit-il pour répondre à la question qui venait ensuite. « Le lien que j'ai avec la nature est assez ténu. Pour ainsi dire, la seule chose que je ressens d'elle, c'est quand elle s'éteint en hiver, avec toutes les conséquences que cela entraine... »

Soit un sujet qu'il ne voulait pas évoquer.

« Mais j'ai connu un homme. Enfin, je ne suis pas sûr que c'était un homme. Il était violet, avait une barbe qui lui chatouillait les genoux, et se promenait tout le temps avec un ours malpolie qui savait parler. Un individu donc, qui prétendait être né de la Terre, présentée comme une entité vivante et pensante. »

Et qui avait, soupçonnait Natsuki, la même origine que lui-même. De quoi lui donner froid dans le dos.

« Il était très proche de la nature, et semblait capable de ressentir bien des choses à travers le sol, la faune, la flore, et que sais-je encore. Je ne l'aimais pas beaucoup, et c'était un très mauvais coéquipier, donc je t'avouerai que je n'ai pas beaucoup prêté attention à tout ce qu'il pouvait dire. Bref, tout cela pour te dire que au final : pourquoi pas ? Si tu voulais en savoir plus sur tes perceptions qui te perturbent, je t'aurai bien redirigé vers lui, mais en fait non, je ne vais pas le faire, et ce pour plusieurs raisons. La première est que ce type n'est en définitif qu'un vieux tocard défoncé à l'herbe. Une mauvaise fréquentation donc. En second, il y a le fait qu'il est mort. Nous n'avons jamais retrouvé le corps, mais après ce qu'il m'a fait, il a intérêt à l'être, sinon c'est moi qui me chargera personnellement de donner un coup de pouce au destin. »

Sans la moindre description ni même le moindre geste, le simple ton que Natsuki employa suffisait à lui seul à imposer à l'esprit l'image de comment il comptait accomplir son œuvre.

« Je te dirais bien d'en parler à quelqu'un de ton clan, mais je sais que c'est un peu compliqué de ce côté là. Sache en tout cas que moi j'y crois. Il y avait eu un arbre assez similaire au Pays du Bois, si je me souviens bien. »

Natsuki n'était même pas en mesure de dire pourquoi il n'était pas sur cet event d'ailleurs, lui qui participait en général à tout.

« Il communiquait avec autrui à sa manière. »

Il avait mangé des shinobi aussi. Au moins un en tout cas.

« Mais bon, nous nous dispersons là, ce n'est pas le sujet du jour. Alors, deux constats pour commencer. » annonça-t-il. « Le premier c'est que c'est un plutôt bon résultat ce que tu m'as produit là. Pour quelqu'un qui a dû apprendre son héritage clanique en autodidacte, ce n'est pas mal du tout. Le second, c'est que tu tiens à peine debout après avoir fait fleurir l'arbre. Je sens donc que cette étape va être un excellent exercice pour toi. Vois-tu, les aptitudes ne s'améliorent pas en les pratiquants régulièrement. Cela, cela les entretient juste. Pour progresser, c'est en grappillant correctement les centimètres au-dessus de ses limites que l'on y parvient. De fait, continuer de t'exercer avec cet arbre va être extrêmement productif pour toi. Qui sait, tu finiras peut-être même par te lier d'amitié avec lui. »

Natsuki lui fit un clin d’œil.

« Il va rester quelques semaines avec nous ici. Ensuite, il aura gagné sa retraite dans une vaste forêt avec ses confrères, où il pourra étendre ses racines et fonder une famille. »

Comme le disait Maxime le Forestier.

« Tu arriverais à donner des fruits avec l'arbre ? » demanda-t-il plus sur le ton de la curiosité que de la demande d'exécution.

Le trait humoristique de ses paroles me fit afficher un sourire joyeux :

"Non … Ce n'est pas ça ! Arrête de te moquer de moi !!!"

Il me taquinait, mais, c'était assez nouveau pour moi de ressentir tout ça :

"Je n'ai pas été assez proche des autres membres de mon clan pour savoir si ressentir cela est normal…"

Je soufflais un peu, puis, je saisis la boisson qu'il me tendait, la buvant doucement tout en l'écoutant. Lui non plus il ne savait pas d’où me venait ce don, n'y même si c'était normal, ou encore lié à mon clan. Le flot de ses paroles le conduisit à me raconter une petite histoire qui éveilla mon attention ainsi que ma curiosité. Je l'écoutais en silence tout en reposant le verre qu'il m'avait donné sur le sol pour pouvoir poser mes coudes sur mes genoux afin de laisser ma tête reposer dans mes mains. Je ne pus empêcher ma curiosité de s'exprimer à la fin de son discours :

"Qu'est-ce qu'il t'a fait ?"

Mais le conseil suivant était d'aller parler à un des membres de mon clan de cela. C'était une idée en effet, mais il allait falloir que je me prépare un moment avant d'accepter de le faire, ou plutôt, d'attendre que le même soit venu. Il me parla ensuite du pays du bois :

"Vous parlez de l'arbre maison ?"

Cet arbre était assez connu. Enfin du moins, par les Hayashi. Il était immense et je rêvais un jour de pouvoir l'admirer, mais il avait semble-t-il subit beaucoup de dégâts lors des dernières années. Je n'avais pas eu d'autres infos. Avait-il survécu aux tremblements de terre ? Avait-on réussi à le redresser ? Le réparer ? Le soigner ? Un grand mystère planait tout autour de cela.

Mais Natsuki reprit en me parlant de l'exercice tout en se moquant une nouvelle fois gentiment de moi. Je fis la grimace avant de lui sourire :

"Au moins, je peux essayer de faire quelque chose !"

Si on n'essaye pas, on ne peut pas savoir. Je repris mon verre afin de le vider, avant de me rapprocher une nouvelle fois de l'arbre que Natsuki avait décidé de planter au sein même de ce petit patio. Je procédais de la même façon que lorsque j'avais voulu le faire fleurir en le couvrant de feuilles. Je me concentrais pour l'instant sur la création d'un unique fruit. Cela serait déjà suffisant et ça allait sans doute me demander pas mal d'efforts. Je fermais les yeux pour me concentrer, puis, je me laisser aller comme je le faisais habituellement, me concentrant sur le système veineux de ce dernier, je le forçais avec mon chakra à envoyer un maximum de sève dans l'une des branches où je voulais qu'un fruit se forme. Cela me prit bien une dizaine de minutes et le résultat ne fut pas aussi concluant que nous l'espérions, mais j'avais réussi à former une jolie fleur de poirier, preuve qu'un fruit pouvait naître de cet arbre :

"Je … Je ne pense pas que j'arriverais à faire plus aujourd'hui !" Déclarais-je pantelante.

Natsuki fit une grimace en se souvenant du schtroumpf barbu, et de ce qu'il avait fait.

« J'étais en mission avec lui, à l'époque. Miko venait tout juste de revenir de sa mission d'infiltration du Shoraizen, et il était question avec une petite troupe d'empêcher Kumo d'écraser tous les déserteurs de l'organisation – encore un excès de clémence de Konoha, tu me diras, surtout sous l'air d'Onpu. Pour ma part, j'avais été détaché avec ce brave consommateur d'herbe et son ours savant malpolie pour démanteler un avant-poste du Shoraizen. A trois – deux et demi disons – contre tout un bâtiment hostile... Le but n'étais pas de faire un carnage – plutôt de les inciter à se rendre - , mais entre nous, je ne partais pas là-bas dans l'idée que je serai très bien accueillit, ni que mes chances de ressortir autrement que les pieds devant étaient très élevées. »

Personne ne lui avait interdit de fuir devant une situation catastrophique qui le dépassait, cela dit, mais il avait préféré faire fuir lui l'essentiel de la résistance de l'avant-poste. L'essentiel...

« Mon... '' équipier '', sa bête de foire et moi-même nous sommes donc rendu sur place. Et après m'avoir laissé prendre la tête du groupe, il a décidé de faire machine arrière sans prévenir dès la porte d'entrée franchit. Je me suis donc retrouvé tout seul face à l'ennemi. »

Il laissa flotter deux secondes de silence.

« Je te laisse imaginer à quel point la situation était embarrassante pour moi. »

Il n'y avait pas besoin d'en dire beaucoup plus. Il n'en raconta pas plus d'ailleurs. Natsuki n'était pas rancunier de nature, mais il y avait des choses qu'il n'acceptait pas . Le reste se passa avec l'essaie de Leika de faire pousser des fruits sur l'arbre. Ce n'était pas une demande de la part de Natsuki, mais elle démontra que le meilleur moyen d'avoir des réponses sûres était encore d'essayer. Un résultat mitigé, mais qui avait ses raisons.

« Tu en as déjà beaucoup fait aujourd'hui, merci Leika. Nous reprendrons l'exercice un autre jour. Le mieux serait de s'y consacrer le plus régulièrement possible, mais tu as aussi un emploi du temps et une vie. Toutefois, pour être efficace, j'aimerai que tu viennes t'exercer trois fois par semaine. Ce n'est pas forcément nécessaire que je sois présent, l'essentiel est que tu puisses t'exercer avec ta maîtrise des plantes, ce qui va à la fois l'affiner, et faire travailler ta gestion du chakra. Car je pense que si tu t'épuises si rapidement, ce n'est pas seulement due à tes réserves : il doit y avoir encore beaucoup de déchets au niveau de la préparation. Cet entrainement va te permettre d'agir sur les deux. Je compte sur toi donc ? »

Ils se levèrent, mais avant de se séparer, Natsuki annonça une dernière chose à Leika.

« Leika, cela va de soi, mais lorsque je lierai tes exercices à la partie '' jetons '' de mon établissement, tu seras payée pour le travail que tu accompliras. Ne va pas croire que je compte t'exploiter. »

Il lui adressa un clin d'oeil, puis ils se séparèrent pour de bon.

Un mois passa ainsi, à multiplier les entrainements et les manipulations sur cet arbre que Natsuki avait fini par appeler affectueusement Marlboro. Il essayait d'être le plus possible avec Leika lors de ses exercices, mais régulièrement, il voyait que entre deux passages, l'arbre avait grandit, que ses branches avaient bougé, que des fruits y avaient poussé. Les progrès de Leika, sans être magistraux, étaient nets : l'on pouvait déjà sentir une différence entre avant et après. Mais peut-être était-il bon qu'elle le remarque elle aussi.

« Alors Leika, comment te sens-tu aujourd'hui ? » demanda Natsuki en arrivant dans son dos alors qu'elle s'entrainait sur l'arbre. « Je vois que tu es assidue. Si tu me montrais un peu ce que tu arrives à faire maintenant ? Ajoutes cinq mètres de hauteur à la cime, fais-y pousser un fruit, et commande une branche pour me soulever depuis le sol jusqu'au sommet pour que je puisse le cueillir. Toutes les autres branches doivent s'écarter du chemin pendant que je monte. »

Il avait dans l'idée de rajouter encore un peu de difficulté pour lui montrer combien elle était capable, mais mieux valait ne pas lui mettre trop de pression d'un coup. D'abord, il fallait qu'elle valide ses acquis à ses propres yeux.

J'étais en train de méditer sous l'arbre qui avait décidément bien changé depuis la dernière fois où j'avais écrit pour compter mes essais aux côtés de Natsuki.

Les yeux fermés, les mains posées sur l'écorce de l'arbre, j'étais comme en communication avec ce dernier. Il avait vraiment beaucoup changé, il n'y avait pas à dire. Plus grand, plus majestueux surtout, il était couvert d'un épais feuillage qui caché bien malgré lui, le soleil qui essayait de se forger une place au travers de cette masse imposante de feuilles.

J'avais beaucoup progressé, mais comme le pensais mon sensei, je n'en avais pas vraiment confiance. Le travail acharné dont j'avais fait preuve porté à présent ses fruits. Je n'étais pas un prodige, certes, mais compte tenu de mon point de départ et au vu de mes progrès, je pense pouvoir dire sans honte, que c'était une belle réussite.
Je soupirais doucement lorsque l'arrivée inattendue de Natsuki me fit sursauter :

"Oh pardon !" Déclarais-je instantanément pour m'excuser de ma réaction.

Je restais malgré tout assise, proche de l'arbre tout en l'écoutant parlé :

"Ça va ! L'exercice porte ses fruits, je sens que c'est quelque chose de beaucoup plus inné chez moi désormais, même si j'ai encore quelques difficultés !"

Je soupirais doucement, puis écoutant ses instructions, je sentis, comme d'habitude, cette petite tension au creux de mon estomac lorsqu'il me demanda d'accomplir un exercice. J'avais peur de ne pas réussir, comme d'habitude. Je ne comprenais pas pourquoi j'avais autant peu confiance en mes capacités. Je devais absolument réussir à vaincre cette hantise. J'approuvais d'un vif hochement de tête :

"D'accord !"

Sans attendre plus longtemps, je rassemblais mon énergie et je composais une série de dix mudras que mon père m'avait enseigné avant d'apposer mes mains sur l'arbre en lui-même tout en me murmurant intérieurement les noms des techniques que j'employais. Cela m'aidait à me concentrer et à ne pas perdre de vue mon objectif. L'arbre dépassa au bout de cinq minutes les hauteurs de la pagode de Natsuki. Cinq mètres de plus, comme Natsuki l'avait demandé, puis, je relâchais mon attention quelques secondes, pour composé une nouvelle série de signes incantatoires, plus court cette fois-ci pour invoquer une fleur qui suivit de son éclosion, se transforma petit à petit à une poire bien jaune. Tout cela avait été fait doucement, je n'étais pas encore très véloce dans l'utilisation de mon pouvoir, mais comment dit-on déjà ? Lentement, mais surement ?
L'une des branches de l'arbre se déroula lentement jusqu'à atteindre Natsuki avant de s'épaissir en son bout pour former une petite plateforme afin qu'il grimpe dessus.

Cet exercice était celui qui me demanda le plus de rigueur et de persévérance, mais quelques minutes plus tard, Natsuki se frayait bel et bien un chemin dans l'arbre, les autres branches s'écartant pour lui laisser le passage vers le fruit tant convoité.

Bientôt, il put cueillir et déguster la poire que je venais de créer alors que je pouvais, pour ma part, enfin relâcher mes efforts. Je m'étirais après ça. Quelques gouttes de sueur perlaient sur la tempe et je les essuyais d'un revers de la main avant d'observer le Nara toujours en hauteur :

"Elle est bonne ? Désolée, je ne suis pas encore très rapide pour exécuter ce genre de technique !"

Tel Moïse guidé par la volonté du Seigneur au travers de la mer qui s'écarta pour laisser passer son peuple, Natsuki siégea sur sa plate forme de bois et se laissa porter jusqu'au sommet alors que se retireraient de sa route branches feuillus et tiges pointues. Le sommet se rapprocha alors que la hauteur au sol elle ne cessait de croitre. Arrivé à la poire de ses convoitises, mieux valait ne pas avoir la vertige. La peur du vide venait toutefois avec celle de s'écraser, et de ressembler à un petit cratère de chair éclatée et sanguinolente sur le bitume, ce qui ne constituait pas l'essentiel des soucis de Natsuki.

En lieu et place, il admira la vue que lui offrait la cime. Konoha était un beau Village, il ne se lassait jamais d'en observer la vie qui y grouillait depuis une hauteur quelconque. Mais puisque l'on parlait de hauteur, l'arbre commençait à en une avoir une imposante, au point de faire plus d'ombre aux alentours que ce que l'on apprécie d'avoir.

Croquant à nouveau dans sa poire, il songea à passer à la suite avec Leika maintenant. Des exercices qui nécessitaient plus de concentration et de doigté, mais moins d'énergie à proprement parler. Il se laissa donc tomber de sa branche, et chuta droit comme un piquet le long du trajet précédemment crée, pour finalement ralentir dans les derniers mètres, comme si la gravité avait décidé d'exercer un peu moins d'emprise sur lui. Le vent souffla quelque peu au sol durant un instant, assez pour souffler la poussière et les jupes, puis se calma.

« Elle est plutôt bonne oui. Elle a un petit arrière-goût de chakra qui me rappelle pourquoi je préfère les plantations naturelles, mais disons que si j'ai faim je ne ferai pas le difficile dessus. »

Il lâcha le trognon sur la petite pelouse, et aussitôt, des mâchoires de terre se refermèrent dessus tel un piège à loup avant de l'attirer dans le sol, et s’aplanir à nouveau.

« Pour le moment, nous n'y sommes pas encore à la vitesse d'exécution. Marlboro est devenu un arbre immense, c'est tout à fait normal qu'il te demande beaucoup de temps et d'énergie pour l'influencer. Et malgré cela, tu as réussi à la perfection à me mener là-haut sans que je me fasse fouetter par des branches, et sans que je chute pendant la longue ascension. Et qui plus est, tu as beau être en sueur par l'effort, tu peux voir comme moi que tu n'es pas au bout de ta vie, en train d'agoniser au sol comme la première fois. Il y a du progrès non négligeable, ton mentor est très satisfait. » appuya-t-il avec un sourire en lui tapotant l'épaule.

Il l'invita à s’assoir à l'une des tables.

« Quand tu auras le temps dans la semaine, il faudrait revoir la taille de Marlboro à la baisse, il est devenu beaucoup trop grand, je vais finir par avoir des plaintes du voisinage. Mais bon, ce n'est pas urgent urgent. Bien, pour la suite des exercices Leika, nous allons changer de registre. Jusque là, je t'ai fait travailler sur une surface immense et grossière pour développer ta maîtrise large et tes réserves de chakra. Maintenant, nous allons passer à ta dextérité fine, et à l'usage de la juste quantité d'énergie à déployer pour une action donnée. »

Et pour illustrer son propos, Natsuki tira de son sac en bandoulière une plaque en bois qui n'avait physiquement pas la place de s'y trouver. Elle portait de nombreux trous à l'intérieur, chacun de différentes formes et tailles. Il y avait des étoiles, des ronds, des carrés, des mains, des kunaï, des fourchettes et même une forme tarabiscotée qui évoquait un fuinjutsu dessiné par un enfant de trois ans.

« Prochaine étape donc, j'aimerai que tu prélèves des morceaux de Marlboro, et que tu leur donne la forme adaptée pour qu'ils puissent entrer dans les trous correspondant. La méthode pour y parvenir t'appartient. »

Et les moyens étaient nombreux, ce qui montrait combien l'exercice était complet en terme de formation.

« C'est un exercice qui va te demander globalement moins d'énergie que pour animer un arbre entier, mais il va te forcer à doser ton chakra avec beaucoup plus d'exactitude, puisque compte tenu de la taille du support, tu ne pourras pas te contenter de décharger une grande quantité de chakra dedans. Pour imager, c'est un peu comme verser un seau d'eau dans une baignoire, et dans un verre sans en mettre à côté. »

Cela demandait le même geste, mais pas la même manière de le faire.

« Nous nous laissons déjà une première semaine pour voir ce que tu arrives à faire ? » proposa-t-il.

Les mains posaient sur les hanches, j'observais la réaction de mon sensei pendant qu'il dégustait le fruit que j'avais confectionné. Les remarques ne tardèrent pas à tomber, pas mauvaise, pas excellente non plus. J'approuvé d'un hochement de tête positif à ses remarques :

"Très bien ! Je prends note et j'essayerai de travailler un peu la dessus !"

Il était dur de juger son propre travail et avoir cet avis extérieur m'aider beaucoup. La suite fut beaucoup plus concluante et surtout satisfaisante pour moi. Je souriais avec délice à tout cela, vraiment fière de moi avant d'approuver une nouvelle fois en le remerciant :

"Merci, c'est gentil !"

Je l'avais suivi au travers du petit jardin désormais entièrement ombragé à cause de la grandeur de notre poirier. Natsuki me parla d'ailleurs du petit problème que cela engrangeait et je ne pouvais que comprendre sa demande lorsque la taille de Marlboro fut évoquée.

"Oui, je ferais en sorte de lui redonner une taille ordinaire comme ça, il ne gênera plus personne !"

Et puis, nous étions au printemps aussi désormais, je ferais en sorte qu'il soit beau et couvert de feuilles et surtout, de nombreuses fleurs.

La suite fut-elle beaucoup plus intéressante. Un nouvel exercice se profilait à l'horizon. Là encore, un travail qui allait me demander du temps et de la patience. J'examinais le moule qu'il venait de me remettre et surtout les formes qui le composaient avant d'écouter ses demandes et ses conseils. J'avais donc une semaine pour essayer de faire tout ça. Ça ne serait pas forcément de tout repos, mais je pourrais bien m'y atteler deux ou trois heures dans la journée.

J'approuvais et une demi-heure plus tard, je quittais le septième ciel avec le morceau de bois de Natsuki sous le bras.

Une semaine s'écoula avant que je ne revienne pour faire le point avec Natsuki sur cet exercice. Marlboro avait bien rétréci depuis lors, retrouvant ainsi une taille ordinaire. Cela ne m'avait pas pris plus de l'après-midi pour effectuer cette petite manœuvre et désormais, il trônait fièrement au milieu du patio couvert d'une grande quantité de fleurs.
Je revenais ce jour-là avec la plaque de bois de Natsuki ainsi qu'un petit sac de toile que je versais sur la table au milieu du jardin.

Marlboro portait désormais sur ces branches de nombreux bandages blancs là ou j'avais prélevé des morceaux de bois. Une façon pour moi de le soigner et de le préserver de maladie qui pourrait en profiter pour s'incruster.
Natsuki arriva enfin et je lui souris pour l'accueillir :

"Je crois que tu vas être fier de moi."

J'avais en effet réalisé chacune des formes qu'il m'avait demandé de réaliser, et même assez facilement pour dire la vérité. La solution m'avait paru évidente. Le bois était désormais comme de la pâte à modeler pour moi et pour leur faire prendre ces formes, j'avais justement fait en sorte que le bois croisse en remplissant chaque partie des formes. C'était plutôt amusant à faire et comme me l'avait précisé Natsuki, ça ne me demandait pas des quantités énormes de chakra, mais beaucoup plus de dextérité.

J'avais bien aimé cet exercice. Je tendis alors une petite boite à Natsuki :

"J'étais inspiré alors j'ai essayé de faire une première ébauche avec le bois de Marlboro ! Ce n'est qu'un essai bien sûr !"

J'ai réussi à reproduire l'un des jetons qu'il m'avait montré au tout début. Dans un bois unique, certes, mais j'avais réussi à former un cercle dans lequel j'avais emboité un petit jeton avant de les souder ensemble avec de la sève :

"Qu'est-ce que tu en penses ?"

Et c'est ainsi que la semaine passa, cette fois-ci sans l'intervention de Natsuki qui avait reprit son rythme quotidien : Leika n'avait pas besoin de lui pour cette phase là. Ils se retrouvèrent donc tous deux le jour convenu, sur la terrasse inoccupée du Septième Ciel qui était devenu leur lieu de rencontre privilégié.

« Je vois que tu as trouvé une méthode efficace pour parvenir à ce que je t'ai demandé de réussir. » commenta Natsuki en observant les moules et les pièces qui pouvaient s'insérer dedans.

Elles étaient suffisamment petites pour passer dans la forme correspondante, et suffisamment larges pour y rester une fois mise en place. Il hocha la tête, puis posa le tout de côté alors que Leika lui annonçait une surprise.

« Tiens donc, tu as prit les devants je vois. Excellente initiative, jeune fille. » la félicitation Natsuki avec un sourire complice.

Il prit le jeton dans sa main, et le retourna entre ses doigts à plusieurs reprises pour l'observer plus en détail. Il en testa aussi la solidité en appuyant sur les bords et le centre tandis que son étudiante lui expliquait comment elle s'y était prit.

« Il m'a l'air très bon sur le fond. Solide, compact, lisse, et parfaitement circulaire, mais je crois qu'il est un peu trop gros dans la forme. »

Natsuki prit sa boite à jetons qu'il posa et ouvrit sur la table. Il compara alors la création de Leika avec ceux qu'il avait déjà à disposition.

« En effet, un peu trop gros. Mais en même temps, vu que tu n'avais aucune modèle, j'aurai été très surpris que tu parviennes à le reproduire dans les dimensions. Cela mis à part, ton jeton est parfait en lui-même. Bravo à toi Leika. Toi qui paniquait encore au début du mois dernier et avait du mal à former un simple tire-bouchon à partir d'une branche, ta dextérité fine s'est déjà nettement améliorée : tu peux voir par toi-même le fruit de tes efforts. En continuant ainsi, c'est petit à petit ta vitesse d'exécution qui va se développer. Attention à toi toutefois de ne pas te décourager si tu n'avances plus aussi vite dans l'avenir que maintenant, car la progression est sembla à un chemin de montagne : au pied, c'est relativement plat et simple, mais plus tu montes, et plus la montée est raide. »

Le jeton de Leika entre ses doigts, Natsuki commença à jouer avec en le faisant passer de l'un à l'autre sans l'aide de son pouce.

« Bien, puisque tu t'es déjà avancée dans ce que j'allais te demander, nous voici à une bifurcation dans ton apprentissage. Tu vas emprunter les deux chemins, cela va de soi, mais c'est toi qui va choisir lequel des deux en premier. »

Natsuki posa sur la table d'un côté et de l'autre deux pages d'un carnet.

« D'un côté, tu vas affiner encore plus ta dextérité avec la manipulation du bois. Cela te permettra à terme de savoir créer des projectiles avec des pointes, des armures avec une grande finesse au niveau des articulation pour ne pas te gêner dans tes mouvements, et toutes autres sortent de techniques où ce sont les détails qui font la différence. Cet exercice prendra la forme de '' gravures '' : tu t'entraineras à faire apparaître sur du bois des écritures en relief, avec en objectif final d'être capable de reproduire sur des jetons de bois les écritures et formes que tu vois sur mes ébauches. »

Et de l'autre...

« Le second exercice, si tu préfères commencer par celui-ci, se concentre davantage sur la création et le modelage. Il s'agit de créer les deux parties qui composent les jetons, sachant que chacune des deux doit respecter des dimensions bien particulières, et ne peuvent pas se permettre de déborder ou d'être trop petites. Qui plus est, le rond central tout comme le cercle qui l'entoure, toutes doivent être exactement similaire à leurs homologues. Vu que c'est plus simple pour toi de le faire avec un moule, je te ferai parvenir le nécessaire. »

Les dimensions étaient en tout cas sur son carnet.

« Après, le moule est une aide dans un travail de précision absolue. Il est clair que dans la réalité, que ton shuriken d'écorce ou que ta boule de feu face dix ou onze centimètres de diamètre n'a pas d'importance. »

Natsuki afficha un sourire hésitant, puis après quelques secondes de réflexion, se lança.

« J'ai peur qu'en disant cela je vais te faire peur et ébranler toute ta confiance, alors je vais d'abord te rappeler que ce sont que des exercices, okay ? Il n'y a pas de conséquence à ne pas y arriver tout de suite, ce n'est qu'un entrainement. Bon. Ceci est un secret de fabrication, alors garde le pour toi, mais chaque jeton contiendra un petit morceau de papier marqué d'un sceau. Ce seront des balises imprégnées de mon chakra, qui assureront une certaine sécurité pour éviter les contrefaçons. Nous n'y sommes pas encore, sauf si tu veux déjà commencer avec cela tout de suite, mais il faudra à terme que dans chaque rond central que tu créeras, un de mes sceaux y soit intégré à l'intérieur. »

Natsuki s'accouda à chaise.

« Alors, qu'est-ce qui t'inspire le plus pour commencer ? »

Un frisson de plaisir traversa mon échine devant les compliments de Natsuki, même si j'avais commis quelque erreur sur le jeton que je lui avais confectionné. Ce dernier était, en effet, un peu trop gros, mais s'était sans importance, car j'avais réalisé ce dernier de mémoire.

Cet exercice m'avait particulièrement plu, car je sentais que j'y arrivais et avec facilité en plus. Sans doute, cela était-il dû au fait que j'avais gagné en maîtrise de mon pouvoir spécial ? Ou bien peut être que je prenais simplement confiance en moi ou mes capacités ? Cela restera un mystère pour nous tous alors recentrons-nous sur le présent, car nous n'avions pas fini notre petit bout de chemin et la route semblait encore longue.
Comme me l'expliquait le gérant du Septième Ciel, j'allais à présent emprunter une bifurcation dans mon apprentissage et devoir faire des choix. Le premier se portait sur un choix entre deux routes. Je devrais emprunter les deux au bout du compte, mais comme il fallait bien commencer quelque part, je devais choisir celle que je préférais dès maintenant et le choix me sembla immédiatement compliqué, car effectivement, les deux propositions de Natsuki étaient intéressantes.

Je pris quelques minutes de réflexions pour finalement choisir :

"Je vais prendre la seconde proposition ! C'est celle qui me semble la plus difficile à réaliser et donc qui m'apportera selon moi, le plus de choses."

Un moule donc, c'est là que tout allait commencer et c'est aussi là que j'allais me perfectionner :

"Rassure-toi ! Je sais que ça ne sera pas forcément facile, mais je me sens bien là ! Si je n'y arrive pas, je vous en parlerai ! Par contre, j'aimerais bien avoir quelques sceaux pour m'entraîner également à les placers au centre des jetons, ça sera plus facile pour moi si je pars directement avec cette entité à prendre en compte, plutôt que de l'intégrer après !"

J'aimais bien avoir tous les éléments du puzzle avant de le commencer quelque chose. Aussi, après avoir donné ma réponse à Natsuki, une nouvelle fois, nous nous séparions.

Je passais un bon mois à réaliser sa demande. Sous l'œil parfois curieux et interloqué de Ryo qui me voyait passer des soirées à débiter des jetons de Casino à la pelle, les formants un à un dans le moule que Natsuki m'avait fait parvenir.

Je retournais ainsi sur notre lieu de prédilection pour cette petite expérience. Pour faciliter les choses pour la suite du Rp et surtout, pour éviter que cela ne tourne trop en rond, nous dirons que j'avais eu la bonne idée de réaliser les deux étapes précédemment données et que par chance, nous touchions enfin au but.
Je délivrais à Natsuki le résultat de mes travaux :

"Voilà ! J'ai vraiment fait au mieux et j'ai retravaillé ce qui avait des défauts. C'est ça qui est bien en étant Hayashi, c'est que même quand il y a des loupés, je peux remodeler le tout pour l'arranger et qu'il n'y ai plus de défauts. Tu en penses quoi ?"

« Et là je lui ai dit '' Ce n'est pas avec un poignard de quinze centimètres que tu vas mieux réussir à me faire parler. '' »

S'en suivit l'hilarité générale.

Cela faisait maintenant deux mois que Natsuki et Leika se retrouvaient ou sur la terrasse du Septième Ciel, ou dans son bureau au deuxième étage, deux fois par semaine afin de passer quelques heures sur la confection des futurs jetons du casino. Que ce soit dans la forme ou le détail, son étudiante parvenait à les réaliser presque automatiquement au point qu'en fin de journée, lorsque Natsuki procédait à la vérification, il était très rare qu'il y ai plus d'une dizaine de jetons non conforme. C'est ainsi qu'ils se retrouvaient, comme aujourd'hui, à discuter tout en avançant dans leur objectif. Ils en étaient au bois de teck et sapin.

« Je pense que j'avais un peu vexé mon tortionnaire en disant cela. Non pas car il est devenu rouge et tremblant, ou qu'il a insulté ma famille et mon ascendance douteuse sur plusieurs générations, mais parce qu'il m'a poignardé à cinquante huit reprises en le faisant. Je pense que quelqu'un d'autre que moi serait mort vers le douzième. »

Comme souvent, alors que Natsuki piochait dans une bassine des petits carrés de papier blanc sur lesquels il apposait son sceau de balise avant de les mettre sur le plateau que Leika utilisait pour les incorporer dans le support en teck puis de le cercler avec le bois correspondant, il lui racontait quelques missions qu'il avait vécu dans le passé et sur lesquelles il n'était pas tenu par le secret professionnel. Des récits qui, pour répondre à la demande de la jeune femme, lui permettait de mieux se préparer pour ses propres assignations. En effet, Natsuki ne pouvait pas répondre vraiment à sa question : '' que dois-je faire dans X situation ? Et si... et si... ? '', tout simplement parce que chaque situation était unique en elle-même. Souvent elles se ressemblaient, mais elles n'étaient jamais identiques, et il y avait toujours un facteur qui pouvait drastiquement changer la donne, et donc le résultat.

Agir et décider par automatisme était le pire danger possible, et c'était pourquoi Natsuki lui racontait certaines de ses missions du passé : car il ne faisait pas que les réciter. Il posait un contexte, puis il parlait de sa réflexion, il décrivait ce qu'il ressentait, ce qu'il décidait et pourquoi il le décidait, il évoquait ce qu'il prenait en compte, il expliquait pourquoi il choisissait d'ignorer d'autres points ou pourquoi il leur accordait moins de valeur qu'à d'autres. Car s'il ne pouvait pas dire à Leika comment se comporter lors de sa prochaine mission, il pouvait lui apprendre à réfléchir de la meilleure des manières pour prendre la meilleure des décisions – ou la moins pire, quand aucun choix n'était bon. Cela avait d'ailleurs été sa première leçon : ce n'est pas parce qu'aucune décision n'est la bonne qu'elles sont toutes mauvaises.

« Heureusement que j'ai l'habitude avec Mizuki de rester assit des heures, ce serait un calvaire sinon. » soupira Natsuki en se levant et en étirant son dos. « Je vais me préparer une boisson chaude, tu veux quelque à boire toi aussi Leika ? » demanda-t-il en se dirigeant vers le bar de son armoire.

Il passa devant la baie vitrée de son bureau, depuis laquelle il pouvait voir les différents arbres qu'il avait fait commander, tous planté sur le carré herbeux de la terrasse. Leika les avait tous miniaturisé pour éviter que leurs racines ne se battent toutes pour puiser les ressources nécessaire à leur croissance. Seul l'arbre en teck restait à les dominer tous de sa taille, vu qu'il était la matière première de tous les jetons. Et en ce moment, il régnait en compagnie du sapin.

« Tu ne me parles pas souvent des missions que tu exécutes pour le Village Leika. Tu vas me répondre qu'à ton grade, elles sont bien moins intéressantes que les miennes, ce à quoi je te rétorquerai que non : je t'ai parlé de plus d'une mission catégorisée C ou B que j'ai accompli. Cela pourrait être intéressant pour toi de revenir sur l'une d'entre elles avec moi. Et pour moi aussi, ce serait très instructif : cela me permettrait d’innover et d'orienter les exercices que je te propose à l'entrainement. »

Il déposa les boissons sur la table devant eux, et reprit autant sa place que le travail.

« Alors, je t'écoute. » lui dit-il avec le sourire.

Le septième ciel c'était transformé depuis quelques semaines en usines à jetons. Dès que nous le pouvions tous deux, nous nous retrouvions moi et Natsuki pour réaliser quelques milliers de jetons pour son casino. Comme toujours la tâche était longue et fastidieuse, mais l'avantage, c'est que cela nous permettait de discuter et donc, de mieux se connaître.

La plupart du temps, je restais silencieuse et je me contentais d'écouter les histoires de Natsuki. Il adorait me conter ses aventures lors de missions toutes plus ou moins loufoques qu'il avait dû réaliser par le passé. Cela était sans doute une époque révolue désormais, mais je me montrais polie et attentive à ce qu'il me disait, car je savais qu'au fond, cela me permettait d'acquérir une certaine expérience de tout ce qui pouvait se passer sur le terrain. En d'autre terme, je bénéficiais de l'expérience du Nara tatoué au travers de ces récits.
Hors, ce jour-là, il était temps que moi aussi, je prenne la parole. C'est ce que le gérant avait décidé tout du moins.
Alors qu'il se redressait de son siège et s'étirait tout en me proposant une boisson chaude, ce à quoi je répondis :

"Chocolat chaud ! Comme d'hab ! Tu peux me mettre un peu de chantilly dessus ? Je suis d'humeur gourmande !"

Autant en profité puisqu'il me servait. Quelques minutes plus tard, je m'accordais à mon tour une pause, plongeant le nez dans la crème chantilly que je dégustais avec une délectation certaine :

"Miam ! Trop bon !"

Oui, enfin, pour ne pas trop oublier ce qu'il m'avait demandé, il valait peut-être mieux que je lui réponde. Je reposais ma cuillère après avoir bu une gorgée du délicieux breuvage et je jouais un moment avec avant de commencer :

"Il y a quelque temps, j'ai eu pour mission de m'occuper du pupille de Miko Sama pendant qu'elle était en voyage diplomatique. Cela a durée trois semaines au total. Le début de la mission était plutôt loufoque vue que Yohru avait décidé de fausser compagnie à ses surveillants. Je me suis beaucoup inquiété pour lui et j'ai mis presque la journée entière pour le retrouver. Heureusement que j'avais notre chien avec moi, il a pu retrouver sa trace et cela m'a pas mal aidé."

Je relevais le regard vers Natsuki avant de poursuivre :

"Suite à ça, j'ai trouvé le petit et j'ai eut l'impression qu'il était légèrement… Je ne sais pas, peut être apeuré à l'idée de retourner au palais. Du moins, il avait un sentiment étrange dans son comportement. Il était très méfiant, limite agressif. Je lui ai proposé de venir habiter chez moi pendant la mission. Normalement, elle aurait dû se dérouler à la capitale, mais j'ai pris la décision de rester à Konoha, chez moi avec lui. Je me sentais mieux dans un environnement que je connaissais bien pour m'occuper de lui, plutôt que dans un endroit inconnu pour moi et qu'il semblait mépriser par-dessus tout…"

La réaction de Miko n'étant pas encore joué, nous passerons sur le résultat final de la mission, mais pour l'heure :

"J'étais plutôt contente de la suite du déroulement de cette mission. Les ordres étaient clairs, s'occuper de lui, le surveiller, lui apprendre des choses. J'ai essayé de lui enseigner des choses de façon détournée, par des jeux par exemple. Puis je lui ai appris des choses basiques qui semblaient lui manquer. Se laver convenablement… Participer aux tâches ménagères, faire la cuisine. C'était des choses simples et je ne sais pas si c'est vraiment ce que l'on attendait de moi, mais c'est ce que j'ai pris comme décision de faire. Qu'en penses tu ?"

Natsuki se fendit d'un sourire alors qu'il tendit à son étudiante une serviette pour qu'elle essuie la pointe de chantilly qu'elle avait sur le bout du nez.

« Yohru... Décidément, c'est un nom qui est sur toutes les lèvres depuis un sacré bout de temps. J'ai moi-même beaucoup entendu parlé de lui pendant un moment avant de le rencontrer en chair et en os. D'abord dans mon restaurant, où le Directeur de l'Académie lui avait fait faire un stage de une journée, puis à gauche et à droite, où j'ai pu avoir la confirmation qu'il était une forte tête qui ne rentrait dans aucun moule convenable. C'est là qu'il est passé sous la tutelle de notre Daimyo, qui a fait mobiliser plusieurs shinobi à tour de rôle dans le cadre d'un programme éducatif sur différents points. Je ne pense pas me tromper en déduisant que c'est là-dedans que tu es intervenu. »

Certains avaient eu à lui apprendre le combat, d'autres avaient plutôt eu pour tâche de lui enseigner l'étiquette en société. Leika, elle, à l'entendre, avait eu droit à un peu plus de liberté quant à quoi faire avec Yohru, du moment qu'elle assurait le rôle d'une nounou d'enfer. Et pour ce qu'elle lui en disait, cela n'avait pas été de tout repos. Sans surprise.

« A mon sens, tu as très bien fait, et ce depuis le début. Tu t'es adaptée face à une situation compliquée en puisant dans les ressources que tu avais à ta disposition. Tu es sortie du cadre logique sans dépasser les limites pour mener ta mission dans les meilleures conditions possible. Tu as fais preuve de la plus essentielle des qualités d'un shinobi, celle que je t'avais mentionné dès les premiers jours que tu as passé au sein de Matsudaï 3.0 : l'adaptabilité. Bien que cela aide grandement, être le plus fort ou connaître le plus de techniques n'est pas ce qui contribue le plus à la réussite d'une mission. Ce qui influe directement sur le taux de réussite et de survie d'un ninja, c'est sa capacité à rebondir sur toute situation dans le vif, et de s'adapter aux contraintes auxquelles il se retrouve confronté. »

Arrivant au bout de sa bassine, Natsuki se leva pour récupérer un paquet de feuilles blanches très particulières, qu'il passa sous une grille pour les réduire à l'état de petits carrés. Encore ces huit cent jetons-là, et ils s'arrêteront là pour aujourd'hui.

« Et de ce que j'ai comprit, Yohru n'est pas une mince affaire. Tu te souviens probablement de Notsuu, alias Waliby. Il m'avait demandé une faveur il y a quelques temps, vis-à-vis de cette tornade rousse justement. Notsuu était en charge de lui enseigner des bases de combat convenables, vu que le style de Yohru ressemblait davantage à celui d'un enfant qui agite ses bras dans tous les sens qu'à une véritable façon de se battre. Il voulait donc qu'au terme de sa mission, le dernier jour, le jeune garçon puisse se mesurer à moi. Tu savais qu'il voulait devenir Hokage ? »

Le sourire qu'afficha Natsuki en posant la question ne laissait pas trop comprendre s'il était amusé de ce désire ou s'il l'irritait au plus au point. Et pour comprendre cette ambivalence, il était nécessaire de revenir sur un point de l'histoire de vie du Nara tatoué. Il était formateur dans une équipe shinobi depuis longtemps, et probablement le ninja a avoir eu le plus d'étudiants tous Villages confondus. Non pas parce qu'il avait du succès, mais parce que plus des trois quart des étudiants qu'il recevait ne se destinaient pas à devenir des militaires. Comme dans probablement tous les Villages ninja, les enfants fantasment le métier de shinobi, ils le trouvent '' cool '', ils jouent aux ninja entre eux. Ils veulent devenir fort sans même comprendre le véritable sens de cette phrase. Alors ils s'inscrivent à l'Académie, ils sont couvés par un Directeur aimant qui ne veut pas leur enlever trop vite leur innocence et les ménage, pour ensuite diplômer huit incapables sur dix et les coller dans des équipes – en général, celle de Natsuki. Huit incapables, dont six vont se rendre compte qu'ils n'ont pas du tout la mentalité d'un shinobi, et qui ne supportent pas devoir suer sang et eau pour acquérir la force qu'ils idéalisaient. Mais ce sont encore ceux qui s'en sortent le mieux, car dans le fond, ils ne font perdre à Natsuki que un à trois mois de sa vie avant de décider d'abandonner et de faire autre chose de leur existence. Le véritable problème, ce sont les deux restants qui aussi bornés que fainéants finissent par se faire tuer en mission.

Présenté ainsi, il était donc plus aisé de comprendre pourquoi Natsuki trouvait difficilement amusant le fait qu'un garçon comme Yohru, qui ne connait rien à la vie et qui ne songe qu'à vivre comme il l'entend sans se soucier du reste, ait envie de devenir Hokage. Parce que comme tous les autres, il scande des mots qu'il ne réalise pas, il vise des objectifs qu'il ne fait que fantasmer, sans chercher à en comprendre la réalité.

Ou alors c'était peut-être simplement parce que Natsuki enviait encore leur innocence, celle que Kihran protégeait à très juste titre.

« Au moins, cela t'a fait deux très bonnes expériences. L'une pour découvrir ce que c'est que d'occuper le rôle de formateur plutôt que d'étudiant – avec un cas difficile, qui plus est, et l'autre t'a certainement préparé un peu pour le jour où toi-même tu auras des enfants. Même si je te souhaite qu'il ne soit pas aussi turbulent. » précisa-t-il avec un clin d’œil.

Les sceaux apposés sur le papier permettant une bonne absorption du chakra continuèrent de se multiplier en passant entre les doigts de Natsuki.

« Même si un proverbe a tendance à dire que sur une chemin de dix pas, la moitié se trouve au neuvième, je peux affirmer que nous sommes maintenant plus proche de la fin que du début. Nous avons dépassés la semaine dernière les six cent mille jetons produit. J'ai déjà commencé à les vernir en partie, le résultat est à la hauteur de mes espérances. Et pour tout te dire, je suis vraiment content de pouvoir faire cela avec toi. J'espère que le plaisir est partagé. Je sais que avant que je t'invite à me rejoindre dans ce projet, nous avons eu une longue période où l'on se voyait beaucoup moins. Une opportunité de rattraper le temps perdu, en quelque sorte, et qui soit profitable à tous sur tous les plans. »

Natsuki porta la tasse à ses lèvres pour espacer un peu son texte, puis reprit.

« Les arbres dans le jardin sont vraiment d'excellents spécimens. Je savais que je ne serai pas déçu en faisant appel à cette scierie au Pays du Bois. Toutefois, je crains que je ne puisse pas les garder indéfiniment dans le carré de verdure du Septième Ciel. Une partie d'entre eux ne nous servent d'ailleurs plus, aussi il est dommage pour eux de rester dans leur pseudo prison, bridés dans leur croissance. Tu auras une idée de où nous pourrions les ... '' relâcher '' ? »

L'air de rien, l'amour et le respect que portaient les Hayashi sur la nature avait en partie déteint sur Natsuki, à force de fréquenter l'une d'entre eux.

La petite pause que j'étais en train de prendre était assez réconfortante et aussi revigorante. Il était vrai que resté des heures entières assises sur un fauteuil à créer des jetons pour Natsuki n'était pas très épuisant physiquement par l'intensité de l'activité à pratiquer, mais elle l'était, par contre, morale. Mes doigts étaient engourdis et la douce chaleur de la tasse de chocolat chaud me fit du bien. Le nez plongé dans la tasse, j'écoutais Natsuki débriefé sur ma façon de procéder lors de ma mission avec Yohru. Selon son propre avis, j'avais agi de façon raisonnée et j'approuvais d'un hochement de tête ses compliments.

"J'ai beaucoup aimé cette mission… Je l'ai trouvé rafraichissante !"

Je baissais les yeux, me remettant à la tâche. Je formais les jetons les uns après les autres à mesure que Natsuki me remettait des petits papiers contenant les sceaux qu'il était en train d'apposer :

"Non, je l'ignorais ! Nous verrons bien s'il y parviendra, mais je le trouve… Un peu jeune pour déjà être genin. Non pas que je lui souhaite d'être aussi vieux que moi lorsqu'il atteindra ce grade ! Mais cela m'angoisse de savoir qu'un aussi petit garçon va se retrouver mis sur le devant des batailles. C'est un destin un peu cruel, je trouve… Je ne suis pas sure qu'il est vraiment conscience de ce que cela veut dire être shinobi …"

Contrairement à moi. Je souriais à cette pensée avant de la dévoiler à Natsuki :

"C'est un peu paradoxal en fait notre situation à tous les deux ! Je suis ralentie dans ma progression, car j'ai peur de ce qui pourrait se passer. J'ai une réelle conscience du danger et de tout ce que mes actions peuvent entraîner et lui… J'ai l'impression que c'est le contraire…"

Pas sûre que Natsuki comprenne là ou je voulais en venir, je me devais de mieux formuler :

"Je veux dire … Pour comparer, c'est un peu comme quand on monte à cheval ! Quand on est petit, on n'a pas vraiment conscience du danger ! On s'amuse ! On apprécie l'instant présent. On saute des barres énormes sans se douter de ce qui se passera si on tombe… Plus on est grand, plus on a conscience de ce danger et cela nous freine ! C'est dur d'arriver à trouver le juste-milieu ! Mais j'espère que yohru arrivera à s'en sortir avec ce que je lui ai appris. Je lui ai offert un banzaï d'ailleurs, j'espère qu'il arrivera à en prendre soin !"

Mais revenons en à nos moutons. Natsuki m'évoqua à présent la fin prochaine de notre collaboration. En effet, nous touchions au but et bientôt, nous aurions atteint le nombre requis de jetons commandé par le gérant. Je lui souriais et il m'évoqua les arbres plantés dans le petit carré d'herbe au centre du complexe du Nara tatouée :

"Je m'en occuperais demain dans la journée ! Je les réduirais à l'état miniature et je verrais bien pour leur trouver une place au sein du village ou de la forêt, là ou ils seront bien !"

Je lui fis un clin d'œil avant de me redresser et de m'étirer longuement pour détendre mes muscles endoloris :

"Ce fut une journée productive aujourd'hui, mais je vais devoir te laisser ! J'ai encore beaucoup de choses à faire moi ! On se revoit demain alors !"

Je le saluais brièvement avant de me sauver.

« Un peu jeune ? » répéta Natsuki. « C'est relatif. A mon époque – c'était durant la Grande Guerre -, les soldats que l'on envoyait se battre n'étaient pas bien beaucoup plus âgés que lui. Enfin, se battre, c'est un grand mot. C'était plutôt sur des opérations moins ouvertes qu'ils étaient assignés. Heureusement, je n'ai pas eu trop le loisir de connaître cela : la Grande Guerre s'est assez vite arrêtée après que j'ai atteint l'âge de porter les couleurs de mon clan au combat. Mais ne t'en fais pour Yohru. Même s'il est assez fort à sa manière, il n'en garde pas moins la mentalité d'un enfant de son âge. Et Konoha ne fait pas dans les enfants soldats : les guerres ouvertes, ce sont des shinobi confirmés qui les mènent. Il a peut-être les capacités martiales d'un Chûnin, mais il n'en a pas encore l'étoffe pour mériter le grade. Car comme tu t'en doutes, ce n'est pas uniquement une question de force, bien au contraire. Alors les gros dangers, m'est avis qu'il en restera relativement loin encore un moment. »

Natsuki eu un soupire sur la suite.

« En effet, je ne saurai être plus d'accord avec toi sur ce point. Il a ce défaut que je reproche à beaucoup de gosses qui sortent de l'Académie et que j'ai évoqué mentalement plus haut. Mais bon qu'est-ce qu'il risque dans le pire des cas ? Nous ne mourons jamais qu'une seule fois. »

Cynisme, mais vérité.

« J'avais comprit, ne t'inquiète pas. » lui répondit Natsuki avec un sourire. « Mais son exemple et le tien illustrent très bien une chose : '' la peur n'évite pas le danger ''. Être paralysé par la crainte ne te préserve pas des risques que tu encours, bien au contraire. Mais en opposition, ne pas avoir conscience des dangers encouru et de leurs conséquences induit un comportement à risque, qui nous expose bien plus encore aux dangers sus-mentionné. »

Natsuki lui posa une main affective sur l'épaule.

« Et c'est pour cela que je suis là : pour t'apprendre à canaliser cette peur, et te donner la force nécessaire pour passer outre. Car en définitif, le secret pour atteindre mon niveau n'est pas de ne plus éprouver aucune forme de crainte, mais de savoir composer avec. »

Leur journée de travail se termina plus ou moins là-dessus. Leika s'en alla, et Natsuki entreprit le contrôle et le vernissage des jetons produit. Ils se retrouvèrent quelques jours plus tard, menant le même rythme que les mois passés, poursuivant à la même cadence sur les mois qui suivirent.

"C'est assez cruel ce que tu dis Natsuki …"

Sa réponse face aux risques qu'encourait le jeune Yohru m'avaient légèrement choqué, bien que je sache que ce n'était que la profonde réalité. Malgré tout cela, je restais malgré tout opposé à cette simple perspective :

"Il est tellement jeune… Pour moi, apprendre sa mort sur le champ de bataille serait une véritable abomination. Je ne peux vous cacher que j'éprouverai une réelle aversion envers la personne qui aurait osé le mettre au-devant de tels dangers ! Il a encore tellement de choses à découvrir, à vivre …"

J'étais véritablement touchée par ce genre de chose, peux être par ma condition de femme, mais aussi par le futur que je m'envisageais. La chose que nous pouvions malgré tout retirer de toute cette histoire, c'est que la vie n'était pas écrite à l'avance et que beaucoup de cas de figure pouvaient se présenter sans que je ne puisse forcément influer dessus. Aussi, un jeune garçon pouvait avoir la même condition que moi, de même qu'une personne âgée. C'était parmi les choses auxquelles il faudrait que j'accepte de concéder en devant réellement shinobi.
Alors que je quittais le septième ciel, je prenais soudainement conscience des progrès que j'avais réalisés au cours des derniers mois.

J'avais évolué. Je maîtrisais mieux le mokuton désormais et tout cela grâce à l'ingénieuse idée de Natsuki qui par le biais de mon pouvoir héréditaire avait trouver le moyen de servir ses propres intérêt tout en me permettant une évolution rapide et sans équivoque possible pour la maîtrise du mokuton.

Entre mes bras reposés désormais l'un des arbres que nous avions utilisé pour cette aventure. Minutiarisé pour le transport, je finissais par le laisser regagner toute sa splendeur au centre d'un terrain vague de Konoha en espérant que ce dernier puisse y couler de longs jours encore.

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Travaux de rénovation, partie 9 : Du vieux et du neuf

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