Natsuki se frotta la barbe qu'il n'avait pas sur le menton de son corps – et encore moins sur celui d'Izumi – tout en l'écoutant. Sa remarque sur Kiri ne lui avait pas échappé.

« Votre ancien chef Pô m'avait parlé de cela, en effet. Que le Village de la Brume Sanglante n'était pas très connu pour sa tolérance, et qu'il était difficile pour un peuple de métamorphes comme le votre de s'intégrer à la population. C'est entre autre pour cela que je vous demandais comment s'était passée votre intégration à Konoha. Mais si j'en crois ce que vous me dites, vous ne faites pas partie de la première vague du clan sous l'égide de Pô à avoir rejoint Konoha, puisque vous n'avez emménagez qu'il y a peu. Je sais qu'il avait œuvré de son mieux pour pouvoir rassembler tous ses semblables sur les terres du Feu, et qu'avec les mois d'autres Gekei étaient arrivés chez nous, mais l'on ne peut pas forcer ceux qui préfèrent rester loin des organisations militaires et des problèmes inhérentes à ces dernières, en dépit de ce qu'elles ont a offrir en retour. Certains préfèrent la liberté à tout le confort offert en contrepartie d'un collier. Quelle vie avez-vous menez avant de venir ici et après avoir quitté Kiri, de fait ? Si vous désirez m'en parler tout du moins : le repas offert ne vous engage en rien à devoir me répondre à tout. »

Mais lui se sentait un peu plus libre de répondre en sachant inconsciemment qu'à la fin de la journée, ils ne se souviendront de rien.

« J'ai occupé de nombreux postes dans ma vie. Le principal étant soldat, bien entendu, je suis passé par tous les grades possibles sur un parcours classique, pour finir avec la plus haute promotion de Jônin d'élite. A côté, j'ai exercé – et exerce toujours – la fonction de chef d'équipe shinobi, même si c'est très laborieux d'avoir des étudiants qui valent la peine de s'investir pour eux. Je suis aussi Assistant du Hokage, un travail que j'exerce maintenant davantage que shinobi sur le terrain, et entre deux, j'assure un poste de formateur à l'Académie pour des cours pratiques de renforcement dans mes domaines de prédilections. Comme nous en parlions avant, vous savez que je gère la rénovation du Septième Ciel, qui est capable de fonctionner plus ou moins en autonomie sans ma présence. Je cherche toutefois un ou une secrétaire pour la gestion des affaires, si jamais vous connaissez quelqu'un qui pourrait être intéressée – et vous pourrez lui préciser que le port de la mini-jupe n'est pas obligatoire. »

Quant à sa question...

« Quant à archiviste, cela a surtout été du vent, en fait : je ne l'ai jamais été vraiment, seulement prétendu. Cela me servait de prétexte pour poser des questions délicates, ou justifier que j'avais accès à des informations que je ne devrais normalement pas avoir. Je n'avais d'ailleurs même pas de vrai bureau : la plupart du temps, je réquisitionnais celui d'un fonctionnaire en vacances – voire le dégageait purement et simplement – quand j'avais besoin de recevoir quelqu'un, et remplaçait la plaque de son nom sur la porte par la mienne. »

Plaque qu'il était possible de voir sur la porte de sa chambre.

« Maintenant que je suis Assistant du Hokage, je n'ai plus trop besoin de ce stratagème, je me contente donc d'entretenir l'histoire comme quoi j'ai été archiviste, dans un soucis de cohérence dans l'esprit des gens. Et l'air de rien, cela a plutôt bien fonctionné : vous n'avez pas idée du nombre de joueurs qui sont venu me voir en précisant dans leur narration qu'ils savaient que j'étais archiviste alors que je ne leur avais jamais rien dit à ce sujet, voire même jamais parlé tout court. »

Un sourire amusé apparu sur les lèvres de Natsuki – ou plutôt, celles d'Izumi – en repensant à tout ces souvenirs.

« C'est quand même curieux, maintenant que j'y pense. Nous avons échangé de corps, et pourtant, nous avons chacun conservé nos souvenirs personnels, alors qu'ils sont censés être stockés dans notre cerveau. »

Heureusement :

Spoiler:

Natsuki fronça ses sourcils efféminés, ce qui conduira probablement la jeune femme à avoir un visage avec des rides avant l'âge de quarante ans s'il continuait ainsi.

« Je pense que tout votre problème est ici, en fait : ce désir d'éviter, ou plutôt ce désintérêt, tout ce qui nécessite un minimum de réflexion ou de compréhension. Pour une secte, vous seriez du pain béni à élever. Je ne dis pas que toute question mérite que l'on se penche dessus, mais il y a quand même un certain seuil de curiosité à avoir, ne serait-ce que pour progresser. Vous voyez ce que je veux dire ? »

Peut-être que oui, peut-être que non, mais l'un dans l'autre, il allait quand même expliquer : son post sera trop court autrement.

« Savoir comment fonctionne en détails un art clanique ne présente que peu d'intérêt, dans la mesure où vous n'allez pas le pratiquer vous-même. Par contre, savoir comment fonctionne grossièrement une technique est le moyen le plus efficace pour découvrir comment la contrer. L'adage prétend qu'il faut connaître les règles pour pouvoir les briser. Et c'est encore plus vrai pour vos propres techniques et aptitudes. »

Qu'il s'explique.

« Dans l'exemple simple, pour effectuer une pointe de vitesse en chargeant : la première étape, c'est de savoir insuffler une dose de chakra dans ses jambes. Mais qu'est-ce qui vous permet de progresser pour devenir plus rapide ensuite ? Des muscles plus réactifs ? Une charge de chakra plus élevée ou affinée ? Les facteurs peuvent être différents, mais globalement, pour pouvoir s'améliorer, cela consiste à repérer lesdits facteurs afin de savoir sur quoi agir, sur quoi se concentrer. Toujours dans le cas de la charge, c'est savoir mieux utiliser son chakra, insuffler la juste dose dans les jambes, avoir des muscles solides pour soutenir l'effort de propulsion, un bon rythme pour synchroniser les mouvements des pieds avec le reste du corps. En grappillant des millisecondes par ci, des millimètres par-là, l'on finit par arriver à une technique de plus en plus performante, quelque chose de plus efficaces que quelqu'un qui se focalise simplement sur avancer ses pieds l'un devant l'autre le plus rapidement possible. Les combattants comme moi qui frappent plus de cent fois par secondes n'y arrivent pas en moulinant simplement des bras : les coups sont précis, dirigés, contrôlés. »

Et cela ne s'appliquait pas qu'au domaine du combat.

« Pour l'Histoire aussi, c'est parfois intéressant de se pencher sur comment et pourquoi les choses se sont passées d'une manière et pas d'une autre, de pourquoi le monde s'est construit sur cette base plutôt que celle de leur voisin. Ne serait-ce que pour ne pas reproduire les mêmes erreurs que nos prédécesseurs, ou tirer profit de leur sagesse pour les rares fois où ils n'ont pas raté leur affaire. Par exemple... »

Les exemples et la discussion sur le sens de la vie et de la réponse quarante-deux durèrent jusqu'à 5 heures 36 du matin.

« Oh ciel, vous avez vu l'heure ? »

Et ils la regardèrent. La trotteuse atteignit le chiffre douze, celle des minutes passa entre le six et le sept. Tout devint blanc – parce que c'est comme avec le Père Noël, il ne faut pas rester éveillé quand il passe -, et quand ils retrouvèrent la vue, il faisait noir, parce qu'ils dormaient. Alors il fallut pour eux attendre le matin pour qu'ils se réveillent, chacun dans leur lit respectif, dans leur corps, avec la simple sensation d'avoir fait des rêves étranges.

Flous, incertains, mais qui marquaient la peau...