L'océan était un monde de liberté, il n'y avait pas de notion de frontière, un début ou une fin. Pour ceux qui y vivaient, la seule limite était leur capicité à pouvoir s'y déplacer, mais surtout y survivre. C'était dans un manteau sombre et glacé des profondeurs, le courant sous-marin amplifié par la tempête à la surface qui venait de se taire, et cette silhouette qui sombrait vers elle lentement, cette créature au bout de son souffle. Semblable, mais différent d’elle à la fois. La jeune hybride se laissait aller à sa curiosité et tout d’abord inquiète, à distance raisonnable, elle tournoyait suivant sa descente. Un être qui se démontrait inerte plus il menaçait de disparaitre très prochainement dans les tréfonds de l’océan. Une inquiétante prestance en émanait comme pour toute chose inconnue aux yeux d’une enfant, mais aussi une fascinante attirance pour ce danger propre à son côté humain. Décidée, puis fuyante tour à tour, la bête ne raisonnait pas pour autant à s’enfuir loin de là. C’était plus fort qu’elle, si bien qu’elle s’y laissait tenter, d’un bout de tentacule seulement, pour appuyer dessus et le secouer un peu ensuite, un jeu, ni plus ni moins, peut-être était-ce de la nourriture gratuite, en tout cas si ça ne se débattait pas, pourquoi ne pas au moins y gouter. C’était ce qui avait fortement traversé son esprit, d’autant plus que le nuage pourpre qui se dégageait autour de la chose de ses désirs savait mettre en émoi ses papilles.

Cependant, en ce soir de lune pleine à la surface, la faim ne l’étreignait pas encore, c’était qu’à peine plus tôt, elle avait eu son banquet. Alors elle l’effleurait timidement de bout à autre, sans même savoir l’objet de sa quête, cela jusqu’à ce que son tentacule s’affection d’un bout de métal qui reflétait la lueur lunaire du sommet. Ce blanc éclatant s’entrechoquait avec la braise jusque-là éteinte de son regard dans l’obscurité et la créature restait éblouie, l’ensorcellement s’exerçait. Voilà qu’elle voulait reproduire encore une fois sa découverte, à nouveau elle remuait et à force dans son désordre, la lumière la titillait encore, moins intensive à chaque essai. Un esprit réfléchi la poussait à élever sa tête vers la surface d’où émanait la lueur d’origine, une conclusion sortie d’elle-même associée les deux éléments et c’était tout ce qui avait suffi pour être l’histoire au final.

Incapable de libérer son trésor, c’était tout l’ensemble qui se faisait remonter à la surface. L’emblème d’une nation qu’elle n’imaginait même pas, provoquait une telle attraction que dans une entrave à ses habitudes craintives d’origine, la bête sortait sa tête hors de l’eau pour l’admirer. Pas que la sienne d’ailleurs et toujours le médaillon providentielle à son porteur scintillait pour charmer celle qu’il avait su prendre. La même qui s’essayait encore à la dérobade, en vain. Elle n’avait pas connaissance de la subtilité des attaches ou des nœuds, de la signification de cet apparat, autant de détails sans importance pour elle du moins, ce jour-là. A force de compression sur le possesseur du bandeau ninja, la source d’un souffle qui se reprenait violement, la prenait par surprise. Lâchant prise, l’hybride s’enfonçait dans son océan dans son repli, arrivé en son fond, il se passait un temps pour calmer l’agitation de ses trois cœurs, mais pas la tentation. A la frontière du manteau ténébreux de l’eau et sa pluie de lumière la traversant, comme la bête qu’elle était, elle se tapissait fixant sans lassitude les mouvements à la surface de la créature qui l’avait effrayé…

Son regard tombait dans l’obscurité qui bien qu’elle l’adorait pour sa protection, lui paraissait subitement repoussante. Convaincue que cela serait la dernière fois, elle s’accordait un dernier regard vers le haut et la plaque du bandeau choisissait l’instant pour se refléter à nouveau comme une étoile filante dans son ciel si particulier. Tendant ses mains dans le vide en imaginant que la plaque sombrerait par elle-même avec un peu de chance, la bête s’était perdue dans la notion du temps et ses instincts eux aussi. Sa tête et les appendices tentaculaires qui l'entouraient, refaisaient surface dans un lot de mouvements lents. Elle avait gardé une certaine distance avec ce qu'elle ne connaissait pas encore, mais qui s'appelait humain. Sans expression sur son visage, laissant les tentacules de sa nuque la faire flotter en surface où simplement ses yeux se dérobaient de l'eau, passive, elle fixait celui qui était encore qu'un enfant. Tout comme elle.

Immobile et attentive, pas pour autant docile, si la bête ce soir-là laissait la main de l’enfant l’effleurer avec tant de facilité, c’était seulement avec en cause sa propre curiosité. Ils étaient semblables sur ce point il fallait croire et très vite, elle pouvait sentir le geste délicat d’un enfant hésitant. La texture de la peau de cette main sur son visage ne lui paraissait pas si différente que la sensation de son propre toucher, alors, la créature aquatique sortait complétement la tête de l’eau, ainsi qu’un bout de son cou, toujours ses tentacules flottaient sur la surface de l’eau pour la garder en équilibre. Elle se relevait davantage en penchant la tête sur un côté quand il parlait, la bête tentait même de mouvoir sa bouche comme lui pour l’imiter, mais aucun n’en sortait. Elle n’avait pas encore appris à parler, elle ne comprenait pas encore la signification des mots non plus. C’était juste des sons qui variaient quelque peu avec toujours une même intonation plus ou moins. Sa tête penchait d’un bout à l’autre quand ill parlait, ça avait pour action de faire bouger ses appendices de façon assez drôle quand on ignorait qu’il s’agissait d’armes mortelles.

A son tour, puisqu’elle avait pris leur proximité pour une invitation à la découverte, la Gekei tendait sa main pour pousser ses mèches de cheveux qui s’aplatissaient en cachant le visage de l’enfant. Elle l’observait avec étonnement, en se rapprochant avec prudence, prête au repli dans l’eau en cas de geste brusque. D’une autre main, elle trafiquait ses propres cheveux pour découvrir leur changement de texture et mouvement à la surface. Les siens aussi s’aplatissaient et se coller à sa peau, c’était étrange et désagréable en fait. Jusqu’ici, la Gekei ne s’était jamais aventuré hors de l’eau, elle avait suvi les ombres de ses semblables qui avaient fait le choix de se sentir à l’écart des côtes, des terres et surtout des hommes. Particulièrement les Shinobi. Pourtant, c’était leur bandeau qui lui avait fait trahir ses règles élémentaires, l’avait attiré vers le bord et surtout invité à sympathiser qui sait avec l’ennemi… Sans perdre son objectif, elle avait les idées fixes. La bête à nouveau tentait de voler le bandeau kirijins en tirant dessus, elle se ravisa en découvrant qu’il restait fermement attacher à l’enfant. Ses sourcils se fronçaient, on aurait dit qu’elle boudait et toujours pas décidé à abandonner, elle restait docile envers l’humain en cherchant la faille pour lui dérober l’objet de sa convoitise. Imaginant qu’il faudrait l’imiter, le monstre s’essayait à parler, mais le résultat ne donnait que de petits sifflements quand sa langue glissait sur ses dents…

~Tssli, ssse… Tchh.

Ils leur faillaient un autre moyen de se faire comprendre… Il lui venait une idée, et elle s'enfonçait dans l'eau où elle se déplaçait rapidement, d'un geste vif, elle saisissait quelque chose de brillant, et aussi rapidement, revenait vers l'enfant pour le lui tendre, sans le lacher pour autant. Elle pointait le bandeau de sa main libre, l'air de le demande en échange. Il était difficile de s'exprimer sans mot et sans code commun, et comme elle n'était pas capable de le poursuivre sur la terre... Il lui fallait bien faire marcher ses neurones.

L’intonation d’un mot qu’il répétait lui resté au moins un peu, Kaito, qu’importe ce que cela voulait dire, ça venait de lui cet objet précieux qu’il décidait de lui céder au final. Sa stratégie se révélait payante et la bête ne se faisait pas prier pour rapatrier son précieux vers elle, elle l’examinait de plus près à la lumière et il gardait toujours le même beau effet. En définitive, entre deux regard et tête qui se penchait envers l’enfant, la jeune poulpe mordait dedans. Le médaillon kirijins se révélait résistant, pourtant, il s’ornait qu’un nouveau trait sur sa face et son revers, en cause, son bec de pieuvre naturel. Au même moment la température la rattrapait, enfin ce n’était pas tellement elle, mais plus le vent peu familier qui venait la chasser. Il lui donnait un frisson et elle se rendait compte que l’enfant humain avait lui-même eu cette réaction il y avait peu, un effet dû à la surface ?
D’ailleurs, en récupérant son précieux bandeau, elle avait cru remarquer que la texture de sa peau avait changé le concernant, elle observait attentive ses doigts à elle, avant de remarquer qu’ils se lissaient à leur tour. Instinctivement, elle tendait une main vide à nouveau en direction de celle de son semblant d’homologue, si semblable, mais pas de tentacules en vue. Il n’était même pas nageur. Voilà qui la perturbait un peu et comme vérifier sa théorie, d’un élan elle se hissait à la surface d’un ponton.

Il était déjà grave pour son espèce d’être si proche du bord, mais alors sortir de l’eau ? Est-ce que sa gorge à elle aussi aller la faire manquer d’oxygène, et quelle sera sa capacité à se mouvoir hors de l’eau. La seule façon d’y répondre était encore de s’y essayer, de toutes ses tentacules, elle se trainait incapable de se mettre sur des jambes qui avaient pourtant l’air en bon état. Mais la bête avait appris à nager, non pas à marcher. Au final, elle s’accroupissait en sentant la pression dans sa poitrine de cette trop longue durée hors de l’eau, un petit moment elle paraissait suffoquant, sur son cou ses branchies s’écartaient de plus en plus, puis enfin, elles se soudaient et l’air dans sa gorge arrivait à bonne destination. A ce moment-là, le monstre ne soupçonnait pas encore sa double disposition aux conditions aquatiques et terrestres, ça lui prenait un petit temps pour en revenir au calme. Etant donné que ces cheveux n’avaient jamais été coupé, ils l’habillaient autant qu’ils la gênaient dans ses mouvements, bien pire encore qu’un filet, ils l’emmêlaient et elle se retrouvait ligotée par elle-même sur le pont. Sans pour autant accepté de lâcher son trésor. Tant bien que mal, ses tentacules la libéraient partiellement, au moins ça lui offrait une excuse pour être au sol. Vu de l’extérieur, la bête n’avait rien du terrifiant prédateur en mer. Des sons laissaient entendre qu’elle râlait, au final, elle s’emmêlait davantage. C’était mal partie…

Le jeune humain confirmait qu’il n’avait rien d’hostile envers la bête, il l’aidait même à se dépêtrer de ses cheveux fous qui l’emprisonnaient. La surface quant à elle n’avait rien eu d’accueillante pour l’hybride, d’une part, son entrée avait été douloureuse, mais voilà qu’en plus, elle se révélait difficilement praticable pour une créature marine en son genre. Pourtant, morphologiquement, la Gekei avait tout pour pouvoir évoluée dans ses deux univers. La morsure du froid avec en cause le vent, se faisait bientôt sentir sur sa peau, l’eau était pourtant glaciale elle aussi, comment se faisait-il qu’elle n’avait jamais eu cette sensation si ?

Peut-être parce qu’elle devait toujours alimenter un mouvement dans la mer. Malgré tout, son effet se voyait atténuer quand le petit humain se décidait à partager son vêtement, en se glissant à ses côté, il lui faisait à la fois profiter de sa chaleur corporelle, mais aussi de la barrière contre le vent de son manteau. Encore peu à l’aide avec des mouvements en surface, la créature se laissait faire non pas sans quelques sursauts et maintenant que son souffle était acquis et qu’elle comprenait être capable d’être sous l’eau comme sur terre, sa tête se penchait sur un côté. Elle observait sa nouvelle rencontre avec attention, tout comme elle, l’eau glissait de ses cheveux et sur son visage, sa peau avait pris une teinte plus bleutée, plus proche d’elle.

Leur similarité la rendait plus confiante, aussi, elle ressortait son trésor, le posant sur son poignet, elle l’observait se renverser à terre plusieurs fois sans comprendre. Un petit grognement d’insatisfaction se faisait entendre au troisième essai, pourquoi sur elle, le bandeau refusait de tenir, elle ignorait les nœuds et toutes ses choses, aussi, elle lui tendait, lui et son poignet, en retenant ce bandeau de son autre main. Un air de demander comment il faisait pour qu’il ne tombait plus. En se faisant, elle pouvait apercevoir ce petit objet brillant qu’elle lui avait ramené, il semblait l’apprécier et elle découvrait en même temps l’utilité de ces choses qui décoraient le fond des océans près des navires ou sur les squelettes des victimes de la mer. Ses lèvres à lui bougeaient à nouveau, un son qui maintenant était plus mélodieux qu’inquiétant, peut-être que la bête s’y habituait, mais elle ne pouvait toujours pas comprendre. Au mieux, elle tentait d’imiter certains sons en observant longuement le mouvement des lèvres de son jeune ami. Le tout formait des syllabes qui ne voulaient rien dire. Et dans ses recherches, elle se permettait de toucher ses lèvres pour ouvrir cette bouche où elle avait vu quelque chose bouger. C’était sa langue bien sûr et en tirant la sienne tout en louchant, la bête pouvait constater, qu’elle en avait une elle aussi.

Le petit humain semblait avoir l’esprit vif, il ne fallait pas très longtemps pour comprendre où voulait en venir l’hybride, la même qui ne pouvait que se satisfaire quand il décidait d’accrocher son trésor au poignet. Attentive, elle ne manquait rien du mouvement, elle était comme totalement captivée par l’instant, comme si sa mémoire enregistrait la scène, c’était peut-être même exactement ça. La méthode d’apprentissage de ses créatures là se résumaient ainsi, elles recopiaient tout ce qui leur semblait utile, leur savoir était souvent dépendant d’un tierce, mais son intelligence, aussi bien humaine qu’animal, était capable de s’en servir par la suite sur d’autres contextes. Il n’aurait pas été surprenant que d’ici peu, elle était capable de faire le même genre de nœud, avec ses mains tout d’abord dans une imitation parfaite, puis ses tentacules avec une adaptation. La bête tendait son poignet pour admirer son ornement, le poids l’amusait d’autant plus que la plaque métallique était attiré par son poids, vers le bas. Cette valeur-là n’existerait plus dans l’eau. L’enfant écartait ses lèvres pour dévoiler ses dents, ça n’avait rien dans l’aura d’une tentative d’intimidation comme le faisaient les animaux, ça lui donnait un air amusant, il était content et partiellement, l’hybride reconnaissait ce sentiment, ça lui arrivait de sourire aussi par mécanisme.

Alors à nouveau, elle décidait de l’imiter pour montrer sa joie face à son aide, elle tendait son poignet avec le bandeau, tout en sur exagérant son sourire de petites dents pointues… Heureusement, son terrifiant bec de poulpe était bien caché derrière tout ça, sinon la scène n’aurait pas eu vraiment le même charme. Il avait beau bougé ses lèvres, des sons formants des mots qu’il avait déjà utilisé se reconnaissaient dans son esprit, mais aucune signification n’y était associé, mais au moins, elle commençait à comprendre le principe, il y avait des sons similaires couplés à plusieurs autres. Les syllabes davantage que les mots se fixaient dans sa mémoire pour le moment. Enfin, le langage des signes à leur sauce, celui qui marchait le mieux pour eux, reprenait le fil de la conversation pour aider à faire comprendre le dialecte humain. Facilement, la Gekei comprenait qu’il se désignait lui-même en posant sa main sur son torse, il usait alors de deux syllabes ensembles, et elle les reconnaissait, il les avait déjà associé plus tôt en se désignant. Le monstre prenait son souffle et bien que le résultat n’était pas fameux, elle crachait littéralement un son similaire à celui qu’il venait de lui donner.

~ Kai… To. Etait à peine audible.

Toujours dans sa concentration, elle penchait la tête de côté en observant après son sursaut, cette main qu’il posait sur elle. Il liait plusieurs nouvelles syllabes entres elles, et la fille de la mer comprenait qu’il la nommait dans son dialecte. Elle n’était nullement capable de le répéter, c’était trop long et compliqué et déjà le premier nom lui demandait trop d’effort, mais elle gravait dans sa mémoire ses dernières pour les travailler. En guise d’acceptation, elle reproduisait le sourire précédent sur son visage bleuté. Celui de l’enfant aussi semblait subir le froid, leurs peaux étaient gelés, les tentacules de la bête complétement recroquevillaient sur elle-même. Elle regardait le reflet de l’eau à la surface, c’était la première fois qu’elle voyait ce genre de miroir, puis la terre à peine visible dans le noir et enfin, son nouveau camarade. Elle avait bien constaté qu’il ne pouvait pas vivre sous l’eau et elle, ainsi planté sur ce ponton, doutait de sa vie sur terre à ce moment-là. Alors elle capturait la main qui avait fini par porter son présent avec la sienne qui avait le bandeau, encore une fois ce sourire, et un dernier essai du prénom de son ami tout aussi peu concluant. La bête se laissait tomber en arrière, ses appendices se mouvaient pour la jeter à l’eau, le bruit de son retour dans cette dernière coupait le silence et sa tête ressortait de la mer en partie. Elle fixait le petit humain qui l’avait aidé une dernière fois pour capturer son image à lui aussi et sans plus de cérémonie, elle disparaissait dans le manteau noir de la mer. Un trésor, des souvenirs et sa première image de l’humanité en mains.