Le jour se levait, le soleil était déjà haut dans le ciel. Au loin, on pouvait apercevoir Yohru quittant le dortoir de l'Académie avec un grand sourire aux lèvres. Il tenait dans sa main gauche, son ombrelle qui le protégeait des rayons de lumière matinales et dans sa main droite, une enveloppe qui contenait l'ordre de mission ainsi qu'un ticket pour un repas gratuit. Il marchait tout en sautillant de bonne humeur, vers la direction du centre-ville du village. Il semblait à la fois excité et impatient de débuter la journée. Aujourd'hui, il allait pouvoir effectuer une activité qu'il avait toujours voulu essayer, mais dont il n'avait encore jamais eut l'occasion. Contrairement aux autres fois où il dût faire de la pêche ou encore de la vente de poissons au marché, c'était plutôt ennuyant surtout s'il n'avait rencontré personne pour le sortir de cet ennuie, mais cette fois-ci, l'aventure s'annonçait palpitante. Pour la première fois de sa vie, il allait pouvoir apprendre à maîtriser les fourneaux ! Yohru était dans sa nature un véritable goinfre qui mangeait de tout et de n'importe quoi, à la fois par simple envie et pure gourmandise, et aussi par besoin. Son estomac était semblable à trou noir qui lui permettait d'avaler la même quantité de nourriture pour trois et parfois même cinq personnes. Un phénomène qui était d'ailleurs surprenant chez le jeune garçon, car même en mangeant autant il avait une fine silhouette agile. Peut-être parce qu'il se dépensait beaucoup comme il ne savait pas se tenir tranquille un instant ? Ou peut-être que son corps n'aspirait pas les nutritions des aliments comme les autres ? Il avait faim assez fréquemment et mangeait en quantité, la bonne chose c'était qu'il n'était pas difficile. Si jusqu'à présent il avait toujours joué le rôle de celui qui mangeait, il espérait pouvoir apprendre à faire celui qui cuisinait. Ainsi, dorénavant il n'aurait plus besoin d'aller au restaurant et nul part ailleurs pour manger quelques petits plats chaud. Le directeur qui était derrière cette mission espérait sans doute que la jeune pousse apprenne à s'occuper de lui-même par tout seul.

Il faisait encore un peu tôt pour que l'allée des restaurants ne s'anime. C'était une grande rue qui regroupait divers auberges, bistrot ainsi que d'autres hôtels plus luxueux. Pour l'heure, les passants étaient plutôt rares, mais lorsque midi approchait, ils se feront plus nombreux. Le jeune garçon devait retrouver un établissement du nom de "septième ciel" ou quelque chose semblable, comme lui avait expliqué le surveillant ce matin même. C'était là-bas qu'il allait pouvoir effectuer son stage de cuisinier. Il commença à observer tout autour de lui et il se rappela bien vite qu'il ne savait pas lire. Il était encore en première année dans ses études à l'Académie, mais peut-être qu'il avancerait plus vite s'il arrêtait de sécher les cours.. C'était plutôt gênant surtout s'il espérait devenir un futur shinobi, mais ce n'était pas son rêve, vous dira t-il. Il se retrouvait à effectuer des activités différentes au sein du village ayant passé un accord avec le proviseur. Ce dernier avait sans doute prévenu le propriétaire du restaurant pour le mettre au courant de sa venue, il ne pouvait pas choisir au hasard le bâtiment comme il le ferait pour un repas. Yohru se tourna donc vers le premier passant qu'il rencontra ; un vieil homme qui faisait sa promenade et qui passait tout justement par-là. Il lui demanda le chemin à prendre, et ce dernier dirigea son doigt sur un bâtiment de grande envergure de deux étages.

" C'est là, mon garçon. Le septième ciel, ce grand restaurant de renommée. Il n'est pas encore ouvert, que vas-tu faire là-bas ? Mais dis-moi tu es tout seul ? Tu cherches quelqu'un là-bas ?

- Yahooou ! "

Sans rajouter un seul mot, l'enfant s'en alla avec quelques grands gestes de la main pour remercier le passant. Il était tellement excité qu'il ne répondit à aucune question et qu'il accourut vers le restaurant en question. Relevant sa grande ombrelle, il se mit à observer avec émerveillement la façade du lieu. L'ambiance semblait être agréable, quelque chose qui mettait bien à l'aise les gens. Le rouquin aspira une grande bouffée d'air frais, avant de faire un pas en avant. La journée s'annonçait être belle. Sans perdre un instant de plus, il se permit d'entrer — si la porte était fermée il n'eut autre choix que de frapper et d'attendre que quelqu'un vint l'accueillir. Le matin ne laissait que la possibilité à un petit déjeuner, les clients préféraient le déjeuner et encore plus le diner. Il n'y avait que très peu de personne, presque personne, mais ce n'était pas ce détail qui allait changer quelque chose à la venue du rouquin.

" Yoooh ! Quelqu'un ? J'suis ici parce que le Directeur de l'Académie m'a envoyé ici ! " Disait-il avec enthousiasme.

Ces derniers ont dû être mis au courant quelques jours plus tôt par le proviseur lui-même, en toute logique.

Quelque chose commença à picoter Natsuki à l'arrière de son crâne, comme une démangeaison lorsqu'il présageait le pire, alors qu'il lisait les derniers mots inscrit sur le courrier qu'il avait sous les yeux. État-il bien sûr de ce dans quoi il s'engageait ? Il commençait à penser que non. Trois jours plus tôt, le directeur de l'Académie Shinobi, alias Kihran Hayashi, l'avait contacté pour lui faire part d'un exercice auquel il soumettait actuellement l'un des aspirant dont il avait la charge, et lui demandait s'il acceptait de prendre l'espace d'une journée un commis dans les cuisines du Septième Ciel. Après avoir demandé aux responsables de service s'ils étaient d'accord avec cela, Natsuki avait accepté. Mais aujourd'hui, alors que le contrat se terminait par un tout petit '' bon courage '' griffonné au bas de la page, il se demandait s'il avait fait le bon choix.

L'équipe de service en salle fut la première à sentir les prémices du quelque chose en question, lorsqu'un très jeune homme se pointa dans le restaurant et signala sa présence ainsi que la raison de cette dernière à grand renfort de cordes vocales. Deux des serveurs qui était en train de préparer les tables pour le service de midi s'échangèrent un regard perplexe, voire décontenancé, avant que l'un ne tente une approche avec le visiteur.

« Euh... tu es perdu garçon ? »
« Laissez, je m'en occupe. » annonça une troisième voix derrière eux.

Les deux serveurs sursautèrent, surpris par Keiji, le responsable du service hôtelier, qui avait cette prodigieuse capacité à toujours apparaître dans leur dos, spécifiquement après une gaffe en général.

« Retournez à vos postes maintenant. »

Ils s'exécutèrent sans demander leur reste, laissant ainsi Keiji et le jeune visiteur en tête à tête. Derrière ses lunettes, le responsable le dévisagea d'un regard froid et impénétrable de la tête aux pieds, comme s'il le sondait.

« « Auriez-vous l'obligeance de vous présenter, jeune homme ? » demanda-t-il finalement.

Il se doutait bien de qui se tenait devant lui, vu que Natsuki l'avait avertit qu'un aspirant devait arriver ce matin, mais cela ne retirait pas la règle de la politesse sur l’échiquier de Keiji.

« Je m'appelle Keiji, et je suis chargé de vous conduire jusqu'à Sakurako pour votre journée. Veuillez me suivre, je vous prie. » expliqua-t-il d'une voix neutre, même si son expression faciale le rendait plutôt sévère.

Il ouvrit la marche et guida le prénommé Yohru jusqu'à une porte de service, qu'il invita à traverser avec lui.

« Arrêtez-vous ici. Il y a des vestiaires sur votre droite, prenez ceci, et allez vous changer, je vous attends. » lui désigna-t-il en lui tendant une tunique de cuisine. « Compte tenu de votre âge et de votre taille, cela risque d'être un peu grand pour vous. Contentez-vous d'enfiler seulement le haut si c'est le cas. »

Il était même probable que le haut suffise à le couvrir jusqu'aux genoux... N'importe comment, Keiji attendit que Yohru achève de se changer, puis le détailla lorsqu'il se présenta à lui.

« Sakurako vous expliquera le déroulement de la journée, ce qu'il se passe dans les cuisines ne relevant pas de mon domaine. Simplement, gardez vos cheveux attachés comme ils sont, et ne retirez ni vos patins aux chaussures, ni votre charlotte. »

Keiji écarta du bras la porte des cuisines, lesquelles donnaient sur une immense installation. Plans de travail et ustensiles de cuisine se succédaient côte à côte avec en toile de fond les odeurs typiques de ce genre de lieu, où se mêlaient les arômes de cuisson aux fragrances des aliments frais. La cuisine était globalement organisée en large rectangle, avec deux îlots centraux tout équipé. Keiji se garda de franchir le seuil de la porte, contrairement à Yohru qu'il poussa légèrement de la main pour le faire entrer.

« Sakurako, ton commis est arrivé. » annonça-t-il du voix calme, laquelle porta sans problème jusqu'à la concernée.

Aussitôt, une femme avoisinant les quarante ans et le triple en kilogrammes se tourna vers eux, et afficha un grand sourire. Elle reposa le couteau qu'elle utilisait pour découper avec une dextérité effarante un morceau de viande, essuya ses mains grâce à un dérouleur de papier, et se dirigea vers le duo avec une démarche bien plus souple que ce que laisseraient supposer les rondeurs de son corps. Vêtu d'une tunique de cuisinière similaire à celle de Yohru, mais en beaucoup plus large, c'était la toque qu'elle portait qui ne laissait pas de doute sur le poste qu'elle occupait.

« Merci beaucoup de me l'avoir amené, Keiji. Tu dois être le petit Yohru, c'est cela ? » demanda-t-elle avec une voix chaleureuse, en posant ses mains sur ses genoux pour se pencher à sa hauteur. « Je suis ravie de te rencontrer. Je m'appelle Sakurako Nara, je suis la cuisinière en chef du Septième Ciel. C'est moi qui vais m'occuper de toi pour aujourd'hui. Allez viens entre, je ne vais pas te manger. » plaisanta-t-elle en se redressant.

Keiji et elle échangèrent un regard – ou plutôt un hochement de tête d'un côté, et un sourire de l'autre – avant que le premier ne relâche la porte, et ne laisse la seconde avec l'aspirant ninja.

« En parlant de manger, Yohru, tu ne m'as pas l'air bien épais. » remarqua Sakurako en arborant une mine inquiète. « Est-ce que tu manges assez à la maison au moins ? Tu as déjà prit ton petit déjeuner ? Viens, je vais te préparer quelque chose. Un jeune homme en pleine croissance comme toi a besoin de bien se nourrir pour grandir. »

Et c'est ainsi que moins d'un quart d'heure plus tard, Yohru se retrouva avec un immense plateau devant lui, lequel s'était progressivement vu remplir par des tartines beurrées ou recouvertes de confiture, du lait chaud doré de miel, du lard grillé, des fruits pelés et coupés en rondelles, des œufs sur le plat, des pancakes et autres douceurs que l'on prend plaisir à déguster de bon matin... Encore fallait-il être un Akimichi pour manger ne serait-ce que la moitié des quantités préparées, et espérer être encore capable de se déplacer après autrement qu'en roulant.

« Allez, régale-toi et ne fais pas de manière. » lui assura-t-elle en le couvant d'un regard maternel. « Si tu me racontais un peu pourquoi tu es ici ? Natsuki m'a expliqué que c'est le directeur de l'Académie qui t'a envoyé ici, mais est-ce une demande de sa part, ou bien avais-tu vraiment envie de venir ici ? Je demande, car c'est plutôt rare que des aspirants sortent du cursus pour aller ailleurs, même pendant une journée. »

L'occasion de découvrir qui était ce jeune homme à la longue chevelure d'un blond vénitien, avant d'aborder les choses sérieuses.

Il semblerait que tous n'avaient pas été mis au courant de la nouvelle. Les deux serveurs dévisagèrent avec surprise l'arrivée du jeune garçon, qui n'était d'ailleurs pas très discret. Ce dernier regardait partout autour de lui avec curiosité, il n'hésitait pas à toucher un peu à tout ce qu'il voyait dans la grande salle. Jusqu'à ce qu'un homme grand de taille et imposant par sa carrure se présenta à lui. Il devait sans nul doute avoir une ou même deux têtes de plus que l'aspirant, mais Yohru ne se laissa pas impressionner aussi facilement malgré ses yeux ronds qui le parcourraient de haut en bas. Intérieurement, il pensait que l'homme avait l'air encore plus stricte et tendu que le directeur de l'académie. Il avait une manière de parler et de se tenir qui ne lui donnait pas l'image d'un gentil bonhomme, songeait l'enfant, mais peut-être qu'il s'agissait juste d'une apparence et qu'intérieurement c'était un rigolo ? Le rouquin porta sa main jusqu'à son front en signe de garde à vous, avec le dos droit comme une tige. Il essayait plus ou moins d'imiter le jeune homme avec sa tenue de majordome.

" Hey ! Mon nom c'est Yohru ! Yosh ! " Fit-il avec un grand sourire.

Il se mit à marcher comme un petit soldat derrière les pas de Keiji. Il le suivit jusqu'aux vestiaires, où il partit alors se changer en uniforme de cuisinier. Sans grande surprise, les vêtements étaient une taille, non cinq tailles, au dessus de celle de Yohru. Le pantalon était impossible à enfiler, il nageait sous les couches de tissus sans parvenir à trouver la sortie pour ses deux pieds. Il mit uniquement le haut, comme le lui avait conseiller le responsable du service hôtelier. Malgré tout, les manches de la chemise blanche étaient trop longues, elles ne cessaient de retomber, mais il parvint à les attacher grâce une ficelle. Ses cheveux n'étaient pas une gêne, il était habitué à les laisser attachés ainsi même lorsqu'il dormait, néanmoins les pantoufles appelés patins étaient plus perturbants. Cependant, il devait suivre les consignes données, il ne pouvait pas les enlever. Une fois prêt, il suivit Keiji en direction de la cuisine où il rencontrera Sakurako qui s'occupera de lui durant cette journée. Mais avant d'arriver là-bas, le jeune garçon ne put s'empêcher de poser une question qui ne cessait de lui brûler les lèvres.

" Pourquoi on doit porter tout ça ? Je ne pourrais pas juste y aller avec mes vêtements normales ? C'est fun de se déguiser, surtout le truc blanc et tout, mais les chaussures, fin' ces pantoufles c'est moins pratiques quoi.. " Demandait-il d'un air perplexe.

Rapidement, le duo parvint jusqu'à la cuisine, là où les attendait le chef cuisinier avec son couteau. Lorsque Yohru découvrit l'immense salle avec tout l'équipement plus ou moins complexe qui allait avec, il laissa s'échapper quelques cris d'étonnement. Légèrement poussé vers l'intérieur suite à la présentation chaleureuse de Sakurako, il partit découvrir tous les éléments qui composaient cette pièce que l'on appelait cuisine. Il commença à regarder tous ces engins qui brillaient sous la lumière, certains reflétaient même son image. Sa main vagabonde ne put se retenir d'aller toucher par-ci par-là tout ce matériel qui paraissait être de qualité. Le rouquin était tellement distrait par ces ustensiles divers et variés qu'il oublia la présence de la jeune femme aux allures rondelettes, qui était d'ailleurs la maîtresse des lieux. C'était la première fois que l'enfant pénétrait dans une cuisine, autrefois son maitre vivait avec lui dans une tante avec comme seule pièce la chambre à coucher, il y avait de quoi être surpris. La voix de Sakurako le rappelait, elle lui proposa de manger un petit quelque chose avant de débuter et Yohru ne refusa évidemment pas. Il hochait de la tête avec le visage d'un enfant tout content.

"Oh oui !! J'ai plus ou moins pris mon petit déjeuné, mais ce que l'on sert à l'Académie n'est pas ce qu'il y a de meilleurs.. "

Puis une dizaine de minutes plus tard, un véritable paradis se dressa devant le jeune garçon. Ses yeux pétillèrent de joie face à tant de merveilles, il n'avait encore jamais vu autant de nourritures à disposition pour lui tout seul. Il hésitait par quoi commencer, à savoir le lard grillé ou une tartine de beurre confiture, mais d'un autre côté les pancakes le tentaient plus que tout autre chose. La jeune femme l'invita à manger et lui disait de ne pas se gêner. Alors l'aspirant lui sourit à pleines dents, puis entama par le pancake avec le sirop d'érable, miel et beurre qui le nappait dessus. Tout en dévorant avec entrain toute cette bonne nourriture, il répondait à ses questions avec la bouche plus ou moins pleine par moment.

" Waaa c'est trop bon ! Je nage dans le bonheur ! Miam, crunch. Ma mission est de faire une activité du village différente chaque jour pendant 2 semaines. En faisant cela, le directeur m'offre des tickets restaurant ! Crunch, cruch. Certaines sont plus barbantes par rapport au d'autres... Mais la cuisine m'a l'air d'être la plus intéressante de tous ! Crunch Miam. J'aime trop manger, alors ca doit être génial de savoir se faire à manger soi-même. Alors plus besoin d'acheter ! Ouai c'est genial d'être ici ! Même si c'est plutôt calme comme ambiance.. crunch. Sans doute à cause de l'heure. Dis ! Tu cuisines toi, drôlement bien car c'est super bon ! Tu aimes cuisiner ? Tu fais ca tous les jours ? Tu veux manger ? " demandait-il avec plein d'innocence.

« Et bien, quelle histoire. » lui sourit Sakurako en reposant sa tasse lorsque Yohru eu terminer de parler. « C'est plutôt bien pensé de la part du Directeur. L'expérience de la diversité est toujours très enrichissante. Elle finit toujours par servir, qu'importe le voie vers laquelle on se destine à suivre au final. Et comme tu as l'air de t'intéresser autant que moi à la cuisine, je vais faire de mon mieux pour t'apprendre avec une ou deux recettes de repas simple et à prix abordable. Ainsi, tu pourras te préparer quelque chose le matin en prévision si les plats de la cafétéria de l'Académie ne te conviennent pas. Tu auras peut-être juste besoin de l'aide de tes parents pour allumer la gazinière. Les enfants ne doivent pas jouer avec le feu. »

Sakurako lui passa une main affectueuse sur l'épaule, et le guida jusqu'à un plan de travail libre.

« Je vais profiter qu'il soit encore un peu tôt pour m'occuper de toi, car crois-moi, tu vas vite voir que l'ambiance calme que tu m'as décris tout à l'heure va se changer en tempête lorsque midi approchera. » plaisanta-t-elle avec un clin d’œil. « Je vais faire les étapes avec toi. On va commencer par se laver les mains, la base de l'hygiène avant toute manipulation d'ingrédients en cuisine. Il y a un évier à cet attention à chaque poste. Ensuite, nous allons prendre tout ce qu'il nous faut pour la recette. C'est important d'avoir tout son matériel et de ne rien oublier, pour ne pas avoir à courir entre deux à chaque fois. Alors, je vais t'apprendre à faire une omelette : c'est simple, rapide, et il n'y a que très peu d'étapes à retenir. J'ai remarqué que tu aimais bien les œufs et ce qui tient bien sur l'estomac, ça devrait donc te plaire. Pour en faire une, nous allons donc avoir besoin d’œufs, de lardons, de gruyère que nous allons râper, de crème liquide, de beurre, d'oignons, et de poivre pour relever le goût. Pour le matériel, compte un saladier, une poêle de taille moyenne, et grande, un fouet et un couteau. Tu es prêt ? »

Sakurako alluma la gazinière, et commença à faire chauffer à feu doux la poêle moyenne sans rien ajouter dessus.

« Ça, ce sont des petites astuces de chef pour rendre la cuisson plus rapide et meilleure. Nous allons commencé tous les deux par éplucher un oignon. » expliqua la chef cuisinière en donnant à Yohru l'oignon incriminé et un économe. « Je ne te donne pas de couteau pour ça, car tu auras du mal avec, surtout qu'ils sont tous acérés ici. Je ne veux pas que tu te blesses. » précisa-t-elle, soucieuse. « Voilà, enlève simplement la peau en frottant ton économe comme ça, tout le long. Ensuite, nous allons le couper en très fines lamelles. »

A ce moment, Sakurako passa derrière Yohru, et posa ses mains sur les siennes pour le guider. Avec délicatesse et sans précipitation, elle orientait ses gestes pour tailler l'oignon sans que son commis ne s'entaille les doigts.

« Voilà, tout doucement, cela ne sert à rien de se presser. Le mieux, c'est de tenir ce que tu coupes ainsi, avec les doigts repliés. '' En patte de chat '', disait ma mère. Bien, maintenant, nous allons faire dorer ce que tu as préparer. Ça veut dire les passer au feu sans les faire cuir totalement. Vide ta planche à découper dans la poêle. En revenant dans la même poêle que les lardons, les oignons vont leur donner plus de goût. Du coup, comme tu l'as sûrement comprit, nous allons y ajouter les lardons maintenant. Pas de préparation particulière pour eux, il suffit de choisir la quantité. Je compte à peu près 40 grammes pour une omelette. »

Sakurako augmenta légèrement l'intensité du feu, et aussitôt, le doux arôme des lardons cuit commença à se répandre dans un chuintement de grillade.

« J'espère que tu es costaud mon petit Yohru, car il va falloir jouer du bras maintenant. Et je crois que je n'ai plus la force dans les miens pour y arriver, alors je compte sur toi. » lui avoua-t-elle avec une moue attristée qui ne trompait personne sur la nature de sa plaisanterie, avant de retrouver son sourire complice. « Nous allons casser deux œufs dans un saladier. Une tâche délicate, car ce n'est pas facile de trouver au début la juste force pour briser la coquille. »

Sakurako lui fit la démonstration en cassant son œuf sur le bord du saladier. Elle n'exécuta qu'un seul coup net qui fissura la coque, avant de l'écarter pour en verser tout le contenu dans le saladier en question.

« Si tu ne frappes pas assez fort, il ne se casse pas, et si tu y mets trop de force, il t'éclate dans la main. Sans compter les morceaux de coquille que personne n'aime sentir croustiller sous sa dent. Allez, essaie. »

Sakurako le laisser lutter contre son œuf, lui en donnant plusieurs s'ils leur arrivaient malheur. A l'aide d'une cuillère à café, elle lui montra si besoin comment récupérer les éclats de coquilles tombé dans le saladier.

« Voilà trésor, tu t'en sors plutôt bien, à croire que tu n'en n'aies pas à ta première fois. » le félicita-t-elle pour lui donner contenance. « C'est maintenant que je compte le plus sur toi : il s'agit de remuer tout ça avec force grâce au fouet, mais sans faire déborder. Je te dirai quand ralentir, pour ajouter du poivre, le gruyère, et la crème liquide. »

Ce faisant, elle lui expliqua également qu'il était important de garder un œil sur la cuisson des lardons, à remuer régulièrement avec les oignons.

« Quand tu obtiens cette texture, c'est bon. Il faut ensuite préparer la grande poêle, et la préchauffer avec une noisette de beurre dessus. Tu peux avec une cuillère aider le beurre en train de fondre à bien se répartir sur la surface, c'est plus facile que le faire au jaugé avec le manche. Ensuite, quand il a entièrement fondu, nous allons verser le saladier dedans. Voilà, tout doucement, c'est bien Yohru. »

Sakurako se montrait extrêmement patiente avec son commis, ne haussant jamais la voix, et étant toujours dans l'encouragement et l'accompagnement. Elle le guidait à chaque pas pour le mettre en confiance, et lui offrait un peu de liberté lorsqu'il semblait prêt. Il avait le comportement vif et curieux de tous les enfants de son âge, mais elle savait s'y prendre pour canaliser ses débordements d'énergie, son attitude maternelle trahissant une certaine expérience déjà acquise.

« L'important, c'est de surveiller l'aspect du côté de ton omelette qui cuit. Quand il a cette texture, tu peux la retourner, comme ça. Et pour finir... »

Quand l'omelette fut prête, Sakurako la déposa dans une assiette, puis fit verser à Yohru les lardons aux oignons dessus.

« Il ne reste plus qu'à la rouler et... tadaa ! Tu as terminé ton premier plat. Félicitation, partenaire. Il ne nous reste plus qu'à la goûter. »

Elle lui tendit un couteau et une fourchette, et lui laissa l'honneur de la première bouchée.

Le jeune garçon écoutait avec une grande attention les paroles de la cheffe cuisinière. Puis de temps à autre, lorsqu’il avait fini de manger ce qu’il avait entre les mains, sont intérêt se dissipait pour aller chercher une nouvelle assiette parmi les dizaines d’autres qui se présentaient sous son nez. Il hésitait pendant quelques instants sur le choix qu’il allait faire comme tout avait l’air si bon, mais rapidement, sa curiosité fut attirée vers le coin de la table, là où étaient déposées plusieurs assiettes aux couleurs éclatantes. Il s’agissait de plusieurs assortiments d’œufs cuisinés de différentes façons, tous aussi intéressants que intrigants. Certains avaient des formes étranges et peu communes, d’autres ressemblaient aux recettes traditionnelles avec néanmoins quelques variantes. Pourtant, tous paraissaient si délicieux rien qu’au parfum ou au visuel. L’enfant avait prit la résolution de goûter chacun de ces assortiments afin de décider lequel avait meilleur goût. Même si au cœur de ces assiettes il n’y avait qu’un seul unique et même ingrédient, les accompagnements apportés et le mode de cuisson changeaient tout le résultat final. L’œuf pouvait avoir plusieurs textures, plusieurs facettes, plusieurs goûts différents malgré sa forme initiale. Comme le disait Sakurako, la diversité pouvait être très enrichissante, peu importe la manière ! Ou, peut-être faisait-elle référence à un autre sujet lorsqu’elle évoquait la “diversité” ? Yohru prit également une petite tartine de pain perdu pour accompagner son œuf à la coque. Une bouchée avait suffit pour lui donner du rêve. Il sentait la mie fondre doucement en bouche avec un léger goût sucré accompagné de la saveur unique de l’œuf qui rajoute une touché légèrement salée sur les bords. La tranche de tartine était bien grillée ce qui rendait en meilleur le résultat.. Puis lorsque la jeune femme annonça à Yohru qu’elle allait lui enseigner une recette, ce dernier ressorti immédiatement de sa rêvasserie.

” Vraiment ? Géniaaaal ! Quelle recette ? Laquelle ? Je pourrais alors me préparer tout ça pour mes petits déjeuners dorénavant ? Je pourrais ? Oui ?” Demandait-il tout en désignant la table recouverte de petit plats, pour certains entamés, d’autres presque pleins.

Son avenir était assuré avec chaque jour un petit matin des plus agréables devant une table bien garnie, pensait-il. Cependant, son souhait ne pouvait pas être réalisé aussi facilement qu’il pouvait l’espérer.. Il n’avait pas songé un instant à la quantité d’ingrédients qu’il avait fallut pour obtenir un tel festin. Pour un enfant qui n’obtenait aucun revenu ni même de l’argent d’un parent et qui vivait sous l’aile de l’Académie, il ne pouvait pas se permettre de cuisiner simplement par plaisir et encore moins pour une telle quantité. Ce jour-là était particulier, il devait profiter de ce que l’on lui proposait, car ça n’allait pas être tous les jours ainsi. C’était une grande occasion pour lui d’apprendre à faire soi-même une recette simple, lui qui ne connaissait rien dans le domaine de la cuisine. Même s’il ne pourrait jamais obtenir l’autorisation de se servir d’un four de la cantine, il pourra toujours se faufiler en douce pour pouvoir l’utiliser même sans permission. Il ne pensait pas aux détails pour l’heure. À ses yeux, lui qui n’avait encore jamais pénétrer dans une cuisine jusqu’à présent, il ne savait à peine à quoi il devait s’imaginer lorsque la jeune femme évoqua la gazière. Peut-être un lance flamme pour carboniser les œufs ? Ou encore quelque chose d’énorme qui pourrait brûler même une maison toute entière ? C’était un objet dangereux apparemment, il fallait être extrêmement prudent à ce qu’il paraissait !

Il se releva doucement de la table avec quelques petites difficultés, cognant les rebords avec son ventre qui était à présent rempli jusqu’à ses limites. Celui-ci avait une toute autre forme que lorsqu’il s’était installé sur cette chaise, il semblait avoir.. gonflé ? Oui, au moins plusieurs dizaines de décimètres par rapport à son état initial. Il était bien caché sous la table, mais à présent qu’il se relevait le détail était flagrant. Le mouvement du jeune aspirant qui pourtant d’ordinaire était extrêmement agile et souple, se retrouvait à faire des gestes lourds sur chacun de ses déplacements. Bizarrement, il se fatiguait vite alors qu'il ne faisait pourtant pas grand chose. Il trouvait lui-même étrange son comportement, il sentait quelque chose d’inhabituel. Ses vêtements n’étaient pas supposés être trop grands ? Pourquoi les trouvait-il trop petit à présent ? En retournant son regard derrière lui, il resta un instant silencieux. Il était lui-même surpris de n’avoir pas pu terminer ce qu’il se trouvait sur la table, mais il sentait que son ventre n’avait plus faim, alors il laissa derrière lui quelques assiettes encore semi pleines. Un regret ? Par vraiment, puisqu’il se sentait en pleine forme avec l’estomac bien remplie, prêt à sauter partout avec une joie débordante. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas pu manger autant, ou peut-être était-ce la première fois ? Il tapota sur bidon avec un air de satisfaction, alors qu’il avait presque triplet de volume, mais ce n’était rien de grave à ses yeux. Comme un ballon qui pouvait gonfler, pourquoi pas son ventre ? Au pire, il reprendra sa forme initiale d’ici quelques petites heures !

" Il a l'air d'avoir grossi.. Mh.. Non, ce n'est qu'une impression ! Bon, allez !

Le jeune apprentis suivit Sakurako jusqu’à l’évier qu’elle lui indiquait d’une main douce et chaleureuse. Il exécuta ce qu’elle appelait les bases de l’hygiène avant de se placer devant la fameuse gazinière tant mystérieuse. À chaque mouvement trop brusque, il ressentait son ventre rebondir contre lui avant de se cogner ailleurs sur le bord d’un plan de travail. Elle prévoyait de lui enseigner une recette d’omelette un peu particulière, différente des plus fades que l’on retrouvait dans les plus petits restaurants. Yohru l’écoutait réciter la liste d’ingrédients avec une grande attention qui ne se dispersait pas aussi facilement que plus tôt, même si chaque mot passait d’une oreille à l’autre sans laisser une grande trace dans le cerveau. Il hochait de la tête à chaque élément qu’elle prononçait et il fut plutôt étonné d’entendre la liste si longue. Il pensait que pour réaliser une omelette, seuls des œufs suffisaient, mais il s’était lourdement trompé. Les lardons, le gruyère, les oignons.. Mais à bien y réfléchir, il se rappela que dans chacun de ses petites dégustations, il avait ressentit des saveurs bien différentes qui faisaient évoluer le goût à l’aliment de base. Finalement, ce n’était peut-être pas si étonnant ? Il s’agissait sans nul doute du secret même d’une bonne omelette !

" Ça sera plus nombreux à l’heure du midi ? Oooh ! Oké ! Oui cheffe ! À vos ordres ! Je suis prêt pour le début de l’opération ! " S’amusait-il à dire en portant sa main à son front.

Aussitôt elle alluma le feu et une lueur bleutée apparut sous la poêle. La couleur était bien originale et fort jolie, Yohru tenta d’effleurer du bout des doigts cette étrange lueur, mais c’était fortement déconseillé. Il était intrigué : Pourquoi ne mettait-elle rien sur la poêle qui grillait lentement sur la flamme ? Voulait-elle faire brûler l’ustensile qui avait déjà perdu une partie de sa couleur grise pour tourner vers un noir plus sombre ? Apparement, il s’agissait d’une astuce spéciale donnée par le chef, alors le jeune apprentis prenait en note qu’il fallait d’abord faire cramer la poêle avant de cuire ses ingrédients dessus. Le duo ne tarda pas et se mit à préparer les œufs en commençant tout d’abord par éplucher l’oignon. L’économe était un outil drôlement pratique, même si à plusieurs reprises il ne fallut que de peu pour que le rouquin ne se taille le doigt. Il plaçait mal ses mains malgré les exemples que lui donnait sa professeur, il fallait avouer que ce dernier n’était pas très habile des mains. Ensuite, ils passèrent à la découpe de l’oignon qui était à présent nu sur la planche. Un grand nombre de fois la lame passa à côté du doigt du garçon, mais la jeune femme derrière lui prenait bien garde à orienter ses mouvements comme il le fallait pour éviter une fausse manipulation. La cuisine était un art bien plus dangereux que ce que les apparences laissaient supposer, une simple mégarde suffisait pour laisser un doigt sur le plateau. Soudain, une larme inconnue monta doucement aux yeux fragiles de l’enfant. Il ressentait quelques picotements et se mit à frotter ces derniers avec ses mains légèrement collantes à cause de l’oignon. Il ne put se retenir, ses yeux continuaient de rougir sous l’effet des frottements et de ses pleures qui coulent le long de ses joues. Lui-même ne comprenait pas pourquoi il se retrouvait dans un tel état, alors que pourtant il ne ressentait aucune tristesse, alors pourquoi ? Même l’oignon qui se trouvait entaillé sous sa lame devait rire sur l’étrangeté de la nature humaine. Ils le taillaient, puis pleuraient après, alors pourquoi l’avaient-ils coupé ? Non, il n’était pas triste, les picotements aux yeux forçaient les larmes à couler. Il se retourna vers la cheffe cuisinière, et lui demandait d’un air interrogateur.

" Patte de chat.. ! Hum.. Ça coule tout seul ! C’est bizarre ? Je sens des picotements, pas comme ceux que lorsque je plonge la tête sous l’eau, mais plutôt.. des picotements.. Brrr ! "

Il n’aimait pas découper les oignons, ces derniers faisaient pleurer leurs assassins. Lorsqu’il eut fini, il déversa le tout dans la poêle qui continuait de griller, avant de rajouter les lardons pour faire dorer à feu vif, c’est-à-dire donner une couleur or aux ingrédients. De temps à autre, le jeune apprentis poussait des cris d’émerveillement en réponse aux petits pétillements de la poêle. La saveur des deux ingrédients se mélangeait entre-eux, exactement comme l’avait prédit Sakurako. Le parfum qui se dégageait du feu était incroyablement envoûtant, même après avoir mangé autant l’odeur invitait à reprendre une petite bouchée rien que pour le goût. Yohru continuait d’observer la scène avec des yeux remplis d’étoiles comme s’il observait un spectacle. Il était prêt à le laisser prendre feu jusqu’à devenir noir comme le charbon. Un filet de salive ne tardait pas à couler au coin de sa lèvre, mais il quitta vite ses songes lorsque la jeune femme lui demandait à combien il évaluait sa force.

" Bien sûr tu peux compter sur moi ! J’ai plus de force que n’importe qui ! " Acclamait-il avec fierté. Casser de œufs ? Facile ! "

Ou du moins, c’était ce qu’il croyait, notamment après cette démonstration qui lui donnait l’impression qu’il s’agissait d’un simple jeu d’enfant. Lorsque vint son tour, il prit l’œuf d’une main et tapa celui-ci contre le bord du saladier avec une grande force qui lui était naturelle. À sa grande surprise, la coquille se brisa en mille morceau et les petits copeaux tombèrent un à un dans le saladier où baignait déjà un œuf. Cependant, ce n’était une raison pour se laisser abattre, au contraire, une certaine volonté peut-être proche de la colère naissait dans le cœur de Yohru. Il en saisit un autre parmi tous ceux qui étaient à disposition pour retenter sa chance. Néanmoins, il avait beaucoup réessayer, ce n’était pas aussi facile que ce qu’il s’imaginait au tout départ. Il exerçait une trop forte pression, même en essayant de détendre ses muscles, inconsciemment il les recontactait et sa force venait écraser l’œuf contre le rebord. Seul le dernier était en meilleur état que tous les autres, même si aucun d’entre eux n’était mieux que celui cassé par la cuisinière en cheffe. Fort heureusement, on pouvait repêcher les morceaux de coquille à la cuillère, même si cette opération nécessitait une certaine délicatesse. Les félicitations de Sakurako le remettaient vite de bonne humeur, il finit par se féliciter lui même.

" Et ouai ! T’as vue ça ? S’exclamait-il souriant avant tout. oké, pas déborder ! Laisse moi voir ! Je vais remuer tout ça à vitesse maxiii ! "

Aussitôt, il attrapa le fouet que l’on lui tendait et se mit à remuer avec énergie. Comme rien ne débordait du grand saladier, il décida d’augmenter la vitesse pour impressionner la jeune femme. Encore un peu, puis encore un peu, encore.. Jusqu’à ce que par inadvertance et manque de contrôle, quelques petits morceaux d’œufs s’échappèrent du saladier qu’il avait pourtant jugé suffisamment grand. Il laissa un petit “oups” sortir de sa bouche, ne sachant plus qui dire d’autre. Heureusement, rien de bien grave à part, il en restait toujours plus à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur, il pouvait encore continuer. Même si bientôt, ça allait le contraire.. Entre temps, il fallait rajouter d’autres ingrédients comme le gruyère, le poivre et la crème liquide, sans oublier de surveiller chaque instant la poêle sur le feu. Lorsqu’une certaine texture était atteinte, alors l’objectif était accompli, même une grande partie avait été éjectée à l’extérieur. Fort heureusement, il existait toujours des moyens pour rattraper et la patience de la jeune femme était hors du commun. Elle lui montrer pas à pas, chaque démarche de la recette, lui expliquant les astuces et ce qu’il fallait éviter. Une grande étape de la recette était la cuisson, il fallait éviter de trop cuir l’œuf au risque de le voir brûler, ce qui arrivait bien souvent avec le manque d’attention. Néanmoins, la cheffe cuisinière maîtrisait parfaitement la poêle et savait quand il fallait augmenter ou baisser le feu. Puis une fois cuit, il suffisait d’enrouler l’œuf pour une belle présentation.

" Waaaaaaaaah ! J’crois que j’ai pigé le truc ! Hey ! Ça sent drôlement bon ! "

À présent, venait l’heure de la dégustation. Le délicat parfum qui émanait de l’assiette suffisait pour donner envie à plus d’une personne. Yohru allait pouvoir goûter en premier sa toute première recette — même si pour beaucoup la cheffe cuisinière Sakurako l’avait beaucoup aidé durant toute la démarche. Il prit les couteaux fourchettes que l’on lui tendait et découpa plus ou moins soigneusement un morceau de l’omelette. La texture paraissait idéale, mais qu’en était-il du goût ? Il dirigea sa fourchette droit vers l’entrée de son palais. Puis, après quelques instants silencieux, il poussa un grand cris avec la bouche moitié pleine. C’était comme une explosion de saveurs ! Il ressentait le goût de l’œuf avec la crème qui se mélangeait aux originalités du gruyère, un fromage fort en goût, puis par derrière, il sentait venir un arôme extrêmement puissant qui faisait pétiller les papilles. Il s’agissait des lardons qu’il avait doré à la poêle avec les oignons, qui apportaient une saveur exceptionnelle. Il ressentait même les petits morceaux de lardon entre les couches de l’omelette. Il manquait peut-être un peu de sel ? Non, les lardons qui étaient salés d’origine venaient apporter leur pigment et équilibraient parfaitement la balance entre chacun de ces ingrédients.

" HAAAAAAAAAAN TROP BON ! "

Il continuait de parler avec la bouche moitié pleine, tout en faisant un signe du pouce de sa main libre. Si Sakurako ne se dépêchait de prendre un morceau, Yohru risquait bien de tout manger, hé hé ! Malgré les diverses petites erreurs du jeune garçon, le résultat était plutôt réussi ! Une prochaine fois, le jeune apprentis pourra cuisiner seul une recette d’omelette — presque — réussi !

Sakurako découpa une portion de l'omelette, et la porta à ses lèvres charnues. Elle était réussi, il n'y avait pas de doute là-dessus, mais il était probable qu'elle ai un meilleur goût encore dans la bouche de Yohru, un goût que lui seul pouvait savourer : celui de la fierté d'un premier plat réussi.

« Un vrai chef ! » le complimenta Sakurako. « Je te laisserai la recette que j'annoterai, afin que tu puisses la refaire sans difficulté. Tout retenir d'un coup la première fois n'est pas évident. »

A mesure que la matinée s'avançait, et que Yohru était initié aux joies de la cuisine, de plus en plus de membres du personnel les rejoignaient derrière leurs fourneaux. Sakurako les saluait tous par leur prénom, tandis que ces derniers détaillaient pour la plupart le jeune commis avec un regard curieux.

« Mon second en chef. » répondait-elle avec assurance et fierté en posant une main sur l'épaule du concerné.

L'ambiance monta progressivement alors que l'équipe se complétait, jusqu'à ce que 11 heures 30 s'affiche sur la montre murale.

« Yohru, mon enfant. L'heure de la tempête approche, et c'est maintenant plus que jamais que je vais avoir besoin de toi. J'ai une tâche capitale à te confier pour m'en sortir. Est-ce que tu t'en sens les épaules ? Je vais avoir de nombreuses commandes, comme tout le monde ici, aussi ton aide me sera essentielle, en allant me chercher les ingrédients que je te demanderai à chaque fois. Il faudra que tu fasses attention à ne pas te faire marcher dessus par les autres, vu que tu n'es pas bien grand en comparaison de mes collègues. Mais agile comme tu es, je ne m'inquiète pas. Tu te souviens bien de tout ce que je t'ai montré quand nous avons fait le tour de la cuisine tout à l'heure ? Les fruits, les légumes et les viandes surtout. »

Chacun commença à prendre de l'avance sur ce qu'il pouvait, que ce soit en préchauffant des plats à feu doux, faisant bouillir des marmites d'eau, ou en découpant légumes et viandes. Tout le monde connaissait le plat du jour, celui qui sera le plus commandé, et qui était donc le plus prêt à débuter sa cuisson, tel un athlète dans les starting-block attendant le coup d'envoi. Quelques commandes arrivèrent, puis le rythme haussa très rapidement jusqu'à l'effervescence dans les cuisines. L'on n'entendait plus que les couteaux en action contre les planches à découpe, le frottement métallique du fouet contre les récipients, la cuisson des aliments dans les casseroles, et le tintement des assiettes prêtes à être servit.

Et au milieu de ce concert culinaire se tenait une seule voix, celle de Sakurako. Elle dirigeait sa cuisine avec une efficacité redoutable, tout en mettant largement la main à la pâte. Elle répartissait les commandes entre les cuisiniers, et donnait l'impression de visualiser tout ce qu'il se passait dans sa cuisine. Rien ne lui échappait, et de temps à autre, elle adressait un conseil sur un plat ou une sauce en cours de réalisation. Et même en plein travail, avec une dextérité qui trahissait une grande expérience du métier, elle gardait toujours un œil sur comment se portait son assistant personnel. Pour Yohru, ce devait être l'occasion de mettre en œuvre les bases shinobi enseignées à l'Académie, avec un parcours sur lequel de nombreuses jambes étaient en mouvement, et contre lesquelles il valait mieux éviter de buter. Un plat renversé pouvait si vite arriver... Mais Sakurako veillait au grain, le sourire affable toujours sur les lèvres, et une étincelle de vivacité dans ses yeux rieurs. Il se dégageait toutefois d'elle une aura que l'on ne percevait que dans ces instants là, lorsqu'elle menait ses troupes au cœur de l’échauffourée gastronomique. Ses décisions étaient suivit sans question, avec efficacité et rapidité, comme une machine aux innombrables mécanismes bien rodés. Elle était dans son élément, sur son territoire.

Le coup de chaud dura jusqu'à 14 heures 30, après quoi l'accalmie qui s'était amorcée une demi-heure plus tôt fut totale. Un long soupire de soulagement fut poussé presque unanimement par l'équipe, laquelle n'avait pas chômé. Tout s'était passé sans accroc majeur, et c'était le plus important.

« Félicitation à tous pour votre travail aujourd'hui. Vous avez été merveilleux, comme chaque jour. Aujourd'hui, comme vous l'avez tous vu, nous avions un petit nouveau avec nous. Merci à tous pour la prévenance dont vous avez fait preuve à son égard. »

Il ne lui avait pas échappé que la plupart s'était montré attentif à Yohru, en l'aidant lorsque c'était nécessaire.

« Ce midi a été un franc succès grâce à lui ! » lança l'un des cuisiniers porteur d'une fine moustache.

Dans le rire et la bonne humeur, chacun s'attela sur les casseroles et marmites qu'ils restaient, piochant ici et là sur une assiette avant de s'éclipser vers une salle annexe.

« Nous allons prendre notre repas maintenant. » expliqua Sakurako à Yohru. « En général, il y a toujours assez de restes du moment chaud de la journée pour nous, alors nous faisons notre sélection dans ce qui a été préparé, et nous nous retrouvons pour manger tous ensemble dans la salle de repos à côté. Tu viens te joindre à nous? » lui proposa-t-elle

C'était sans doute l'un des meilleurs moments de la journée découverte.

" Héhé ! T’as vu ça ? Enfin, je veux dire, t’as goûté ça ? C’est bon, même super bon ! "

Face au merveilleux compliments de la cheffe cuisinière, Yohru ne pouvait que être fier de son talent. Il fit un léger sourire de satisfaction avant de prendre une pose de victoire. Une recette d’omelette pouvait paraître simple pour beaucoup d’amateurs de fourneaux, mais lorsqu’il s’agissait d’une première fois où l’on touchait à des ustensiles de cuisine, on pouvait être fier de sa première réussite. Le jeune garçon commençait à s’imaginer au centre du monde, un simplement petit mot d’encouragement pouvait avoir des effets multipliés sur lui, notamment lorsqu’il s’agissait d’un compliment. Il ne faisait plus vraiment attention aux paroles de la jeune femme, avant de revenir à la réalité se rappelant d’un léger détail. Il n’allait certainement pas se souvenir de la recette, la noter quelque part serait bien pratique. Néanmoins, seulement s’il savait lire, or ce n’était pas le cas.

" Waaaah ! Euh.. Tu ne voudrais pas rajouter des petits dessins à côté pour que ça soit plus facilement compréhensible ? Parce que bon, les calligrammes et tous les autres gribouillis.. C’est un peu compliqué à comprendre, mh ! " Disait-il d’un air perplexe.

Une petite heure s’était presque écoulée depuis que le rouquin travaillait en cuisine et découvrait de nouvelles recettes, l’heure du midi approchait à grand pas, de nouveaux personnages rentrèrent un à un dans la grande pièce. Ils étaient chacun vêtus de blanc et ils portaient tous les mêmes habits avec les mêmes étranges chaussures en forme de pantoufle. L’aspirant dévisageait ces adultes tous semblables les uns aux autres comme une petite armée pour la cuisine. Il en déduisit facilement qu’il s’agissait des collègues de travail de Sakurako, tous de grands cuisiniers. Le garçon sourit de nouveau pour répondre à l’appellation du "second en chef", car c’était bien à lui que l’on décernait ce titre. Puis comme si un signal venait d’être donné, tous ces nouveaux hommes en blanc prenaient place devant les comptoirs de travail et se mettaient à découper des légumes presque machinalement avec un sourire qui rayonnait leur visage. La scène qui se déroulait tout autour de Yohru l’intriguait fortement, avant de se faire appeler par la jeune femme qui semblait demander de l’aide.

" Besoin de moi pour combattre la tempête ? Oké, pas de soucis ! Je sais comment m’y prendre avec ça, il suffit de souffler assez fort pour la renvoyer d’où elle vient ! Hein, c’est pas ça ? Bien sûr que j’ai de larges épaules, hé hé ! Je vois, je dois aller prendre tous les ingrédients que l’on me demande et les rapporter à celui qui en a besoin ! Facile, oui, je suis très agile ! Tu vas voir ça ! " Affirmait-il avec le sourire jusqu'aux oreilles.

Si pour le moment tout semblait encore calme, ce n’était que les préparatifs avant l’arrivée de la tempête comme l’appelait la cheffe cuisinière. On racontait que lorsque midi approchait, les clients venaient par dizaine, vingtaine et peut-être même cinquantaine, semblable à une véritable tornade qui vienne dévaster — si on peut le dire ainsi, le restaurant. À l’extérieur, les jeunes serveurs couraient dans tous les sens, dans les cuisines l'ambiance était d’autant plus animée. Un évènement assez incroyable aux yeux de Yohru qui n’avait jamais eu l’occasion d’entrer à l’arrière, lui qui était habitué aux ambiances chaleureuses de la grande salle. Derrière ces deux portes, ici l’air était plus chaud avec sur le feu différents aliments qui cuisaient, et tout le monde semblait encore plus pressé que les serveurs à l’extérieur, sans compter le bruit également plus important.

Néanmoins, parmi ce semblant désordre en cuisine, la jeune femme que l’aspirant connaissait comme douce et chaleureuse se montrait autoritaire, peut-être même stricte, elle dirigeait les autres hommes d’une main de fer. Elle semblait partout à la fois, aussi bien à aider ceux en difficulté qu'à s’occuper elle-même de petits plats. Elle avait bien l’étoffe d’une cheffe cuisinière ! Durant cette lutte infernale, le jeune garçon ne restait pas les bras croisés à ne rien faire, il faisait des allers-retours sans cesse pour rapporter les ingrédients que l’on lui demandait. Il avait de bonnes capacités physiques et une bonne endurance ce qui lui permettait de maintenir le rythme tout le long de ses courses. Une fois sur deux, il confondait quelques ingrédients avec un autre, à cause de peut-être un manque d’attention qui se dispersait assez facilement, mais rapidement, il se faufila de nouveau à travers la nuée d’adultes habillés en blanc pour retourner chercher le bon ingrédient. Sa fine silhouette lui était plus avantageuse que n’importe quelle autre fois, grâce à une bonne maîtrise de son corps, en moins de quelques instants, il parvenait à atteindre sa destination et à attraper l’aliment qu’il souhaitait. C’était là une bonne preuve qu’il maîtrisait parfaitement bien ses aptitudes physiques, avec néanmoins quelques petites défaillances sur l’attention qu’il portait dans ce qu’il faisait.

La lutte menée dans les cuisines s’étendait sur plusieurs heures, mais tellement que chacun était préoccupait par ce qu’il faisait, nul ne prêtait attention à l’heure. Elle semblait tourner tellement vite que ces instants d’agitation ne semblaient avoir duré qu’une heure, alors que pourtant presque trois heures s’étaient écoulées. La fin du service de ce midi se terminait peu à peu avec la grande ambiance qui se calmait et se ralentissait pour reprendre un rythme plus lent. C’était le moment de souffler pour les cuisiniers et la grande cheffe Sakurako qui s’était montrée incroyable telle une meneuse de troupe pour la bataille. Yohru après ces longues courses d’un bout à l’autre de la cuisine commençait également à s’épuiser, mine de rien, il n’était pas infatigable malgré toute l’énergie qu’il conservait. Quelques petites perles de sueurs coulaient le long de son visage. Même s’il devenait fatigué, il était étonnamment de bonne humeur et très fier de son travail. Malgré plusieurs erreurs sur les commandes d’ingrédients, il parvint à reprendre le bon aliment à temps avec que la casserole ne boue trop. Pour conclure cette belle matinée, la grande cheffe cuisinière terminait par un discours de remerciement aux travailleurs, notamment pour l’attention accordée au jeune rouquin. Ce dernier affichait un large sourire lorsque l’on évoqua son nom, comme pour se montrer en fière allure.

" Héhé naturellement ! J’suis le meilleur ! " Terminait-il avec un goût de satisfaction.

Il était vrai qu'à présent, il commençait à avoir faim. C’était même étonnant que jusqu’à maintenant son ventre n’ait pas gargouillé durant tout de long, mais il fallait avouer qu’au petit-déjeuner, il avait mangé en grande quantité. C’était d’ailleurs grâce à ça qu’il avait à présent encore tant d’énergie. Depuis lors, son ventre qui avait gonflé n’avait pas mal diminué également, ce qui lui permettait à présent d’en reprendre à nouveau. À la proposition de Sakurako, il sauta en l’air de joie.

" Oui ! Mangeeeeer ! Yeaaaaaaaaaah ! "

Ce dernier la suivit piocher dans les restes avant de rejoindre toute la grande équipe dans la salle à côté.

Yohru s'était donné à fond. Il avait la passion du jeune garçon avec lui, un peu en décalage avec la réalité parfois, mais il vivait avec intensité – ce qu'hélas l'on avait tendance à perdre avec l'âge – et c'était là l'essentiel. Après l'intensité du coup de chaud de midi, il avait amplement mérité son repas.

« Tu as prit tout ce que tu voulais mon petit ? »

Sakurako regarda l'assiette de Yohru, laquelle aurait gagné à être un peu plus grande, compte tenu de la quantité qu'elle contenait.

« Je vois que tu aimes manger. C'est bien. Un beau jeune homme comme toi, en pleine croissance, a besoin de bien s'alimenter pour grandir et devenir fort. Là est le secret de la vitalité des hommes de mon clan. »

Affectueusement, elle lui ôta sa charlotte et lui passa une main dans les cheveux.

« J'ai un très jeune fils. J'espère qu'il sera aussi vif et gaillard que toi. »

Il fit ensuite un tour ciblé des cuisines, comme si elle savait déjà ce qu'elle allait trouver, pour se sélection un menu complet.

« Nous y allons ? » proposa-t-elle avec le sourire.

La salle de repos, située non loin des cuisines, porterait presque mieux le nom de salle de repas. Tout dans son aménagement et sa disposition suggérait qu'elle était conçu pour que l'on s'y sente le plus à l'aise possible à pour manger. A commencer par les nombreuses tables juxtaposées au centre, de sorte à rendre plus conviviale la prise de son repas avec autrui. Tout le monde était déjà installé et discutait, il ne manquait plus que Sakurako et Yohru. Il n'y eu pas de bénédicité, simplement l'attente que la cheffe de cuisine prenne place pour que chacun commencer à manger.

Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'était pas le sujet de la cuisine qui se tenait sur toutes les lèvres. Il y avait bien un compliment par-ci par-là à l'attention d'un collègue pour sa réussite dans un plat, ou un tacle bien appuyé dans les genoux, mais globalement, vu que chacun connaissait le reste de son équipe, et qu'ils sortaient tous de près de trois intenses heures de cuisine, cela parlait surtout d'autres choses. Pour sa part, Sakurako s'entretenait surtout avec son commi, occupant ainsi les jeunes oreilles de ce dernier loin de discussions qu'ils n'avait pas forcément besoin d'entendre à son âge – discussion qu'il lui arrivait de couper court en lançant aux concernés un simple sourire aimable, mais affuté comme un rasoir sur les bords.

« J'espère que cette journée était à la hauteur de ce que tu en attendais, Yohru. Comme je suis là depuis ce matin avec toi, le service est terminé pour nous aujourd'hui. Tu as le reste de ton après-midi de libre du coup je pense. A moins que tu ne sois attendu à l'Académie ? »

Natsuki ne lui avait rien dit à ce sujet. Le mieux sera de lui poser la question quand elle lui donnera ses impression sur Yohru pour la journée.

« Alors comme cela, tu veux devenir Shinobi ? Qu'est-ce qui ta plait dans le métier ? Raconte-moi d'où te vient l'envie. » demanda-t-elle. « Te-te-te. Avale ce que tu as en bouche avant de parler. » corrigea-t-elle.

Le ton restait aimable, souriant, mais quelque part, dans le fin fond de la partie reptilienne du cerveau, une petite voix interprétait la demande comme un ordre à ne pas outrepasser.

« Je sui devenu ninja par défaut à l'époque, en ce qui me concerne. » expliqua Sakurako. «  C'était bien avant la création des Villages shinobi. Mon clan, comme beaucoup d'autres nukenin à l'époque, vivait de ses deux arts les plus célèbres d'aujourd'hui. Devenir ninja était en quelque sorte l'évolution naturel d'un enfant naissant dans notre cercle. Nous étions entrainés très jeunes, il fallait bien cela pour préparer notre corps à la suite. Alors bien sûr, j'ai appris beaucoup d'autres choses, mais ma voie était déjà tracée par mon sang. »

Elle entreprit de servir un verre d'eau à Yohru, ainsi qu'à elle-même.

« Je n'ai pas de regret pour autant. J'étais fière de contribuer à la vie de mon clan. Puis il y a eu la guerre, la fameuse et tristement célèbre Grande Guerre. Elle a fait beaucoup de mal à tous celle-là. De sa fin sont nés les Villages d'aujourd'hui. Nous avons aidé à bâtir les fondations de Konoha, et nous nous y sommes installés avec de vieux amis, les Nara. C'est là que j'ai connu mon mari, et après être tombée enceinte, j'ai décidé de me retirer de la profession. Mon petit bout de chou avait besoin d'une mère, et mon mari suffisait pour construire un monde dans lequel notre enfant pourra grandir en paix. C'est ainsi que j'ai repris un travail à plein temps comme cuisinière ici, et que je t'ai rencontré.  »

Elle offrit un visage tendre au jeune garçon.

« La vie a plus d'une facette, mon petit Yohru, elle ne se limite pas à une seule. Mais peu importe ce qu'elle est, n'oublie pas de la vivre intensément chaque jour. C'est le plus important. »

La jeune femme demanda à Yohru si ce dernier avait bien prit tout ce qu’il voulait dans son assiette, il lui répondit par un grand hochement de tête étant incapable de parler à cause de la nourriture qui remplissait déjà sa bouche. Il s’empressa d’avaler le tout pour afficher un large sourire avant de répondre oui. Face à tant de compliments, il montrait de nouveau une expression fier de lui et de son travail qu’il avait mené dans la cuisine. Il sentit sa main passer dans ses cheveux, ne comprenant pas aux premiers abords à quoi correspondait ce geste, avant de deviner le côté affectif que renfermait cette douce caresse. Lorsque Sakurako avait également fini de se servir son propre menu, le duo partit sans plus tarder en direction de la grande salle pour savourer leur repas avec tous les autres membres de l’équipe.

L’ambiance était agréable autour de la table, chacun discutaient de bonne humeur et parlaient de tout et de rien simplement pour prendre du bon temps après la difficile matinée si mouvementée. Le jeune rouquin ne comprenait pas toujours tout ce que disaient les autres convives, quelques fois, il se montrait attentif à essayer de suivre leur conversation, mais il était incapable de saisir le réel sens de leurs mots. Puis, à ses côtés se trouvait la cheffe cuisinière qui entama alors la discussion, sans doute plus interessante comme elle parlait d’un langage plus simple de telle sorte à ce que le garçon puisse comprendre. En même temps que ce dernier se goinfrait de ce qu’il se trouvait sous son nez, il répondait en même temps aux questions ou simplement pour parler faisant perdurer la conversation.

”C’était génial ! C’est la première fois que je découvre l’arrière de la cuisine ! Je savais pas que c’était si mouvementé, si.. C’était drôlement fun ! s’exclamait-il avec quelques grands gestes frôlant légèrement l’oreille de son voisin de table. Nope ! L’après-midi, je n’ai encore rien de prévu ! Je n’aime pas vraiment aller à l’Académie, alors j’irais sans doute me promener quelque part. Ou peut-être devrais-je essayer de trouver quelqu’un avec qui m’amuser, mh. ”

Il n’avait pas encore réfléchit à la question, mais il irait très certainement chercher un passant de la rue pour aller s’amuser avec lui, comme il le faisait bien souvent pour faire passer son temps libre. Une chose était sûre, il n’allait pas se rendre en classe, il avait une profonde haine envers l’ennui permanent lorsqu’il s’agissait des études. Puis, il n’avait pas besoin de s’y rendre étant donné que le directeur l'avait dispensé d’assister aux cours pendant ces deux semaines. Et, il n’avait pas envie de retourner au dortoir de si bonne heure, il n’aimait pas beaucoup rester enfermé dans une chambre trop longtemps, il préférait l’air libre du centre-ville. Il retournerait là-bas le soir uniquement pour dormir, ce qui avait été convenu avec le directeur. Il s’agissait déjà d’un gros effort de la part de l’aspirant, lui qui dormait encore dans les rues quelques jours auparavant.

Il s’apprêtait à répondre au mot “shinobi”, mais il se fit interrompre avant qu’il n’ouvre sa bouche déjà pleine. Il avala d’un trait, avant de saisir un nouveau morceau dans son assiette pour le manger, avalant une nouvelle fois. Il n’avait plus la bouche pleine, il se tourna encore une fois vers la jeune femme.

"Mais tu sais, mon rêve n’est pas de devenir shinobi, hein ! À vrai dire même, ça ne m’intéresse pas vraiment. Si je suis à l’Académie, c’est simplement parce que l’on m’y envoie, mais je ne suis pas vraiment intéressé. Puis, apparemment, il faut que je dorme dans une “chambre convenable” c’est pourquoi on m’envoie au dortoir et à l’Académie. Tss. Terminait-il avec un air légèrement grognon. Quoique ! Parfois c'est fun quand je peux me battre contre les autres ! Mais souvent, ils sont tous des peureux et s'enfuient de l'autre côté, pff ! "

Il se mit à écouter le récit de la jeune femme tout en poursuivant son repas. Puis, cette dernière lui servit un verre tout en continuant de parler, un verre que Yohru but en quelques gorgées. Certaines parties de son histoires étaient difficiles à comprendre, peut-être parce que l’enfant n’était pas encore né à cette époque ? La grande guerre, il ne connaissait que très vaguement la chose. Il s’agissait apparement d’un grand évènement ou du moins c'était ce que laissait suggérer son nom. Contrairement à ce que pourrait croire certains, le jeune garçon était réellement ignorant du monde ainsi que de tout ce qu’il se passait en dehors. Il connaissait à peine le nom des autres villages et l'existence d'un empire, mais à force que l’on lui répète “Konoha” il était parvenu à s’en souvenir, mais ce n’était que très récemment. Refuser d’aller en cours ne l’aidait pas beaucoup plus, la géographie ou l’histoire, l’écriture ou la lecture, il restait incompétent dans tous ces domaines. Néanmoins, il existait une petite chose qu’il aimait bien faire, mais qui malheureusement n’était pas enseignée aux premières années. Les combats, sans doute un début qui l’avait envoyé sur la voie du shinobi. Son maître, à présent décédé, lui avait enseigné les arts du combat, c’était également lui qui avait formulé la demande à ce que ce dernier soit envoyé à l’Académie afin qu’un jour il puisse servir son village et le protéger de ses convictions. Mais depuis, le garçon avait quelque peu déformé les trait de ce savoir qui lui avait été transmis pour l’utiliser afin de faire des bêtises ou des farces. Cependant, son maître n’en savait sans doute rien puisque son âme avait déjà disparu vers les cieux.

”Plusieurs facettes ? J’suis pas sûr de tout comprendre. Mais je vis bien ma vie à fond et c’est bien ce que je compte faire ! Je veux vivre ma vie aussi librement que possible “ S’exclamait-il.

Bien que Yohru lui révéla ne pas être un grand fan de l'école, Sakurako se garda de commenter l'information dans un premier temps, préférant d'abord écouter les raisons qui se trouvaient derrière.

« Il n'y a que toi pour savoir quelles sont vraiment tes envies, Yohru, et quel sens donner à ta vie. Alors effectivement, si tu veux être un homme libre, c'est à toi de prendre ton destin entre tes mains. Toutefois, tu es peut-être un peu jeune pour le savoir réellement : tu as besoin d'avoir les moyens pour tes ambitions. »

Et ces moyens, Sakurako pensait qu'il s'agissait d'abord de repères dont manquait l'enfant. A dix ans, il était dans une période où il cherchait ses limites, mais à l'entendre, la cuisinière avait comme la sensation que le seul mur qu'il rencontrait était celui du directeur de l'Académie, et celui de ses parents pour qu'il suive la voie des ninja. Un choix sur lequel Sakurako n'avait rien à dire, l’éducation de Yohru ne relevant pas de son pouvoir.

« Tu sais Yohru, la finalité de tout homme n'est pas de devenir shinobi. Tu as le droit de vouloir faire autre chose de ta vie. L'essentiel est que puisse être heureux sans porter atteinte à d'autres. Nous, les adultes, ne devrions pas être là pour te forcer à suivre la carrière que nous jugeons la mieux pour toi, mais plutôt à t'aider à joindre tes désirs d'avenir avec notre expérience du passé. »

Autrement dit, ne pas l'enfermer dans une case juste pour qu'il corresponde aux attentes de la société. Mais après tout, qu'est-ce qu'un enfant de dix ans sait de la vie et de l'avenir ? Il n'a souvent pas assez de repères et de savoir pour concevoir son avenir plus loin que '' je veux m'amuser, je n'aime pas l'école. '' Et avec toutes les bonnes intentions du monde, il est difficile pour un parent de laisser agir ainsi son enfant sans mettre de holà. Un enfant à besoin de liberté pour grandir, mais aussi de limite pour d’épanouie, sans quoi il risque de se perdre dans l'immensité de la vie.

« Les adultes ont l'air ennuyeux parfois, à donner des ordres tout le temps, mais crois-moi, même si cela n'en a pas l'air, c'est avant tout pensé pour ton bien. Se battre, c'est facile, tout le monde y arrive. Mais tu ne peux pas t'en contenter. Pour vivre, tu as besoin des connaissances et de l'éducation qui apporte l'enseignement. Et heureusement, si ninja ne t'intéresse pas, il existe d'autres écoles pour cela. Dans des classes pour ceux qui destinent à la vie civile. Un métier peut s'apprendre dès 14 ans en fonction de, mais tu as besoin d'un peu plus que savoir lire, écrire et compter pour cela. Raconte-moi donc du coup, qu'est-ce que tu aimerais faire plus tard ? »

Un enfant avait toujours des rêves pleins la tête, et Sakurako était curieuse de connaître ceux de Yohru.

Le jeune garçon poursuivait son repas tout en prêtant une oreille plus ou moins attentive aux paroles de la jeune femme. Elle avait très certainement raison, Yohru devait être le seul à décider de son avenir, de ce qu’il voulait faire et ce qu’il voudrait devenir. Il comptait bien prendre, comme le disait Sakurako, son avenir en main. Il ignorait encore quelles surprises l’attendaient au bout du chemin, mais il n’allait pas se laisser emporter par le courant du temps avant de se rendre compte de sa mauvaise direction. Il vivait sa vie ainsi que chacune des journées qui le composaient avec toute la vivacité d’un enfant. Il savourait la liberté comme il respirait l’air frais, c’était devenu indispensable et naturelle à sa vie quotidienne. S’échapper des cours, prendre ce qu’il voulait prendre, faire ce qu’il voulait faire, c’était devenu sa façon de vivre depuis qu’il s’était retrouvé sans personne, il avait décidé de poursuivre ses jours de sa plus belle façon. Il ne pouvait pas deviner l’avenir comme les diseurs de bonne aventure — qui pour la plupart étaient tout simplement des menteurs qui chantaient des belles chansons pour leur argent, alors autant ne pas penser à ce que l’on ne pouvait pas savoir. Il valait mieux vivre pleinement avec toute son énergie ses beaux jours, faire ce qu’il lui plaisait si jamais un mauvais jour viendrait.

”Mais je ne suis plus jeune ! Je suis un grand garçon, moi ! Graaaaand ! J’ai les moyens d’être fort, je pense devenir fort, je suis fort ! “ Déclarait-il avec une certaine fierté.

La puissance représentait l’une des lois qui régissait ce monde. Les adultes se croyaient plus forts, car ils avaient d’avantage de puissance. Lorsque Yohru en aura tout autant, il saura se montrer encore plus vaillant que ces derniers. Pour le moment, il ne ressentait pas le besoin de s’entraîner si durement comme les autres élèves de l’Académie, il ne comptait pas faire de grandes prouesses et n’avait aucun grand objectif en tête. Sa force actuelle lui convenait, il était toujours plus puissant que les petits civils du centre-ville et cela lui allait très bien. Parfois, il pouvait même battre ceux qui se faisaient appeler Shinobi, quelques rares cas. Il était du même avis que Sakurako sur plusieurs points : les adultes étaient ennuyants, ils se croyaient tout permis à donner des ordres à tort et à travers. Se battre était une chose facile, sans doute tout le monde pouvait le faire, néanmoins, certains le faisaient mieux que d’autres ce qui était son cas, croyait-il. Cependant, il n’était plus du même avis quant au reste de ce qu’elle disait.

Penser pour son bien, expliquait Sakurako. En quoi, sermonner un enfant pouvait-ce être pour son bien ? En quoi, enfermer un enfant dans une salle et le forcer à faire quelque chose de déplaisant était-ce pour son bien ? Il n’avait pas réellement besoin de ces fameuses connaissances ou l’éducation, ou du moins pas au prix de devoir rester enfermé dans une pièce à supporter les discours bruyants des adultes. Il ne préférait pas y penser, même si c’était réellement nécessaire pour grandir dans la vie, il ne voulait simplement pas apprendre. Lorsqu’elle parlait de la vie civile, cela pouvait être tout aussi intéressant, comme le rôle de cuisinière ! Il pourrait manger autant tous les jours ! Cependant, il n’avait pas songé aux difficultés, car il ne savait à peine cuisiné et il avait bien du mal à apprendre. Ce jour-là, il parvint à accomplir son omelette, il se croyait capable de tout, même si derrière pour beaucoup la jeune femme l’avait aidé. Même pour un métier aussi banal, il fallait savoir lire les recettes, ce qui suffisait à déplaire au rouquin.

Il piqua les dernières courgettes qui restaient dans son assiette avant de les dévorer de quelques bouchées. Il avait terminé son plateau, il ne restait plus rien si ce n’était que ses couverts. Il en profita pour boire son verre d’eau, pour ensuite répondre à la question de la jeune femme. Il commença tout d’abord par fumer des oreilles, son cerveau tournait à toute vitesse suite à ces enchaînements d’explications, arguments, qu’il avait encore du mal à saisir. Il préférait ignorer toute la partie qui ne le concernait pas tant que cela, et répondre directement à la dernière question. Il réfléchissait mûrement derrière ce visage souriant qui témoignait d’une certaine inconscience. Contrairement aux apparences, il réfléchissait bien plus que ce que laissait croire cette expression quelque peu ignare.

”Plus tard ! Euh.. Pourquoi tu me poses la question, déjà ? D’ailleurs, ça me rappelle que le vieux roux de l’Académie me l’avait demandé une fois également. Qu’est-ce que je lui avais répondu ? Je ne m’en souviens plus vraiment. Ce que j’aimerais faire plus tard ? Étant donné l’après-midi qui approche, je ferais peut-être une sieste. Non, plus tard dans l’avenir ? Sans doute la même chose qu'aujourd’hui. Oui, je veux continuer mes jours ainsi ! Je n’ai pas besoin d’apprendre, ni de lire, je n’en n’ai pas besoin. Ma vie est bien belle actuellement et je veux juste qu’elle perdure ! “ Terminait-il avec un sourire.

Il était sans doute difficile de converser avec un esprit aussi simpliste que le sien. Il ne donnait pas l’air de songer sérieusement à la question, pourtant, c’était bien ce qu’il voulait faire : continuer cette même vie qu’il avait aujourd’hui, manger à bon souhait, rêvasser et dormir. Cependant, était-ce seulement possible ? Même si ce n'était pas le cas, il se forçait à y croire.

Une main sur sa joue, Sakurako écouta avec une expression triste sur le visage la réponse de Yohru, surtout la conviction avec laquelle celui-ci s'exprimait. Plus elle l'entendait, et plus ses impressions se confirmaient. Sa nature maternelle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour l'avenir d'un si jeune garçon partant avec de telles idées. Mais justement, tout enfant vivait dans le quotidien avec des idées folles et des pensées fantaisistes. Peut-être n'y avait-il pas raison de se faire un sang d'encre pour lui. Du moins, avec les limites d'un cadre.

« Je suis sûre que tu mènes une vie fantastique, et qu'elle perdura. » lui sourit-elle, en retrouvant des teintes colorées.

Elle n'y croyait pas. La société était cruelle. La société, aussi cosmopolite qu'elle soit, rejetait ce qui ne rentrait pas dans le moule. Sakurako savait qu'elle ne pouvait rien faire pour Yohru. Elle n'en avait ni les droits, ni les moyens. Mais à défaut de pouvoir lui offrir un futur à sa convenance, elle pouvait au moins lui assurer le jour d'un présent serein.

« Mange à ta faim mon enfant. Et profite du jour présent. Aujourd'hui est hélas toujours la plus belle des journées. »

Le repas touchait à sa fin, pour tous, et lorsque chacun eu posé ses couverts, les mains posées sur le ventre et l'expression repue peinte sur le visage, Sakurako attiré l'attention de son équipe.

« Bien, puisque je vois que tout le monde a terminé, il est temps de désigner les quatre heureux chanceux qui seront en charge de la plonge aujourd'hui. Avant de procéder comme nous avons l'habitude de le faire, y'a-t-il des volontaires ? »

Un seul leva le bras, en affirmant qu'il n'avait pas de prérogative aujourd'hui : il préférait autant que son tour passe maintenant. Sakurako hocha la tête, puis se leva pour atteindre le meuble sur le côté. Une marmite reposait dessus, à côté d'une petite pile de papiers dépliés. Elle fouilla dedans quelques instants, puis en tira un qu'elle déposa avec les autres.

« Personne d'autre ? Très bien. »

Il piocha au hasard dans la marmite, et déplia le papier pour lire le nom figurant dessus. Celle tirée au sort fit la moue, tandis que quelques plaisanteries fusèrent àvson attention. Le schéma se répéta deux autres fois, ce qui acheva de désigner les quatre employés de corvée ce jour.

« J'ai eu l'idée de ce système avant ma grossesse. » expliqua-t-elle à Yohru. « En tirant au hasard, tout le monde passe à tour de rôle par la corvée de vaisselle. Cela nous rappelle les bases où nous avons tous commencé, et qu'il n'y a rien de dégradant dans les corvées qui nous ont forgé. Car le monde n'est pas fait que de plaisir, mais que cela ne nous empêche de vivre heureux, et d'avancer avec le sourire aux lèvres. »

Des paroles qui marquaient la fin de ce repas, le personnel tiré au sort se chargeant de récupérer les assiettes de chacun, qu'ils transportèrent jusqu'à la cuisine. Sakurako, pour sa part, salua ses collègues, puis accompagna Yohru jusqu'au vestiaire pour qu'il puisse se changer.

« Bien, je pense que nous en avons fini pour aujourd'hui mon cher Yohru. Tu as été un assistant merveilleux, et j'ai prit beaucoup de plaisir à travailler avec toi. J'espère que nous nous reverrons dans l'avenir. »

Une fois prêt, elle marcha avec lui jusqu'à l'entrée, et lui ouvrit la porte avant de sortir avec lui. Elle posa un genou à terre une fois à l'extérieur pour se mettre à la hauteur du jeune garçon, puis passa la main dans la chevelure de ce dernier dans ce même geste affectueux qu'elle avait si souvent reproduit avec lui aujourd'hui.

« Prends soin de toi surtout. »

Elle se redressa de toute sa hauteur, puis après s'être époussetée les jambes, puis regarda l'enfant s'éloigner jusqu'à ce qu'elle le perde le vue. Elle ignorait de quoi sera fait l'avenir pour ce jeune homme qui se croyait indépendant de tout, mais elle espérait qu'il puisse se passer pour le mieux.

Car en définitif, ce n'était qu'un brave garçon un peu rêveur : il n'avait pas mauvais fond.

Le jeune garçon lisait une pointe de tristesse malgré cette expression maternelle qui ornait le visage de la cheffe cuisinière, pourtant, il ne saurait dire les origines de sa peine. Il l'observait de son air innocent sans réellement lui demander les raisons, puis lorsqu'elle lui sourit de nouveau, l'enfant lui rendit ce sourire. Lui-même derrière cette joie apparente, il se fit atteindre par sa peine, il sentit naître au fond de lui un certain regret. Ce n'était sans doute pas la même émotion qui tourmentait les deux personnages, Yohru ressentait d'avantage un sentiment qui se rapprochait de la nostalgie. Il s'agissait bien des paroles qu'il avait prononcé lui-même, il continuera cette vie fantastique et que son quotidien paisible perdurera, mais pourtant, ces mêmes mots sorties de la bouche d'une autre personne les faisait sonner différemment. Une cruelle question continuait de résonner dans son esprit, même en essayant de l'ignorer au mieux, il ne pouvait s'empêcher d'entendre cette voix grave qui lui demandait d'un large sourire : crois-tu vraiment que cette vie pourra perdurer ainsi ? Sans même entendre, la réponse était oui. Un futur imaginaire qu'il s'efforçait à croire comme tout enfant vivant dans un rêve et il comptait bien tout faire pour rendre cette illustration qu'il peignait avec les couleurs de son âme réelle, dans ce monde parfois bien cruel. Si lui-même ne pouvait croire en ses espoirs, qui le ferait ?

Suite aux paroles de Sakurako, le jeune aspirant piqua les quelques dernières pommes de terre par-ci par-là qu'il dévora de quelques bouchées. Le repas se terminait peu à peu avec tous les autres cuisiniers qui finissaient leur plateau ainsi que leur discussion. Puis rapidement, la femme aux cheveux violacés attira l'attention de toute son équipe. Ils procédèrent à une sorte de tirage au sort pour déterminer les quatre membres qui feront la vaisselle. Ces derniers se dirigèrent vers la cuisine emportant avec eux tous les couverts ainsi que les assiettes de tout le monde. Tandis que Yohru qui venait de finir sa matinée, il se fit raccompagner par la cheffe cuisinière jusqu'aux vestiaires où il put se changer. Finalement, il s'était habitué à ces pantoufles, il avait même fini par oublier leur présence à ses pieds. En s'observant un peu plus longtemps à travers la glace à disposition, il se trouvait même plutôt beau dans ces vêtements qui à présent n'étaient plus aussi blancs que lorsqu'il les avait enfilé. Il suivit ensuite la jeune femme jusqu'à la porte du restaurant, où ils allaient pouvoir se dire au revoir. Il ne savait pas encore quand il allait pouvoir revenir, mais très bientôt espérait-il.

" Oui ! La matinée est finie, dommage, je m'amusais plutôt bien pourtant.. J'espère aussi pouvoir te revoir ! Je reviendrais à la prochaine occasion, promis ! Je pourrais manger à nouveau ta cuisine, héhé ! À bientôt, hein ! Je reviendrais ! " Fit-il tout aussi joyeux.

Il était bien content de sa rencontre avec la jeune femme, c'était l'une des premières fois où il avait eut l'occasion de passer une matinée derrière les cuisines d'un restaurant. Il ouvrit de nouveau son ombrelle et il prit la direction du parc. Il prévoyait de se trouver un coin tranquille pour faire sa petite sieste de l'après midi. Sur le chemin, il songea à toutes sortes de choses. C'était d'ailleurs étonnant que le directeur puisse connaitre un tel restaurant, il connaissait le patron ? Finalement, il arriva puis s'allongea sur l'herbe avant de laisser tomber doucement ses paupières sous la douceur du vent de printemps. Belle journée et le ventre bien repu, la fatigue le gagnait.

HRP: