Amano avait eu besoin de temps après toutes ces retrouvailles. Il n'avait pas vraiment eu de temps à lui depuis qu'il avait posé ses pieds hors de l’hôpital et sa tête le travaillait de trop. Pourtant ce matin, dans la maison de sa femme qui n'était pas là, il avait ramassé une lettre sur le sol et l'avait ouverte.
Quand il lu les premiers mots, quand il comprit de qui il s'agissait, sa main froissa le papier et son œil se leva. Plaisir et souffrance d'avoir de ses nouvelles après tant de temps passé loin de lui, après la déclaration de Kira sur les sanctions encourues pour quiconque le verrait.
Les mots lui firent mal. Le regret n'était jamais une bonne chose et le blond en savait quelque chose, puisqu'il regrettait sa faiblesse.

Un long cri sortit d'entre ses lèvres et il se hâta hors de la maison, jusqu'à un terrain d'entraînement libre et son poing frappa le sol, de toutes ses forces, soulevant le sable autour de lui.

De quel droit, maintenant justement où il allait le plus mal, il revenait vers lui ? Pourquoi alors qu'il avait juré de servir les intérêts de son maître et donc de son clan ? Frappant une nouvelle fois le sol mais faiblement, Amano se releva, l'oeil rougit par des larmes qui ne voulaient pas couler. Il se rappelait encore amèrement les mots qu'il lui avait lancé froidement : « Le sang m'importe peu, les Kawaguchi n'ont jamais été, ne sont pas et ne seront jamais ma famille. Étant un d'entre eux, tu n'es pas et ne sera jamais mon frère. »
Il voulait des réponses, et pour les avoir, il devait transgresser les règles de son clan et aller retrouver son frère qui en était bannit. La mine basse, il prétexta un entraînement dans le désert pour sortir en toute quiétude. Doucement il marchait dans le sable, sans se presser. Il fallait se vider la tête pour ne pas laisser le sang y monter et le rendre fou de rage au point de risquer de vouloir le tuer pour ce long trop long silence.
Shinara.

L'oeil rivé droit devant lui, il n'adressa aucun mot à ceux qu'il pu croiser sur sa route, commerçants, voyageurs, shinobis. Sa tête bourdonnait d'un millier de questions alors que le village commençait à se dessiner devant lui.
A la tombée de la nuit.

Amano s'arrêta et regarda l'extérieur du village. Il était encore trop tôt et il n'avait pas envie de perdre son temps avec d'autre personne aujourd'hui. Soufflant lentement, le fils du sable vint s'asseoir en seiza dans le sable, fermant son œil et méditant. Il avait vraiment besoin de calmer ses sens pour ne pas s'emporter et ne pas faire la plus grosse erreur de toute sa vie, mais il avait aussi besoin de faire attention à ne pas se faire voir ici.
Il était tout de même l'élève de Kira, un Kawaguchi, et un jour il sera assez connu pour qu'hélas sa réputation le précède. Mais fort heureusement, c'était encore loin d'être le cas.

Connaître son père et sa mère biologique, c'était le vœu qu'il avait fait dans la lettre. Ne voulait-il pas savoir qu'ils avaient probablement encore des frères ou sœurs vivants, qui comme lui auraient été envoyés dans un refuge pour être protégés ?

La nuit arriva, le blond le sentit grâce à la fraîcheur qui tombait lentement sur ses épaules comme une chape de plomb. En se relevant, ses jambes tremblèrent quelques secondes, le temps que l'afflux de sang redevienne normal, puis il pénétra dans le village et se rendit vers la place.
Plusieurs individus flânaient encore ça et là, les enfants jouaient encore pour la plupart malgré la nuit.

Son œil trouva le porche dont avait parlé Okita dans sa lettre. Cette dernière il l'avait brûlé après l'avoir lu, prenant garce à ce qu'il n'en reste aucune trace, des fois que Kei revienne dans la maison et fouille. Elle lui manquait, même si elle était devenue encore plus froide, elle lui manquait et ses chansons également.
S'appuyant contre le mur en croisant les bras sur son torse, Amano attendit qu'on l'interpelle. Il avait changé depuis sa dernière rencontre avec son frère, il n'avait plus ses cheveux longs et platines, il les avait courts et blonds, mais il restait reconnaissable, sa silhouette était la même, ses vêtements également.

Au fond de lui il espérait que ce n'était pas uniquement pour parler histoire de famille que son frère l'avait fait venir ici, sinon ça n'avait aucun sens, surtout après tant de temps, surtout après son attitude quand il lui avait annoncé la nouvelle.

- Kira-Sensei mais qu'est-ce que je suis venu faire ici...

Souffla-t-il de manière à peine audible en relevant son œil vers le ciel étoilé.

Des pas, des pas qui s'approchaient de lui de plus en plus et son regard se tourna inéluctablement vers la source de bruit. Lorsqu'il reconnu la silhouette, lorsqu'il comprit qu'il s'agissait de lui, il se retint de le prendre dans ses bras et de lui poser les milles questions qui le tourmentaient depuis la lettre. A la place, un discret sourire s'accrocha à ses lèvres.
Son cœur s'était emballé, sans doute parce qu'il avait peur que cette lettre ne soit qu'un leurre destiné à lui faire du mal, ou à sa tendre femme, ou encore à son clan, ou peut-être à son maître. Il était tellement incertain depuis cette mission qu'il du poser une main contre son cœur et inspirer doucement avant de lui adresser un mot.

- Bonsoir...

Fut le premier et seul mot qui trouva le chemin vers ses lèvres. Ca faisait si mal, et en même temps, ça le soulageait tellement de le savoir en pleine forme. Faîtes juste en sorte que personne ne vienne et tout ira pour le mieux. Qu'il puisse profiter d'un moment paisible pour une fois.
Son frère semblait différent, comme gêné des mots qu'il prononçait à son égard.
Le cadet des manieurs de sable invita son aîné à le suivre et s'asseoir à ses côtés sur un banc tout proche, chose qu'Amano s'empressa de faire. Mais une fois sur le banc, il se pencha en avant, les coudes sur ses genoux, et les mains jointes légèrement devant lui, vers le bas.
Son œil observait le sable environnant alors qu'il l'écouta lui dire qu'il fallait commencer par le début, notamment s'il avait quelque chose à lui reprocher sur leur dernière entrevue.

Réfléchit, ne dit pas des choses que tu regretteras. Soit fort.
Serrant davantage ses mains l'une contre l'autre jusqu'à ce que ses phalanges deviennent blanches, puis il tenta de parler d'une voix qui se voulait sûr, mais qui était hésitante et basse.

- Je suis content de te savoir en bonne santé.

Relâchant sa tension, son regard se ferma et sa main droite se leva vers le bandage sur son œil, laissant son index et son majeur s'y poser et appuyer légèrement.

- J'ai... des questions en fait... Je n'ai pas à... te juger... tu as tes raisons d'en vouloir à notre clan, à notre famille même probablement.

Venant se mordre la langue, il redressa son corps, son visage mais sa main resta contre son œil. Sa voix se fit plus calme, plus sereine alors que son cœur battait à lui faire mal et que son souffle avait du mal à être régulier.

- Pourquoi maintenant ? Pourquoi as-tu décidé maintenant de revenir vers moi ? Pourquoi pas avant... avant cette foutu histoire...

Sur son visage, une grimace de douleur apparu et avant de se faire mal il redescendit sa main et vint serrer son pantalon. Il parlait de sa mission au pays du feu, de la douleur qu'il ressentait à ne pas avoir été à la hauteur.

- Me dis pas... que c'est juste pour apprendre ce qui s'est passé, qui sont nos parents, si c'était ça, juste ça, tu ne m'aurais pas demandé de venir... ça... ça se dit par courrier... alors... qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi as-tu besoin de moi ? Dis-moi... réponds-moi honnêtement ? Je risque ma tête à tes côtés et pourtant... pourtant tu es mon frère... mon petit frère... et je ne peux pas te refuser ça...

Tu le regretteras. Amèrement. Ravale ta faiblesse. Ravale tes sentiments. Tu es un Kawaguchi.
Amano relâcha son pantalon à la fin de ses mots et inspira très lentement puis expira tout aussi lentement, calmant par la même les battements de son cœur et retrouvant une respiration normale. Peut-être le regretterait-il, qu'en savait-il ? Okita était son frère, rien ni personne ne lui enlèverait ça, et les liens de la famille était important, on lui avait assez ressassé toute son enfance.

Sa tête était une caisse de résonance et à l'intérieur il hurlait au silence, mais il pensait trop, avait trop de doute et ne parvenait pas à dire ce qu'il avait sur le cœur. Il lui avait manqué, il regrettait son bannissement du clan, il aurait aimé plaidé sa cause, mais il n'avait rien fait de tout ça, rien dit non plus, pas plus qu'il n'avait parlé de son lien de parenté avec lui à son maître.

Tu n'as pas besoin de ça.
Il se passa une main sur le visage et retrouva une façade sereine quand à l'intérieur de lui c'était tout le contraire. Pourquoi les mots étaient-ils si dur à sortir ? Oui, il lui en voulait de l'avoir quitté ainsi, oui, il lui en voulait d'avoir été si froid après avoir apprit leur lien de sang. Mais non, il ne pouvait pas lui dire, c'était son frère bon sang, son petit frère, une des personnes qu'il avait cherché toute sa vie, et de l'avoir là, de pouvoir le revoir était une joie et une telle souffrance.
Se déchirer entre son devoir envers son maître, entre le vœu qu'il avait fait, et son frère, lui était plus insupportable que tout le reste.

Okita ne le fit pas attendre, bien au contraire, et il répondit à ses questions, sans rien omettre, laissant son cœur déverser ce qu'il avait besoin pour soulager sa conscience. Le blond tourna la tête, lentement, et regarda son petit frère. Bon sang ! Okita est son frère ! Même son maître ne peut pas lui enlever ça mais... son maître et le clan sont sa priorité, il se l'est promis, il LUI a promis, à ELLE... Un sourire distrait traversa furtivement son visage à mesure qu'il l'écoutait.
Ce que Kira lui avait fait faire ? Il ne l'a jamais vraiment forcé, il ne lui a jamais dis qu'il n'avait pas d'autre échappatoire. Il l'a fait, pour le bien être de ceux qui le méritait, il l'a fait, tuer. Il a tué cette enfant pour ne pas qu'elle souffre des mains du chef des Kawaguchi, il a tué ces criminels pour leur faire expié leurs fautes, il a tué ces hommes pour les punir de l'avoir touché. Son maître, ils avaient osés.
A cette seule pensée une lueur sanglante traversa l'oeil unique d'Amano qui reporta son regard vers le sable lorsqu'il ressentit celui de son cadet sur lui.

La discussion ne s'envenima pas, au contraire, il lui annonçait maintenant ce pourquoi il lui avait demandé de venir, lui, et pas un autre. Il avait besoin de son aide pour sauver celui qui l'avait élevé, son beau-père comme il aimait à le dire.
Okita mentionna son grade, qu'il était un ancien ninja de Kumo, et qu'ils en avaient sans doute après sa fortune. Mais au fond, qu'est-ce qui été le plus important, la vie ou l'argent ?

Tu sais ce que tu dois faire, il ne fait pas partit des nôtres. IL l'a banni !
Il eu une seconde d'absence durant laquelle il perçu les yeux sévères de son père et un long frisson glacial lui parcouru l'échine. Oui, Okita ne faisait plus partit des siens directement, il ne restait que leur lien de sang, leurs parents ou géniteurs, défunts.
Si cet homme c'était fait avoir, comment croyait-il qu'à eux deux ils parviendraient à le libérer, et puis, pourquoi risquer sa vie pour une personne qu'il ne connaît pas et par la même, risquer la vie de son frère en y allant ?
Il préférait le garder près de lui et laisser cet homme mourir ou juste perdre toute sa fortune et ainsi préserver Okita de tout. Oui, de tout.

Amano se leva du banc, lentement, sans faire le moindre geste brusque. Sa tête était reposée, enfin, il savait où devait aller son esprit, il savait ce qu'il devait faire pour protéger ceux qu'il aime. Son œil clos, il étira lentement ses bras loin vers le ciel et rouvrit son regard lorsqu'il les laissa redescendre.

- Je ne risquerais pas ta vie, ni la mienne, pour un type que je ne connais pas et qui n'est pas de notre sang.

Sa voix était sombre cette fois.

- Et je te rassure, j'ai toujours eu le choix de lui désobéir et de le voir s'éloigner de moi. J'ai choisi ce qu'il m'arrive, j'ai choisi de rester à ses côtés jusqu'à la fin et de le protéger, des autres, mais sans doute aussi de lui-même.

Ses poings se fermèrent, ses ongles entrèrent dans sa peau et du sang goutta sur le sable.

- Je ne connais pas les raisons de ton bannissement, il fait parfois des choses dont je ne suis pas fier, mais pour la gloire des nôtres, je lui fais confiance.

Droit et fier, sa voix s'assombrit davantage si c'était possible.

- Je n'irais pas avec toi chercher ton beau-père, comme tu dis, et je t'interdis d'y aller également. J’emploierais la force s'il le faut. Tu reste mon frère, banni du clan ou non et mon devoir est de te protéger.

Le sable sous ses pieds se leva lentement, comme pour répondre à la colère qui grondait en lui, mais il ne fit rien, il ne bougea pas et semblait parfaitement calme.