Allongée dans l’herbe sous un arbre drapé de son manteau d’automne, les yeux grands ouverts vers le feuillage jauni, la Natsumi se demandait ce qu’elle devrait faire. Elle avait atterri à Taiyô no Kuni avec une mauvaise intention : celle de jouer à l’espionne. Elle devait récolter des informations sur cette nation isolée qui suscitait tant de peur et de la curiosité à l’extérieur. Sa mission consistait surtout à trouver l’origine de ce phénomène étrange qui bloquait le chakra une fois la muraille qui entourait le pays franchie. Seulement, elle était à présent partagée entre le désir de rester ici pour toujours et celui d’accomplir sa mission.

Malgré la suspicion qui ne la quittait pas sur ce qui se cachait réellement derrière ce calme qui lui paraissait bien étrange, elle se sentait bien ici. Son âme y était en paix. Voilà seulement quelques jours qu’elle avait franchi la muraille qui isolait complètement le Pays du Soleil du reste du monde mais elle aspirait à y vivre qu’autre part dans le monde qu’elle avait connu avant d’atterrir à cet endroit.

L’esprit vagabondant, la Natsumi se mit sur un flanc, usant d’un bras comme coussin. Une seule chose lui donnait encore envie de repartir d’ici : Shinda Michiki. Cela prouvait que son attachement pour cet homme était bien réel. Pour elle, leur union n'avait pas été qu'un "coup d'un soir" mais était le fruit des véritables sentiments. Elle l'aimait réellement. Une constatation qui amena la jeune femme à se demander pour la énième fois si son amour était réciproque. Même lorsque le nécromancien avait été à ses côtés, elle lui avait paru si lointain tant il ne laissait transparaitre aucune émotion. Il n'était pas si incorrect de le comparer à ces cadavres qu'il manipulait à la différence qu'il avait un cœur qui battait encore et un corps qui dégageait toujours de la chaleur. Et pourtant, bien que la Natsumi n'était pas certaine d'être aimée en retour, l'envie de retourner auprès de cet homme ne la quittait pas.

Une brise plus que rafraichissante fit tomber quelques feuilles rougeâtres sur la Natsumi mais la jeune femme ne broncha pas d'un iota. À présent, elle était perdue à contempler son animal de compagnie pas comme les autres mais la bête l'ignorait totalement. Son sanglier était occupé à mettre sens dessus dessous la terre un peu plus loin, à la recherche de quoi remplir son estomac qui était comme un gouffre sans fond.

Se remettant de nouveau sur le dos, Mairu finit par s'endormir après seulement quelques minutes. Cela faisait des jours que son esprit n'arrivait pas à se reposer en ressassant encore et toujours le même questionnement et ce jour et nuit que son corps éprouvait à présent le besoin de se reposer. Ce fut son suidé qui vint la réveiller en lui reniflant le visage qu'il finit par souiller de la terre. Ce fut la sensation d'humidité de la saleté qui réveilla la Natsumi dans un sursaut. Brusquement, la binoclarde se redressa sur son séant, faisant déguerpir le sanglier dont l'instinct faisait encore détaler à la moindre alerte.

- Tu as bien fait de déguerpir sinon je t'aurai fait rôtir pour le diner de ce soir ! Lâcha la Natsumi d'une voix loin d'être vexée malgré la dureté de ses propos, tout en essuyant le visage après avoir ôté ses lunettes.

Elle réussit à faire disparaitre de son faciès sans laisser la moindre trace la terre qui heureusement n'était pas boueuse bien que très fraiche.

Après avoir remis ses lunettes, la binoclarde aux pupilles sanguines se releva puis sortit de dessous de l'arbre. Son regard qui jusque-là arborait une expression de plus sereine changea soudain, voyant le soleil qui s'apprêtait à disparaitre à l'horizon. Elle avait dormi bien trop longtemps. Elle ne pouvait sortir de son appartement qu'à certains horaires et elle ne désirait pas enfreindre cette règle qu'on lui avait imposée à son arrivée. Elle n'appréciait guère de voir sa liberté bridée de la sorte mais la Natsumi supposait que là n'était qu'un test pour voir si on pouvait lui faire confiance.

Il était important pour sa mission de gagner la confiance de ceux qui dirigeaient Taiyô no Kuni alors pour cela elle s'était résolue à se sacrifier en respectant les règles qu'ils lui avaient imposées.

- Aller bêta, on rentre ! Cria la jeune femme à l'intention de son sanglier - qui avait fini par faire demi-tour entre-temps - avant de se précipiter en direction de la ville …

Trop pressée d'atteindre la ville, la Natsumi monta sur le dos de son suidé qui fila à vive allure à travers la prairie aux couleurs d'automne. Ils ne mirent pas longtemps pour atteindre la capitale du Pays du Soleil.

Par peur d'arriver en retard dans sa case dorée, Mairu ne descendit pas du dos de sa monture comme elle le faisait habituellement une fois avoir atteint la ville. Elle chevaucha donc sa monture singulière à travers les rues sous les regards consternés des quelques habitants qui trainaient encore dehors et des nombreux hommes aux armures toutes semblables qui patrouillaient en permanence dans la ville pour une raison qui échappait encore à la Natsumi mais à laquelle elle n'accordait pas plus d'importance que ça.

Les rues étaient assez larges et presque désertes alors la chevaucheuse et sa bête réussirent à passer sans bousculer personne. Du moins jusqu'au détour d'une ruelle où un homme apparut soudainement aux quatre yeux de Mairu au beau milieu du chemin. La Natsumi dévia alors brutalement sa monture qui se dirigea tout droit en direction d'un mur. La binoclarde força alors l'animal lancé à vive allure à s'arrêter mais ils se rapprochèrent trop vite de l'obstacle fait de béton sans perdre assez rapidement de la vitesse. Mairu aurait pu sauter pour éviter de s'écraser contre le mur avec sa monture mais il était hors de question pour la jeune femme d'abandonner ainsi son animal. Alors, elle s'allongea sur le suidé qui effectuait à présent une longue glissade de freinage, soulevant un nuage de poussière. La Natsumi enlaça ensuite fermement le cou de sa bête avant d'exercer une forte pression dans ses jambes appuyées contre les flans de l'animal pour faire pivoter de force ce dernier. Le sanglier tomba, écrasant une jambe de sa cavalière puis continua de glisser un bref instant avant de s'arrêter à seulement quelques centimètres du mur.

Rapidement des patrouilleurs et quelques riverains s'attroupèrent autour du sanglier et sa maitresse qui restèrent inertes et silencieux.

- Ils sont morts ?
- Je ne pense pas ! Juste inconscients je dirais, fit un homme en armure de garde qui s'était rapproché un peu plus des deux accidentés. Reculez ! On ne sait jamais la réaction du sanglier une fois revenu à …

L'homme s'interrompit alors que l'animal commença à bouger. Il prit alors de la distance comme tous les autres, une main s'apprêtant à dégainer son sabre. Ses compères ne tardèrent pas à l'imiter alors que les simples habitants firent inviter à se mettre à l'abri. Un sanglier paniqué était aussi dangereux qu'un enragé.

Le suidé commença à se débattre tout en lâchant un couinement de panique mais il n'arrivait pas à se relever.

- Tout doux ! Calme toi ! Tout va bien mon grand ! Lâcha soudain Mairu qui avait fini par retrouver ses esprits elle aussi.
- Je … Je rêve !? Lâcha l'homme voyant que la Natsumi tentait de retenir la bête au sol le coinçant entre ses jambes alors que ses bras lui seraient le cou. Il faut l'aider ! Elle ne réussira pas à …
- Ne vous approchez pas ! Cria la Natsumi alors que des gardes s'apprêtaient à lui donner un coup de main pour maintenir l'animal au sol. Restez à l'écart ou vous allez le faire encore plus paniquer !
- Mais …
- Je vous en prie ! Supplia la Natsumi avant de se remettre à susurrer des mots rassurants à son animal.

La bête finit par se calmer au bout d'un moment qui parut une éternité à Mairu dont la force commençait à l'abandonner petit à petit. Tout doucement, elle desserra ses jambes et ses bras. Sentant qu'il n'était plus immobilisé, le suidé se releva puis se mit à lécher le visage de sa maitresse qui, quant à elle, était restée au sol.

- Beurk ! C'est vraiment dégueu ! Finit par lâcher un des hommes qui assistaient à la scène.

Mairu avait mal à la jambe qui s'était retrouvée du côté du flanc sur lequel sa monture était tombée mais au lieu de se plaindre ou pleurer, elle se mit à flatter son suidé. Sans se soucier de sa personne, Mairu était rassurée de voir que son animal n'avait rien.

La vive émotion retombée, Mairu se releva enfin mais à peine s'était-elle redressée qu'elle manqua de s'affaler. Sa jambe blessée n'était pas en mesure de la soutenir correctement.

- Tout va bien ? S'inquiéta un homme.
- Oui. Je dois juste avoir une jambe cassée.
- Voilà ce qui arrive quand on s'entête à chevaucher un animal dangereux ! Fit celui qui paraissait être le chef de la troupe. Je m'en tape que tu te blesses ou même si tu meurs à cause de ton inconscience mais cette bête est un vrai danger public alors on va devoir l'enfermer ou mieux la tuer !
- Je ne vous permettrai pas ! Fit Mairu d'une voix bien rude, tout en se plaçant entre son animal et les gardes qu'elle défiait du regard. Ce qui s'est passé est entièrement de ma faute alors j'en assumerai l'entière responsabilité !
- Dans ce cas, on va vous enfermer tous les deux en attendant qu'on décide de votre sort !
- Cette Demoiselle est blessée et vous voulez la mettre en prison dans cet état ? Lança soudain une voix de derrière la troupe qui s'écarta pour révéler un homme d'apparence bien sage. Je vais prendre en charge cette jeune femme et son animal … Je prendrai l'entière responsabilité de ce qui se passera, ajouta le nouveau venu, voyant que les gardes hésitaient à accéder à sa requête.
- Bien. Je vous les confie donc, Yamamoto-dono ! …