Du temps s’était écoulé depuis ma visite à Senun pour me renseigner sur l’homme. Assez de temps pour que j’ai à me rendre à Shimo pour retrouver cette pétasse de chef rebelle – mais c’est chose fait désormais, et je peux reprendre le petit jeu de Raito. L’homme que je cherche n’a toujours pas été pris selon lui, et c’est mon test après tout. Je les trouve particulièrement compréhensible sur les délais que je mets d’ailleurs, surtout que je déteste remettre à plus tard les choses qui devraient être faite dans l’immédiat mais pour le coup… Ce n’était pas tellement mon choix de voir cet imbécile d’Aomine décider de tout ceci sur un coup de tête. Et puis, ce voyage m’aura valu, a postériori, le fait de rencontrer Daï qui est tout de même un confort incalculable dans ma vie. Rien que là, nous sommes tous les deux en train de fondre vers l’auberge à la frontière – même s’il ne fait que m’aider pour le transport, vu qu’il a déjà approché le petit con de son côté. Il est futé. Très futé malgré les airs qu’il se donne et le souvenir que j’avais de lui. Si nous nous entendons bien, c’est positif pour moi. Sinon… Disons que nous partageons un statu quo pour le moment.

*Tu restes dans le coin j’imagine ? Je ne brise pas le lien alors. »

Plus que moi, c’est un curieux extrême de nature et je sais en tirer profit. Nous sommes comme deux parasites qui, bien que s’entendent bien, cherchent à profiter au maximum l’un de l’autre. Il m’adresse un oui mental comme seule réponse et, sans attendre plus que ça, je saute de l’oiseau qui me sert de monture – très rapidement, Daï le digère avec ses mains pour en recycler l’argile. C’est tellement… Sauvage comme approche. Tellement différent de tout le politiquement correcte que l’on voit à Kumo. Dire que nous en sommes déjà à la phase où il n’a aucun scrupule à faire ceci devant moi. Je secoue la tête pour me dégager de ces pensées et, en l’espace de quelques mudras, active ma technique de méconnaissance. Je ne suis pas venue ici pour être reconnue comme la plus débile des possibles, seulement pour réussir une mission clandestine. Sous le couvert du froid de l’hiver, du spectre sans visage et de ma cape de voyage – celle-là même que j’avais à Shimo il y a peu, je m’avance sereinement vers l’auberge. S’il n’a pas bougé en ces quelques mois – et à croire le peu que je sais de lui, il est resté dans le coin pendant un moment – je devrais être capable de le trouver.

Soupirant alors que le ciel commence déjà à se faire sombre, je pousse les portes de l’auberge m’attirant le regard des quelques personnes présentes ici. D’un rapide coup d’œil, je scrute leur visage et n’y voit ni mon homme, ni la moindre animosité. Seulement la méfiance classique que l’on peut avoir à la venue d’une étrangère. Qu’importe, ils seront incapables de se souvenir de mon visage de toute façon. Calmement, je m’avance vers le comptoir derrière lequel trône l’aubergiste – il a l’air tout au mieux heureux de voir un nouveau client. Il va être bien déçu car c’est ce point-là que je vais exploiter. Sans le moindre respect. Je m’installe devant lui, croisant son regard de mes yeux doux et en l’espace d’une petite fraction de seconde, je le fais plonger dans une illusion minime que j’essaye de développer : je manque surtout de sujets potentiels pour le faire. Le peu de joie à me voir qu’il a se changera calmement, au fil de la discussion, en un réel bonheur. Je vois déjà les gens de Kumo hurler au crime à savoir que je manipule les sentiments des gens en créant de fausses sensations par le biais de mon art, mais je n’en ai rien à faire. Je n’ai jamais utilisé cette astuce sur Otoke pour… Et j’espère ne jamais avoir à le faire.

« Bonsoir, puis-je vous aider ? »

Je souris délicatement et rigole calmement, le prenant à mon jeu et me faisant paraître comme une simple étrangère innocente et joueuse. Un mensonge de plus sur la longue liste.

« Bonsoir… Peut-être bien que oui. Je recherche quelqu’un et, aux dernières nouvelles, il serait ici. Un homme, accompagné d’un jeune enfant et d’un gros chien – cela vous parle-t-il peut-être ? »

Il me regarde un instant, souriant avec toute la sympathie exagérée qui s’installe en lui grâce à mes combines, puis semble réfléchir un instant avant de secouer délicatement la tête. Ca commence bien.

« Désolé ma p’tet dame, mais vous savez… Avec le monde qui passe ici, c’est pas assez précis c’que vous m’dites ! Pourtant, j’demande qu’à vous aider. »

Je lui adresse un léger sourire en retour, me faisant passer pour la gentille petite fille qu’il voit très certainement en moi. De toute façon, demain il sera incapable de reconnaître mon visage viendrait-il à me croiser dans la rue, à quoi bon m’en faire ? Soupirant délicatement comme pour montrer mon désarroi, je tends la main à ma poche pour lui montrer la photo de l’homme – seule chose me reliant à ma cible que je possède. La prenant de mes mains, il l’approche de ses yeux avec attention, scrutant les moindres détails. Je n’ai même plus besoin de la regarder pour voir exactement ce même visage banal, sans aucune marque, aucun signe distinctif. Rien sinon des cheveux bruns et un homme. Pourtant, je vois progressivement à son visage que quelque chose semble s’installer tranquillement, comme si la mémoire lui revenait – est-ce vraiment possible de se souvenir de quelqu’un de si banal que ça sur une simple photo ? Après tout, j’ai déjà pensé à plusieurs reprises que le moins banal chez lui, c’était justement cet excès de banalité. D’un coup, il tend le bras pour me rendre la photo que je m’empresse d’attraper, croisant son regard avec mes yeux pleins d’espoirs. Je sais qu’il sait quelque chose, et autant qu’il crache les informations maintenant. Ça évitera un grabuge inutile.

« Ah oui ! Maintenant que vous m’montrez ça, ça m’dit bien que’qu’chose. L’était là y’a un mois. Pas l’genre de type qui cherche la causette s’vous voulez mon avis. Et euh… Ouais. Si ouais si. Y’avait un aut’gars avec lui. Plus jeune. Beaucoup plus jeune. Et un loup. Ouais. Un loup. C’tait pas un gros chien nan. Un loup. Je suis sûr que c’était un loup. »

Il secoue la tête en continuant à ma marmonner dans sa barbe, faisant de réels efforts pour se souvenir du maximum possible. Il y a un mois hein ? Ca fait extrêmement longtemps. Je soupire délicatement.

« Il y a un mois hein… On dirait bien que je suis en retard. Encore. Sauriez-vous où il est parti ? »
« Ah ça nan, désolé ! Sont partis en plein milieu de la nuit. Sans rien dire à personne. Heureusement z’avaient payé d’vance hein ! C’tait bizarre d’ailleurs. C’ma pas marqué plus qu’ça. On’vait aut’chose à faire. L’matin même on avait trouvé un c’davre et c’nous a ben occupé ! »

Alors que visiblement ce n’est pas le cas dans sa tête, deux et deux font rapidement quatre dans la mienne. Il me faut plus de détails et je m’empresse de pousser les interrogations, uniquement pour apprendre que la victime a été visiblement tuée par un animal. J’ai envie de dire, pour-même, un loup peut-être ? Comme quoi, une fois de plus, je suis bredouille. Quelqu’un se serait-il fait passé pour lui une fois de plus ? Ou alors quelqu’un l’aurait-il reconnu ? Il devient de plus en plus évident pour moi qu’il cherche absolument à ne pas être trouvé, et qu’il laisse des cadavres à peu près à chaque endroit où il passe. Si je continue à le suivre de la sorte, je cours droit dans un mur – je ne trouverai probablement que d’autres cadavre et d’autres traces qui ne mènent nulle part. Calmement, je soupire et remercie avec un grand sourire l’aubergiste pour l’ensemble des informations qu’il m’a donné. Tout ceci est étrange mais commence à réellement m’exciter. Deux hommes et un loup qui arrivent à rester discret et ne laisser presque aucune trace… Il y a forcément quelque chose de pas net derrière, et je vais m’empresser de trouver quoi pour remuer mon propre bâton dans cette merde.

D’un pas serein, je me dirige vers les personnes présentes à l’auberge en cette soirée d’hiver pour demander des renseignements, montrant la photo et citant le nom de Shinigami ainsi que le peu d’informations que j’ai à qui veut l’entendre. Autant utiliser tout le potentiel de l’endroit avant de partir – et j’insiste particulièrement sur le fait que je recherche « Shinigami ». Si le bruit s’étend quelque peu, je vais finir par le faire sortir de sa cachette pour me tuer également. Ou au moins attirer une partie de son passé à moi.