La formation spécifique allait commencer. Je savais Yell partie en mission. L’oiseau qui ramènerait le courrier ne se rendrait pas chez la Gogyou cette fois-ci. Le petit insecte s’en était chargé. C’est chez moi que la lettre arrivera. J’avais loupé le coche les premières fois, mais il était temps de remettre Yell sur le bon chemin. J’attrapai l’oiseau qui s’était perché sur le rebord du balcon, descellant la lettre et la lisant, arquant tellement les sourcils qu’il y avait désormais des chances qu’ils soient intégrés à mes cheveux. Et dire qu’on dépense des millions dans les traitements contre certaines maladies. Personnellement, après avoir lu ça, je dis pas non à un Alzheimer ou un petit truc qui foudroie sur place.

La Riba devait revenir le lendemain. Avant qu’elle ne soit rentrée, je pris place dans un de ses fauteuils, l’attendant à la manière d’un parrain de la mafia, sans le chat… et sans le costume trois pièces… et sans la musique flippante… et sans les cheveux viveldopés… et sans les gros bras derrière moi… Oui bon en fait j’étais juste assise chez elle. Mais quand même, j’étais un peu dans l’obscurité et tout, franchement ça donne un effet pas dégueulasse, hein. Hum bref. Elle finit tout de même par rentrer, et je m’éclaircis la gorge, la laissant me découvrir (pas comme un parrain du coup, juste comme une meuf assise, t’as suivi ?). Me levant, je m’approchai d’elle, lui tendant la lettre que je ne cachai pas avoir lu.

- Ca vient de ton cher et tendre. Tu m’excuseras, mes oisillons se sont trompés d’adresse. Ils ont cru bon de me la ramener directement.

Me rasseyant, je la regardai quelques secondes.

- Ne perds pas de temps à lire ce flot d’inepties. Je peux te la résumer facilement : « Olala moi avoir bobo, mais moi être un grand garçon, moi aller mieux. Moi aimer toi, toi faire attention ». Tu veux un florilège des meilleurs moments ?

Je serrai le poing. A quel moment étais-je devenue aussi proche de ce qu’elle était ? Nami n’avait duré que quelques jours, mais j’avais l’impression d’être revenue du Pays des Vagues totalement différente de ce que j’étais avant d’y aller. J’étais devenue parfois froide, cynique… je ressemblais de plus en plus à Miko. Flippant. Va falloir que je fasse un petit entraînement sur moi-même.

- « nous gardons nos souvenirs en nous pour les chérir »… « j'ai perdu les oreillers dans lesquels nous avons dormi quand le quartier a été soufflé, j'aurais pu dormir dedans encore quelques jours et peut-être sentir ton odeur et ta présence qui sait ! »… « Oui je suis un peu jaloux mais nous n'avons pas pu nous dire au revoir convenablement, ni nous dire de vive voix que nous nous considérions comme « ensemble ». »… Oh et mes deux préférées : « Je trouve autrement que l'idée d'adopter un animal serait bénéfique pour toi » et « Je pense justement tous les jours en voyant le soleil, qu'il est le même que là où tu es et que tu le vois aussi ». Je pourrais te citer toute la lettre, finalement. Quant à son PS, s’il comptait te dire « Je t’aime », ça fait trois mots. Ca ne lui suffit pas d’être niais, il faut en plus qu’il ne sache pas compter ?

Je soupirai, me levant finalement, remettant mes cheveux en place.

- Tu te souviens de ce que je t’avais demandé après notre première rencontre ? Si Suna et Konoha venaient à entrer en guerre, ce que tu ferais ? Je ne suis pas sûre que tu aies été sincère avec moi, Yell. Pour moi, de ce que j’en ai lu, jamais tu ne défendras le village que tu es censée protéger. Il n’y a pas de honte à éprouver des sentiments, il y en a cependant une à ne pas savoir voir dans son actuel amant son probable prochain ennemi.

Etais-je trop dure ? Sans doute. Mais se rendait-elle compte de la portée et de la signification des mots qui étaient écrits sur ce bout de papier ? La vie d’un shinobi n’est pas aussi simple que celle d’une simple civile. Aimer, entretenir des relations, c’est déjà compliqué avec nos semblables… Alors avec d’autres ninjas… Je me rassis, reprenant un ton plus calme, sans quitter Yell du regard.

- J’ai besoin de savoir une bonne fois pour toute. Pour qui est ta fidélité, Yell ? Et si elle est bel et bien envers Konoha, es-tu prête enfin à passer le cap de l’adolescente vivant une pseudo-idylle qui ne mènera à rien de bon ?

J'étais crevée de cette mission et heureuse qu'elle soit finalement terminée. Régler les conflits par la paix n'était pas toujours possible comme je l'avais appris ici. C'était regrettable mais nécessaire. Le trajet pour rentrer à Konoha m'avait paru durer une éternité en compagnie de mes coéquipiers. Non pas qu'ils n'étaient pas d'une bonne compagnie mais notre fatigue ne nous avait pas rendu des plus bavard.

Enfin chez moi ! Je déverrouillais ma porte... ah ben non c'était déjà fait... Je fronçais les sourcils, observant ce que je pouvais a travers la faible luminosité des lieux. Ne possédant pas de qualité sensorielle je n'avais pas d'autre choix que celui de me montrer prudente. Est-ce que la personne qui était entrée était encore ici ? Qu'est-ce qu'un voleur pourrait bien venir chercher... Ce n'était pas comme si j'avais énormément de biens matériels.

Je m'approchais doucement avant d'entendre un éclaircissement de gorge que je reconnais féminin avant d'identifier son auteure : ma sensei Aburame Mizuki... J'arquais un sourcil en me demandant ce qui lui valait un déplacement chez l'une de ses élèves, curieuse, tandis qu'elle venait à ma rencontre en me tendant une lettre que je saisissais sans vraiment comprendre. Elle provenait de Tetsui et elle l'avait lu... J'aurais été tenté de me demander alors pourquoi mais je faisais aisément le rapprochement avec sa présence ici en me souvenant de cette discussion que nous avions eu le jour où elle m'avait fait intégrer l'équipe Tsubomi. Aïe... Je comprenais alors que j'étais dans une sacrée mouise...

Je n'avais en effet pas l'intention de la lire en sa présence, son contenu devait être comme les précédentes et ces mots sur le papier m'apportait mon lot de réconfort que je ne voulais pas gâcher dans cette ambiance électrique alors que je préférais me faire toute petite. Mizuki me la résuma cependant avec plein d'ironie couplé à un certain … « dégoût » ? Oui cela me semblait être ça.

Je ne savais plus vraiment ou me mettre même si je ne ne craignais pas d'assumer ces échanges. Devrais-je faire taire mes sentiments pour lui faire plaisir ? J'avais l'impression que cela allait effectivement être ce qu'elle allait me demander. Et j'en eu rapidement la confirmation. Revenait la fameuse question qui m'avait été mainte fois posée par Kihran et pour laquelle je m'étais fait moi même réflexion. Si Suna et Konoha entraient en guerre que ferais-je ? J'avais fait des rencontres a Suna et avais créé des liens avec certaines personnes. Pourrais-je les voir comme mes ennemis ? Je ne pensais pas. Pouvais-je m'imaginer les épargner eux mais tuer leur possible proche ? Je ne pensais pas non plus. Que faire dans ce cas ? Chercher des solutions pour éviter le conflit était une option. Le dialogue était plus profitable qu'une guerre mais je venais de m'en rendre compte de moi même en partant en mission : certaines choses ne pouvaient se résoudre de la sorte. Je ne voulais pas avoir a trahir les miens alors je combattrais ceux que mon village, ma nation, considère comme les méchants. Je serais un pion shinobi dont on pourrait user : oui. Le ferais-je sans me servir de ma propre réflexion : non. J'exécuterais les ordres que l'on me demande mais je tâcherais également de trouver une autre alternative bénéfique à ces deux camps si elle existe.

« Ma fidélité va pour ma famille et ma patrie. »

Je soupirais et m'approchais un peu plus près de l'Aburame pour la regarder dans les yeux sans aucune hostilité, juste perdue.

« Mizuki-sensei, sauf votre respect, il ne s'agit pas là d'une idylle. Ce n'est pas comme ça que je le vois. Vous savez à quel point les Gogyou n'ont pas été épargnés par la vie et je ne cherche nullement à ce que l'on sorte les violons a travers ce discours mais... être rejeté c'est notre quotidien depuis des années. Rencontrer des personnes qui ne jugent pas ce que vous êtes est suffisamment rare pour faire d'elles des personnes précieuses. Kihran, que vous connaissez bien, fait parti de ces personnes m'ayant soutenu malgré tout et il est aujourd'hui mon meilleur ami. Tetsui à su en faire de même mais de manière différente encore. Sans doute suis-je trop naïve et poussée par ce désir de reconnaissance mais si je devais brider ces liens alors je ne serais plus personne. »

Une illustre inconnue. Je n'étais plus détestée à cause de ce que j'étais mais je deviendrais alors personne. C'était là ce qu'elle me demandait ? De renier tout sentiment ?

« Pardonnez mon exemple mais il me permettra d'éclaircir la situation. Si des événements venaient à vous opposer à notre Hokage, qui fait partie de votre famille, parviendriez vous à lui ôter la vie parce que c'est comme ça et pas autrement ? Ne chercheriez vous pas à trouver une alternative pour ne pas avoir à en venir à cet instant ? »

Je ne pouvais me résoudre à agir sans réfléchir à une telle chose et attendais les conseils de ma sensei pour me conseiller car je ne pouvais me résoudre à tout oublier...

Mizuki possédait une vision noble concernant ses choix. Elle affectionnait notre Hokage mais serait prête à la faire tomber si ses convictions quittaient leur trajectoire actuelle pour suivre une voie que ma sensei ne suivait pas... Cette vision des choses me faisait réfléchir. Il s'agissait d'une personne de sa famille, qu'elle aimait probablement, qui était peut-être même un modèle pour elle et pourtant elle n'hésiterait pas à la renier et la tuer pour autant... Il fallait une grande force de caractère pour avoir un raisonnement pareil : je ne l'avais pas pour l'instant... Et il fallait également savoir taire ses sentiments au profit de la raison : ce que je ne savais pas faire non plus... C'était là ce qui différenciait Mizuki-sensei de moi même et ce qui faisait sa puissance. Cette faculté à reléguer ses émotions au second plan pour se concentrer sur ses propres convictions.

Le reste de ses propos faisaient sens aussi. L'Aburame avait un franc parler que je lui appréciais. Pas de faux semblants ou de prises de pincettes. Certains auraient pu se sentir blessés par ses paroles dures mais pas moi. Au contraire j'écoutais chacun de ce que je voyais comme des conseils pour tenter de m'améliorer au même titre que le modèle de force qu'elle était pour moi. Et elle avait raison... Je prenais bien trop à cœur mon passé. Il m'avait marqué et me marquerait à jamais moi et ma famille. Toutes ces injures, ces déménagements pour rester en vie à cause de l’aberration que j'étais aux yeux de beaucoup, ma famille en avait bavé mais tout cela était terminé depuis que Konoha nous avait ouvert ses bras. J'étais toujours restée discrète sur mes facultés par habitudes de ne pas les dévoiler lorsque j'étais jeune enfant mais même si cela pouvait surprendre ou même parfois effrayé aux premiers abords, jamais je n'avais reçu d'injures de la part de Konohajin du fait de ma nature élémentaire.

Bien sûr cette nature discrète m'avait donné que peu d'amis à l'époque et quel ami... mais aujourd'hui cela était révolue comme Mizuki-sensei le disait si bien. Ma famille était toujours là pour me soutenir, Kihran , mais aussi Mizuki elle même, Ryokai ou encore Hebi ! Tout Konoha m'accordait sa confiance en m'envoyant exécuter des missions pour son compte. J'avais franchi ce rempart qui m'avait toujours fait face sans même m'en rendre compte... Jusqu'à aujourd'hui. Je n'étais pas non plus la seule à avoir un parcours difficile et je me rendais bien compte que ma pensée sonnait comme égoïste... Mizuki venait de m'ouvrir les yeux sur quelque chose d'important...
Je n'étais pas qu'une élémentaire d'eau j'étais aussi Yell et surtout je pouvais faire de cette capacité un atout plutôt qu'une faiblesse.

Je serrais le poing, le regard rivé dans celui de l'Aburame et son ton solennel. Je n'avais pas baissé la tête, je n'entendais pas des reproches mais des conseils. Elle soulignait ce qui devait être changée à son sens et je l'écoutais avant de lui répondre de la même manière sans aucun repenti, aucune larme ou tremblement de la voix : maintenant je comprenais.

« Je suis Yell . Je veux servir Konoha et protéger ses habitants. »

J'esquissais alors un demi-sourire en témoignant de ma prise de conscience.

« Vous avez raison. J'ai toujours vécue en raisonnant avec mon passé mais les choses ont changé et j'étais tellement focalisée sur ça que je ne l'ai même pas remarqué... »

Je n'avais plus de raison d'avoir peur de tout ça car c'était justement du passé.

« Votre discours m'en a fait prendre conscience et je vous en remercie... »

Mon regard trahissait désormais mon émotion et finalement mon soulagement.

« Ce que je veux c'est protéger Konoha et ses habitants tout en l'aidant à prospérer... J'ai compris que cela ne sera pas possible sans un remaniement de mes priorités... Je ne dis pas pour autant que je pourrais effacer mes sentiments pour Tetsui mais je pourrais en revanche les taire dans l'intérêt de mes convictions. »

Konoha devait rester ma priorité. Le village avait offert a ma famille et moi la terre promise que nous avions tant convoitée : c'était à moi de lui rendre la pareille. Si pour cela je devais passer sous silence le reste alors je me devais de le faire. Cela ne serait certainement pas facile mais je devais le faire malgré tout pour le bien de Konoha.

J’ignorai si elle avait compris ce que je voulais vraiment dire, mais en tout cas elle était sur la bonne voie. J’écoutai ses paroles, les bras croisés, un sourire aux lèvres. La seule crainte que j’avais était qu’elle comprenne les miennes à l’extrême : jamais je ne lui demanderais d’oublier les sentiments qu’elle éprouve. Je trouvais personnellement que c’était des préceptes shinobi d’un autre âge : combien de fois l’Histoire a su prouver que les héros et les gagnants étaient ceux qui défendaient ce en quoi ils croyaient et ce qu’ils aimaient, plutôt que ceux qui obéissaient au doigt et à l’œil sans prendre le temps de se demander ce qu’ils voulaient eux ? Les sentiments… Ce sont sans doute l’arme la plus redoutable d’un ninja pour son adversaire… mais aussi pour lui-même.

- Personne ne te demande d’oublier ce que tu ressens pour lui, Yell. Tu as le droit de dire que tu le feras passer avant toute chose. Mais en tant que ta senseï, il me faut savoir. Mais je te crois si tu dis que Konoha passera avant Tetsui.

Le potentiel de la Riba dépassait l’entendement : ce qu’elle était capable de faire alors qu’elle avouait elle-même ne pas être concentrée et focalisée était incroyable. J’eus un léger rictus : au fond, tout mon entourage le plus proche avait déjà aimé. Yell avait Tetsui, Ryokai avait sans doute Leika, Miko avait été mariée : mais jamais je n’ai ressenti quelque chose de fort pour un garçon. Hey Mizuki, t’étais là pour engueuler Yell, pourquoi tu te perds dans ce genre de pensées négatives te concernant ?

- Assis-toi. On va s’improviser un léger entraînement rapide en rapport avec les dilemmes moraux.

La séance ne durerait pas plus de quinze minutes, mais faire un choix dans une vie est toujours compliqué. Et c’est d’ailleurs souvent ce qui nous mène à la réussite ou à l’échec d’une mission. Et parfois, ces choix sont plus complexes qu’ils n’y paraissent, parce qu’aucun d’eux ne paraît bon – et au fond, aucun d’eux ne l’est.

- Je te raconte des histoire, à la fin desquelles tu es amenée à faire un choix. Tu me donnes le choix que tu aurais fait en pareille situation, d’accord ? On commence avec trois dilemmes.

Face à face, je m’éclaircis la gorge, réfléchissant à trois situations distinctes.

- Première situation. Un terroriste a posé des bombes partout dans un village – que ce soit Konoha ou non, ça a peu d’importance : sache juste qu’elles vont exploser sous peu et que le terroriste refuse de parler, même sous la torture, et que les bombes tueraient des centaines d’innocents. Le seul moyen qu’il reste serait peut-être de torturer sa femme et son enfant en bas âge, totalement innocents, pour le faire parler. Est-ce que tu tortures une femme et son enfant en bas âge innocents pour lui faire dire potentiellement où se trouvent les bombes et ainsi sauver une centaine de personnes de l’explosion ?

La vie de l’un vaut-elle moins que la vie du groupe ?

- Deuxième situation. A la suite de l’effondrement d’un bâtiment, ton équipe et toi êtes envoyés sur les lieux en mission officielle pour sauver le plus de personnes possibles. Vous vous séparez, et vous arrivez sous de larges décombres en dessous desquels vous trouvez ton grand amour et une autre femme : au vu du regard de celle-ci quand vous arrivez, tu comprends rapidement qu’il s’agit de sa maîtresse. Rapide examen des blessures : ton homme est très grièvement blessé, au point que le sortir des décombres n’assure pas du tout sa survie ; la femme à ses côtés saigne abondamment mais son pronostic vital ne sera engagé que si tu ne la sors pas de là immédiatement. Quoiqu’il arrive, en sauver un tuera l’autre, et tu ne peux en sauver qu’un seul. Que fais-tu, sachant que tu es envoyée là en mission officielle, je le rappelle ?

Tenter de sauver ceux que l’on aime vaut-il mieux que sauver ceux qui peuvent l’être ?

- Troisième situation. Tu es mère de famille, et tu es la seule à pouvoir t’occuper d’elle, que ce soit financièrement ou même quotidiennement. Alors que tu t’entraînes dans les bois, en compagnie de plusieurs autres shinobis, à un endroit pas du tout conçu pour mais qui présente des avantages pour l’entraînement, vos kunaïs se perdent dans les buissons et vous entendez crier. Vous accourez et vous voyez le corps d’une personne, morte, un kunaï planté dans le corps. Vous reconnaissez immédiatement le vôtre mais, étrangement, l’un de vos camarades est persuadé que c’est lui et commence à pleurer. Le coupable, s’étant entraîné dans une zone interdite, risque de perdre son statut – et donc son revenu financier – et risque même la prison : mais tu as un coupable tout désigné, persuadé que c’est lui qui a tué cette personne. Sachant qu'aucune enquête ne serait ouverte si l'autre se dénonce, qu’est-ce que tu ferais ?

Protéger soi et sa famille vaut-il mieux que protéger des innocents ? Je n’avais aucune réponse à ces dilemmes et pire : il n’y en avait de toute façon aucune de bonne…

J'étais soulagée par les paroles de Mizuki car il m'aurait été impossible d'oublier mes sentiments envers le Yamada. En revanche, comme je le lui avais dit, Konoha restait ma priorité malgré tout et j'agirais toujours dans son intérêt.

Finalement, ma sensei me demandait de m'asseoir et alors que je prenais place dans mon canapé, attentive, elle m'expliqua la suite des événements. Elle allait m'exposer diverses situations à choix moral et il me faudrait dire ma façon d'agir. J'acquiesçais, toute ouïe.

Il était question de bombes prêtes à exploser et dont l'individu qui les avaient posé refusait de coopérer pour nous indiquer leurs emplacements. Le temps manquait en cette situation et il fallait agir vite pour empêcher la mort d’innombrable innocents et donc trouver le moyen de faire parler le terroriste. Lorsque j'entendais parler de sa femme et de son enfant innocents qui devraient être torturés, je déglutissais à la simple imagination de la scène... Il ne faudrait pas flancher, se montrer inflexible et rouer de coups des êtres qui n'avait rien à voir avec cette histoire pour éviter à bons nombres d'habitants de mourir... Quel choix horrible !

« Je... euh... J'imagine que oui si le temps presse et que j'ai épuisé les autres situations possibles... Ou alors je tenterais de faire évacuer tout le village de civils tout en envoyant les shinobis prudemment ratisser la zone de fond en comble pour en désamorcer le maximum... Mais... Si je devais vraiment torturer cette pauvre femme et cet enfant innocent, je ne serais pas fière de moi et j'aurais du mal à me regarder dans une glace après ça... Même si cela était jugé nécessaire et ma seule option possible... »

Je n'étais pas une partisane de la violence et cette simple idée me débectait...

La deuxième situation me laissait plus perplexe encore... Imaginer devoir exécuter une mission de sauvetage pour finalement retrouver Tetsui gravement blessé sous des décombres avec celle qu'il préfère aller voir que moi même...

« Même si la situation me chamboulerait en comprenant qui est cette femme, je me persuaderais rapidement de laisser ça de côté pour le sauver malgré tout : elle reste une personne que je dois sauver sans que mes raisons personnelles n'interfèrent. Ce qui m'est plus difficile a imaginer c'est qui d'elle ou de lui je sauverais au détriment de l'autre s'il m'est impossible de sauver les deux... Bien sûr que je ferais tout en œuvre pour sauver les deux en même temps mais si ce n'est pas faisable alors que lui est gravement blessé sans garantie de survie une fois sortie alors qu'elle l'est légèrement... je pense que je sauverais son amante... »

Même si ça me crevait le cœur de le dire...
La troisième sonnait pour moi comme la pire car elle était encore plus personnel que les deux autres. S'il n'y avait que moi je n'aurais pas hésité à me désigner comme la responsable car il ne serait pas juste qu'un autre voit sa carrière détruite sur un mensonge que j'aurais caché : là encore je n'aurais pas eu la conscience tranquille et cela m'aurait poursuivi toute ma vie. Or là il n'était pas question de moi uniquement mais aussi de mes enfants... Se dénoncer revenait à perdre son statut et ses revenus et même si ces derniers pouvaient être obtenus en exerçant une nouvelle fonction, la prison était plus répréhensible encore … Car qui s'occuperait de mes enfants alors si j'étais seule à pouvoir les assumer ? C'était difficile mais...

« Je ne cacherais pas la vérité. Je dirais qu'il s'agit de mon kunai et donc de ma faute et en prendrais la responsabilité. Un innocent n'a pas a être accusé à tord sous couvert de garantir ma propre situation car lui aussi possède sans doute aussi une famille qui compte sur lui. Je ne rejetterais pas la faute sur quelqu'un d'autre... »

Nous nous débrouillerons et mes parents seraient sans doute là pour m'aider si cette situation existait mais il était hors de question de faire accuser quelqu'un à ma place.

Après mes explications je m'adressais à ma sensei :

« Toutes ces situations débouchent sur la même chose : ne pas y mêler ses raisons personnelles ou ses ressentiments mais laisser prévaloir la situation et le sauvetage du plus grand nombre tout en conservant sa loyauté et son sang froid. »

Certains choix étaient certes difficiles à faire mais nécessaires. Je comprenais ce que cherchait à m'enseigner Mizuki-sensei...

Un sourire s’affichait sur mon visage. Peu importait les réponses, au fond, l’objectif était de lui faire comprendre que, parfois, nos choix ne sont pas les bons quels qu’ils soient, et qu’il faudra juste suivre son instinct et ce en quoi on croit. Si je demandais la même chose à Hebi, nul doute que ses réponses seront différentes, et pour cause : elles sont dépendantes de la personnalité de la personne. Yell était une personne juste et gentille : et ses réponses transpiraient ces traits de caractère. Quelqu’un d’impulsif et de pragmatique aura d’autres réponses. Je me levai finalement, m’approchant d’elle et lui mettant ma main sur sa joue.

- Les choix ne sont pas toujours simples à faire, et il est parfois compliqué de faire les bons.. Parce que parfois, ceux qu’on nous propose ne sont que des mauvais. Mais il faut tout de même en faire un, ou tu te retrouveras dans une situation bien pire.

Une histoire racontée aux jeunes adolescents fait un état d’un âne assoiffé et affamé. Situé à égale distance d’un seau d’eau et d’un seau de foin, l’âne ne put jamais déterminer lequel était à choisir. Incapable de se décider, il finit par mourir de faim et de soif. La morale de cette histoire est que le choix est inévitable si l’on ne veut pas se retrouver dans une situation incontrôlable et pire que celle qui aurait été la nôtre en cas d’un choix. Remettant ma veste, je me dirigeai vers la porte.

- L’entraînement fut rapide, mais continue d’y réfléchir. Etaye ta réflexion et ta pensée. Tu seras une grande kunoïchi, Yell.

Je fis quelques pas en avant, avant de prendre de nouveau la parole.

- Ce que je t’ai dit lors de notre première rencontre est toujours valable. Jamais je ne jugerai l’une de tes décisions ou l’un de tes choix. Je resterai ta senseï quoiqu’il arrive, et je serai toujours là si tu en as besoin, et même si la vie finit par nous séparer.

Ouvrant la porte, je m’engouffrai dans les rues de Konoha, me dirigeant vers le palais, retrouver ma senseï à moi. Même si son discours n’était pas toujours similaire – en fait, il n’était jamais – je sais qu’elle non plus ne laisse rien au hasard. C’est elle qui m’a redonné espoir plusieurs. Et c’est à elle que je dois ce que je suis aujourd’hui. Finalement, la relation entre un senseï et ses élèves est bien plus forte qu’on ne pourrait le songer. Là où les croyances populaires laissent penser qu’on est que des shinobis plus expérimentés venus entraîner les jeunes pousses, la réalité était toute autre… Et surtout bien plus complexe…