HRP:

J'avais longuement regardé cette enveloppe laissée par Kioshi depuis son départ hier. M'étant destinée, je n'en pouvais plus d'attendre de savoir ce qu'elle renfermait. Mais je lui avais donné ma parole : je ne la lirai qu'après que Kibo ait donné ce fameux discours. Les risques que j'avais pris ce matin pour apporter les lettres à ce dernier me vaudraient d'ailleurs sûrement un sermon et blablabla. Rien que je ne savais pas déjà, mais je n'avais pas pu faire autrement et cela aurait été trop long ou trop hasardeux d'attendre que quelqu'un de confiance vienne me rendre visite à l'hôpital...
Kibo entra. Le discours semblait donc derrière lui. De quoi s'agissait-il là aussi ? Il devait me le dire ! D'abord, son regard était dur alors qu'il me donnait l'ordre de ne plus sortir de cette chambre dans mon état. Je ne retenais pas mon souffle pour exprimer ma profonde lassitude d'être traité comme un gamin. On aurait dit mon père.

« Compris... »

Il disait avoir prononcé le discours comme prévu. Moi je portais toute mon attention sur la suite de ce qu'il allait me dire. M'attendant déjà au pire. … « Kioshi est parti sauver Yami. Il a quitté son poste pour elle et il a également annoncé être l'assassin de Zanshi. ». Une bombe, voilà ce que c'était. Trois choses qui me faisaient dire que j'avais eu raison de penser que les mots de Kioshi hier avaient sonné comme des adieux... Ainsi donc nous en étions rendus là ? Mes yeux s'écarquillèrent et mon cœur ne fit qu'un tour dans ma poitrine douloureuse.

« Comment ? »

Kibo me tendit la lettre. Tout y était. D'abord silencieux tandis que je lisais, je sentais mon cœur devenir de plus en lourd à chaque ligne parcourue. Pour finir c'était l'ensemble de mon corps qui semblait frappé par ces révélations. Mon cousin partait en lâche et en meurtrier aux yeux de tout un village, son village, notre village. Il partait sans même avoir eu le courage de m'expliquer ni de me parler ou me dire clairement adieu, et je devais faire avec... Mes pensées devenaient noires et hasardeuses, je me posais beaucoup de questions. Alors que j'arrivais sur la fin ma lecture, mes yeux devenaient rouges, la tension accumulée comme la peine ressentie devaient sortir. Mains tremblotantes, je commençais à vérifier que je ne me trompais en relisant alors qu'une larme perla sur ma joue. Elle fut suivie d'une seconde et de plusieurs autres. Je pleurais bel et bien. En silence. Il m'arrivait rarement de pleurer.

Cela dura deux longues minutes, rappelant un enterrement à cause de ce silence de mort. Je prenais sur moi en même temps que mon corps relâchait toutes ces perles d'eau appelées « larmes ». Puis finalement je stoppais tout en serrant la mâchoire et en jetant avec violence cette feuille qui plana avant de retomber au sol.

« Alors on en est là... »

Simple constat fataliste sur la situation, sur tout ça. Je laissais un silence agir pour peser mes prochains mots. Tout Yamada préférait la voix orale plutôt que la voix écrite pour transmettre des choses. J'étais l'exception et l'intello qui lisait et analysait des livres en les annotant pour y extraire des infos, mais quand cela concernait une personne proche comme Kioshi je préférais l'oralité. Plus franche, plus vraie. Un bout de papier et un texte... je me posais alors une question logique et la partageais à Kibo :

« Est ce que tout est vrai ? Je reconnais son écriture, mais... je n'arrive pas à y croire... ce n'est pas Kioshi, pas celui que je connais. »

Mon ton était celui d'un jeune homme abattu et ne sachant plus que croire. Et je n'avais pas encore lu le mot m'étant destiné...

Je savais que le sentiment d'amitié était fort entre Kibo-Sensei et Kioshi. C'est donc bien parce que j'étais moi-même un parent du sensei de mon propre sensei que je me permettais de parler du Kioshi que je connaissais. Car celui-ci devait être le même qu'il avait connu, à quelques détails prêts, l'aspect familial en moins. Je m'attendais à une réponse négative, mais il me confirma que ce qui était dit dans la lettre était la vérité. La deuxième lettre appuyait cet état de fait. J'eus un pincement au cœur à cette idée. Kioshi était un meurtrier. Ainsi qu'un lâche pour cause de désertion.

Cependant... Kibo vint ajouter un élément des plus importants à l'équation. Une info qui changeait tout sans pour autant changer le résultat. Je l'écoutais dire qu'on avait poussé le Rokudaime à quitter son poste, et alors je fronçais les sourcils en attendant la suite et en sentant la colère monter en moi. Imaginant que tout cela était la faute de quelqu'un, et que ça aurait pu être évité. Mon regard était dur et menaçant à l'image de la haine que j'allai éprouver l'instant suivant en apprenant l'identité du véritable fautif. Le Nidaime Kazekage. Une relique pas encore morte. Mon corps tremblait de lui-même, j'étais tendu et à bout de nerfs. Cet homme aurait enlevé Yami et fait chanter mon cousin en lui donnant le choix de venir chercher la Ketsueki ou de rester à Suna en la perdant... Quel genre d'être agissait de la sorte dans un tel moment ? Le village avait besoin d'un leader, et il l'en privait par des méthodes fourbes et sans une once d'honneur. L'honneur, Kioshi l'avait perdu lui aussi en y cédant. Pour finir, tout cela signifiait que Yami à qui je tenais beaucoup était dans une mauvaise situation. Le Nidaime s'en prenait à deux de mes proches.

Moi qui passait beaucoup de temps à étudier divers sujets, je pouvais me féliciter de connaître sur le bout des doigts l'histoire de notre village. Présent ou pas présent à certains moments de celle-ci, quand on savait lire on pouvait apprendre beaucoup de choses. D'autres nous étaient apprises à l'académie pour ne pas que les futurs shinobis ne deviennent des ignorants. Et quand bien même cela n'aurait pas suffi, dans mon clan on pratiquait la transmission orale et assez régulièrement les plus âgés enseignaient aux plus jeunes. Tout était dans la connaissance. Et seulement par ce biais il nous était possible de ne pas réitérer des erreurs passées pour le bien de Suna. C'était mon avis. L'avenir n'était pas fait du même sable que le passé.
Le Nidaime était de mon point de vue un personnage sombre malgré ses hauts faits. Leader ayant déclaré une guerre contre Konoha en l'an 5, celle là même qui avait coûté la vie à ma mère lors d'une mission du Kakumeigun. La source, voilà la source ! Elle n'était autre que celui qui avait envoyé ses soldats à la guerre. Ajoutons à cela qu'il était censé être mort assassiné par celui qui devint le Sandaime Kazekage, mais qu'il était toujours là. Tel un croûton s'accrochant à une vie et à un monde qui n'avait plus besoin de lui. Pourquoi revenir quand on était mort ? Même pour repousser Kyoshi Rei, je me posais la question. Mais par dessus tout, pourquoi réapparaître pour faire du mal et destituer un Kazekage en usant de chantage ? Si un homme devait mourir à la clôture de ce nouveau chapitre, ce serait lui. J'en fis la promesse à cet instant.

« Le Nidaime tu dis ? S'il est fautif, alors il paiera. »

Mon corps tremblait toujours, je serrai les points, lâchant le regard de Kibo un instant.

« Les Kazekage n'ont ils jamais eu d'honneur ? Le Nidaime devrait être mort depuis longtemps et pourtant il s'en prend à la cheffe du Kakumeigun pour faire tomber le Rokudaime Kazekage. Quant à Kioshi, il est devenu un lâche en cédant et en désertant... quand bien même je comprends qu'il fasse ça pour Yami. »

Mais la question qu'il fallait se poser au fond c'était : pourquoi le deuxième leader de Suna revenait à la lumière du jour ? De tout ça je pensais qu'il nous fallait faire attention et nous méfier dans les prochains jours. Et je savais déjà pertinemment que je haïssais ce type pour ces actions qui par le passé comme aujourd'hui m'enlevaient toujours des êtres chers.

« J'espère que les nouvelles seront meilleures... je n'ai aucune confiance en ceux qui nous gouvernent. Empiriquement, je ne les juge pas dignes de confiance. Le pouvoir va toujours de pair avec la tromperie et la manipulation. Pour moi... le pouvoir manque de transparence. »

J'appuyais la phrase qui suivit :

« Il manque d'honneur et de droiture ! »

Cela avait sa propre signification pour moi. Aussi je pris quelques secondes pour me calmer et aviser Kibo. Je devais lui demander quelque chose :

« Apprends moi à ne pas réitérer les erreurs de nos prédécesseurs, ni celles de Kioshi. Fais de moi le shinobi qu'ils n'étaient pas : un modèle d'intégrité. Celui sur lequel Suna pourra toujours compter dans l'adversité sans qu'il ne désobéisse ou ne faille à son devoir... Aide moi à devenir cet homme là... S'il te plaît. »

C'était mon souhait à partir de maintenant.

Kibo-sensei ne voulait pas tirer de conclusions à la hâte concernant le Nidaime et Kioshi. Mais... sans doute avait-il raison et je me rendais compte que mes nerfs à vif et mon moral au plus bas me faisaient perdre mon caractère réfléchi. D'habitude je prenais le temps d'analyser les choses sans pour autant désigner un coupable ou une vérité dans l'immédiat. Or là, tout me touchait personnellement et profondément. Cela touchait mon clan et ma famille proche. Ce n'était pas pareil. C'était pour ainsi dire la première fois, après maman, qu'un drame comme celui-ci survenait dans ma vie. La dernière fois cela m'avait fait perdre mon côté raisonnable ou la voie de la sagesse, appelez le comme bon vous semble. Je ne devais pas réitérer la même erreur.

Je vis en tout cas que Kibo partageait ma frustration et ma réflexion sur les gens qui nous dirigeaient : sur le pouvoir. Comme il le disait bien ils nous avaient pris pour des cons et il fallait que cela cesse à l'avenir !
Ma demande d'être formé fut entendue puisqu'il me répondit simplement que si tel était mon souhait il ferait en sorte de l'exaucer. J'avais confiance en lui pour cela. Je voulais être un shinobi exemplaire, le genre de ninja qu'il était impossible de critiquer sur son professionnalisme ou son intégrité. Celui qui obéissait aux ordres en voulant servir le village et sa nation, pour le bien global. Bien sûr, j'avais conscience que cela serait un tournant dans ma manière de voir les choses. Mais la désertion de Kioshi et le chantage du Nidaime avaient changé la donne. Suna avait bel et bien besoin d'hommes respectables et fidèles, pour changer. Au contraire il n'avait nullement besoin de faux parleurs, de faux semblants et d'hommes qui laissaient miroiter des illusions quant à leurs véritables intentions. Des hommes sans prétentions suffiraient. Des shinobis "normaux". Voilà ce qu'il fallait ! Si on faisait abstraction de ma nonchalance qui faisait partie de ma personnalité, j'en deviendrai un sans difficulté.

« Merci. » dis-je finalement.

Il était temps de grandir. Après quoi Kibo me conseilla de me soigner comme il le fallait pour commencer l'entraînement dès que possible. Lui avait à faire pour le village en attendant.

« C'est d'accord, à plus tard. Compte sur moi quoiqu'il en soit. »

Je me retrouvais à nouveau seul dans cette chambre d'hôpital après qu'il soit parti. Et cette lettre que Kioshi m'avait destiné attendait toujours d'être lue. Dans quelques minutes... juste le temps de me ressaisir de cette entrevue avec Kibo et de ces nouvelles révélations.