- Du … vent …

Sur ces deux pauvres et minables mots, je restais planté au milieu d’une ruelle, les yeux fermés. J’étais de retour depuis quelques semaines mais, malgré tout, ces coups de vent me surprenaient et m’obnubilaient toujours. Les courants d’air, les feuilles qui dansaient, les gens qui accouraient à un abri … et le ciel bleu à ma disposition ! Je me revoyais jeune et fringuant, en train de virevolter dans cette étendue bleutée. On m’avait, un jour, Surnommé le « Kumojin qui naviguait sur le Vent » - car dire que j’étais le Shinobi du Vent mettait un doute avec les Sunajins, les Shinobis du pays du Vent. Malheureusement, après plusieurs années d’emprisonnement, j’étais inapte à déployer à nouveau mes ailes. C’était à peine si je maîtrisais le pouvoir des Fils, pour dire …

- Hey Reimei ! C’est toi mon vieux ?!

Je restais stoïque, ignorant tout bonnement les paroles de l’inconnu. Malheureusement ce dernier abattit lourdement sa main sur mon épaule, m’obligeant à soulever les paupières. Il parlait bien trop vite pour l’handicapée sociale que j’étais. Je n’avais plus parlé ou entendu humain depuis bien des années, et autant dire que les discussions … je m’y perdais. Et davantage quand un second ou troisième acteur entraient en scène. Autant dire, je n’avais nullement compris ce qu’ils disaient.

- Fêtons ! finit par dire l’un.
- Fêtons … Ah, dis-je, avec beaucoup d’entrain à mon sens.

J’avais ajouté « Ah » tout de même. Cependant, mes « amis » ne semblaient pas convaincu, et ils disaient que j’avais bien besoin de me décoincer un peu du fion – qu’est-ce cette chose d’ailleurs ? Le langage Kumojin avait bien évolué dis donc. J’acquiesçais, sans comprendre, et on m’entraîna sans tarder dans un bar. Quant à la suite … Tout était flou ! Je voyais de jolies demoiselles, je souriais béatement, et j’assistais a beaucoup de choses qui me semblaient mystérieuses ou qui sortaient d’un imaginaire lointain, oublié et abandonné entre quatre murs d’un trou de l’Univers.

Et je sentais le courage revenir à moi. Je voulais à nouveau déployer mes ailes. Autant dire, je quittais l’endroit en dodelinant, en me dirigeant vers un quartier quelconque. Je me mis sur un toit, et je commençais à « déployer » le tout, et à me jeter dans le vide. Malheureusement, je ne volais nullement, et je me suis même arrêté au niveau d’une fenêtre où dormait une jeune fille. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Je tentais de tendre le bras mais… je ne le trouvais plus.

*

Ce que le commun des mortels voyait était un Monjara qui détachait les jambes et bras de son corps – le tout relié que grâce aux fils – et qui se jetait d’un bâtiment de deux étages. Cependant, un des fils s’empêtra dans la gouttière et de fil en aiguille, il s’était détaché, emmêlé … s’arrêtant à haute d’une fenêtre. Celle d’Hakushi Yui.

Je me balançais ainsi toute la nuit dans cette étrange posture, en espérant qu’un Kumojin aurait la décence de faire une ronde dans les parages, et de me délivrer par la même occasion. Malheureusement, aucun n’avait donné signe de vie ! La rue avait été aussi déserte que sa cellule dans le sous-sol de Ki no Kuni durant des années.

« Y avait mon petit compagnon, le rat, au moins » me disais-je, attendant avec un certain flegme le lever du soleil. D’ailleurs, c’était beau cet événement matinal : les couleurs dont le ciel se dotait étaient magnifiques, tout en nuance, tout en harmonie … Si je pouvais renaître, je souhaiterais être le ciel ou le vent lui-même, ainsi, plus jamais je ne serais enfermé dans un quelconque carcan, et plus jamais je ne serais déçu. J’irais constamment où bon me semble.

C’était très beau … Et je sursaute au lendemain lorsque j’entends un cri très strident. C’était une fille, à tous les coups ! Par réflexe, j’hurlais aussi. Comme une fille. Et puis je reprenais aussitôt un visage passible, aux traits figés et étranges, et le regard vide presque stupide vers la demoiselle. Et elle s’approchait, effrayée.

- Euh. Mes fils.

C’était concis mais suffisant. On voyait bien que j’étais emmêlé, non ? Soudainement, une idée germa dans ma tête et j’affichais un air paniqué – mais vraiment.

- Ne les coupe pas. Sinon je meurs. Enfin, les fils de la tête.

Je pouvais me démembrer – comme on voyait dans ce méli-mélo de membres – mais il suffisait qu’on coupe pour que je me retrouve vraiment à l’hôpital. Et moi, et l’hôpital, ce n’était pas le grand amour ! On avait pas vraiment de feeling le blanc et moi, les seringues et les médecins .. .Toutes ces choses, vous voyez ? Et puis, généralement, Meirei n’aimait pas aussi et il n’aimait vraiment pas … dans le genre à briser des miroirs, des fenêtres, à tuer ou à étranger deux ou trois blouses blanches. Ce n’était pas charmant mais il fallait nous comprendre : nous avons vécu bien trop enfermé, à être tripoté par une bande de scientifiques fous.

A la fin, nous sommes un peu effrayés ou stressés dans ces situations. Et la peur ou le stress ne sont jamais de bons alliés : première leçon que l’on apprend à un Shinobi de Kumo. Ou la troisième, ou la centième … A vrai dire, j’en sais rien !

- Tiens ce bras. Et jettes-le de l’autre côté.

J’avais passé ma soirée à comprendre où je m’étais emmêlé. Et l’affaire était simple : rejeter un bras par là, une jambe unique par-dessus la tête .. . et il suffira que je rappelle ces membres, et je me retrouverais bien vite en un seul morceau.

- Ma tête, dis-je avec monotonie, sans crie ou panique. Cependant, ne vous y trompez pas : j’avais sacrément mal au cuir chevelu. La demoiselle avait vraiment de la poigne malgré une silhouette frêle et fragile. Mes cheveux, disais-je à nouveau en sentant chaque petit mèche s’arracher un à un.

Finalement je mis mes deux mains sur ceux de la Hakushi, desserrai ces dernières, et me laissa tomber par terre. Je me brisai nulle jambe ou quoi que ce soit, car j’atterris tout simplement et tout bonnement sans la moindre fracture grâce à mon chakra. Malheureusement, dû à une maîtrise imparfaite, le sol explosa un tantinet autour de moi. C’était un peu le « Hero Super-landing » raté ! D’ailleurs, dû au brouhaha et aux dégâts, quelqu’un de l’immeuble finit par sortir, m’observer, lancer un regard au sol, devenir rouge pour aussitôt hurler et injurier. Il commençait à me parler du Raikage qui serait un homme de loi juste qui ne laisserait pas passer de telle chose s’il n’avait pas été absent pour un examen chunin à Suna.

- Ah. Il n’est pas là, le Raikage, me disais-je. Il serait peut-être temps de parler avec mon cousin chef de clan pour savoir ce qui se passait dans les parages, dans le clan …

La tête dans les nuages, la voix de l’homme avait disparu. Au lieu de ça, je me contentais de regarder à nouveau le ciel, et sentir le vent fouetter avec force mon visage et les replis de mes vêtements Shinobis. Une porte qui claque fut un son qui me ramena à la vraie vie : il semblerait que l’homme avait disparu pour une raison inconnue. Quelqu’un m’avait-il défendu ? Allait-il demandé l’assistance de quelques Shinobis clairement plus forts que moi – et dire que je les surpassais à une lointaine époque !.

- Hum. Je suis où, en fait ?

Sincèrement où étais-je ? J’avais surement déjà arpenté ce quartier il y a quelques années mais, entretemps, les choses avaient bien changé de couleurs. Soudainement, non loin, je vis un visage familier : mon ex-fiancé, au bras de mon meilleur ami. Ils étaient mariés maintenant, et au vu du ventre arrondi de la demoiselle, je compris qu’ils se construisaient une vie. Mon regard changea de tout en tout : le beau vent n’était plus que tempête, le gris n’était plus que noir et le blanc se peignait d’une teinture rougeâtre.

- C’était à moi d’être là, me murmurais-je.

Enervé, colérique, je me retourne et m’engouffre dans une ruelle du même bâtiment où je m’étais accroché, je m’assis par terre, et je laisse cette horrible colère et crise de jalousie passer. Je n’avais aucun droit d’agir ainsi : j’avais failli à une mission, j’avais disparu, et chacun avait mené sa vie. C’était une chose normale. Totalement normale.

Pourtant, cela faisait mal. Très mal. Je n’en pleurais pas, mais les mains étaient crispés de colère.

Je continuais à broyer du noir dans mon coin lorsque la blondinette à m’avoir aidé passa non loin de moi. Je pensais qu’elle allait passer son chemin, et m’ignorait. Pourtant non, il semblerait qu’elle m’adressait la parole. Il fallait admettre une chose, je restais cinq longues minutes à l’observer avec mon éternel visage de mort. A vrai dire, j’étais étonné. Extrêmement étonné, comme à chaque fois que quelqu’un me parlait. Ces tons de voix, ces expressions … Tout cela était encore et toujours une grande nouveauté pour moi.

- Monjara Reimei, me contentais-je de dire.

Il fallait admettre que je ne savais pas du tout comment on parlait à d’autres personnes. Devait-on leur faire une bise ? Devait-on serrer la main ? Devait-on s’incliner ? Devait-on se câliner ? Pourtant, il fallait faire quelque chose non ? Argh, je n’en avais nulle envie ! J’étais dans un véritable dilemme psychologique : je voyais mon ex-fiancée avec mon ex-meilleur ami …

- Je ne sais pas.

Je ne savais pas du tout quoi faire, à vrai dire. J’avais terriblement envie de pleurer – mais même ça, je ne savais pas vraiment comment faire -, j’avais envie de taper – mais je n’avais pas les forces nécessaires – et j’avais aussi envie de tout simplement mourir. Mine de rien, la vie était plus simple enfermée dans une cage en fer avec des barreaux. Je restais là, pour aussitôt me souvenir de la présence de la fille. Elle m’avait demandé mon prénom, et ai-je répondu déjà ?

- Je t’ai dit que je m’appelais Monjara Reimei ?

A sa tête, on dirait que oui.

- Désolé d’être un bizarre.

Je me taisais encore, et je me mis en position fœtus contre le muret.

- Mon ex-fiancée est maintenant l’épouse de mon ex-meilleur ami, et elle en est enceinte. Il fallait que je sois capturé dix ans pour que tout change, dis-je d’un air perdu.

A vrai dire, je parlais plus à Meirei – mon ami de toujours – qu’à cette fille ; cependant, si elle voulait participer à notre conversation interne, il n’y avait pas de problème. Pour une raison inconnue, Meirei était sacrément silencieux ! et j’avais envie de parler, tout de même !

Le Shinobi – du moins, l’ancien génie de sa génération – reprit tous les droits faciaux. Il abandonna vite son air énervé ou désemparé pour emprunter les traits d’un homme extrêmement sérieux, et neutre. D’une voix similaire, il commença à faire son rapport.

- J’ai été assigné à une mission d’infiltration. J’avais récolté toutes les informations nécessaires et tout avait été planifié avec mon équipe pour infiltrer leur base, et comprendre le but réel, ou les capacités de l’organisation criminelle traquée. Malheureusement, mon équipe et moi avons été débusqués la veille de notre infiltration.

Il ne pouvait pas dire plus, car il n’y avait plus rien à dire.

- Je suis resté enfermé dans les sous-sols de Ki no Kuni. Le dernier tremblement de terre sur cette région a été une grande aide pour mon « retour » à la réalité. Il m’a déterré. J’étais seul, à vrai dire. Je ne sais pas du tout ce qu’il est advenu de mes coéquipiers. J’ai entendu des histoires de vente, de torture et de meurtre, quand le groupe criminel était encore dans la base souterraine où j’étais enfermé.

Parlait-il en tremblant ? Nullement. Parlait-il avec émotion ? Encore moins, à croire qu’il racontait le beau temps et la pluie. Etait-il livide ? Plus pâle que ce qu’il était, c’était impossible. Ses yeux exprimaient-ils de la peur, ou de la colère ? Ni l’un, ni l’autre, la neutralité les teintait à nouveau. Pourtant, au plus profond de lui-même, il était extrêmement triste vis-à-vis de ses « coéquipiers », ces frères et sœurs d’armes qui avaient été sacrifié peut-être bien.

- Je ne veux pas connaître ton avis, sur mon ex-fiancée. J’ai été tué il y a dix ans. Il est normal qu’elle n’ait pas cherché à m’attendre. Elle avait une vie, elle.

C’était peut-être, enfin, la seule émotion qui transparaissait. Ce qu’il disait était « normal », peut-être, mais il était sacrément … jaloux, et colérique malgré tout.

- Je dois m’entraîner, annonça-t-il de but en blanc.

Et il commença à marcher, à l’inverse de là où se trouvait sa fiancée. Il s’arrêta bien vite au premier croisement pour regarder à droite, à gauche, puis en l’air. Il ne savait pas du tout où étaient les terrains d’entrainement. Il aurait préféré aller dans les sentiers perdus, et se perdre dans des ravins ou se jeter du haut d’une montagne pour « surfer » sur le vent mais, à l’heure actuelle, c’était à peine s’il marchait droit. Autant ne pas tenter le diable…

Il suivit docilement la Shinobi qui lui indiquait le chemin des terrains d’entraînement. Il écoutait à peine ce qu’elle disait, il était trop obnubilé à observer la vie autour de lui. Il appréciait voir le marchand marchander, voir sa femme faire les yeux doux à droite et à gauche, entendre les douces mélodies d’un poète ou encore sentir les doux effluves de plats inconnus. Idiotement, il se dirigea en direction et piqua sans questionner une brochette ou deux. Le goût était si bon qu’il mangea abondamment jusqu’à ce que le cuisinier arrive, tape des poings sur le comptoir, et tend la main. C’était le signe de donner de l’argent, Reimei comprit autrement : il checka. Et il continua à manger à son soul.

- Non mais tu te moques de moi ?! s’énerva. Tu dois payer AVANT de manger !
- Payer … ?

Ah oui. Payer. Une lointaine notion monétaire lui revenait en mémoire. Il farfouillait dans ses poches et sortit une bourse qu’il donna entièrement à l’homme. Et il continua à manger. Ce dernier bouda, ouvrit la dite-bourse et compta avec des yeux toujours plus rond : il y avait de quoi se payer un repas pour la semaine. Si les yeux de la Hakushi ne trainaient pas dans les parages, il aurait piqué la somme totale. Grommelant, il prit que ce que le Monjara lui devait, et invitait la Hakushi à prendre place.

- Il a un sacré appétit votre ami. Il a jamais mangé de sa vie, ou quoi ?

Le cuisinier cessa de parler au Monjara. Ce dernier avait une allure tellement étrange et un visage si simplet que plus d’un ne le prenait pas au sérieux. A chaque fois, la personne préférait interroger un éventuel accompagnateur. A vrai dire, aujourd’hui, ce dernier semblait un brin trop jeune pour le cuistot : une fillette blonde chétive. Cependant, la conservation ne dura pas bien longtemps. Reimei rota avec une élégance à tout épreuve – sentait l’ironie, ainsi que l’odeur d’intestin, en parallèle –, se leva pour continuer vers une direction. Il s’arrêta à nouveau. Et il revint sur ses pas.

- C’était bon. Merci.

Il se retourna à nouveau. Pourquoi un tel mouvement ? Apparemment, et on lui avait dit, il fallait toujours remercier les gens. En parlant de remerciement, il devait remercier Yui, non ? Il n’avait déjà plus souvenir s’il l’avait remercié ou non, et surtout sur ce qu’elle avait fait pour lui.

« Meirei … tout ça, j’aime pas. C’est trop de merci » se plaignit-il mentalement.

Le vent ne tarda pas à souffler. Il était soudainement heureux. Il devait faire quelque chose ! Une idée surgit dans sa tête, soudainement. Une nostalgie à vrai dire. Il savait ce qu’il souhaitait faire. Une chose insensée mais dangereuse mais ces notions n’avaient plus grandes définitions dans son esprit.

- Il faut aller aux sentiers perdus, annonça-t-il à Yui. Je dois « voler ». A nouveau, finit-il par dire mystérieusement.

Une longue journée folle semblait les attendre, d’une manière ou d’une autre. Cependant, à voir s’ils arriveront jusque là.