Depuis cette mission qu’elle avait faite sans en parler à qui que ce soit, puis son passage éclair à Suna pour la rendre, ses parents avaient compris qu’Ether n’était plus une petite fille de 10ans, malgré son comportement. Ils rechignaient bien moins à la laisser s’éclipser et se mêler aux humains. Alors quand elle vint leur dire qu’elle envisageait de partir faire une petite virée à Odaichi, ils ne rouspétèrent que pour la forme. Puis ils la regardèrent avec tendresse lorsqu’elle ajouta qu’elle comptait voir s’il était possible de trouver un bateau pour Mizu no Kuni, direction Kiri, lorsque le jour du départ viendra. Ether leur avait parlé de la future renaissance du village, ainsi que de sa rencontre avec quelqu’un susceptible de les accueillir. Au départ, pas un seul membre de la tribu ne l’avait crue, c'était juste bien trop beau pour être vrai. Puis, après avoir tout expliqué depuis le début et raconté son copinage avec une certaine Kaguya, ils avaient assimilé la nouvelle et laisser éclater leur enthousiasme. Un village pour leur communauté… C’était comme un rêve auquel ils n’avaient jamais osé penser qui se réalisait. Et tout ça, grâce à leur petite Gogyou qui ne faisait que rire et jouer aux cartes. Les membres de sa tribu savaient comment elle était réellement, mais jamais ils ne pipaient mot à ce sujet. Ils préféraient la voir heureuse et sourire.
Ether partit donc sur le dos de son étrange bête pour le village portuaire. Klütz, sa créature bipède qui ne ressemblait à pas grand chose, était devenue comme son meilleur ami. Ouais, ça faisait un peu « forever alone » dit comme ça, mais c'était la vérité. Il représentait le succès de sa première mission, et à chaque fois qu'elle le montait, elle se souvenait de cette semaine passée auprès de ces villageois. Le voyage ne fut pas différent des autres et après quelques jours, l'élémentaire parvint enfin sur place. C'était presque devenue une habitude de venir dans le coin. Soucieuse de se mêler aux humains pour comprendre plus en profondeur leur comportement, elle venait de plus en plus souvent. A mesure qu'elle les côtoyait, Ether apprenait les rudiments de leur quotidien et les appliquait. Petit à petit, elle parvenait à saisir quand est-ce qu'elle devait se calmer et quand est-ce qu'elle pouvait exploser de joie. Cela n'enlevait rien à son constant enthousiasme, mais l'avantage était que la Gogyou était moins boute-en-train à l'extrême qu'auparavant.

Une fois délesté de Klütz à l'endroit prévu à cet effet, la gamine débuta sa promenade directement sur les docks. Sa présence ici avait un but ; découvrir si il était possible d'embarquer un clan entier – autrement dit, pas mal de monde - pour Mizu no Kuni à bord d'un bateau. Si la réponse s'avérait négative, ils se verraient obligé de reprendre la route, contourner à nouveau le pays de Konoha pour embarquer à Chiheisen dans Yu no Kuni. Il était hors de question de traverser Hi pour à nouveau perdre un des leurs, ils ne tenteraient plus le diable, le prix à payer avait été douloureux. La jeune femme cherchait en priorité les gros bateaux. A chaque trouvaille, elle partait en quête du propriétaire et lui posait cette question :

« Bonjouuur ! Excusez-moi, est-ce que votre bateau navigue en direction de Mizu no Kuni ou y fait mêmeseulement halte ? »

Si c'était oui, elle demandait le prix de la traversée, si il faisait des tarifs de groupe, puis notait toutes les informations dans un vieux carnet tout rapiécé et usé par le sable. Si au contraire, la réponse était tout simplement non, elle demandait si il ne connaissait pas un capitaine dont le gagne-pain se trouvait être le transport de personnes. Pour l'instant, aucun bateau ne partait pour les prochains mois vers le pays de Kiri. Quelques barques étaient à louer, mais traverser la mer dans une embarcation aussi fragile était hors de question. Ils auraient pu être rassurés par la présence d'une Gogyou d'eau, mais la seule du clan avait péri à Yu. Elle continua donc sa recherche jusqu'à ce que le soleil brille haut dans le ciel, attestant qu'il était l'heure de déjeuner. De plus, à midi, tous les pêcheurs et autres capitaines partaient manger, cela ne servait donc à rien de rester ici à patienter le ventre vide. Ether se dirigea vers les quartiers commerçants, s'arrêta à une échoppe qui vendait des sandwichs du désert, sous forme de wrap. C'était une galette de farine de sarrasin, remplie de riz avec quelques légumes et un scorpion, le tout saupoudré de fourmis grillées. Une fois le tout réchauffé et emballé, elle récupéra sa commande et repartit sur les docks. A cette heure-ci, ils étaient déserts et calmes, l'endroit idéal pour déjeuner en toute quiétude et réfléchir à l'avenir. L'élémentaire, affamée, déballa son repas et croqua à pleines dents tout en regardant l'horizon.
Un village pour son clan... Elle-même avait encore du mal à digérer la nouvelle. Leur voyage était susceptible de prendre fin d'ici quelques mois et ils deviendraient sédentaires. Cela risquait de faire un choc pour la plupart d'entre eux, mais après avoir passé autant de temps à Kaze, le changement serait probablement moins agressif qu'ils ne le redoutaient. Ce que la demoiselle craignait était surtout que finalement, le village ne voit jamais le jour et que la promesse d'un futur nouveau s'évapore dans les airs. Arrachant un morceau de chair de scorpion, elle mâchait silencieusement, perdue dans ses pensées. Assise sur le bord d'un quai, effleurant l'eau de ses pieds, la Gogyou se mit ensuite à écouter l'écho des voix portées par le vent et sourit.

L’océan brillait par sa quiétude et sa sérénité.
Sa surface lisse reflétait les rayons du soleil et illuminait l’horizon de sa beauté.
Ether finissait silencieusement son repas, savourant chaque bouchée et profitant de ce splendide paysage. Si elle avait cru qu’un jour Kaze pourrait lui manquer… Elle adorait cette contrée, tout ce sable et la chaleur ambiante. La jeune femme y vivait depuis si longtemps, qu’elle se voyait difficilement partir pour de plus verts pâturages. Mais si la solution pour vivre en sécurité et sans se cacher était de quitter leurs montagnes, alors soit. Les moines lui manqueraient énormément, ils étaient presque comme sa famille. Leur générosité et leur modestie faisait d’eux, de parfaits professeurs. L’élémentaire avait beaucoup appris à leurs côtés. Et même si elle n’avait pas toujours été facile à vivre au quotidien, ils avaient su être patients et accepter ce besoin qu’elle avait d’extérioriser en permanence. Malgré son comportement parfois excentrique, ils avaient vu en elle, une jeune femme intelligente et cultivée, une enfant qui avait seulement besoin d’être rassurée.
Si tout se passait comme prévu, bientôt ils partiraient pour un continent qui les accueilleraient avec des bras ouverts et non des armes bien taillées. La Gogyou ramena ses pieds vers elle et ôta ses sandales en toile usée, pour ensuite tremper ses pieds dans l’eau chauffée des docks. Elle profita calmement de cet instant de pur bonheur, puis remit ses chaussures avant de se lever d’un bond. La demoiselle s’étira avec lassitude et récupéra ses déchets pour aller les jeter dans le premier compartiment à cet effet. Après avoir fait son devoir d’écologiste, elle reprit son entrain habituel et se mit à meumeumer une comptine. Et pourquoi ne prendrait-elle pas un dessert avant de reprendre ses recherches ? Ouais, c’était bien ça !

Prête à se diriger vers les quartiers commerçants, elle fut surprise d’assister à une scène plutôt cocasse. Alors qu’elle venait seulement de se retourner, Ether vit deux jeunes femmes qui ressemblaient en rien à celles vivant dans le désert, contrairement à elle. L’une d’elles avait franchement la peau blafarde, presque translucide, mais surtout, des yeux rouge sang. De par les légendes de son clan, ainsi que les cours délivrés par l’Ancien, l’élémentaire conclut rapidement à ces fameux vampires, les Ketsueki. Et ce à quoi elle faisait face, la confortait passablement dans son idée. La seconde était étrangement habillée, des yeux perçants rappelant les serpents, et une langue du même style, fendue en deux. La Gogyou resta interdite. Celle qui était presque fantomatique, longs cheveux noirs et bien brossés, croquait littéralement dans la gorge de la verte, et Ether crut voir perler quelques gouttes de sang. Dans leurs mythes, les Ketsueki étaient vraiment considérés comme des traîtres aux Dieux originels, mais elle n’en avait jamais réellement vu en personne. Décidément, depuis qu’elle avait décidé de sortir plus souvent, elle découvrait de plus en plus de choses. C’était génial ! Bien qu’elle répudiait l’action qui se déroulait, elle ne put s’empêcher d’aller vers elles. La jeune femme, toujours équipée, sortit de son écharpe de hanche – sa boîte à trésors – un morceau de viande séchée et la tendit au vampire assoiffé.

« Si t’as si faim qu’ça, tu d’vrais plutôt manger un vrai truc.
Tiens, c’est super bon ! »

Toujours affublée de son éternel sourire, elle la regardait avec curiosité.
C’était donc à ça que ressemblait ce fameux clan maudit… Leurs yeux étaient fascinants, et cette peau si blanche… Comment faisait-elle pour ne pas bronzer avec autant de soleil ? Peut-être qu’elle mettait de l’écran total. HE ! Est-ce qu’elle dormait dans un cercueil aussi ? Oh oh oh ! Ce que c’était excitant !

La Ketsueki n'était pas des plus aimables, ça c'était certain !
Cependant, Ether choisit de ne pas lui en tenir rigueur, lorsque l'on n'est craint de la sorte, pas étonnant que l'on devienne méprisant. Quoique, d'un côté, son clan aussi était détesté, et ils n'étaient pas ronchons pour autant. Non, cela devait juste être sa personnalité originelle. Bon, chacun ses défauts hein ! La nomade observa la jeune fille manger son présent avec hargne – ah bah pour crever la dalle, elle avalerait un éléphant oh – du sang éclaboussa le contour de ses lèvres et elle eut un mouvement de bras pour enlever tout ça. Si Ether mangeait comme ça, elle se ferait remonter les bretelles par sa mère, pour sûr ! Chaque clan avait ses manières... Alors que la vampire la toisait telle une bête sauvage prête à bondir sur elle pour la dévorer, son amie vint se placer entre les deux filles. Ah, celle-ci semblait plus sociable ! Cette dernière tint à excuser le comportement de la « petite demoiselle », et l'élémentaire secoua la tête frénétiquement pour assurer qu'elle ne lui en tenait absolument aucune rigueur.

« C'pas grave, c'normal !
On s'connaît pas et j'déboule comm' ça, sans gêne. J'essaie d'être moins directe, mais j'ai encor' un peu d'mal. Désolée ! », fit-elle en souriant d'un air malin.

Pendant ce temps, la « petite demoiselle » se faisait un festin sur le bras de sa camarade, ce qui ne manqua pas d'intriguer l'élémentaire. C'était une question qu'elle ne s'était jamais posé ; Étaient-ils obligés de boire uniquement du sang ou leur régime s'avérait-il plus souple ? Puis la Gogyou s'attarda sur le visage de l'affamée. Une peau si blanche qu'elle reflétait les rayons du soleil, c'était en soi très joli, et des yeux rouges comme des rubis. Ce regard lui rappelait un peu Panthos et ses pupilles orangées dans lesquelles semblaient danser des flammes. Qu'est-ce qu'elle ne donnerait pas pour revoir ce feu dans ses yeux... Voyant que les joues de la Ketsueki s'empourpraient, Ether cessa de la regarder. Ah oui, elle oubliait qu'elle pouvait se montrer très envahissante. La nomade avait encore du mal à se faire aux manières des Normaux, elle avait pas mal de choses à apprendre avant de pouvoir se fondre dans la masse. Finalement, celle qui ressemblait à un serpent se présenta, avant de donner le nom de sa camarade. Ainsi, c'était bien une Ketsueki. Non pas qu'elle en doutait, mais là au moins, c'était sûr ! La, juste La. Marrant comme prénom ! Ether claqua son poing contre sa paume et salua.

« Ether, enchantée ! »

La dénommée La n'accordait toujours aucune attention à la petite blonde.
Cependant, elle cessa de se nourrir et sortit une étrange chose qu'elle porta ensuite à ses lèvres. Les yeux de la Gogyou devinrent ronds comme des soucoupes, fascinée par cet objet dont elle ne connaissait la nature. Qu'était-ce ? Et comment avait-elle bien pu créer du feu à partir d'un truc aussi petit qu'un pouce ? … Bêêêh ! Le drôle de bâtonnet que la Ketsueki grignotait émettait de la fumée âpre et désagréable. L'air environnant était souillé et Ether ressentit le même malaise qu'elle avait vécu lors de son voyage vers Mizu, lorsqu'elles étaient passés non loin d'un immense bâtiment dont sortait de la fumée noire. Alors que l'élémentaire observait toujours ce machin fumant, Naga l'aborda à nouveau. Brisant sa fascination, la demoiselle lui répondit joyeusement.

« J'espère, parce qu'elle a une jolie peau ! », oui oui, mais aux yeux d'Ether, c'était un compliment, « J'suis nomade, mais j'vis ici d'puis presque 10 ans ! Vous êtes sunajin, non ? J'dois bientôt m'rendre à Suna tiens... Pour un examen qui disent ! », souriante, elle se pencha sur le côté pour voir La, « T'y vas aussi ? », avant de rouvrir grand les yeux en apercevant à nouveau le bâtonnet de fumée.

La Gogyou garda le silence quelques secondes avant de pointer doucement le doigt sur l'objet.

« … C'est quoi ça ? Pourquoi ça fait d'la fumée ? Et... », elle tendit ensuite le doigt vers le truc qui avait servi à l'allumer, « … Par quelle magie vous faites du feu avec une boîte ? »

Ether n'avait jamais vu de cigarette, personne dans son clan ne fumant, ni même encore de boîtes d'allumettes ou de briquet, étant capable de faire du feu avec tout simplement du bois ou des brindilles. Ah pour une nouveauté, c'était une nouveauté !