L’homme était attablé en compagnie d’autres shinobis de son grade tout aussi bruyants. Ils étaient trois. Trois bonhommes à gueuler bruyamment et à sortir toutes les blagues les plus idiotes qui soient. On aurait dit des guerriers de retour de campagne profitant d’un répit que la vie leur octroie, entre deux batailles, au front. Les combattants sont généralement friands de ces petits moments de la vie qu’ils savourent pleinement. Et c’est probablement pour cela que Yoite, lui aussi, appréciait ce type d’instant. Son regard espiègle se laissait aller de droite à gauche au gré des prises de paroles des uns et des autres. Et alors que ses comparses étaient littéralement saouls, après plus d’une trentaine de verres de liqueur, lui, restait sobre. Bien sûr qu’il avait bu autant que les autres, mais comment vous expliquer… Celui que l’on appelle sur ces terres Kamikaze est un « alcoolique » depuis le bas âge. Des substances illicites, nous pouvons vous confirmer qu’il en a absorbé lors de sa vie pleine de rebondissements. Ce n’est donc pas quelques malheureux verres qui le feront perdre le contrôle de lui-même.

Le plus costaud du groupe, pris d’un excès d’ardeur, martela de coups de poings la table à laquelle ils étaient assis, suite à une blague salace un peu trop appuyée. Les verres pleins de saké, posés sur la table, prirent leur envol au dernier coup et comme par réflexe, le troisième larron se leva d'un bond et les fracassa du bout des doigts et d’une vitesse inouïe avant même que les objets n’aient entamé leur descente. Ce petit spectacle eut le gout de plonger le costaud dans l’hilarité tandis que les tessons de verres s’éparpillaient désormais au sol. L’ambiance était bonne enfant, mais il semblerait que l’heure était venue pour Yoite de fausser compagnie au duo. Il avait ressenti quelque chose dans l’air environnant. Un chakra particulier s’approchant de la zone du palais du Daimyo. Le bonhomme se leva. Il donna une tape amicale dans le dos des deux protagonistes et s’excusa :

_ Renzo ! Dieer ! Vous faîtes la paire ! Mais je crois pour moi qu’il est temps de récupérer un peu, autrement le Daimyo en personne sera contraint de venir me débusquer ici. Et je crains de ne même pas être apte à le recevoir convenablement.

_ Bah ce sera l’occasion de lui proposer un verre !

Et Dieer, celui qui avait fait péter les verres justement éclata de rire, tout de suite suivi par Renzo. Une blague sur le Seigneur de ces terres. Ce dernier attablé avec de simples "gardes". Il y a effectivement quelque chose d'insolite dedans. Yoite garda un sourire amusé, mais tourna le dos aux deux hommes. Une brise légère balaya la zone où se trouvait le chakra de l’intrus, ce chakra nouveau qui n’était pas là il y a quelques minutes. Quelques pas dehors, puis le Kamikaze hâta le pas. La cible se dirigeait vers le centre névralgique de la Capitale de la Foudre.

Arrivé dans le dos de l’intrus, Yoite n’eut aucun mal à le reconnaître à sa démarche et à sa façon de se tenir debout. Le tout dernier chef Kadoria… Le Jonin posa une main amicale sur l’épaule de ce dernier tout en le saluant :

_ Kouga San ! Quel plaisir de vous revoir ici ! Quel bon vent vous mène ici ?

Regard amical, sourire amical, attitude décontractée, le Jonin savait mettre à l’aise ses interlocuteurs. Tout deux discuteraient comme s’ils étaient des amis de longue date s’étant séparés hier. À tous les coups l'entretien se passerait ainsi, sans heurts et de la façon la plus lisse possible. Après tout, même si le Kadoria a été un membre du Satoru, il ne pourra certainement pas résister à l’air absolument innocent de son interlocuteur.

Yoite ne fut guère étonné lorsque le Kadoria s’empara de sa main avant même qu’il n’ait pu la poser sur son épaule. À vrai dire, il le savait pertinemment, le Kadoria était un membre de l’unité d’élite de Kumo tout en étant le chef du clan le plus puissant du village. En termes clairs, Kouga était forcément un ninja doué. Même si les qualités naturelles du Kamikaze en faisaient un être surprenant, le Kadoria venait de prouver qu’il n’était pas à prendre à la légère. Tout sourire, le Kamikaze se gratta les cheveux d’un air gêné comme si cet acte manqué avait pu le mettre mal à l’aise vis-à-vis de son supérieur.

_ Ah oui ? Moi ? J’aurais parié que vous étiez en visite officielle !

Pour voir le Daimyo bien entendu. À en juger par la tenue du Kadoria, que le Kamikaze avait bien entendu détaillé du regard lorsque Kouga lui montrait le dos. Une tenue d’apparat. Pourquoi donc ? À défaut d’obtenir une réponse satisfaisante dans l’immédiat, le Jonin poursuivit l’échange avec le Kadoria. Ce dernier, à présent, demandait à ce que tous deux s’isolent afin de tenir une discussion qui promettait d'être intrigante. Yoite hocha de la tête. Il prit les devant et demanda au dignitaire de bien vouloir le suivre. Un endroit calme à l’abri des oreilles indiscrètes ? Où pourrait-il bien le mener ? Kouga pouvait-il être suivi ? Le Kamikaze jeta un regard autour de lui. Afin d’identifier le comportement des gens aux alentours et garder en tête qui se trouvait dans les environs. Si quelqu’un les suit, il le saura bien assez vite de toute façon. Une nouvelle brise se fit ressentir dans les environs…

C’est dans un restaurant chic que le Kamikaze mena le dignitaire. À cette heure-ci, plusieurs autres dignitaires étaient attablés en ce lieu. Pas forcément des chefs de clans shinobis. Mais des chefs de village et de villes de la Foudre, des commerçants influents, des membres du clergé. De la haute cour en somme. La crème de la crème du monde civil.

Une fois entré dans l’établissement, le Jonin présenta, simple formalité, le Chef Kadoria et se présenta comme son accompagnant. Il demanda une table au fond de la pièce et y devança le Chef Kadoria. Affable, le Kamikaze tira la chaise où celui qui, en cet endroit, faisait office de maître, devait s’assoir. Puis il attendit à ses côtés avant de s’asseoir, non pas en face, tel un invité, mais plutôt de côté, face aux clients, tout comme le Kadoria.

_ Ici, nous serons à l’abri des mauvaises oreilles. Murmura t’il.

À vrai dire, c’est la tenue d’apparat du Kadoria qui l’a poussé à le mener ici. Cette raison, en plus du fait que l’on sert les meilleurs plats et les meilleures liqueurs de toute la ville ici. Si le niveau de surveillance est le plus élevé à cet endroit, du fait de la forte concentration des dignitaires de tout bord, il est très peu probable que quelqu’un s’amuse à espionner un Chef de clan, accompagné de son homme de main alors que d'autres discussions plus alléchantes se déroulaient dans les environs. Une idée risquée certes. Mais restons optimistes.

Le Kamikaze venait d’appeler discrètement un serveur d’un air quelque peu jovial. On aurait dit un inconscient ou du moins un insouciant, mais en vérité, le bonhomme sondait déjà le chakra de tous ceux qui étaient présent dans la pièce. Si l’un d’eux usait d’un jutsu, il le saurait sur le champ à moins qu’il s’agisse d’un genjutsu.

Yoite fut agréablement surprit de voir que le Chef Kadoria réagissait de la meilleure manière par rapport à la couverture qu’il venait de trouver. Le bonhomme faisait ainsi preuve d’expérience. Certainement l’expérience tirée de toutes ces missions qu'il a dû effectuer. A force de participer à des filatures, des traques ou des missions diplomatiques, on acquière un savoir être proche de celui de l’acteur. En l’occurrence, le Kadoria faisait preuve de maîtrise dans son rôle de dignitaire du clan des manipulateurs de la gravité. A vrai dire, le Kamikaze ne s’attendait pas du tout à ce qu’on le prive de déjeuner. Mais au fond, il constata que la manœuvre était bien trouvée. La couverture était complète désormais. Et pour remercier le Kadoria, il fallait bien le faire, le Kamikaze hocha de la tête.

Jouant également pleinement son rôle, Yoite se mit à tourner, par moments la tête de gauche à droite selon les mouvements et les bruits d’ampleur parvenant à ses sens. Et d’un autre côté, il écoutait le Kadoria. Il ne se passa d’ailleurs guère trop de temps avant que Kouga ne passe à table comme on dit. A mesure que celui brossait en superficie les raisons de sa venue à Daitoshi, Yoite lui, réfléchissait sur ce qui pourrait motiver le Chef Kadoria. A vrai dire, deux raisons principales lui vinrent à l’esprit : le mécontentement forcément, mais aussi probablement une envie de « grandir » au sein de ce village. Le Kamikaze comprenait les deux besoins. N’importe qui à la place du Kadoria aurait probablement ressenti ces deux frustrations. Le fait qu’il soit devenu Chef de clan a probablement calmé certaines de ses aspirations, mais, pour sûr c’était insuffisant.

_ Vous me posez beaucoup de question Kouga Sama.

Un sourire franc, comme il savait en faire que ce soit feint ou pas, qui pourrait voir la différence ? La seule chose qui pouvait véritablement interpeller le Kamikaze dans la série de question lui ayant été posé est que le Kadoria avait commencé par lui rappeler son passé. Il espérait probablement lui souligner indirectement qu’il était redevable à la Foudre. D’autre part, commencer de la sorte serait un excellent moyen de pouvoir se mettre en position de demander un service selon le fil de la discussion.

_ A vrai dire, je ne me suis jamais demandé à quel point la Foudre est importante pour moi. Je me contente de faire mon devoir vis-à-vis du Daimyo et du Raikage.

Une vérité. Dite le plus simplement du monde.

_ Le Rokudaime est actuellement le Raikage officiel nommé par le Daimyo. Puis-je réellement m’autoriser à penser quoi que ce soit vis-à-vis de lui dans ces conditions ? Je ne sais pas… Tout ce que je sais c’est que les rumeurs et bruits de couloirs concernant sont arrivée ne sont pas en sa faveur. Et c’est une chose que je peux comprendre. Tout s’est passé si vite… Mais d'un autre côté, ses actes notamment ceux lié à la politique extérieure, semblent en faveur de la Foudre et c'est peut être pour cela que le Daimyo lui a accordé sa confiance.

Pour la première fois Yoite eut un espèce de regard vide d’expression. Mais impossible de rattacher cette fugace sensation à un quelconque sentiment. La Kamikaze se reprit en ayant un regard neutre, tête tournée vers son supérieur.

_ Et vous ? J’imagine que vous ne devez pas porter dans votre cœur le Rokudaime. Le fait qu’il supprime le Satoru au lieu de tenter d’en faire des alliés est une chose surprenante n’est-ce pas ?

Toujours cet air absolument inoffensif doublé d’un air impossible à décrire. Bien malin qui pourrait deviner ses pensées réelles.

Yoite garda son sourire tandis que le Kadoria s’expliquait dira-t’on après avoir en partie évoqué la question du Rokudaime Raikage. Il tenait à préciser dorénavant, que son but n’était pas de lécher dans le sens du poil le Kage et encore moins de lui cracher à la figure, deux images que le Jonin vit se matérialiser dans son esprit avant qu’il ne les chasse. Il comprenait le fait que le Kadoria ait subitement changé de ton. Après tout, évoquer cette question était sensible pour ne pas dire dangereux. Dès lors qu’il a tendu la perche au Kamikaze pour que celui-ci parle dans le sens qu’il attendait probablement, et que la réaction du Jonin a été neutre, il convenait d’en faire de même. Sage décision. Personne ne pourrait accuser l’autre de quoi que ce soit. Par le même temps, Yoite venait de comprendre quelque chose d’intéressant.

Le Jonin s’intéressa immédiatement au dossier que le gradé venait de sortir de l’une de ses poches. Un dossier visiblement complété par divers rapports succincts dont l’un décrivait les craintes du Godaime Raikage. Parcourant les pages et lisant à la diagonale, le kumojin en saisit la quintessence. Un rapport indiquant les états de services pour le moins parfaits concernant le Monjara. Le seul bémol, à priori de taille, étant le fait qu’il ait été indexé comme potentiel traître à la nation durant l’épisode de l’intervention du village sur l’archipel de Mizu no Kuni. À côté du nom du Monjara, cité en troisième position, se trouvaient deux autres : Kyu Goren, bien connu pour avoir été un temps recherché par le village et un certain Kira Zento. Un samouraï ou peut-être un rônin.

Yoite leva les yeux vers le Kadoria, lorsque ce dernier lui formula clairement sa requête. Le Chef des manipulateurs de la gravité sollicitait son aide pour le cas du Monjara. Le Jonin prit le temps de garder figé dans son esprit, l’expression faciale de l’ex membre du Satoru. Il voulait être sûr de ne pas être embarqué dans une sale affaire. Rien que le fait de parler du Monjara était déjà dangereux. Car ce dernier était tout de même le Bras gauche si on veut ou alors le second homme sur lequel l’actuel Kage s’appuie, en dehors du Bakushô Aomine.

_ C’est chaud ce dossier-là ! C’est quand même un membre très important de l’actuel système Kouga-Sama !

Et c’est là que la dernière remarque du Kadoria prit tout son sens. Tous les soutiens connus du Godaime Raikage avaient été évincés et le Godaime lui-même diabolisé. Si le Monjara était encore présent aux côté du Rokudaime, c’est qu’il avait craché dans la soupe et que donc, il ne serait pas improbable qu’il soit réellement coupable de l’acte dont l’avait soupçonné Seki Zennosuke. Mais pour quelle raison ? Yoite, toujours en apparence décontractée, malgré l’intense réflexion en son for intérieur, posa sa main gauche sur la table. Toute cette affaire était intéressante, très intéressante.

_ De tous les soutiens direct du Godaime, il est bien le seul en place à une haute stature on va dire… Cette affaire est intéressante, mais très risquée d’autant plus que le Rokudaime ne vous a certainement pas envoyé Kouga-San. Je doute aussi que le Daimyo vous soutienne. Je me trompe ?

La réponse amenait une question claire. Quelles sont les garanties ? Kadoria Kouga aurait certainement compris où le Kamikaze voulait en venir. Cependant, une dernière question devait être posée avant la décision finale.

_ Qu’attendez-vous exactement de moi sur cette affaire.

Le Kamikaze posa cette question tout en détournant le visage, faisant mine d’inspecter les environs. Une brise très légère pénétra des fenêtres et continua son chemin après avoir caressé l’ensemble des personnes assises à cet endroit. Personne ne semblait espionner, du moins par l’utilisation de techniques ninja. Un bon début ?

L’homme continuait de regarder les environs comme le ferait un bon garde du corps occupé à surveiller l’environnement immédiat dans lequel se trouve son client : en l’occurrence ici le Chef du clan Kadoria, occupé à déguster des sushis. Ce dernier prenait d’ailleurs tout son temps, prenant le soin de prendre plaisir à chaque bouchée avec toute la classe et la hauteur que requiert son statut. Yoite aurait pu lui en vouloir à vrai dire. Ou du moins, d’autres à sa place auraient pu le faire, seulement, c’est le Kamikaze lui-même qui avait choisi cette couverture du garde du corps accompagnant le Chef de clan. Le Kadoria, ne faisait que jouer son rôle pleinement.

Après quelques bouchées, le Kadoria daigna en dire un peu plus et répondre aux questionnements de Yoite. Il souligna l’influence de la cible désignée. En réalité, le bonhomme en devenant le bras gauche de Rokudaime Raikage, était l’une des personnalités les plus influentes de Kaminari et rien de moins que la troisième personnalité du village. Mais ce n’était guère ce genre de chose qui pouvait faire peur au Kamikaze. Il avait, par le passé, eu à être impliqué dans des actions secrètes d’une dangerosité hors du commun. Pister le Monjara ne serait qu’une formalité. Mais la chose la plus intéressante dans cette activité n’était pas la dangerosité de la mission en question. C’est plutôt le fait qu’elle implique un facteur durée non négligeable. Et cela, Kadoria Kouga l’avait perçu.

_ Vous faîtes bien de le mentionner Kouga-San. Je pense d’ores et déjà que si la cible est celui que vous soupçonnez qu’il est, cette mission pourrait durer très longtemps. Il doit être du genre très minutieux dans tout ce qu’il fait. Et pour l’avoir vu quelques fois, il ne semble pas le moins du monde dangereux.

Mais sur ce point, Yoite en connaissait un rayon. Lui-même était loin de paraître puissant ou même dangereux ! Quelque part c’était tout le contraire ! C’était plutôt quelqu’un qui se fondait dans la masse ; quelqu’un de très affable avec ses connaissances et de courtois avec ses adversaires. Que le Monjara soit autre chose que ce qu’il prétend ne serait guère étonnant pour Yoite. Quoi qu’il en soit, la cible gardait pour elle le bénéfice du doute.

_ Shadis a du exagérer sur mes capacités. Un sourire rassurant. Le bonhomme poursuivit dans la foulée.Ce type de mission est dans mes cordes cependant.

Mais, car il faudrait bien un mais, sinon tout ceci serait bien trop beau et bien trop aisé pour le Kadoria :

_ Mais… Sachant que je risque gros sur cette affaire, pour une cause qui au fond ne me regarde pas, vous me serez redevable Kouga San, dans les mêmes proportions, en termes de prise de risque, par rapport à l’actuelle mission que vous me confiez et ce, que je découvre quelque chose contre la cible ou pas… Marché conclu ?

Et c'est alors que Yoite risqua un regard vers le Chef du clan Kadoria. S’il faisait un quelconque signe montrant son approbation, alors le contrat serait conclu. Nul besoin de dire qu’en temps voulu, si le Kamikaze n’obtient pas ce qu’il attend en retour, alors le sang pourrait couler. Mais inutile de menacer qui que ce soit ! Ce n’était guère dans les habitudes de Yoite !