[C] Crime passionnel ou passion du crime? [Seito]

Tsubakiki a dit:

Il vient de terminer de lire la missive qu'on m'a tout juste apportée. Setsuko reste songeuse un instant en se demandant ce qui peut motiver quelqu'un à tuer par amour. Il tue - et la fait tuer - par plaisir, pour satisfaire ses désirs et assouvir ses pulsions. Et elle sait que les hommes tues parfois pour défendre leurs terres ou s'approprier celles des autres. La politique est quelque chose qu'elle ne comprend pas mais pour laquelle elle conçoit qu'on puisse ôter la vie. Mais... l'amour? N'est-ce pas sensé être le plus beau sentiment qui puisse s'emparer d'un être humain? Comment peut-il dès lors pousser au meurtre?
*L'âme d'un tueur est la plus délicieuse qui soit. Elle est rongée par les ténèbres et à un goût incomparable. Je la veux!*
*Les ordres sont d'arrêter le coupable.*
*Les ordres?* la gamine se fait soulever du sol par une force invisible qui la maintient par la gorge. *Dis-moi... À qui obéis-tu? Au Shûkai et à son empereur? Ou à moi?*
*À... À vous maî...maître!*
*Voilà une sage réponse Shōjo. N'oublies jamais à qui tu appartiens!*
Elle sent une langue rêche glisser sur sa joue et un souffle glacial sur sa peau. Puis la pression s'estompe et elle s'écroule sur le sol, le souffle court. Quelques instants plus tard la gamine se redresse avec peine en s'aidant du mur pour prendre appui. Les ivrognes et autres clochards que sont ses voisins dans la petite ruelle où elle dort n'ont rien remarqué. Du moins n'ont-ils pas eu de réaction. Comme d'habitude. Et puis même si ça avait été le cas... Qu'auraient-ils pu faire?
*Tu vas remplir cette mission comme on te le demande! Et tu ramèneras bien un captif. Du moins son corps. Après tout on ne t'a pas ordonné de ramener ce tueur avec son âme n'est-ce pas?*
Setsuko hoche la tête pour approuver cette déclaration. Il semble satisfait et l'observe encore un instant avant que son aura s'estompe, ne laissant que le noir absolu. L'aveugle s'accorde encore quelques instants pour calmer sa respiration et profiter des premier rayons du soleil sur sa peau blanche et recouvertes de plaies. Encore ouvertes, déjà fermées, leur nombre semblent mettre en évidence l'enfer dans lequel elle est enfermée. Et soulignent le sadisme dont il fait preuve à son égard.

La voici donc livrée à elle-même dans les rues de la capitale à la recherche du point de rendez-vous. Quelques passants se rendant rapidement compte de son handicape viennent à sa rescousse et se proposent de l'accompagner. Elle se laisse faire sans nul autre autre mot que celui de sa destination. Et quelques minutes plus tard elle arrive enfin sur la grande place du Shozaichi où elle devra rejoindre l'Heishi Yogan. La gamine ne l'a jamais rencontré. Elle espère simplement qu'il sera compréhensif à son égard et qu'il s'abstiendra de la questionner. Il y a des réponses qu'elle ne peut donner. Et que la plupart des gens ne voudraient pas obtenir s'ils en connaissaient le contenu...

L'enfant s’assoit - ou plutôt se recroqueville - au pied de l'énorme statue vers laquelle son dernier guide l'a menée. Et elle attend. Elle attend que son coéquipier la trouve car elle ne pourra pas le trouver. Vivre dans l'obscurité n'est pas exactement une bénédiction lorsqu'il s'agit de rencontrer un inconnu. Alors il n'y a plus qu'à espérer qu'il ne la confonde pas avec une clocharde quelconque en train de faire la manche et qu'il remarquera l'insigne du Shûkai autours de son cou. Et qu'il ne s'attardera pas sur les haillons qu'elle porte et ses pieds nus et sanglants. Sans quoi elle risque d'attendre longtemps encore...
*Pourquoi ces larmes?*
Elle ne s'est même pas rendue compte que des perles cristallines roulaient sur ses joues. Quand on est habituée à souffrir on ne remarque même plus cette manifestation de la douleur ou de la tristesse. Ça devient... normal. Setsuko promène son regard absent jusqu'à situer une aura éclatante et une visage qui apparaît régulièrement à sa surface. Un esprit? Un kami? Elle opte pour la première solution et se décrispe quelque peu. En général les âmes qui errent encore dans le monde des humains n'ont aucune intentions hostiles. Elles ont simplement choisi de ne pas passer de l'autre côté et chacune d'elle à ses raisons. La jeune fille essuie ses larmes sur ses vêtements crasseux.
*C'est une longue histoire...*
*Ho, tu sais... J'ai tout mon temps!*
Est-ce un sourire qui apparaît sur ce visage mouvant? Elle n'a pas l'habitude d'en voir et instinctivement elle l'imite. Les muscles de son visage semblent protester tant ils ne sont pas habitués à cette expression. Est-ce qu'elle pourrait lui raconter? Elle en a envie. Mais elle ne le peut pas. C'est la première règle qu'il lui a fixée. Impossible d'exprimer ce qu'elle a sur le coeur. À moins qu'elle soit prête à payer le prix de la désobéissance. Ce qu'elle a fait trop souvent. Beaucoup trop souvent.
*Pas moi... Je suis désolée mais je ne souhaite pas en parler.*
*Alors n'en parlons pas...* aucun reproche dans sa voix. Il vient juste s'installer à côté d'elle. *Parfois les secrets doivent rester... et bien, des secrets justement.*
*Pourquoi n'êtes-vous pas...*
*Passé dans l'autre monde?* il hausse ce qui lui sert d'épaules. *Et bien... Je suis mort pendant l'attaque du Shozaichi par les Serviteurs. J'ai failli à ma mission. Et ma mort en a entraîné bien d'autres. Je n'ai pas été capable de protéger les civils et j'ai... disons... une dette dont il me faut m'acquitter avant de m'en aller.*
*C'est la vengeance que vous cherchez?*
*Plutôt la rédemption!*
*Comment?*
*Si je le savais je ne serais pas ici à errer parmi les vivants. Tu ne crois pas?*
*Je... Oui, c'est vrai!*
La discussion continue encore quelques minute. Quelques minutes pendant lesquelles Setsuko fait plus ou moins abstraction de sa peine ou de sa peur. Un instant de calme comme elle n'en vit que rarement et qu'elle savoure à sa juste valeur. La gamine lui explique qu'elle doit partir en mission et qu'elle attend un jeune soldat de l'Empire avec qui elle fera équipe. En retour il lui parle de l'attaque sur la capitale et des Serviteurs, les esclaves de Monwa. Une part de l'histoire que l'enfant n'a pas vécue. Une chose qu'elle ne regrette pas. Il y a déjà bien assez de violence dans sa vie...
*Tiens, je crois que ton compagnon est arrivé!*
*Co... Comment le savez-vous?*
*La mort vous prive de beaucoup de choses. Mais fort heureusement elle offre certaines compensations. Je suppose que c'est une question d'équilibre.*
*Où est-il?*
*Cinq ou six mètres devant toi. Sur ta droite.*
La Mamoru se relève avec difficulté, ses blessures se rappelant douloureusement à son bon souvenir. Puis elle remercie l'esprit et marche dans la direction indiquée en levant les bras pour éviter de rentrer dans d'autres personnes. Perdue dans un océan de noirceur sur une place baignée par le soleil, elle part à la rencontre de son coéquipier d'un jour.
*Setsuko?* elle s'arrête et tourne la tête dans sa direction. *C'est souvent lorsque les ténèbres semblent les plus sombres qu'une lueur d'espoir apparaît. Ne baisse pas les bras. Et peut-être alors que toi aussi tu verras cette lumière...*
L'esprit disparaît dans un écran de fumée dorée et l'enfant reste immobile quelques instants. Qu'a-t'il voulu dire par là? Sait-il? Où était-ce simplement une remarque d'ordre général? Elle ne le saura sans doute jamais à moins qu'elle le retrouve. Pour peu qu'il la laisse faire. Il n'a rien manqué de cette conversation, elle le sait. Et s'il l'a laissée poursuivre son cours c'est qu'il doit y avoir une bonne raison à cela. Une raison qu'elle ne cherchera même pas à comprendre tant les pensées d'un démon sont insaisissables.
"Seito? Yogan Seito?" appelle-t'elle lorsqu'elle estime avoir atteint l'endroit indiqué. "Je suis Setsuko! Yogan Seito?"
Les mains toujours levées devant elle, la foule la contournant par dégoût ou respect, elle balade son regard vide autours d'elle en espérant que sa voix fatiguée se démarque quelque peu du tumulte ambiant. Seito l'entendra-t'il? Pour en être certaine elle répète de multiples fois le nom de son coéquipier. Crasseuse, recouverte en partie de sang séché visible sous ses haillons, l'enfant n'a plus qu'à espérer qu'il vienne à sa rencontre...

Seito replia le bout de papier et le glissa dans un repli de son ample vêtement. Il ne ressentait pas tellement l'appréhension de la mission, ni ne réfléchissait à comment il pourrait agir afin de la mener à bien. Ses premières pensées au sortir de la lecture étaient plutôt dirigées vers sa fierté d'avoir été choisi pour mener à bien cette mission. Après tout, c'était sa toute première tâche en temps que soldat sous les ordres de l'Empereur. Il venait d'arriver au Shûkai, et Shozaichi, la forteresse faisant office de coeur à l'empire, lui semblait déjà être sa nouvelle maison. Il n'en oubliait pas ses terres natales, certes, mais peu à peu il avait l'impression de s'adapter à cet environnement tout nouveau. La vie citadine ne lui était pas familière, et il commettait quelques écarts, parfois. Lui qui était un familier des bêtes et des arbres se retrouvait projeté dans un monde où il ne cohabitait plus qu'avec ses semblables. Il se prenait encore, quelques matins, à admirer les levers de soleil avec cette pointe de nostalgie qui pouvait parfois lui rappeler sa vie passée. Mais il ne regrettait en aucun cas son choix d'avoir quitté les siens. Il avait voulu à l'époque explorer le monde. Il était maintenant servi, et il n'en ressentait que du bonheur.

Seito montait maintenant les rues en forte pente en direction du sommet de la citadelle. C'était là qu'il avait rendez-vous avec son partenaire pour cette mission, une certaine Mamoru Setsuko. Il essaya de s'imaginer l'allure que pouvait avoir ce compagnon. Dans la missive, elle était décrite comme une personne vêtue à la manière des plus pauvres, et aveugle. Le jeune homme se demanda par quel processus une aveugle pouvait bien se débrouiller dans sa tâche de soldat. Lui-même avait appris à faire abstraction de la vue en combat, tous ses sens étant généralement mobilisés. Mais il ne pensait pas que c'était le cas de tout le monde. Sans doute cette fille-là devait avoir quelque faculté lui permettant de distinguer son environnement par des émanations de chaleur ou de chakra. Quand à l'apparence dont elle était affublée dans le message, il n'y prêta guère attention. Il se serait trouvé lui-même bien aise de critiquer qui que ce soit par rapport à la tenue qu'il portait. Seito était vêtu d'une ample combinaison d'une teinte s'apparentant au bleu marine. C'était certes un accoutrement simple, mais il lui suffisait largement. Il lui permettait de conserver une certaine mobilité, et il se sentait tout à fait à l'aise dedans. Et puis, se faire une opinion de quelqu'un en fonction de ses vêtements était bien la dernière chose qu'il se serait permis. Durant toute sa vie, il avait été tenu éloigné de tous les concepts de jalousie ou mépris. C'étaient des sentiments qui avaient été bannis du clan Yôgan lorsqu'il était encore à ses balbutiements. La méditation, exercice au centre de leur enseignement, ne pouvait se faire que dans un esprit sain, et donc dépouillé de ce genre de fausses vertus.

Les rues étaient animées par une foule bruyante. Les différentes échoppes qui s'alignaient sur la chaussée battaient leur plein. C'était tout à fait le genre de cité grouillante de vie et du bruit des conversations que Seito s'était imaginé, avant d'arriver à Shozaichi. Il remplissait ses yeux de ces images au caractère si nouveau, pour lui. Tout n'était que découverte dans cette ville, et chaque découverte engendrait une certaine satisfaction et, parfois, du plaisir chez le jeune homme. Il sentait qu'il pouvait tout à fait vivre à son aise dans un endroit comme celui-ci. Tout semblait propice à la bonne vie et à l'intégration d'un sujet fidèle à l'Empereur.

Ses pensées se focalisèrent sur l'ordre de mission en lui-même, tandis qu'il continuait de grimper le long des flancs pentus de la citadelle. Il s'agissait de toute évidence d'un meurtre. Un crime passionnel, comme certains diraient. C'était cependant un concept tout à fait étranger à Seito, qui avait toujours vécu en-dehors des préoccupations de l'amour. Il ne connaissait que l'amitié, et très rarement la colère. Il savait ce qu'était l'amour, il en avait bien entendu parler. Mais il lui semblait tout à fait paradoxal qu'on puisse tuer la personne qui faisait l'objet de ce sentiment si pur. L'amour n'était finalement que l'émanation des meilleurs émotions, la matérialisation de la tendresse primale. Ce n'était, en somme, qu'une entrelacs de bonne choses, des meilleures choses. Le crime, lui, était tout à fait le contraire de cela, puisqu'il n'en résultait que du malheur. Le meurtre était l'acte malheureux par nature, et l'on aurait pu le confronter au sentiment amoureux comme on pourrait confronter le noir au blanc. Le meurtre amoureux, le crime passionnel, restait donc quelque chose de très étrange, aux yeux de Seito. Et il ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine curiosité, sans doute morbide par certains aspects, à propos de cet événement.

Ses pas le conduisirent finalement au point de rendez-vous, au sommet de la citadelle, sur la grand-place. Il se glissa le long d'un bâtiment bordant l'endroit, et commença à l'examiner de son regard attentif. Plus encore que les rues, la place était pleine de monde. C'était une masse de gens, véritable armée du peuple. Chacun semblait pareil à une fourmi sachant ce qu'elle devait faire, où elle devait aller, qui elle devait rencontrer. Et en ce sens, Seito était pareil à ces gens-là. Lui aussi était un soldat au service de la fourmilière. Il s'efforça de repérer toutes les personnes correspondant à la description de sa coéquipière. Il y avait en fait quelques individus qui s'y apparentaient. Les mendiants et ceux d'aspect misérable n'étaient pas vraiment en pénurie, à Shozaichi. Il serait donc difficile de distinguer lequel de ces gens était celui recherché par Seito. Le jeune homme décida de les interroger un à un, ce qui était sans doute la solution la plus simple à son problème.

Il s'approchait du premier, lorsqu'il entendit son nom crié à travers la masse de la foule. Il se retourna, et scruta la masse pour distinguer l'origine de l'appel. Incapable d'y parvenir, il se plongea dans la marée humaine, suivant les cris. Et bientôt, il la trouva. Elle semblait perdue, et presque paniquée. Ses bras tendus en avant, elle chassait la foule tant par son appel que par son aspect misérable. Seito posa une main sur l'épaule de la jeune fille, et lui murmura d'une voix amicale:

"C'est moi. Allons nous mettre à l'écart, d'accord ?"

Il perça de nouveau la foule, la guidant avec douceur et délicatesse, adaptant son pas au sien, lui faisant éviter les obstacles. Enfin, ils arrivèrent sur un bord de la place où ils étaient au calme et plutôt loin de tous les dangers que pouvait représenter la foule pour la jeune fille.

"Je suis Yôgan Seito. Et vous êtes Mamoru Setsuko, je me trompe ? Apparemment, on va partir tous les deux à la chasse au meurtrier, aujourd'hui. Même si je ne comprends pas très bien ce qui aurait pu motiver cet assassinat ... Mais peu importe. L'important est d'être efficace, non ? Alors ... Il faut trouver où commencer nos recherches."

Seito était à vrai dire très nerveux. Il voulait mener cette mission à bien autant que possible. Son souci de bien faire dominait sur tous ses autres sentiments, à l'heure actuelle. Et puis, il se sentait une certaine tendresse vis-à-vis de la jeune fille. Il sentait qu'ils pouvaient être amis, et il le souhaitait, même. Cette première mission serait certainement pleine de rebondissements. Du moins, il l'espérait.

Elle sursaute lorsqu'elle sent une main se poser sur son épaule en partie dénuée. Mais contrairement à la sienne, celle-ci se révèle chaude et presque rassurante. L'enfant lève les yeux vers la direction ou elle estime que Seito se tient et reste un petit instant silencieuse. Elle n'a pas habituée qu'on s'adresse à elle amicalement et encore moins qu'on lui témoigne du respect. Aucune remarque désobligeante, aucune menace. On dit parfois que la politesse se perd. Mais on oublie alors de relever qu'il y a toujours des gens pour faire mentir ce qui semble un fait acquis.

Tandis qu'il la guide avec délicatesse vers un endroit plus calme qu'elle imagine être l'une des petites ruelles bordant les vastes allées, elle se demande à quoi peu bien ressembler son partenaire. Il n'a pas la voix fluette ou changeante d'un enfant ou d'un adolescent. Un jeune homme? Sûrement. Bien que la voix à elle-seule ne suffise pas à se faire une idée précise de ce genre de choses. Finalement le brouhaha ambiant s'estompe et elle comprend qu'ils sont arrivés à destination. Seito reprend alors la parole avec le même témoignage de respect. De mémoire on ne l'a jamais vouvoyée. Est-ce que ça lui fait plaisir? Oui, il y a de ça. Mais elle est davantage surprise...
"Bonjour Seito-san!" elle est hésitante, peu habituée à une conversation amicale. "Oui, c'est moi! Ravie de faire votre connaissance..."
Elle s'incline maladroite et en tentant de faire abstraction de son dos recouvert de plaies qui proteste. Elle espère simplement que ce témoignage de politesse qu'elle lui témoigne en retour de la sienne n'est pas adressée à un mur et qu'il se trouve bien en face d'elle. Il dit espérer être efficace. Mais je sais déjà que nous ne le serons pas vraiment puisque si nous ramènerons bien le coupable aux autorités, ce ne sera pas vraiment lui dans le fond mais uniquement une coquille vide. Par sa faute. Parce qu'il en a décidé ainsi et que rien ne pourra se mettre en travers de sa route. Parce que c'est ainsi, tout simplement...
"J'ai aussi un peu de peine à comprendre cet assassinat de mon côté. On dirait bien qu'on ne va pas seulement devoir chasser un meurtrier mais également des réponses n'est-ce pas?"
Setsuko se fend d'un maigre et furtif sourire avant de retrouver son air maussade habituel. Seito se demande par où commencer les recherches. Et de son côté elle une idée plutôt précise du sujet. Les arts Mamoru lui offrent certaines possibilités qui la poussent à vouloir se rendre à un endroit précis. Le commencement - ou l'achèvement? - de toute cette sombre histoire.
"J'aimerais faire un tour dans la maison où a lieu le crime pour..." elle marque un temps d'arrêt, hésitant à nouveau. "... parler à l'esprit de la défunte. Si son corps s'y trouve encore et qu'il n'a pas reçu les rites funéraires alors j'ai de grandes chances de pouvoir établir un contact. Pour peu qu'elle y consente..."
Ça revient à jeter une pièce en l'air en espérant qu'elle retombe du côté sur lequel on a parié. Entrer en contact avec un esprit n'est pas la chose la plus compliquée pour une personne versée dans les arts occultes. Mais obtenir sa coopération est une autre pair de manche. Les âmes des personnes emportées par une mort violente sont souvent désorientées voir dangereuses. L'incompréhension, la colère et la tristesse se mêlent pour former un cocktail des plus instables. Mais que faire d'autre? Et puis même si elle échoue à obtenir l'aide de l'esprit alors ils pourront toujours espérer trouver des indices grâce à Seito. En tant qu'aveugle elle a peu de chance de se montrer utile de ce côté-là...
"Peux-tu me me guider jusqu'à là-bas s'il-te-plaît?"
La gamine tend alors sa main crasseuse, recouverte de sang séché et de plaies à moitié refermées. Elle se serait sûrement abstenue si elle pouvait voir d'elle-même la piètre image qu'elle renvoie d'elle. Mais comme ce n'est pas le cas elle n'en vient même pas à imaginer qu'elle puisse être repoussante. Juste... différente. Toujours est-il qu'ils prennent la route du lieu du crime qui fort heureusement ne se trouve guère loin du lieu de rendez-vous. Mais en chemin il décide de se rappeler à son bon vouloir. Sous la forme d'une main glacée qui se referme sans grande douceur à l'arrière de sa nuque. Elle se crispe et Seito doit sûrement le sentir.
*Tu te fais des amis Shōjo?*
*...*
*Ne t'ai-je pas dit que les amis sont dangereux? S'ouvrir à une personne, c'est prendre le risque de se faire blesser en retour.*
*...*
*Ton seul ami, c'est moi! Je suis le seul qui sera toujours à tes côtés et qui ne te trahira pas!*
*...*
*Tu te mures dans le silence?* un rire malicieux s'échappe de sa gorge et la fait frisonner. *C'est étonnant mais pas désagréable...*
Elle sent une main griffue lui attraper la cheville et la tirer violemment en arrière. La physique fait le reste et elle tombe lourdement sur le sol, surprise et uniquement retenue par la poigne de Seito. Son rire retentit encore un instant avant de s'estomper en même temps que lui. Le soleil réchauffe alors à nouveau sa peau comme si l'astre-roi avait été éclipsé par sa présence. Setsuko s'excuse rapidement pour ce qu'elle qualifie de maladresse de sa part et ils poursuivent alors leur chemin. Quelques instants plus tard ils sont à l'étage d'une petite maison typique du Shozaichi.
"C'est ici? Le cadavre est encore là? Peux-tu m'y mener s'il-te-plaît?"
Sa voix est lasse et fatiguée. Sa présence - même limitée - se révèle épuisante. Spécialement pour une enfant qui ne se nourrit pas autant qu'il le faudrait. Grâce à Seito elle se retrouve alors agenouillée dans une flaque de sang sec face à un corps qu'elle découvre de ses mains. Pour appeler l'esprit d'un mort il faut deux éléments essentiels: le fluide vitale de la victime et celle de l'invocateur. Ou plutôt de l'invocatrice en l’occurrence. Elle obtient le premier en fouillant dans la plaie béante que la victime a à la gorge et le sien en se mordant l'espace entre son pouce et son index. Elle se met alors à tracer un sceau sur le sol qu'elle a maintes et maintes fois créé. La mémoire peut se révéler un excellent palliatif à la cécité.
"Il va me falloir quelques instants pour achever le sceau d'invocation de l'esprit et encore quelques minutes pour qu'il réponde à notre appel. Il risque d'y avoir... des manifestations étranges comme des objets qui vibrent ou le sol qui tremble mais ne t'en fais pas, ça veut simplement dire que le rituel fonctionne. En général ce n'est pas dangereux..."
En général... Mais il n'a raisonnablement pas à s'inquiéter. Setsuko conçoit que toutes ces choses peuvent sembler étranges à une personne qui n'y est pas familière. Mais il lui a enseigné les arts Mamoru. Et il a été un bon professeur même si l'enfant se sent coupable de le reconnaître.
"Tu trouves quelque chose de ton côté?"
Finalement ils peuvent former un plutôt bon duo. Il perçoit le monde des humains et elle celui des morts. Ce mélange ne peut que se révéler efficace, non? Il n'y a plus qu'à l'espérer en tout cas...

Le duo descendait maintenant le long de Shozaichi à travers les artères principales de la ville. Seito tenait dans sa main gauche celle de sa compagne. Lorsqu'elle la lui avait tendue, il n'avait pu s'empêcher de remarquer les lésions qui la parcouraient et les dégradations qu'elle avait subi. Il n'avait cependant fait aucun commentaire. Ce n'était pas de son ressort, et il ne se serait pas permis de s'infiltrer aussi rapidement dans la vie de la jeune fille. Et pourtant, quelque chose, ce devait être de l'instinct, lui laissait penser que ces blessures n'étaient pas sans une importante raison, tout comme l'état misérable de Setsuko. Il était très probable qu'il ne le découvre pas au cours de leur mission, mais il se faisait un devoir, désormais, de trouver l'origine du mal de sa comparse. En attendant, il essaya de se concentrer au mieux sur la tâche qui lui incombait, et sur le guidage de sa coéquipière.

Malgré sa cécité, elle semblait parfaitement savoir où elle allait. Elle avait annoncé leur destination sur la grand-place: le lieu du crime. C'était de toute évidence le premier endroit où se rendre, et l'idée avait paru tout à fait logique à Seito. Cependant, un autre point de ses paroles avait retenu son attention. La jeune fille avait parlé de "communiquer avec l'esprit du défunt". Elle voulait parler à un mort, en somme. Seito s'était attendu à rencontrer des phénomènes étranges, dans ce nouveau monde qu'il avait pour devoir moral d'explorer. Il avait imaginé toutes sortes de possibilités à propos de capacités de certains. Tout comme lui manipulait la lave, il pouvait tout à fait exister des individus maîtres de l'eau ou de la foudre, pourquoi pas. Et pourtant, son esprit ne s'était jamais figuré un pouvoir tel que celui-ci. Discuter avec les morts, c'était vraiment bizarre. Mais, pour une aveugle, ce devait également être un atout précieux. Peut être les morts l'entouraient-ils en permanence, et peut être même que c'était eux qui lui permettait de se repérer si bien comme elle semblait le faire. C'était une hypothèse que Seito rangea dans un coin de son esprit. Il sentait monter en lui l'envie de voir cette capacité en action.

Parvenus à destination, ils étaient rendus à une partie basse de la citadelle. La maison était baignée de silence et d'obscurité. Les fenêtres étaient closes, et une odeur de moisi commençait à se répandre dans toute l'habitation. A la demande de sa camarade, Seito l'amena jusqu'au corps qui gisait encore sur le sol froid. Pendant que Setsuko touchait de ses doigts abîmés le cadavre, Seito examina celui-ci en détail. C'était une belle jeune femme, qui était étendue là. Ses yeux encore ouverts paraissaient être le miroir de sa terreur, et sa gorge était entaillée dans presque toute sa largeur. Setsuko ne tarda pas à y plonger les doigts, avant de s'auto-mutiler. Seito resta de marbre devant cette scène, trop intrigué pour être dégoûté.

"Vous pratiquez donc bien des arts occultes ... C'est étrange. Mais ça doit marcher, j'imagine. Enfin, c'est vous l'experte, je vous fais confiance dans ce domaine."

Pendant qu'elle traçait des signes incompréhensibles sur le sol, Seito partit en quête d'indices dans la maisonnée. Son regard calculateur et perspicace traîna longuement dans chacune des pièces, à la recherche du moindre élément habituel. Mais tout était en ordre. Chaque bibelot, chaque meuble était parfaitement rangé. La conclusion que le meurtre avait été soudain et sans violence parvint bien vite à l'esprit du jeune homme. Il parvint dans une pièce attenante à celle où le cadavre gisait, également proche de l'entrée. Dans un coin de la salle, à moitié dissimulé sous un torchon sale, Seito dénicha ce qui devait avoir fait office d'arme du crime. Une hache large, à la lame tâchée d'un mélange de rouille et de sang séché. Le jeune homme la prit délicatement entre ses doigts, sans remarquer quoi que ce soit d'autre. De toute évidence, c'était cet outils-là qui avait tué la femme gisant sur le sol quelques mètres à côté. Dans sa quête d'indices, Seito se dirigea vers l'entrée. Il n'y avait pas vraiment prêté attention quand il avait pénétré l'endroit, mais de légères tâches de sang semblaient se diriger vers la porte. Après l'avoir poussée, Seito constata que les traces partaient en direction de la partie haute de Shozaichi, avant de s'estomper rapidement. Il était tout à fait probable que le meurtrier se soit enfui vers un lieu où il serait difficile de le retrouver. Et monter au sommet de la citadelle et se fondre dans la foule était un excellent moyen de se cacher. Il devait donc avoir retiré toute trace de son crime sur sa propre personne, et nettoyé ses vêtements et ses mains, sans doute maculés de sang. Oui, tout cela semblait très clair aux yeux de Seito.

Lorsqu'il pénétra de nouveau dans la maison, il remarqua qu'un pot de fleur posé dans une niche à côté de l'entrée vibrait légèrement. Il s'en approcha, et perçut clairement la surface de l'eau en mouvement, tout comme les pétales de fleurs qui bruissaient légèrement. Il savait ce que cela signifiait, et il se précipita dans la salle où il avait laissé Setsuko avec le cadavre. Le rite avait bel et bien commencé.

La gamine touche le sceau enfin achevé pour y infuser un peu de son chakra. Le sang avec lequel les symboles ont été tracés s'anime et offre alors une fresque mouvante dont les effets ne devraient pas tarder à se manifester. La Mamoru s'installe ensuite en tailleur et amplifie les sens qu'il lui reste pour percevoir la probable arrivée de l'esprit de la défunte. Elle se mure dans le silence quelques longues secondes, partagée entre l'espoir de réussir et la crainte d'échouer. Les arts occultes sont loin d'être une science exact et il n'y jamais de certitudes lorsqu'on les pratique.

L'enfant entend quelques raclements légers sur la mansarde puis un livre qui tombe de la bibliothèque. Un bon signe. Finalement la température dans la pièce chute de quelques degrés et un souffle irrégulier parvient aux oreilles de la gamine. Elle frisonne en sentant quelque chose lui traverser la poitrine et l'obscurité qui la garde captive s'illumine légèrement pour laisser apparaître une silhouette fantomatique tenant plus du volute de fumée que de la forme clairement définie. Setsuko garde le silence et incline le haut de son corps par pure politesse. Les morts sont aussi attachés au respect que les vivants. Peut-être même plus. Et spécialement lorsqu'ils sont encore reliés au monde qui les a vus naître et mourir. Il leur faut du temps pour s'affranchir des concepts qui régissent une existence humaine...
*Suis-je...?*
*Oui. Je suis désolée.*
*C'est... étrange.*
L'esprit se penche sur le corps qui l'abritait il y a encore quelques heures et qui gît à présent dans une marre de sang séché. La Mamoru lui accorde le temps dont elle a besoin pour prendre conscience de cette réalité. Accepter sa propre mort n'est pas une chose évidente. Les gens nient souvent la vérité même lorsqu'elle est flagrante. Ils refusent parfois de l'accepter pour se préserver de la dure réalité. Mais au fond d'eux ils savent très bien ce qu'il en est. Ils faut juste qu'ils l'acceptent pour avancer. Le temps nécessaire pour cette prise de conscience varie d'un individu à l'autre.
*J'étais jolie n'est-ce pas?*
*Oui!*
Un mensonge, évidemment. La cécité l'empêche d'évaluer la pertinence de cette remarque. Mais il faut se montrer conciliant avec les âmes de ceux qui ne sont plus. L'enfant garde à nouveau le silence et se contente d'observer l'esprit. Il ne faut pas le brusquer et lui laisser le temps de tirer les conclusions qui s'imposent.
*Pourquoi?*
*Je... J'aimerais pouvoir te donner une réponse mais je n'en ai pas.*
*Est-ce ainsi que tout se termine?*
*Non... Un chapitre de ton histoire vient de s'achever mais un autre commence à peine. Ce n'est pas le début de la fin. Plutôt la fin du commencement.*
C'est un rire nerveux qui répond à cette remarque. Est-ce de la négation ou une forme de résignation ironique? Il est peu à peu remplacé par des sanglots mesurés. L'absence de repères est tout à fait normal et se traduit par un mélange de sentiments divers.
*Je ne le pensais pas capable de me faire du mal...*
*C'est votre époux n'est-ce pas?*
*Mon époux...* l'esprit répète ce mot comme si ce mot lui semblait étranger. *Oui. Mon époux.*
*Pourquoi?*
*Je veux qu'il paie!* elle semble ignorer l'enfant. "Il doit payer!*
Un moment délicat. Le désir de vengeance peut mener une âme à rester dans le monde des vivants pour faire justice elle-même. Mais elle se condamne ainsi à errer pour l'éternité sur le Yuukan et se prive ainsi du repos qu'elle mérite. Cela peut prendre des semaines, des mois, des années... Mais le résultat est toujours le même: peu à peu l'esprit perd ce qui faisait son humanité. Il devient alors violent. Ce qui se traduit principalement par des attaques mortelles ou de l'acharnement sur les vivants.
*Il paiera. Je t'en donne ma parole. Mon partenaire et moi sommes là pour...*
*Non! Je veux qu'il souffre!*
*Et il souffrira!*
Il se manifeste à son tour. L'enfant sait que cette situation l'amuse et qu'il va encourager l'esprit à se venger par lui-même. C'est dans sa nature de provoquer le chaos et de briser l'équilibre. Et c'est dans celle de la jeune fille que d'empêcher que ce genre de chose arrive.
*Peux-tu me raconter ce qu'il s'est passé exactement?*
*C'est... Ça me semble si lointain.*
*Je t'en prie, essaie de te souvenir.*
*Je suis rentrée comme chaque jour du marché. Mais contrairement aux autres fois il m'attendait sur cette chaise.* elle me désigne l'objet. *J'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Son regard était dur. Tout comme ses traits. Je lui ai demandé pourquoi il était là. Et il m'a frappée!*
*Continue.*
*Il m'a dit qu'il savait tout! Qu'il s'en voulait d'avoir été aussi aveugle pendant tout ce temps. Il m'a demandé qui c'était et il a refermé ses mains autours de ma gorge. Il serrait si fort. Si fort...*
*Qu'est-ce qu'il savait?*
*Je... J'aimais mon mari. Vraiment. Mais il n'a jamais réussi à satisfaire pleinement mes envies. Il faisait de son mieux. Mais ce n'était malgré tout pas suffisant. Et puis je l'ai rencontré.*
*Qui ça? Qui avez-vous rencontré?*
*Hashimito. L'un des forgerons des hauts-quartiers. Il était si gentil, si prévenant. J'ai d'abord résisté à ses avances mais ça devenait de plus en plus compliqué. Parce qu'au fond de moi je désirais cet homme.*
*Et alors vous avez cédé?*
*Oui...*
*Et il l'a appris...*
Tout devient plus clair. Setsuko n'est pas vraiment une experte des sentiments et l'amour reste un concept étrange à ses yeux. Mais on le décrit souvent comme une chose capable de briser les principes les plus solides et capable de vous pousser à faire le meilleur comme le pire. Et cette fois-ci...
*Il m'a... tuée.* elle prononce ce mot comme si elle comprenait enfin. *Il m'a tuée! Je me souviens de cette douleur au cou et du sang chaud qui coulait sur ma poitrine. J'essayais de respirer, de stopper les saignements avec mes mains. De vivre! Mais tout est devenu sombre. Il s'est penché sur moi. Il pleurait. Et...*
*Tu es morte!* conclut-il avec désinvolture. *Tu sembles étonnée! Pourtant c'est typique des humains que de détruire les choses qu'ils ne peuvent entièrement posséder.*
*Jamais je n'aurais pensé que...*
*Bien sûr que non! Qui peut envisager ce genre de choses? Pourtant les faits sont là! Tu gis dans ton propre sang et il t'a privée de ta vie! Tu ne peux pas changer le passé. Mais tu peux toujours influer sur le futur. Que comptes-tu faire maintenant? Ne crois-tu pas qu'il mérite de payer pour son crime? Ne penses-tu pas que tu as le droit de te venger?*
*Oui. Oui! Il doit payer!*
La situation dégénère et Setsuko le sait. Il se fait un malin plaisir de saborder le calme que l'enfant tente de maintenir. Ho ça lui ferait plaisir que de pousser un esprit à s'en prendre à un humain. Mais c'est hors de question. Avant que la défunte se détourne d'elle pour la perspective alléchante qu'il lui offre, l'enfant intervient. Elle pose à nouveau son doigt sur le sceau en face d'elle et active un autre de ses symboles.
*Je ne peux te laisser faire ça! Je suis désolée. Tu dois lâcher prise et trouver le repos. Tu te damneras si tu cèdes à ton envie de vengeance!*
L'esprit se trouble puis est inexorablement attiré par le sceau. Il hurle et les objets commencent à violemment s'agiter dans la pièce. La plupat se brisent en tombant en sol et les vitres elles-mêmes comment se fissurent avant d'exploser en une pluie cristalline. Mais le sceau est parfaitement tracé et la défunte est inexorablement attirée vers son centre. L'enfant va sceller son âme quelques temps. Puis la libérera à nouveau lorsque les choses se seront calmées. Mais c'est sans compter sur lui. Les symboles s'enflamment et le rituel est interrompu. L'esprit disparaît alors comme une furie. Sa cible? Elle semble évidente...
*Pourquoi?*
*Parce qu'elle le désire. Et que ça m'amuse!*
*Elle va le tuer!*
*Probablement.*
*C'est la victime! Je ne vais pas la laisser devenir une coupable à son tour!*
*Ces concepts ne s'appliquent pas aux morts. Ils sont hors de portée de la justice humaine. Mais si tu veux l'en empêcher tu devrais te dépêcher!*
La gamine comprend alors qu'il n'a pas poussé l'esprit à se venger par plaisir. Enfin... Pas seulement en tout cas. C'est bien Setsuko qu'il souhaite mettre à l'épreuve. Pour voir comment elle réagira? Elle se redresse lentement et s'adapte un instant à la chute de pression qui s'ensuit. Des bruits de pas désormais familiers annoncent l'arrivée de Seito et elle se tourne dans sa direction.
"La femme trompait son mari!" lui annonce-t'elle directement. "Il l'a tuée lorsqu'il l'a appris. Il est sûrement à la recherche de son rival à l'heure qu'il est! Et nous avons un autre problème..."
Elle lui explique rapidement ce qu'il vient de se passer avec l'esprit, comment elle a échoué. Et évidemment elle se garde bien d'expliquer le rôle qu'il a joué dans tout ceci. Le temps joue clairement contre eux.
"Connais-tu l'emplacement des forges des hauts-quartiers? Il faut qu'on se dépêche Seito-san! Je m'occuperai de l'esprit mais je ne pourrai rien faire contre le mari!"
Autrement dit c'est à lui que reviendra la tâche de maîtriser l'homme trahi. Setsuko tend sa main pour l'inviter à s'en saisir et à la mener à leur destination avec la délicatesse dont il a fait preuve jusqu'à maintenant. Tout repose sur lui et à sa capacité à trouver cet Hashimito avant l'époux désavoué. Et avant que la défunte elle-même rattrape celui qui lui a ôté la vie. Un esprit qui traque un humain qui lui-même traque un autre humain. On peut dire que la situation est inhabituelle... Tellement inhabituelle que la gamine ne pense même pas à interroger son aîné sur les éventuelles découvertes qu'il aurait faites...

Seito attrapa les informations au vol, sans trop les comprendre. Il ne se focalisa que sur un point de ce que lui avait dit Setsuko: les forges. D'après elle, c'était là que s'était rendu le mari, et c'était là que se trouvait sa probable prochaine victime. Le calcul était vite fait. Les forges étaient leur destination et leur objectif prioritaire. Seito attrapa la main tendue, et dit à son équipière d'une voix assurée mais néanmoins calme:

"Je connais le chemin. Par contre, on va courir ..."

Et c'est ce qu'ils firent. D'un même élan, les camarades quittèrent la maison et repartirent en direction des hauteurs de la cité. Seito profita de ce temps pour faire part à Setsuko de ses propres découvertes.

"J'ai réussi à dénicher l'arme qui a probablement servi à assassiner la femme. C'est une sorte de hachette, du genre assez facile à manipuler. Elle était tâchée de sang, ma conclusion a été vite faite. Des traces de sang, sans doute laissées derrière lui par le meurtrier, se dirigeaient vers la haute ville. Ca correspond parfaitement à ce que vous avez trouvé au contact de l'esprit de la victime. Mais quelque chose m'inquiète un peu ..."

C'était un détail auquel il n'avait jusque-là pas fait attention. Et pourtant, au vu de la situation telle qu'il la connaissait maintenant, c'était beaucoup plus important que ce qu'il n'avait d'abord pensé.

"Avant de vous laisser seule avec le corps, je l'ai observé, ainsi que la mare de sang qui l'entourait. Vous l'aurez peut être remarqué, mais celle-ci était sèche. Le sang présent sur l'arme du crime semble vérifier ceci. Il est donc probable que l'homme que nous recherchons ait commis son crime quelques heures avant que nous n'arrivions sur les lieux. Et par déduction, il a du avoir tout le temps qu'il voulait pour accomplir un deuxième forfait."

Cette hypothèse lui glaça le sang. Il se sentit subitement d'une impuissance remarquable. Il avait l'impression que ses actions n'avaient plus de prise sur quoi que ce soit, et que quoi qu'il arrive, il "tait voué à l'échec de cette mission. La situation semblait en effet désespérée. Ils avaient en face d'eux un fou rendu aveugle par la jalousie. Eux, êtres de raison, ne pouvaient pas comprendre son mode d'action, et étaient donc voués à l'échec dans leur tâche. Et pourtant, Seito ne pouvait pas accepter de perdre cette partie, la première qu'il jouait, contre le crime. Cette mission avait une signification bien plus importante pour lui qu'il n'aurait pu le laisser croire. Il mettait en oeuvre, à travers celle-ci, tous les moyens intellectuels dont il disposait. Il devait parvenir à un résultat satisfaisant. C'étaient ses capacités qui étaient mises en jeu, et il ne voulait pas se décevoir lui-même. C'aurait été renoncer trop vite.

Il comprit alors la clé qui lui manquait, qui leur manquait à tous les deux. Il y avait déjà pensé, en fait, mais n'y avait alors pas prêté assez attention. Ce qu'il leur fallait, c'était bien évidemment chercher à comprendre le meurtrier. Il fallait mettre de côté la raison, et se figurer les sentiments qui avaient pu pousser un homme à s'en prendre à la créature qu'il porte en son sein, qu'il chérit le plus au monde. Seito concentra ses pensées, les focalisa sur ce seul objectif. Il fit le vide dans son esprit, jusqu'à ne laisser qu'une boule d'émotions. Et le déclic se fit. La flamme de l'espoir jaillit de nouveau.

"Tout n'est peut être pas perdu."

Les éléments s'agençaient maintenant parfaitement dans son esprit, alors qu'ils approchaient des forges. Tout devenait limpide, et il était proche de son but.

"Nous avons à faire à un homme rendu jaloux au plus haut point, et dont les pensées sont complètement brouillées par ce sentiment. Il cherche à laver son ego, à redorer son blason. Il veut punir les coupables qui, selon lui, son responsables de sa déchéance. Il l'a déjà fait avec son épouse, nous l'avons constaté nous-même. Il reste donc son amant, le forgeron. Notre criminel doit se dire que c'est ce dernier homme le plus à blâmer dans l'histoire, et si je vois clair, il est possible qu'il ne l'ait pas tué. Pas encore, du moins."

Il pénétrèrent dans la forge en trombe. L'endroit était sombre comme du charbon, à l'exception d'un coin éclairé par un four encore en activité. Cependant, aucun homme ne battait le fer ni ne surveillait le feu.

"Un four est allumé, mais personne ne s'en occupe. Restons silencieux, et ne me quittes pas d'une semelle. Je pense que nos hommes sont là."

Les deux camarades marchaient discrètement sur le sol de pierre, écrasant parfois quelques morceaux de charbon traînant sur les dalles. Le feu encore en activité était source d'un bruit sourd, qui les empêchait complètement de savoir si quelqu'un d'autre était présent dans la forge. Arrivés au bout de la longue salle, les deux enquêteurs se trouvèrent face à une porte. Seito colla son oreille contre la paroi de cette dernière, et entendit un cri strident qui brisa le calme qui régnait alors dans la forge. Son hypothèse se confirma.

D'un violent coup de pied, il ouvrit la porte, et se retrouva devant une scène effroyable. Ligoté à une table de bois, un homme massif et barbu criait à pleins poumons. Son corps était marqué au fer rouge à plusieurs endroits. A côté de lui se tenait un autre individu, plus mince, plus chétif, mais au regard creux et respirant une sorte d'aura de folie. L'entrée en scène des deux nouveaux protagonistes ne sembla cependant pas le perturber le moins du monde, et il plaqua contre l'épaule dénudée de sa victime un fer à cheval chauffé à blanc, avec un rire mêlé de sanglots. Seito grinça des dents, alors que les cris déchirants se faisaient entendre une nouvelle fois dans le bâtiment. Il fallait agir, vite, mais il était complètement paralysé par l'horreur de la situation. Comme pour répondre à la question muette que devait se poser son équipière, il se dit à lui-même:

"J'avais raison. Il le torture ..."

Je me laisse entraîner à un rythme effréné dans les rues du Shozaichi par Seito, obligée de lui faire confiance pour m'éviter les chocs. Il se révèle un plutôt bon guide même si j'ai de la peine à maintenir sa cadence. Se laisser aller à courir alors qu'on ne voit rien d'autre qu'un océan d'obscurité n'est pas une chose aisée. Le corps proteste et la crainte s'installe. J'écoute donc distraitement les conclusions de mon partenaire pour me consacrer uniquement au maintient de mon équilibre précaire. Et nous arrivons finalement à hauteur des forges dont émane une puissante odeur de métal chaud.
"Allons-y plus lentement d'accord?"
Ma crainte? Disons que dans un endroit aussi dangereux elle peut s'exprimer de bien des façons. Je resserre ma main autours de celle de Seito. Et il me prend l'autre avec fermeté. Peut-être qu'il a peur que sa chose soit abîmée dans le feu de la forge. Nous nous enfonçons dans le massif bâtiment et mes guides me font éviter les obstacles en chemin. Le premier se montre irréprochable et le second se contente de le laisser faire en le gardant à l'oeil. Finalement nous arrivons face à une scène malheureusement prévisible. Je ne la vois pas mais la description qu'il m'en fait, l'odeur de chair grillée, les cris puis la confirmation de Seito m'en donnent une image bien assez précise. Trop?
"Je ne ressens pas l'esprit de l'épouse. C'est plutôt bon signe."
Et comme bien souvent il suffit de parler de quelqu'un pour qu'il apparaisse. Certains appellent ça le hasard. En ces circonstances je ne crois pas qu'il ait grand chose à voir avec tout ceci. Je perçois la silhouette fantomatique se rapprocher de l'un des hommes. Sans doute le tortionnaire puisque sa respiration est excitée. Et lorsqu'elle commence à le toucher je lâche un soupire de résignation.
"Elle est là. Elle tente de s'emparer du corps de l'amant." je sens le stress m'envahir. "Et elle va y parvenir si on ne fait rien. J'ai besoin d'un peu de temps pour apposer un sceau qui empêchera la possession. Mais il faut empêcher le mari de..."
Je m'interromps et pousse un cri quand la main qu'il tient entre en contact avec un fer à cheval en train de refroidir. Et le rire sadique qui ponctue mon hurlement de douleur m'indique plutôt clairement qui est le responsable de tout ceci. Au cas où j'aurais un doute. Je serre ma main brûlée contre ma poitrine naissante par réflexe tandis que l'assassin remarque finalement notre présence.
*Pourquoi?*
*Je suis curieux... Est-ce que tu arriveras à gérer la création et l'exécution d'un sceau avec une main blessée et dans une situation stressante? Je n'ai pas réussi à répondre à cette question. Alors tu vas le faire à ma place.*
J'aimerais tellement pouvoir lui sauter à la gorge et le faire souffrir autant qu'il m'a fait souffrir au cours de ces années. Mais j'en suis incapable. Il me briserait comme le fétu de paille que je suis. Alors je serre les dents et tente de m'habituer à la douleur provoquée par la morsure de la chaleur. Mais je ne peux pas rester là, inactive. L'assassin semble encore surpris par notre présence. Mais ça ne durera pas. Et l'esprit essaie déjà de s'infiltrer dans le corps de l'amant...
"Si elle arrive à prendre possession de l'amant, on aura un gros problème Seito!"
J'aimerais avoir plus de temps pour lui parler du danger que représente un esprit prenant le contrôle d'un mortel mais des bruits de pas enragés se rapprochent. Visiblement le tortionnaire n'est pas disposé à nous laisser l'honneur du premier coup. Tentant de mon mieux d'anticiper une attaque qui semble me viser, j'espère que mon partenaire saura me protéger des assauts de cet enragé. Et le neutraliser.

Seito frémit lorsque Setsuko lui annonça l'arrivée du spectre dans la pièce. Il n'y avait plus une seconde à perdre. Lui, comme simple mortel, ne pouvait rien contre l'esprit. C'était une créature d'âme, intangible, qu'il ne pouvait même pas voir ou sentir. Il pouvait seulement en être la victime. Cependant, il doutait que le fantôme de la jeune femme décide de s'en prendre à lui. Sa cible, c'était de toute évidence son assassin, son mari. Mais celui-ci représentait également un danger. La situation était complexe, et il fallait pourtant agir vite. Le mari était menacé par le spectre, mais menaçait également l'homme étendu sur la table. La décision de Seito fut vite prise. Il neutraliserait le vivant, et laisserait sa coéquipière s'occuper du domaine des esprits. Il allait passer à l'action quand Setsuko poussa un cri soudain. Elle avait touché un fer encore fumant, et sa main subissait déjà les dommages de la brûlure. Seito aurait voulu s'en inquiéter et lui porter assistance, mais le temps lui manquait. Déjà, le tortionnaire brandissait de nouveau son propre fer, rougeoyant des flammes de la folie.

Seito canalisa sa force, et plaqua ses deux mains sur le sol dallé. Un mur de pierre surgit dans le mince espace séparant le torturé et le bourreau, suffisamment haut pour empêcher tout contact entre les deux hommes. Réalisant soudain la présence des deux intrus, le meurtrier se rua sur eux. Il hésita un instant, avant de choisir de prendre Setsuko pour cible. Il lui lança dessus son fer, comme une lance chauffée à blanc. Seito réfléchit à toute vitesse. Il avait été préparé à une situation comme celle-ci pendant toute son enfance. Ce genre d'événement, de combat, c'était ce à quoi il avait toujours appréhendé de participer. Et pourtant, il en était maintenant un acteur, et il devait agir le plus vite possible. Un mur de pierre serait trop long à ériger. Il fallait mettre un autre obstacle sur la trajectoire du projectile. Une fois de plus, la conclusions s'imposa d'elle-même. Seito leva son bras, et fit barrage de sa propre chaire. Le fer lui brûla la peau avec une intensité telle qu'il crut un moment s'évanouir sous la douleur. Il laissa échapper un cri de douleur. Il ne pouvait cependant pas succomber. Il fallait qu'il reste conscient, ne serait-ce que pour protéger ceux qui pouvaient encore l'être.

L'enragé se dirigeait maintenant vers lui, avec la fureur d'une bête. Seito reçut en plein estomac un coup de poing qui le laissa sans souffle pendant quelques secondes. Il fallait mettre au tapis le dégénéré, mais Seito ne voulait pas le tuer. Aussi, il exclut d'emblée l'utilisation du Yôton, provoquant des dégâts trop imprévisibles pour être parfaitement contrôlé. Il allait se battre avec ses mains seules. Il évita de justesse un nouveau coup destiné à son visage, et en renvoya un dans les côtes de son adversaire. Celui-ci ne sembla cependant pas être affecté outre-mesure, et ne reprit même pas sa respiration avant d'envoyer un nouvel assaut. Seito dévia le coup de pied avec son coude, et saisit la jambe de l'opposant, le faisant s'écraser face contre terre. Il se prépara alors à utiliser un Jutsu pour ligoter sa cible, mais celle-ci se remit sur pied quasi-instantanément, et donna un coup de genou à Seito, qui le reçut en pleine poitrine. Il resta sans respiration pendant un bref instant, durant lequel il ne put que deviner et difficilement éviter les autre assauts. Cependant, lorsqu'il fut de nouveau en pleine possession de ses moyens, il décocha un coup de pied qui alla se nicher droit dans l'estomac du meurtrier. Celui-ci recula de quelques pas, le souffle coupé, avant de tomber en arrière. Seito réagit immédiatement, et plaqua de nouveau ses mains sur le sol. Des lianes de roches s'enroulèrent de concert autour du corps inconscient de l'assassin.

Seito tomba à genou, haletant. Le combat avait été violent, mais il était finalement venu à bout du fou. Celui-ci gisait maintenant, sans connaissances, sur le sol froid, plaqué contre celui-ci par le jutsu de Seito. Ce dernier évalua les dégâts qu'il avait subi. Son bras droit le faisait beaucoup souffrir. En l'examinant, il découvrit que la brûlure avait carbonisé la peau, et mis à jour la chaire rougeoyante et palpitante sous l'effet de la douleur. Mis à part ceci, il avait été frappé au niveau du torse et de l'estomac. Il devrait s'en sortir avec quelques contusions et ecchymoses.

Il se leva tant bien que mal, afin d'aller libérer le forgeron, qui s'était également évanoui pendant l'affrontement.

"Le mari ... est à terre ... Il est encore vivant."

Il prononçait ces paroles quand le corps fut agité de spasmes. Seito réalisa alors avec horreur qu'il avait laissé de côté un danger pendant son combat. En effet, le fantôme de la jeune femme n'avait pas encore accompli son terrible office, et ce devait être lui la cause des soudains soubresauts de l'assassin.

"Je pense que notre victime se fait justice elle-même. Elle a l'air d'avoir pris possession du corps de son mari. A toi de la chasser ..."

Il tomba à genoux à la fin de sa phrase, trop épuise pour pouvoir même tenir debout. Il allait devoir laisser Setsuko en finir une bonne fois pour toutes avec cette affaire. C'était maintenant un dossier outre-monde.

Seito pousse un cri et je sursaute. J'ai bien entendu un objet fendre l'air et se rapprocher de moi mais je n'avais pas imaginé que le jeune homme ferait barricade de son corps. Je n'ai toutefois guère le temps de le remercier puisque l'esprit de la femme se rapproche de l'amant emprisonné. J'avance aussi vite que ma cécité et la forge me le permettent, faisant de mon mieux pour franchir les obstacles sur mon chemin. Et finalement ma main se pose sur la peau chaude et en partie brûlée du captif. Mais je n'ai pas d'encre pour y apposer un sceau qui empêchera sa possession.
"Je... Je suis désolée!"
Je saisis mon poignard et entaille avec peu de précaution la cuisse de l'homme. C'est sans doute un peu bizarre de l'aider en accentuant sa douleur mais lui expliquer serait bien trop long. Je récolte le sang sur ma lame et commence à tracer les contours du symbole de protection.
*Il est à moi!*
*Non. Ce n'est pas un outil dont vous pouvez disposer à votre guise.*
*Tu te poses en ennemie?*
*Vous me poussez à le faire...*
*Alors tu mourras avec lui!*
*Tu n'es pas en mesure de me faire du mal.*
*Et si tu veux pouvoir profiter de ta mort je te conseille de ne pas tenter ta chance...*
La menace semble claire. Il apparaît dans mon dos et pose son regard sur l'esprit. Il me refuse son aide et me complique même la tâche comme ma main brûlée peut en témoigner. Mais Il ne semble pas disposé pour autant à laisser la défunte s'en prendre à moi. Je sais qu'Il aura l'avantage en cas d'affrontement entre les deux entités. Et elle le sait aussi. Elle se désintéresse donc de moi et se concentre sur son amant à présent évanoui. Une course contre la montre s'engage. Vais-je pouvoir la bloquer avant qu'elle n'en prenne possession?

Je m'active de ma seule main valide pour tracer les symboles que j'ai maintes fois fait. Mais la pression imposée par la situation, le bruit du combat entre Seito et le mari trahi, le spectre qui lutte contre moi, ma blessure... Tant de choses qui ne me facilitent guère les choses. Je parviens toutefois à me montrer la plus rapide. De très peu. L'esprit est sur le point de prendre le contrôle de son amant mais est violemment repoussé à l'autre bout de la pièce, traversant le mobilier et les supports sans les impacter.
*C'est trop tard! Nous avons l'avantage! Ton mari paiera le prix de son crime. Mais tu dois te résoudre à laisser un autre obtenir en ton nom la vengeance que tu désires! Regardes!*
Il s'est penché sur le corps du mari. Il m'avait averti dès le départ: l'âme du meurtrier serait sienne. Et Il s'apprête à agir en adéquation avec ses propos. Je l'observe aspirer l'âme de l'homme inconscient et ainsi la condamner à des tourments que les mots ne peuvent décrire. Il ne reste plus qu'une coquille vide à ramener aux autorités du Shûkai. Des spasmes parcourent son corps et Seito me demande d'agir. Il pense que c'est l'esprit de la femme qui est responsable.
"Je m'en occupe!" je me traîne vers le corps en me fiant à sa respiration haletante pour le situer. "La possession a commencé mais je peux la ralentir voir l'inverser si j'arrive à poser les bons sceaux à temps."
Ce que je fais en sachant pertinemment que ça ne sert à rien. Mais il faut donner le change. Les tremblements vont cesser. N'ont parce que j'aurai réussi à chasser celle qui est sensée en être responsable mais parce qu'Il en a bientôt terminé. Et en effet les spasmes cessent peu à peu.
"J'ai pu repousser l'esprit. Mais j'ai bien peur qu'elle ait déjà causé des dommages irréparables... Pour l'amant je crois que ça va aller. J'espère qu'il se remettra de ses blessures."
Je me redresse et passe le revers de ma main valide sur mon front rempli de sueur. Est-ce que ça lui semble plausible? Je l'espère. Je ne peux pas lui dire la vérité. Le mieux est encore de changer de sujet, de l'entraîner loin du questionnement.
"En fait, pour tout à l'heure... C'est de ma faute. J'ai attiré l'attention du coupable en me brûlant. Tu n'avais pas à en payer le prix." J'oublie le plus important. "Merci beaucoup!"
Je m'assoies sur le sol pour reprendre des forces. C'est rare que je doive remercier les gens. Ils ne m'apportent rien sinon du mépris ou du rejet. Ce qui n'est pas le cas de mon partenaire. Ça change, c'est agréable. Le spectre de la femme infidèle est toujours là, à nous observer. Elle a d'une certaine façon obtenu ce qu'elle désirait. Et ça semble lui convenir - a-t'elle le choix de toute façon? - puisqu'elle finit par s'estomper. Puisse-t'elle trouver le repos.
"On ferait peut-être bien d'emmener le forgeron pour qu'il reçoive des soins? J'espère qu'il ne m'en voudra pas trop de l'avoir entaillé..." C'était pour son bien. "Et il faudra aussi porter le prisonnier jusqu'aux geôles."
Et par là j'entends bien évidemment que Seito devra se charger de le transporter. Je n'ai pas assez de forces pour le faire même si je le souhaitais. Je me demande comment ils jugeront un homme qui n'est même plus conscient du monde qui l'entoure. Ce n'est plus qu'une coquille vide. Il est déjà mort même si son corps vit encore. Quoi qu'il en soit la mission, même si elle n'est pas un franc succès vu le captif dont on hérite, semble terminée. Ce n'est pas facile la vie de shinobi...

Le calme retomba d'un coup sur la forge. On n'entendait plus que le doux ronronnement des fourneaux à côté. Seito, toujours haletant, avait regardé Setsuko pratiquer ses arts occultes sur le corps inconscient du meurtrier, qui s'était finalement calmé après une agitation frénétique. Tout semblait fini. D'un mouvement des mains, Seito détruisit les liens de roches qu'il avait lui-même créés pour emprisonner l'assassin. Ceux-ci tombèrent en miettes sur le torse de leur prisonnier, qui restait immobile, les yeux grands ouverts. Un terrible pressentiment envahit soudain le jeune soldat. D'une main tremblante, il posa ses doigts sur la gorge de l'homme allongé. Il était faible, mais il perçut tout de même un pouls. Le coupable n'était pas mort. Il pourrait être emprisonné pour de bon, et jugé selon les crimes qu'il avait commis. Et Seito lui aussi avait envie de l'interroger.

Il voulait toujours autant comprendre ce qui avait pu pousser un homme à tuer la personne qu'il chérissait le plus au monde. Cette énigme était restée sans réponse pendant leur enquête, et il tenait absolument à en trouver une. Aussi, il avait voulu blesser son adversaire sans pour autant le tuer, afin de pouvoir toujours avoir une conversation avec lui. Il allait l'emmener dans une prison où il serait gardé en bonne sécurité et où il pourrait être interrogé. Car Seito souhaitait à tout prix comprendre ce qui avait pu, dans la tête de cet homme allongé devant lui, légitimer un tel acte.

Ce n'est qu'à ce moment qu'il réalisa que celui qui avait fait l'objet de leur traque paraissait étrangement sonné. Mais il n'y prêta guère attention, se disant qu'il ne s'agissait finalement que d'une malheureuse conséquence du combat qui venait d'avoir lieu. Il se tourna ver Setsuko, qui venait de prendre la parole pour la suite du programme.

"Je vais l'emmener en cellule, et je demanderais une équipe médicale là-bas. D'ailleurs, ils vont tous les deux avoir besoin de soins ..."

Il se leva péniblement, portant sur son épaule celui qui fut son adversaire pendant un bref instant, et qui s'apparentait pour l'instant à une légumineuse. Ceci, Seito ne le savait cependant pas.

"Il est temps de se dire au revoir, j'imagine. Mais ... j'ai la certitude qu'on se reverra bientôt. Après tout, ce n'est pas si grand que ça Shozaichi ..."

Il jeta un dernier regard à la jeune fille à terre, devant lui. Il était loin de se douter de toutes les capacités qu'elle lui cachait, et de tout ce qu'elle pouvait accomplir avec ses pouvoirs si particuliers. Mais dans le regard observateur du jeune homme perçait une lueur de curiosité.

Il prit finalement le chemin des cellules du Shozaichi, son fardeau humain sur les épaules. Les passants se retournaient avec un air étonné et inquiet à la fois, sur son chemin. Lui, cependant, n'était plein que de l'honneur d'avoir accompli à bien sa mission. Il pourrait interroger son prisonnier, et tirer de lui toutes les informations qu'il souhaitait quant à ce qui avait motivé son meurtre. Justice pourrait être rendue sans que la mort n'ait eu à y mettre son grain de sel. Seito laissa le prisonnier aux gardiens de la prison, et leur commanda également une équipe médicale pour les forges. Il se doutait que Setsuko serait déjà partie quand celle-ci arriverait. Peut être ne voulait-elle pas les croiser, de peur qu'ils ne la prennent en grippe ? Peut être son mode de vie si particulier lui convenait-il, finalement ...? Seito pouvait le concevoir, mais se refuser à penser qu'il était sain. Il savait qu'ils se reverraient, lui et cette gamine si particulière.

La mission était accomplie.

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